[13] L’article 240 du Code criminel prévoit que tout complice de meurtre après le fait est coupable d’un acte criminel. L’infraction s’appuie sur la définition donnée, au par. 23(1) du Code criminel, au « complice après le fait » :
Accessory after the fact 23(1) An accessory after the fact to an offence is one who, knowing that a person has been a party to the offence, receives, comforts or assists that person for the purpose of enabling that person to escape.
[Emphasis added.] | Complice après le fait 23(1) Un complice après le fait d’une infraction est celui qui, sachant qu’une personne a participé à l’infraction, la reçoit, l’aide ou assiste en vue de lui permettre de s’échapper.
[Soulignement ajouté.] |
[14] Dans ses motifs, le juge a renvoyé expressément à l’art. 240 et au par. 23(1) du Code criminel et exposé les éléments que le ministère public devait prouver hors de tout doute raisonnable, dans le contexte de l’affaire, pour que soit prononcé un verdict de culpabilité :
(1) M. Polchies a commis un meurtre.
(2) M. O’Hara savait que M. Polchies avait commis un meurtre.
(3) M. O’Hara a fourni de l’aide à M. Polchies.
(4) M. O’Hara a fourni l’assistance dans le but de permettre à M. Polchies de s’échapper.
[19] Dans ses motifs, le juge a correctement lié l’infraction visée à l’art. 240 du Code criminel au par. 23(1) du Code et a déclaré qu’il devait analyser les actions de M. O’Hara après le meurtre pour déterminer si elles répondaient au critère préliminaire énoncé dans ce paragraphe. Il convient de répéter que le juge a exposé les éléments essentiels de l’infraction que le ministère public devait prouver hors de tout doute raisonnable de la façon suivante :
[TRADUCTION]
[…] Dans l’ouvrage intitulé Watt’s Manual of Jury Instructions, 2e éd., le juge Watt énonce, aux p. 473 et 474, les éléments de l’infraction qui, dans le contexte de la présente instance, peuvent être formulés ainsi :
i. M. Polchies a commis un meurtre;
ii. M. O’Hara savait que M. Polchies avait commis un meurtre;
iii. M. O’Hara a fourni de l’aide à M. Polchies;
iv. M. O’Hara a fourni l’assistance dans le but de permettre à M. Polchies de s’échapper. [par. 43]
[20] Le juge a abordé les deux premiers éléments et souligné qu’ils n’étaient pas contestés. Il s’est ensuite penché sur les deux éléments restants : l’apport d’une assistance et l’objectif visé par celle‑ci.
[21] Dans ses motifs, le juge a examiné divers éléments de preuve qui, selon le ministère public, démontraient que M. O’Hara avait fourni une assistance à M. Polchies pour lui permettre de ne pas être tenu responsable du meurtre. Tout au long de son analyse, le juge a gardé à l’esprit l’élément de l’intention quant à l’infraction, évaluant avec soin si la preuve en étayait l’existence. Le fait que le juge ait examiné le droit en matière de [TRADUCTION] « double objectif » et évalué particulièrement si M. O’Hara, par ses actions, avait pu avoir pour double objectif d’aider M. Polchies, d’un côté, et d’éviter que l’on ait des soupçons à son égard, d’un autre côté, montre également qu’il a prêté attention tant aux conséquences des actions de M. O’Hara qu’à l’intention qui les animait.
[22] M. O’Hara s’appuie sur les passages suivants des motifs pour soutenir que le juge a confondu, d’une part, la connaissance qu’un acte puisse aider une personne à échapper à la responsabilité et, d’autre part, l’obligation de prouver qu’un acte intentionnel a été commis pour aider une personne à échapper à la responsabilité :
[TRADUCTION]
[…] La camionnette, comme le fusil de chasse, est un élément de preuve important dans le meurtre de M. Sisson. Peu après le meurtre, M. O’Hara a décidé que la meilleure chose à faire en ce qui concerne la camionnette était de la vendre et de la sortir de la région de Fredericton. Elle a apparemment été vendue à Moncton et le titre de propriété a été transféré à M. Killam (M. Leslie). À mon sens, c’était incontestablement une tentative de la part de M. O’Hara de limiter les risques que la police la trouve. Bien que cela puisse certainement soutenir la thèse de M. O’Hara selon laquelle il essayait seulement d’éviter que le meurtre lui soit imputé (d’échapper au péril auquel il était lui-même exposé), il savait que c’était M. Polchies qui avait assassiné M. Sisson et que la vente de la camionnette faciliterait la fuite de quiconque avait commis le meurtre.
[…]
[…] Bien que M. O’Hara affirme qu’il était motivé par l’instinct de conservation, que ce soit par rapport à sa propre arrestation ou aux mains de M. Polchies, je ne peux arriver à aucune autre conclusion que celle qu’il savait également que ce qu’il a fait, en particulier en ce qui concerne la camionnette GMC, aiderait le meurtrier, en l’occurrence M. Polchies, à échapper aux conséquences juridiques du meurtre qu’il a commis. [Gras et soulignement ajoutés; par. 48 et 53]
[23] Avec tous les égards possibles pour l’avocat de M. O’Hara, souscrire à cet argument reviendrait à décortiquer avec finesse les motifs du juge, ce que la Cour suprême a enjoint expressément aux juridictions d’appel de ne pas faire. Le libellé ambigu ou les expressions imprécises utilisés dans certaines parties des motifs du juge ne dispensent pas de l’obligation d’interpréter la décision de manière globale, fonctionnelle et contextuelle. Finalement, le juge en est venu à la conclusion suivante :
[TRADUCTION]
Je suis d’avis et je conclus que M. O’Hara a agi comme il l’a fait (relativement à la camionnette GMC) dans un but qu’il savait être non seulement utile pour lui-même, mais aussi pour M. Polchies. Il convient de noter que, si l’offre de M. O’Hara de faire le guet lors d’une visite de M. Polchies à sa mère ne suffit pas à elle seule à constituer la complicité, elle montre que M. O’Hara était disposé à aider M. Polchies à échapper aux conséquences juridiques de son acte. Les actions accomplies par une personne dans l’intention de cacher, détruire ou masquer les éléments de preuve d’un crime connu (le meurtre de M. Sisson), et commis par une personne connue (M. O’Hara savait que M. Polchies avait commis le meurtre), aident effectivement cette personne connue (M. Polchies) à échapper aux conséquences juridiques de ses actes.
À mon avis, et c’est la conclusion à laquelle j’en viens, le ministère public s’est acquitté du fardeau qui lui incombait de prouver chacun des éléments de l’infraction de complicité après le fait de M. O’Hara dans le meurtre de M. Sisson. Bien que M. O’Hara affirme qu’il était motivé par l’instinct de conservation, que ce soit par rapport à sa propre arrestation ou aux mains de M. Polchies, je ne peux arriver à aucune autre conclusion que celle qu’il savait également que ce qu’il a fait, en particulier en ce qui concerne la camionnette GMC, aiderait le meurtrier, en l’occurrence M. Polchies, à échapper aux conséquences juridiques du meurtre qu’il a commis. [Gras et soulignement ajoutés; par. 52 et 53]
[24] Je souscris à ce raisonnement qui, à mon avis, démontre qu’est dépourvue de fondement l’affirmation de M. O’Hara voulant que le juge ait confondu la connaissance qu’un acte puisse aider une personne à échapper à la responsabilité et l’action posée intentionnellement pour apporter une telle aide. L’argument selon lequel M. O’Hara a offert de faire le guet pendant que M. Polchies rendait visite à sa mère pour éviter que l’on ait des soupçons à son égard ne résiste pas à l’analyse non plus. L’intention de M. O’Hara était manifestement d’aider M. Polchies à ne pas être découvert. Bien que, comme le juge du procès l’a déclaré, l’action envisagée n’ait pas abouti en fin de compte, l’intention en a été néanmoins exprimée, et cela dénote l’état d’esprit de M. O’Hara lorsqu’il a posé les autres actions visées par l’accusation. Je rejetterais cette composante de son moyen d’appel.
[29] Aux paragraphes 52 et 53 de ses motifs, le juge indique que les actions de M. O’Hara relatives à la GMC Sierra et son offre de faire le guet lors d’une visite de M. Polchies à sa mère [TRADUCTION] « montre[nt] » que M. O’Hara était disposé à aider M. Polchies à échapper aux conséquences juridiques de ses actes. Le juge fournit l’explication suivante : [TRADUCTION] « Les actions accomplies par une personne dans l’intention de cacher, détruire ou masquer les éléments de preuve d’un crime connu […], et commis par une personne connue […], aident effectivement cette personne connue […] à échapper aux conséquences juridiques de ses actes. » Finalement, il conclut que le ministère public s’est acquitté du fardeau qui lui incombait de prouver chacun des éléments essentiels de l’infraction de complicité après le fait dans le meurtre de M. Sisson.
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