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mercredi 3 décembre 2025

La requête de type Corbett a pour objectif de restreindre le contre-interrogatoire de la poursuite sur les antécédents de l'accusé

Pallagi c. R., 2024 QCCA 1694

Lien vers la décision


[14]      L’appelant a un long casier judiciaire, ayant notamment été déclaré coupable de tentative de meurtre, d’enlèvement, de vol à main armée, de possession et utilisation d’une arme à feu prohibée et arme à autorisation restreinte, de vol, d’évasion d’une garde légale, de violation des conditions, de méfait, d’entrave au travail d’un officier de police, et de possession de drogues, parmi d’autres.

[15]      L’appelant ayant choisi de témoigner au procès pour démentir avoir commis les vols qualifiés et pour suggérer qu’un tiers en était l’auteur, il a présenté une requête de type Corbett sollicitant une ordonnance restreignant le contre-interrogatoire de la poursuite sur ses antécédents à ceux qui n’impliquaient pas de violence physique, d’arme à feu ou de vol qualifié[10].

[16]      Le juge a accueilli en partie la requête, en interdisant toute mention des déclarations de culpabilité pour tentative de meurtre et enlèvement pendant le contre-interrogatoire. Toutefois, il a autorisé la poursuite à poser des questions sur toutes les autres condamnations, y compris celles pour vol qualifié.

[17]      L’appelant fait appel en ce qui concerne ses condamnations antérieures pour vol qualifié. Il ne nie pas que sa crédibilité est l’une des questions au cœur du procès[11]. Il reconnaît également que les condamnations antérieures sont admissibles en preuve et que leur exclusion est l’exception[12]. Il reconnaît en outre que le vol qualifié peut être assimilé à une conduite malhonnête [traduction] « dans la mesure où la duperie est implicite dans l’élément de vol de cette infraction »[13]. Toutefois, il prétend, vu que les condamnations antérieures pour vol qualifié visent des gestes de même nature que les accusations pesant contre lui au procès, qu’il existe un risque réel que le jury interprète ces condamnations antérieures comme la preuve d’une propension à commettre des vols qualifiés[14]. Par conséquent, l’appelant soutient que le juge de première instance a erré en concluant que l’effet préjudiciable des condamnations antérieures pour vol qualifié ne l’emportait pas sur leur valeur probante.

[18]      Le juge de première instance a expliqué en ces termes sa décision de ne pas exclure les condamnations pour vol qualifié[15] :

[traduction]

[50]      À l’issue de son interrogatoire principal, M. Pallagi a demandé à la Cour de reconsidérer sa décision sur la requête de type Corbett. Il a demandé que ses condamnations pour vol qualifié soient présentées comme des condamnations pour vol. La Cour a confirmé sa décision pour les motifs suivants :

50.1.     Tenant pour acquis que la décision sur la requête de type Corbett peut être modifiée à ce stade, je confirme toutefois cette décision.

50.2.     Il n’y a pas lieu d’exclure les condamnations pour vol qualifié. La valeur probante de ces condamnations l’emporte encore sur leur effet préjudiciable. La preuve de la défense ne s’écarte pas nettement de ce qui a été divulgué. Les antécédents criminels de M. Pallagi demeurent d’une grande utilité pour apprécier sa crédibilité, à la lumière de tous les facteurs pertinents, dont la nécessité de ne pas présenter un portrait déformé de la réalité au jury, étant donné que le témoignage de M. Pallagi suggère que d’autres individus ont perpétré les vols qualifiés.

[…]

[54]      En effet, la crédibilité de M. Pallagi est l’une des questions en litige. Il proclame son innocence et désigne un tiers responsable des braquages de banque dont il est accusé. Le jury a le droit d’apprécier sa crédibilité à la lumière de toute l’information pertinente. Exclure ses condamnations pour des infractions graves contre la personne brosserait un portrait déséquilibré et trompeur de la réalité. L’extrait suivant des motifs du juge en chef Dickson dans l’arrêt Corbett, aux paragraphes 35 et 36, s’applique bien à la présente situation :

35.        Il y a peut‑être le risque que le jury, si on lui apprenait que l’accusé a un casier judiciaire, attache à ce fait plus d’importance qu’il ne le devrait. Cependant, la dissimulation du casier judiciaire d’un accusé qui témoigne prive le jury de renseignements se rapportant à sa crédibilité et crée un risque sérieux que le jury obtienne une description trompeuse de la situation.

36.        À mon avis, la meilleure façon de réaliser l’équilibre et d’atténuer ces risques est de fournir au jury des renseignements complets, mais de lui donner, en même temps, des directives claires quant à l’usage limité qu’il doit faire de ces renseignements. Les règles qui imposent des restrictions aux renseignements pouvant être portés à la connaissance du juge des faits devraient être évitées sauf en dernier recours. Il vaut mieux s’en remettre au bon sens des jurés et leur donner tous les renseignements pertinents, à condition que ceux‑ci soient accompagnés de directives claires dans lesquelles le juge du procès précise les limites de leur valeur probante en droit.

[55]      Qui plus est, le mépris persistant de l’accusé pour la loi est pertinent pour apprécier sa crédibilité. Ses nombreuses condamnations, notamment pour des crimes violents, pourraient témoigner de son manque de respect pour les lois, les règles de la société et la vérité (Tremblay c. R., 2006 QCCA 75, paragr. 18R. v. Saroya,1994 CanLII 955 (C.A. Ont.), paragr. 10R. v. Charland1996 ABCA 30, paragr. 36confirmé par R. c. Charland[1997] 3 R.C.S. 10061997 CanLII 300R. v. Ivey2003 CanLII 29755 (Q.C. Qué.), paragr. 14).

[56]      Plus particulièrement s’agissant des condamnations pour vol qualifié, bien que violentes par nature, ces infractions impliquent aussi une certaine malhonnêteté. Ce facteur plaide pour leur admission aux fins de l’appréciation de la crédibilité (LSJPA—10372010 QCCA 1627, paragr. 155; voir également Gabriel c. R.2020 QCCA 1210, paragr. 88). S’il est vrai que ces infractions sont semblables aux infractions visées par l’acte d’accusation, les exclure minimiserait indûment la gravité et la constance du casier judiciaire de M. Pallagi (R. v. Clarke2014 ONCA 777, paragr. 4-11).

[19]      Conformément à ces conclusions, dans ses directives au jury, le juge de première instance a expliqué aux jurés qu’ils ne devaient pas considérer les condamnations antérieures de l’appelant comme une preuve de sa propension à commettre des vols qualifiés, mais qu’ils devaient tenir compte de ces condamnations exclusivement pour évaluer la crédibilité de son témoignage[16].

[traduction]

(E) condamnations antérieures

[66]      Vous avez entendu que M. Pallagi a déjà été déclaré coupable d’un certain nombre d’infractions criminelles. La défense a choisi de divulguer d’emblée le casier judiciaire de M. Pallagi. L’avocat de la poursuite l’a également interrogé à cet égard. Vous ne devez pas considérer le fait que M. Pallagi a commis des crimes par le passé comme une preuve qu’il a commis les crimes dont il est accusé.

[67]      Vous ne pouvez tenir compte des condamnations antérieures que pour vous aider à déterminer quel poids donner au témoignage de M. Pallagi. Prenez en considération le nombre, la nature et les dates des condamnations antérieures. Certaines condamnations, par exemple celles pour des infractions impliquant une certaine malhonnêteté, pourraient être plus pertinentes que d’autres. De la même façon, une condamnation plus ancienne pourrait être moins importante qu’une condamnation plus récente.

[68]      L’existence de condamnations antérieures ne rend pas forcément le témoignage de M. Pallagi non crédible ou non fiable. Ce n’est que l’un des nombreux facteurs à prendre en compte dans l’appréciation du témoignage de M. Pallagi.

[69]      J’insiste : vous ne devez pas vous appuyer sur la preuve des condamnations antérieures pour conclure que M. Pallagi est une personne de mauvaise moralité et qu’il est par conséquent probable qu’il a commis les crimes dont il est accusé.

(F) Interdiction de la preuve de mauvaise moralité et de la preuve de propension contre l’accusé

[70]      Il est possible que vous pensiez, vu la preuve, que M. Pallagi a un mode de vie douteux, un comportement répréhensible ou des relations discutables.

[71]      Dans notre système de justice, nous jugeons les accusés pour les chefs énumérés dans l’acte d’accusation, et non pour quelque autre conduite répréhensible passée ou présente, leur mode de vie, leur réputation, leur mauvaise moralité ou leur disposition. Vous ne pouvez pas inférer que M. Pallagi est coupable du fait qu’il est le genre de personne qui est susceptible de commettre une infraction criminelle. Un tel raisonnement est injuste, inutile et trompeur et n’a pas sa place dans une cour de justice.

[72]      Et, comme je viens de le dire, le casier judiciaire de M. Pallagi ne doit servir qu’à évaluer la crédibilité de son témoignage.

[20]      Nous ne voyons aucune erreur dans le raisonnement du juge de première instance.

[21]      Comme la Cour l’a statué dans l’arrêt Tremblay c. R.[17], un mépris persistant des lois est pertinent dans l’appréciation de la crédibilité d’un témoin. Bien qu’il puisse exister des situations dans lesquelles un tribunal de première instance estime souhaitable de priver le jury d’informations sur des condamnations antérieures, chaque cas doit être décidé sur la base des faits propres à l’espèce, étant entendu que l’admissibilité des condamnations antérieures devrait être favorisée plutôt que leur exclusion, comme le notait le juge en chef Dickson dans l’arrêt Corbett[18] :

Je suis d’accord avec mon collègue le juge La Forest pour dire que les règles fondamentales du droit de la preuve comportent un principe d’inclusion en vertu duquel il est permis de produire en preuve tout ce qui sert logiquement à prouver un fait en litige, sous réserve des règles d’exclusion reconnues et des exceptions à celles‑ci. Pour le reste, c’est une question de valeur probante. La valeur probante d’un élément de preuve peut être forte, faible ou nulle. En cas de doute, il vaut mieux pécher par inclusion que par exclusion et, à mon avis, conformément à la transparence de plus en plus grande de notre société, nous devrions nous efforcer de favoriser l’admissibilité, à moins qu’il n’existe une raison très claire de politique générale ou de droit qui commande l’exclusion.

[Soulignement ajouté]

[22]      En l’espèce, l’appelant a décidé de témoigner tant pour démentir son implication dans les vols qualifiés que pour orienter les soupçons vers un tiers. Ce faisant, il a fait de sa crédibilité un élément central du procès. Dans ce contexte, le juge de première instance n’a commis aucune erreur révisable en admettant les condamnations antérieures pour vol qualifié, ses directives au jury étant une manière adéquate de gérer l’effet préjudiciable des condamnations en ce qui a trait à la propension.

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