[34] Notre Cour a entériné l’approche d’autres cours d’appel et elle a clairement reconnu que les conditions sévères de mise en liberté sont un facteur pertinent dans la détermination de la peine dont le poids relatif est cependant variable : R. c. Larouche, 2012 QCCA 2272, par. 32, citant R. c. Panday, 2007 ONCA 598; R. c. Ijam, 2007 ONCA 597; R. c. Voeller, 2008 NBCA 37.
[35] Cette jurisprudence consacre le fait que l’assignation à domicile est certainement un facteur pertinent. Il est logique aussi de penser que le poids relatif des conditions restrictives augmente avec la durée de l’ordonnance et des allégements éventuels qui ont pu survenir. Encore une fois, c’est l’exercice d’individualisation qui gouverne en la matière. Cela dit, notre Cour a souligné la pertinence de conditions restrictives de liberté, et pas seulement de l’assignation à domicile, dans quelques arrêts et dans divers contextes : R. c. Berish, 2011 QCCA 2288, par. 21; R. c. St-Cyr, 2018 QCCA 768, par. 64; R. c. Camiré, 2010 QCCA 615, par. 81.
[36] Parfois identifié comme un facteur atténuant, il est davantage un « facteur pertinent » à l’analyse. Plus récemment, la Cour réitère qu’il « n’y a aucun doute qu’un juge peut tenir compte des conditions de mise en liberté dans la détermination de la peine, mais cette considération relève de sa discrétion » et elle précise que cela n’est pas un facteur atténuant comme tel, mais participe davantage à la détermination finale d’une peine juste et équitable : R. c. Sanon, 2018 QCCA 892, par. 8.
[37] Dans les jours qui ont suivi l’arrêt Sanon, la Cour suprême déposait l’arrêt Suter et semble donner raison à cette approche. D’une part, la Cour suprême précise que les facteurs « aggravants » ou « atténuants » au sens du Code criminel se rattachent à la gravité de l'infraction ou au degré de responsabilité du délinquant alors que d’autres circonstances diverses peuvent être des conséquences indirectes qui sont néanmoins liées à la situation personnelle du délinquant : R. c. Suter, 2018 CSC 34, par. 48; R. c. Émond, 2019 QCCA 317, par. 39. D’autre part, l’objectif de la détermination de la peine est d’adapter celle-ci aux circonstances de l’infraction et à la situation du contrevenant. Cette tâche exige du juge qu’il tienne compte de toute conséquence pour le délinquant qui découle de la perpétration d’une infraction, de la déclaration de culpabilité ou de la peine infligée. Le juge peut ainsi « établir une peine proportionnée en tenant compte de toutes les circonstances pertinentes liées à l’infraction et au contrevenant dans une affaire donnée » : R. c. Suter, 2018 CSC 34, par. 46-47 (en italique dans le texte.).
[38] La prise en compte des conditions sévères de mise en liberté s’inscrivant dans l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire conféré au juge de la peine, il doit néanmoins être exercé judiciairement. Compte tenu de son obligation d’examiner toutes les circonstances pertinentes liées à l’infraction et au contrevenant dans une affaire donnée qui sont portées à son attention, le juge devait expliquer pourquoi il écartait ce facteur sauf si les raisons ressortent clairement du dossier. Rappelons qu’en matière de décision sur la peine, la motivation est également une obligation statutaire : art. 726.2 C.cr. En l’absence de motivation adéquate, la déférence due est atténuée et la Cour peut choisir d’intervenir : R. c. Cardinal, 2012 QCCA 1838.
[39] En l’espèce, la question de la sévérité des conditions était plaidée. Le jugement est silencieux sur le motif justifiant d’écarter les 14 mois d’assignation à domicile et celui-ci ne ressort clairement pas du dossier. Cela constitue une erreur. De l’avis de la Cour, il s’agit en l’espèce d’un facteur à considérer.
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