[7] En matière criminelle les déterminations de crédibilité appartiennent exclusivement au juge des faits et l'opinion d'un expert sur la crédibilité d'un témoin n'est pas généralement admissible en preuve[1]. Il n’est pas permis, parce que préjudiciable, qu’un expert prononce de façon expresse sur la crédibilité de l’accusé qui a témoigné en défense[2]. Dans l’arrêt R. c. Macquard, la Cour suprême expose ainsi les principes qui justifient cette règle :
Le juge ou jury qui se contente d'accepter une opinion d'expert sur la crédibilité d'un témoin ne respecterait pas son devoir d'établir lui-même la crédibilité du témoin. La crédibilité doit toujours être le résultat de l'opinion du juge ou du jury sur les divers éléments perçus au procès, de son expérience, de sa logique et de son intuition à l'égard de l'affaire: voir R. c. B. (G.) (1988), 1988 CanLII 208 (SK CA), 65 Sask. R. 134 (C.A.), à la p. 149, par le juge Wakeling, confirmé par 1990 CanLII 113 (CSC), [1990] 2 R.C.S. 3. La question de la crédibilité relève de la compétence des profanes. Les gens ordinaires jugent quotidiennement si une personne ment ou dit la vérité. L'expert qui témoigne sur la crédibilité n'est pas tenu par la lourde tâche du juge ou du juré. De plus, il se peut que l'opinion de l'expert repose sur des éléments qui ne font pas partie de la preuve en vertu de laquelle le juge et le juré sont tenus de rendre un juste verdict. Enfin, la crédibilité est un problème notoirement complexe, et l'opinion d'un expert risque d'être beaucoup trop facilement acceptée par un jury frustré pour faciliter la résolution de ses difficultés. Toutes ces considérations ont donné naissance à la sage politique en droit qui consiste à rejeter le témoignage d'expert sur la sincérité des témoins.[3]
[8] Comme l’explique le juge Dufresne, de cette Cour, le risque du préjudice est accru lorsque le procès déroule devant un jury :
[36] Le témoin expert jouit nécessairement d’une influence auprès du jury. Son expertise pointue dans un domaine d’expertise souvent inconnu des jurés suscite généralement un grand intérêt chez ces derniers. Lorsqu’il témoigne de son expertise, le poids accordé à son témoignage ne risque pas, a priori du moins, de créer une distorsion ou un déséquilibre, d’autant que son point de vue technique, médical ou scientifique par rapport aux faits de la cause peut être objet d’une preuve contradictoire. Cependant, lorsque l’expert donne son interprétation des faits, s’exprime sur la crédibilité des témoins ou qu’il tire des inférences de la preuve, sans connotation avec son domaine d’expertise, le risque de causer un préjudice à l’accusé est réel. […][4]
[9] Il est vrai cependant que le témoignage d'un expert sur un comportement pertinent à l’analyse de la crédibilité peut être admissible lorsque pareille analyse dépasse l'expérience et la connaissance du juge des faits. Le critère d’admissibilité est établi dans l’arrêt Mohan :
L'exigence est que l'opinion soit nécessaire au sens qu'elle fournit des renseignements « qui, selon toute vraisemblance, dépassent l'expérience et la connaissance d'un juge ou d'un jury » : cité par le juge Dickson, dans Abbey, précité. Comme le juge Dickson l'a dit, la preuve doit être nécessaire pour permettre au juge des faits d'apprécier les questions en litige étant donné leur nature technique. Dans l'arrêt Kelliher (Village of) c. Smith, 1931 CanLII 1 (SCC), [1931] R.C.S. 672, à la p. 684, notre Cour, citant Beven on Negligence (4e éd. 1928) à la p. 141, a déclaré que la preuve d'expert était admissible si [TRADUCTION] « l'objet de l'analyse est tel qu'il est peu probable que des personnes ordinaires puissent former un jugement juste à cet égard sans l'assistance de personnes possédant des connaissances spéciales ».[5]
[Soulignements ajoutés]
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