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vendredi 16 décembre 2011

Exemple jurisprudentiel de détermination de la peine pour une infraction de conduite durant interdiction

Lambert c. R., 2011 QCCS 1963 (CanLII)

[32] L'appelant en était conscient puisque son épouse, jusqu'à ce jour, était toujours allée le reconduire et le chercher. Son plaidoyer de culpabilité démontre la conscience de ses actes.

[33] Toutefois, si l'explication de la maladie subite de son épouse ne peut servir d'excuse, en revanche, elle peut devenir un facteur atténuant au moment de l'imposition de la peine, en ce que l'appelant n'a pas été intercepté en état d'ébriété et n'a pas utilisé sa voiture pour aller dans un bar ou à des fins récréatives.

[34] Son absence d'antécédents judiciaires, outre celui pour lequel il était interdit de conduire, est un autre facteur atténuant que le juge aurait dû prendre en compte.

[35] De plus, le juge a erré en droit en appliquant les principes de la conduite d'un véhicule automobile avec les facultés affaiblies comme étant un fléau dans notre société, alors qu'il s'agit, en l'espèce, d'une conduite pendant l'interdiction, sans que les facultés de l'accusé ne soient concernées.

[36] Cela étant, il est certain que la conduite pendant interdiction est une infraction qui ne doit pas être prise à la légère.

[37] Cependant, le principe de l'individualisation des peines demeure, et c'est la raison pour laquelle le juge d'instance a erré en droit, en imposant 30 jours d'incarcération sans tenir compte des autres peines applicables.

[38] Même si le juge mentionne être d'accord avec le fait qu'une peine d'incarcération ne doit pas être le point de départ pour une infraction de cette nature, son jugement démontre le contraire.

[39] En effet, le juge, immédiatement après avoir mentionné au paragraphe 14 que la peine doit s'harmoniser avec celle infligée à d'autres délinquants pour des infractions semblables commises dans des circonstances semblables, souligne que les procureurs reconnaissent que les peines habituelles pour ce genre d'infraction se traduisent généralement par un emprisonnement de 30 jours.

[40] Même si par la suite il se dit d'accord avec le fait qu'une peine d'incarcération ne doit pas constituer le point de départ, sitôt après avoir rejeté l'idée d'une peine pécuniaire, il impose, de fait, la peine standard en vigueur dans le district de Drummond, soit 30 jours d'incarcération.

[41] La simple mention par le juge d'instance qu'il est d'accord qu'une peine d'incarcération ne doit pas constituer un point de départ, ne convainc pas le Tribunal qu'il n'a pas suivi la tradition.

[42] En l'espèce, tel que le mentionne le juge Buffoni, dans l'affaire Auger c. Directeur des poursuites criminelles et pénales[4], «…ce point de départ a occulté l'ensemble des autres peines possibles dans l'arsenal que le Code met à la disposition du Tribunal.»

[43] Enfin, en imposant une peine de 30 jours, le juge d'instance a imposé une lourde peine à l'appelant compte tenu de l'amende de 1 000 $ qu'il avait écopée pour avoir conduit son véhicule avec les facultés affaiblies.

lundi 12 décembre 2011

La détention à des fins d'enquête

Résumé

Le pouvoir de détenir une personne à des fins d'enquête n'est pas une technique d'investigation nouvelle et tire son origine du droit anglais. Mais cette méthode d'enquête, qui consiste à restreindre temporairement la liberté de mouvement d'une personne que l'on soupçonne pour des motifs raisonnables d'être impliquée dans une activité criminelle, ne fut reconnue officiellement au Canada qu'en juillet 2004 suite au jugement rendu par la Cour suprême dans l'affaire R. c. Mann. Au moment d'écrire ces lignes, cette stratégie d'enquête policière ne fait toujours pas l'objet d'une réglementation spécifique au Code criminel. L'approbation de cette technique d'enquête, en l'absence de toute forme de législation, ne s'est pas faite sans critiques de la part des auteurs et des commentateurs judiciaires qui y voient une intrusion dans un champ de compétences normalement réservé au Parlement.

L'arrêt Mann laisse également en suspens une question cruciale qui se rapporte directement aux droits constitutionnels des citoyens faisant l'objet d'une détention semblable: il s'agit du droit d'avoir recours sans délai à l'assistance d'un avocat. Le présent travail se veut donc une étude approfondie du concept de la détention à des fins d'enquête en droit criminel canadien et de son impact sur les droits constitutionnels dont bénéficient les citoyens de notre pays. Pour accomplir cette tâche, l'auteur propose une analyse de la question en trois chapitres distincts. Dans le premier chapitre, l'auteur se penche sur le rôle et les fonctions dévolus aux agents de la paix qui exécutent leur mission à l'intérieur d'une société libre et démocratique comme celle qui prévaut au Canada.

Cette étude permettra au lecteur de mieux connaître les principaux acteurs qui assurent le maintien de l'ordre sur le territoire québécois, les crimes qu'ils sont le plus souvent appelés à combattre ainsi que les méthodes d'enquête qu'ils emploient pour les réprimer. Le deuxième chapitre est entièrement dédié au concept de la détention à des fins d'enquête en droit criminel canadien. En plus de l'arrêt R. c. Mann qui fera l'objet d'une étude détaillée, plusieurs autres sujets en lien avec cette notion seront abordés. Des thèmes tels que la notion de «détention» au sens des articles 9 et 10b) de la Charte canadienne des droits et libertés, la différence entre la détention à des fins d'enquête et l'arrestation, les motifs pouvant légalement justifier une intervention policière de même que les limites et l'entendue de la détention d'une personne pour fins d'enquête, seront aussi analysés. Au troisième chapitre, l'auteur se consacre à la question du droit d'avoir recours sans délai à l'assistance d'un avocat (et d'être informé de ce droit) ainsi que du droit de garder le silence dans des circonstances permettant aux agents de la paix de détenir une personne à des fins d'enquête.

Faisant l'analogie avec d'autres jugements rendus par nos tribunaux, l'auteur suggère quelques pistes de solutions susceptibles de combler les lacunes qui auront été préalablement identifiées dans les arrêts Mann et Clayton.

Tiré de : La détention à des fins d'enquête en droit criminel canadien et son impact sur les droits constitutionnels
https://papyrus.bib.umontreal.ca/jspui/bitstream/1866/3528/2/12062039.PDF
https://papyrus.bib.umontreal.ca/jspui/handle/1866/3528?mode=full

dimanche 11 décembre 2011

L'action sert elle l'intérêt de la compagnie ou l'intérêt de l'administrateur? La distinction entre la faute civile et l'acte criminel

 Extrait du mémoire d'Isabelle Charlebois : Analyse comparative du concept de malhonnêteté en droit criminel et en droit des sociétés

En droit criminel, les propos de la Cour suprême nous semblent tendre vers une
interprétation plus étroite de la notion d'intérêt de la compagnie résumant le tout à la question d'un conflit d'intérêts:

« La question cruciale était de savoir si le transfert des moyens d'investissement
pouvait être considéré comme servant les véritables intérêts financiers de la
compagnie cible ou s'il convenait davantage de le considérer comme étant
destiné à servir les fins personnelles des parties qui l'ont effectué, sans égard aux objectifs véritables de l'entreprise. On a déduit que, compte tenu des
circonstances de l'affaire, on ne pouvait pas raisonnablement considérer que la
compagnie cible était disposée à se prêter à un détournement de ses fonds pour
les fms personnelles des parties qui effectuaient la prise de contrôle. Notre Cour
a conclu sans difficulté qu'il ne pouvait s'agir que d'un transfert à des fms
personnelles, qui privait la compagnie cible d'une chose dans laquelle elle avait
un intérêt. »

Partant, toute action s'inscrivant à l'intérieur de la mécanique normale de l'entreprise ne pourra pas mener à une accusation de fraude

« [...] Il est possible, tout dépendant des circonstances, que s'il avait choisi
d'investir ces sommes à la bourse ou dans une opération immobilière, il ne serait
pas coupable de fraude criminelle puisque, dans ces circonstances, il ne pourrait
être démontré qu'il s'agissait là d'un des actes visés par l'infraction. »
L'examen se limite donc à la finalité de la décision de l'administrateur. L'action sert elle l'intérêt de la compagnie ou l'intérêt de l'administrateur :

« [...] La distinction est la même que celle entre un dirigeant d'entreprise qui ne
commet pas une fraude en utilisant des fonds de l'entreprise à des [ms
commerciales peu judicieuses, et celui qui détourne des fonds de l'entreprise à
des fins personnelles qui n'ont rien à voir avec l'entreprise. Les pratiques
commerciales malavisées ne sont pas dolosives. L'emploi illégitime de l'argent
dans lequel d'autres personnes ont un intérêt pécuniaire à des fins qui n'ont rien
à voir avec l'entreprise peut toutefois, dans certaines circonstances, constituer
une fraude. »

En somme, pour être qualifiée de malhonnête au sens du Code criminel et ainsi faire
l'objet d'une accusation criminelle, une conduite devra faire complètement
abstraction de l'intérêt de la compagnie et avoir entraîné une privation, autrement,
elle ne constituera qu'une violation des devoirs énoncés à l'article 322 C.c.Q. De
même, à la lumière des principes de droit criminel où il est depuis longtemps reconnu que l'actus reus à lui seul ne suffit pas à entraîner une condamnation criminelle, le simple fait d'avoir fait abstraction de l'intérêt de la compagnie ne pourra fonder une accusation que s'il est combiné à un élément subjectif particulier.

Tiré de: Analyse comparative du concept de malhonnêteté en droit criminel et en droit des sociétés
Auteur(s): Charlebois, Isabelle
https://papyrus.bib.umontreal.ca/jspui/bitstream/1866/2448/1/11784079.PDF
https://papyrus.bib.umontreal.ca/jspui/handle/1866/2448

La création de la détention pour enquête en common law

Résumé

L’article qui suit examine l’évolution relativement récente ayant donné lieu à la création d’un pouvoir de détention pour enquête en common law. Il en découle un changement fondamental de l’état du droit au Canada qui semble répondre à un besoin légitime des forces de l’ordre. Bien qu’il eût été préférable qu’une loi reconnaisse et régule le pouvoir policier de détention pour enquête, il valait mieux que la jurisprudence pallie le silence du législateur plutôt que d’ignorer une réalité sur le terrain dépourvue de normes juridiques. Aussi perfectible soit-il, le cadre juridique fourni par le droit prétorien constitue une évolution souhaitable du droit pénal qui n’est cependant pas à l’abri des dérives, d’où un appel à une action législative pour compléter et préciser les normes jurisprudentielles.

Tiré de : La création de la détention pour enquête en common law : dérive jurisprudentielle ou évolution nécessaire ? Un point de vue pragmatique
http://www.erudit.org/revue/cd/2009/v50/n3-4/039341ar.html
http://www.erudit.org/revue/cd/2009/v50/n3-4/039341ar.pdf

Le cumul des peines réglementaires et criminelles

Résumé

Dans le texte qui suit, les auteurs prennent l’affaire Lacroix-Norbourg comme point d’ancrage de leur réflexion et s’interrogent sur des questions relatives à l’application respective et cumulative du droit pénal provincial et du droit criminel. Leurs propos révèlent la fragilité de la distinction entre ces deux catégories de droit pénal. Les auteurs analysent la jurisprudence constitutionnelle au regard de cette affaire et suggèrent qu’elle a peut-être contribué à l’érosion du sens à donner aux notions fondamentales de crime et de peine. Ils plaident en faveur de l’application de principes fondamentaux de justice dans le domaine des infractions pénales réglementaires passibles d’emprisonnement et concluent qu’il faut sérieusement s’interroger sur la faisabilité et l’opportunité d’appliquer successivement le droit pénal des valeurs mobilières et le droit criminel.

Tiré de: « En marge de l’affaire Lacroix-Norbourg : les enjeux substantifs et punitifs suscités par le double aspect, réglementaire et criminel, de certains comportements frauduleux dans le domaine des valeurs mobilières »
http://www.erudit.org/revue/cd/2009/v50/n3-4/039332ar.html
http://www.erudit.org/revue/cd/2009/v50/n3-4/039332ar.pdf

samedi 10 décembre 2011

Revue de la jurisprudence sur la détermination de la peine visant l'infraction de voies de fait graves

R. c. Cedar, 2011 QCCQ 14965 (CanLII)

[16] Rappelons que la peine de détention ferme est prononcée en dernier recours.

[17] L’imposition de la peine s’avère une tâche très difficile; tout en étant sensible aux conséquences vécues par les victimes et les proches, il s’agit de punir un individu pour un crime donné et non pas d’agir par vengeance.

[18] La gravité du crime est importante, car le législateur prévoit une peine maximale de 14 ans d’emprisonnement pour l’infraction de voies de fait graves.

[19] La gravité subjective est aussi à souligner. Quoique le crime n’ait pas été prémédité, il s’agit d’une agression gratuite, commise avec un couteau, avec des séquelles importantes pour la victime.

[20] Dans Antonelli c. R, la Cour d’appel du Québec conclut « qu’en matière de voies de fait graves, sans usage d’une automobile, la fourchette des peines va de la sentence suspendue à l’incarcération, mais la jurisprudence n’est pas avare d’affaires où des peines de 3 à 5 ans sont imposées ». Dans ce dossier, il s’agissait de voies de fait graves commises avec une voiture. L’accusé a foncé dans un abribus, dans lequel se trouvaient cinq personnes et il a été condamné à 5 ans d’emprisonnement.

[21] Dans Bouchard-Lebrun c. R., la Cour d’appel maintient la peine de 5 ans pour un accusé, sans antécédents judiciaires, fortement intoxiqué, qui, sans préméditation, a commis des voies de fait graves impliquant que la victime passe le reste de ses jours à l’hôpital.

[22] Dans David Réjouis c. R, la Cour d’appel réduit la peine à une durée de deux ans moins un jour, assortie d'une probation de trois années, pour trois accusations de voies de fait graves. Près de la station de métro, une altercation a lieu avec un autre groupe; l’accusé intervient avec un couteau pour défendre un de ses amis. Trois personnes sont blessées; deux des personnes subissent une blessure superficielle, mais la troisième est atteinte sérieusement aux intestins. Elle doit subir une intervention chirurgicale et être hospitalisée durant deux semaines. L’accusé est jeune, sans antécédents judiciaires et possède de bonnes valeurs familiales.

[23] La Cour d’appel dans Maranda-Duquette c. R., a réduit à 24 mois la peine imposée pour des voies de fait graves. L’accusé a asséné un coup de poing au visage de la victime, qui s’est fracassé la tête sur le sol; victime d’une fracture du crâne, elle a été hospitalisée aux soins intensifs durant une semaine. Aucune arme n’a été utilisée, mais l’accusé avait une condamnation antérieure de voies de fait pour laquelle, il s’est vu infliger une peine de trois jours.

[24] Dans Oweetaluktuk c. R., la Cour d’appel réduit la sentence à 42 mois. L’accusé a asséné deux coups de couteau dans le dos de sa mère, l’a frappée avec une chaise et un tabouret et a frappé sa grand-mère. La Cour d’appel précise que la sentence se situe dans la fourchette des peines imposées pour des infractions commises par des autochtones et des non-autochtones.

[25] Dans R. c. Niedzielski, une peine de 3 ans fut imposée pour un individu qui a agressé, dans une station de métro des personnes, qu’il ne connaissait pas, dont l'une a subi des séquelles très sévères. Cette victime est demeurée dans le coma pendant une longue période et a, en outre, subi plusieurs fractures et des dommages au cerveau. La gravité objective des crimes, la violence gratuite, les gestes posés par l’intimé et les lourdes conséquences pour les victimes sont les facteurs considérés.

[26] La Cour d’appel dans Rioux c. R., impose une peine de 5 ans et 4 mois à un individu qui a commis des voies de fait graves avec un couteau. Le geste impulsif et sans préméditation a eu des conséquences suivantes pour la victime : coma durant un mois, hospitalisation de 2 mois et séquelles importantes. L’accusé n’avait pas d’antécédents judiciaires

[27] Dans R. c. Mark Jackson, La Cour d’appel confirme une peine de 5 ans pour un individu qui s’est bagarré à la sortie d’un bar et qui a utilisé un couteau pour assaillir la victime. L’accusé a de nombreux antécédents judiciaires et a commis le crime alors qu’il purgeait une sentence dans la collectivité.

[28] Dans R. c. Alexandre, la Cour du Québec impose une peine de 5 ans de pénitencier à un individu qui a poignardé la victime à plusieurs reprises. La brutalité de l’infraction, les séquelles importantes, la préméditation, le fait que l’accusé était sur le coup de 3 ordonnances de probation au moment des évènements et avait une condamnation pour négligence criminelle causant la mort ont justifié la peine imposée.

[29] De cette revue de la jurisprudence, il appert que des sentences de 5 ans de pénitencier sont imposées dans les cas où les accusés ont des antécédents judiciaires ou lorsque les séquelles sont plus lourdes que dans la présente affaire.

Revue de la jurisprudence sur la confiscation des biens infractionnels et des éléments de la "démesure"

R. c. Bernard, 2011 QCCQ 15014 (CanLII)

[17] Il semble approprié, dans un premier temps, d'attirer l'attention sur une particularité de cet article : la confiscation de biens infractionnels est prononcée par le « tribunal qui déclare une personne coupable d'un acte criminel ».

[18] Cette particularité revêt une certaine importance lorsqu'on se réfère à l'article 462.37(1) du Code criminel à propos de la confiscation des produits de la criminalité.

[19] En vertu de cet article, c'est le « tribunal qui détermine la peine à infliger à un accusé… » qui pourra prononcer la confiscation.

[20] Une deuxième précision qui, cette fois-ci, provient de la jurisprudence, mérite d'être apportée.

[21] En effet, la Cour suprême du Canada, en 2009, dans l'arrêt Craig (2009 1 R.C.S. 762), a insisté sur la nécessité de séparer la décision sur la détermination de la peine de celle portant sur la confiscation, évitant une interaction entre les deux processus.

[22] Dans une décision rendue le 10 mars 2011, par la Cour d'appel du Québec, R. c. Neault 2011 QCCA 435 (CanLII), (2011 QCCA 435), cette règle est ainsi rappelée :

Une première leçon qui se dégage de Craig est que l'infliction de la peine et la décision sur la demande de confiscation constituent deux étapes du procès sans corrélation ni interdépendance, qui doivent demeurer distinctes l'une de l'autre.[…]

Paragraphe 19

[23] Et un peu plus loin, au paragraphe 21, on y lit ce qui suit :

L'arrêt Craig est sans équivoque. Le juge qui délibère sur la peine doit occulter la demande de confiscation annoncée et, par la suite, lorsqu'il analyse l'opportunité de la confiscation, il ne doit pas revenir en arrière et tenir compte de la peine infligée.

[24] Notons au passage que la décision rendue par la Cour d'appel dans l'affaire R. c. Neault avait fait l'objet d'une demande d'autorisation d'appel à la Cour suprême du Canada; or, le 13 octobre 2011, la Cour suprême a rejeté la demande de pourvoi.

2. L'exception à la règle : la démesure

[25] C'est l'article 490.41(3) du Code criminel qui établit les bases de l'exception à la règle de la confiscation :

Sous réserve d’une ordonnance rendue en vertu du paragraphe 490.4(3), le tribunal peut ne pas ordonner la confiscation de tout ou partie de biens infractionnels confiscables en vertu des paragraphes 490.1(1) ou 490.2(2) et annuler toute ordonnance de blocage à l’égard de tout ou partie des biens, s’il est convaincu que la confiscation serait démesurée par rapport à la nature et à la gravité de l’infraction, aux circonstances de sa perpétration et, s’il y a lieu, au casier judiciaire de la personne accusée ou reconnue coupable de l’infraction, selon le cas.

[26] Comme on le constate, cette exception repose sur le concept de la démesure, concept qui est laissé à l'appréciation et à la discrétion du tribunal.

a) La nature de cet exercice d'appréciation

[27] Cet exercice d'appréciation par le tribunal en est un essentiellement de comparaison entre les critères de proportionnalité édictés à l'article 490.41(3) et les effets ou les conséquences que peut entraîner la confiscation.

[28] En d'autres termes, le tribunal a comme tâche de balancer les avantages et les inconvénients d'une confiscation.

[29] L'honorable Paul Vézina de la Cour d'appel du Québec, dans la décision de R. c. Neault, illustre clairement la nature de l'exercice d'appréciation auquel doit se livrer le tribunal dans une décision portant sur la confiscation de biens infractionnels :

L’idée de « démesure » (disproportionate to) et le terme de comparaison « par rapport à » impliquent de soupeser deux réalités pour constater s’il y a équilibre ou déséquilibre entre les plateaux de la balance. D'un côté, il y aura les faits relatifs à l’infraction, évalués selon l’objectif de l’ordonnance et les trois facteurs de la loi, et de l’autre, les effets plus ou moins draconiens de la confiscation (the impact of the forfeiture). Le poids relatif des faits et des effets fera pencher la balance en faveur ou contre la confiscation.

[30] Au paragraphe 25 de la même décision :

Si la loi précise les facteurs d’évaluation de l’infraction, elle est muette sur les effets à prendre en compte et sur la manière de les évaluer. […]

b) L'importance de cet exercice

[31] Encore une fois, cette importance est soulignée par la Cour d'appel dans la décision dans l'affaire Neault, au paragraphe 37 :

Suivant ma compréhension de l’objectif de l’ordonnance, plus on est en présence du crime organisé, plus l’ordonnance s’impose, et de même, plus il appert que le bien est « destiné à servir » à la perpétration d’infraction, plus il importe de ne pas le laisser entre les mains du contrevenant. À l’opposé, si l’infraction est sans rapport avec le gangstérisme et si le bien n’était pas « destiné à servir » au crime, mais a été « utilisé de quelque manière » pour commettre l’infraction, plus s’impose de vérifier si la confiscation ne serait pas démesurée.

c) Le fardeau de preuve de la démesure

[32] Dans une décision rendue par la Cour d'appel du Québec le 16 mai 2011, dans R. c. Manning 2011 QCCA 900 (CanLII), (2011 QCCA 900), nous retenons ce qui suit, au paragraphe 17 de la décision :

Le juge de première instance se dirige bien en droit en indiquant qu'il revient à l'accusé de démontrer par prépondérance de preuve que la confiscation de son véhicule serait démesurée compte tenu des facteurs de l'article 490.41(3) C. cr. […]

d) Les effets de la confiscation

[33] Si la confiscation d'un bien infractionnel peut, en principe, être justifiée par les facteurs énoncés à l'article 490.41(3) du Code criminel, les effets de cette confiscation doivent être aussi évalués et soupesés dans cet important exercice de comparaison, en vue de vérifier s'il y a démesure et, partant, conclure à la non-justification de la confiscation.

[34] Au sujet des effets de la confiscation, la Cour d'appel, dans l'arrêt Neault, au paragraphe 25, nous donne une liste non exhaustive des facteurs à considérer dans l'évaluation des effets de la confiscation :

[…] À mon avis, il est pertinent de considérer entre autres si le bien est superflu, utile ou nécessaire suivant son usage habituel; si le bien est de peu ou de grande valeur en soi et en l’espèce; si le bien est utilisé pour des besoins de base, s’approvisionner, se faire soigner; si le bien sert aux loisirs ou au travail; si le bien contribue à l’exécution d’obligations familiales ou sociales.

[35] On pourrait aussi tenir en considération notamment les aspects suivants : l'existence ou non de moyens de transport en commun, la proximité de ceux-ci avec le domicile, l'état de santé du délinquant, les moyens financiers du délinquant, l'importance du soutien familial assuré par le délinquant…

B. LES ILLUSTRATIONS JURISPRUDENTIELLES

[36] La jurisprudence de nos tribunaux, tout en témoignant que chaque cas est d'espèce en matière de demande de confiscation d'un bien infractionnel, nous fournit plusieurs exemples de la proportionnalité ou de la disproportionnalité de cette mesure de confiscation, eu égard aux circonstances et facteurs propres à chaque affaire.

[37] En effet, dans l'examen sommaire des décisions rendues par les tribunaux relativement à la confiscation des biens infractionnels, on doit constater que chaque affaire comporte une trame factuelle distincte.

[38] Commençons donc par analyser les faits dans les deux décisions (Neault et Manning) auxquelles nous nous sommes référés pour les principes s'y dégageant.

[39] R. c. Neault 2011 QCCA 435 (CanLII), (2011 QCCA 435) :

Il s'agissait dans cette affaire d'une accusation de conduite avec un taux d'alcoolémie supérieur à la limite permise (112 milligrammes par 100 millilitres de sang), survenue en 2010. L'accusé avait des antécédents de même nature, s'étendant d'avril 2004 jusqu'en décembre 2010. Il s'agissait dans ce cas d'un jeune homme célibataire qui avait nécessairement besoin de son véhicule pour opérer un commerce de méchoui. Le père de l'accusé avait financé l'achat du véhicule. La preuve révélait qu'il n'y avait pas de transport en commun dans la région où résidait l'accusé en compagnie de ses parents (St-Luc-de-Vincennes). La confiscation a été refusée.

[40] R. c. Manning, 2011 QCCA 900 (CanLII), (2011 QCCA 900) :

L'accusé dans cette affaire vit de prestations de derniers secours, étant sans emploi et son automobile constitue le seul bien qu'il possède. Il s'agit d'un individu de 62 ans qui habite, en compagnie de sa conjointe, une chambre d'un motel à Chute-aux-Outardes et qui, en raison de ses problèmes de santé, doit se rendre régulièrement à l'hôpital de Baie-Comeau. L'automobile est nécessaire aussi pour lui et sa conjointe aux fins de s'acheter de la nourriture et des vêtements; il n'a pas les moyens financiers pour prendre un taxi. La confiscation a été refusée dans ce dossier.

[41] R. c. Rheault 2010 QCCQ 8555 (CanLII), (2010 QCCQ 8555) :

Cette décision fait état d'une cinquième condamnation en semblable matière (pour alcool au volant). Le plus bas taux indique 202 milligrammes par 100 millilitres de sang. L'accusé demeure seul, n'a pas de personnes à charge et personne n'est affecté indirectement par la confiscation. La Cour avait ordonné la confiscation du véhicule, soit un Honda Accord de l'année 2004.

[42] R. c. Thiffault 2008 QCCQ 2391 (CanLII), (2008 QCCQ 2391) :

La Cour a ordonné également dans cette affaire la confiscation d'un véhicule (Mazda Protégé 2003) sur laquelle il n'y avait aucun lien. L'accusé, âgé de 48 ans, a été repris pour conduite d'un véhicule avec un taux d'alcoolémie supérieur à la limite permise (146 milligrammes par 100 millilitres de sang). Il avait six antécédents en semblable matière pour la période de 1981 à 2000, en plus d'une accusation de refus de test en 2000, de conduite dangereuse en 1992 et cinq accusations de conduite de véhicule pendant interdiction, en vertu du Code criminel entre 1996 et 2004.

[43] R. c. Bergeron 2009 QCCQ 15576 (CanLII), (2009 QCCQ 15576) :

Dans ce dossier, l'accusé a plaidé coupable à une accusation de conduite avec un taux d'alcoolémie supérieur à la limite permise (le plus bas taux : 222 milligrammes par 100 millilitres de sang). C'est le septième dossier en semblable matière. La mère de l'accusé s'était portée caution de l'emprunt effectué par l'accusé, sans pour autant avoir de lien sur le véhicule. Le solde de l'emprunt était tout de même de 13 000 $. La Cour a ordonné la confiscation du véhicule saisi.

[44] R. c. Lemieux (EYB 2010 177133) :

Cette décision rendue par la Cour d'appel du Québec le 22 juillet 2010 met en lumière les faits suivants. L'accusé était âgé de 72 ans lorsqu'il a été déclaré coupable d'avoir conduit un VTT en état d'ébriété. Il possède des antécédents judiciaires. La valeur de ce véhicule était de 8 000 $. Il s'agit d'un individu qui est qualifié par la Cour de « pas riche », vivant dans un rang à une distance de 20 à 30 kilomètres du village. Le VTT est nécessaire pour tirer une fendeuse à bois et permettre à l'accusé de s'approvisionner en bois. On dénote que dans les dossiers antérieurs, les peines se résumaient à des amendes. La Cour d'appel maintient le refus de confisquer le véhicule.

[45] R. c. Adamson 2007 BCSC 1143 (CanLII), (2007 BCSC 1143) :

Dans cette affaire, l'accusée a été déclarée coupable de conduite dangereuse causant des blessures corporelles et de refus de test, pour des événements survenus en août 2006. L'accusée n'avait aucun antécédent et la Cour a considéré comme non disproportionnée la confiscation d'un véhicule Mercedes Kompressor de l'année 2002, ayant une valeur de 26 000 $, malgré le fait que l'accusée en avait besoin pour son travail.

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

Les déclarations d'un accusé à son complice ne sont pas du ouï-dire

R v Ballantyne, 2015 SKCA 107 Lien vers la décision [ 58 ]             At trial, Crown counsel attempted to tender evidence of a statement m...