Rechercher sur ce blogue

vendredi 6 janvier 2012

Le moment exact de l'infraction joue généralement un rôle accessoire dans la détermination des actes reprochés

S.L. c. R., 2010 QCCA 124 (CanLII)

[57] Le ministère public peut, en tout temps avant la fin des procédures, demander la modification d'un acte d'accusation. Il ne peut toutefois le faire à sa guise puisque les règles régissant la modification d'un acte d'accusation obéissent au principe constitutionnel selon lequel tout accusé a droit à un procès équitable. L'accusé doit pouvoir identifier de façon raisonnablement précise les actes qui lui sont reprochés afin de préparer sa défense. Les éléments requis pour cibler raisonnablement les actes reprochés diffèrent selon l'infraction en cause et l’affaire étudiée.

[58] Le moment exact de l'infraction joue généralement un rôle accessoire dans la détermination des actes reprochés. Il revêt cependant une importance capitale lorsqu'il constitue un élément essentiel de l'infraction, ce qui n’est pas le cas ici, ou lorsqu’il représente un enjeu crucial pour la défense. Il faut voir, dans chaque cas, si la modification est préjudiciable à l'accusé, dans la présentation de sa défense, ou si l'accusation originelle l'a induit en erreur.

[59] Il s’agit précisément de l’exercice qu'a effectué la juge qui conclut à l’absence de préjudice et permet l’amendement. L'appelant n’étaye d’aucune façon qu’il aurait « été induit en erreur ou lésé dans sa défense » ou que la modification entraînerait une injustice. Il ne particularise pas l’erreur de droit qu’il reproche à la première juge.

jeudi 5 janvier 2012

La liste de facteurs utile pour déterminer si un examen a pour objet prédominant d’établir la responsabilité pénale du contribuable

R. c. Jarvis, 2002 CSC 73, [2002] 3 RCS 757


93 Rappelons que, pour déterminer à quel moment la relation entre l’État et le particulier est effectivement devenue une relation de nature contradictoire, il faut tenir compte du contexte, en examinant tous les facteurs pertinents. À notre avis, la liste suivante de facteurs sera utile pour déterminer si un examen a pour objet prédominant d’établir la responsabilité pénale du contribuable. À l’exception de la décision claire de procéder à une enquête criminelle, aucun facteur n’est nécessairement déterminant en soi. Les tribunaux doivent plutôt apprécier l’ensemble des circonstances et déterminer si l’examen ou la question en cause crée une relation de nature contradictoire entre l’État et le particulier.

94 À cet égard, le juge de première instance examinera tous les facteurs, y compris les suivants :

a) Les autorités avaient‑elles des motifs raisonnables de porter des accusations? Semble‑t‑il, au vu du dossier, que l’on aurait pu prendre la décision de procéder à une enquête criminelle?

b) L’ensemble de la conduite des autorités donnait‑elle à croire que celles‑ci procédaient à une enquête criminelle?

c) Le vérificateur avait‑il transféré son dossier et ses documents aux enquêteurs?

d) La conduite du vérificateur donnait‑elle à croire qu’il agissait en fait comme un mandataire des enquêteurs?

e) Semble‑t‑il que les enquêteurs aient eu l’intention d’utiliser le vérificateur comme leur mandataire pour recueillir des éléments de preuve?

f) La preuve recherchée est‑elle pertinente quant à la responsabilité générale du contribuable ou, au contraire, uniquement quant à sa responsabilité pénale, comme dans le cas de la preuve de la mens rea?

g) Existe‑t‑il d’autres circonstances ou facteurs susceptibles d’amener le juge de première instance à conclure que la vérification de la conformité à la loi était en réalité devenue une enquête criminelle?

99 Voici, en résumé, les points qui se dégagent :

1. Bien que la LIR soit une loi de nature réglementaire, il est possible d’établir une distinction entre les pouvoirs de vérification et les pouvoirs d’enquête conférés au ministre.

2. Dans le cas où il est évident, à la lumière de toutes les circonstances pertinentes, que les fonctionnaires de l’ADRC ne procèdent plus à la vérification de l’obligation fiscale, mais essaient d’établir la responsabilité pénale du contribuable sous le régime de l’art. 239, il existe une relation de nature contradictoire entre l’État et le particulier. En conséquence, les protections garanties par la Charte s’appliquent.

3. Dans ce cas, les enquêteurs doivent donner une mise en garde appropriée au contribuable. Les pouvoirs de contrainte visés aux par. 231.1(1) et 231.2(1) ne peuvent plus être utilisés et il faut obtenir la délivrance de mandats de perquisition pour poursuivre l’enquête.

La fourchette des peines infligées dans les affaires de fraude par recul d'odomètres

R. c. Dolbec, 2011 QCCA 1610 (CanLII)

R. v. Karamali, 2006 BCPC 454 (CanLII), 2006 BCPC 454 (P.C., C.-B.): 14 fraudes, 3 mois d'incarcération;

R. v. MacAdam, 2003 PESCAD 4 (CanLII), 2003 PESCAD 4 (C.A.): 6 fraudes, C.A. renverse peine d'incarcération et impose 12 mois d'emprisonnement avec sursis;

R. v. Elguindy, [1996] O.J. No. 4889 (C.J.), conf. par [1996] O.J. No. 3317 (C.A.): 19 fraudes, 15 mois d'incarcération;

R. v. Moline, [1982] A.J. No. 531 (C.A.): 4 fraudes, C.A. renverse peine d'incarcération et impose amende de 4 500$;

R. v. Parker, [1978] B.C.J. No. 771 (C.A.): 96 fraudes, C.A. renverse amende et impose 15 mois d'incarcération;

R. v. Nissen Industries Ltd., [1977] A.J. No. 342 (C.A.): 4 fraudes, amende de 12 000$.

Dolbec (1ère instance): peine de 8 mois de prison, accompagnée d'une probation de 3 ans et de suramendes compensatoires totalisant 7 350 $

lundi 2 janvier 2012

La capacité en droit criminel : analyse juridique et médicale du seuil d’intervention de la justice criminelle en matière de négligence pénale

Résumé

Dans l’article qui suit, les auteurs proposent une analyse juridique et médicale de la capacité en matière de crimes de négligence. Après avoir exposé les fondements qui gouvernent la responsabilité normative en droit pénal canadien, ils procèdent à un examen exhaustif et critique de la faute en matière de négligence pénale, de la capacité nécessaire à sa constatation et des troubles physiques, psychiques et neuropsychiques pouvant empêcher sa réalisation.

Tiré de :
La capacité en droit criminel : analyse juridique et médicale du seuil d’intervention de la justice criminelle en matière de négligence pénale


Hugues Parent et Louis Morissette
Les Cahiers de droit, vol. 50, n° 3-4, 2009, p. 749-770.
http://id.erudit.org/iderudit/039340ar
http://www.erudit.org/revue/cd/2009/v50/n3-4/039340ar.pdf

samedi 31 décembre 2011

La consolidation des fondements de la responsabilité pénale en droit criminel canadien depuis l’entrée en vigueur de la Charte canadienne des droits et libertés

Résumé

Depuis l’entrée en vigueur de la Charte canadienne des droits et libertés, en particulier, la jurisprudence de la Cour suprême du Canada a permis de mieux comprendre et consolider les fondements de la responsabilité pénale en droit canadien. L’auteur esquisse ci-dessous les grands traits de cette jurisprudence qui veut fonder la responsabilité sur la présence d’une forme d’intention criminelle et, en définition, l’acte volontaire d’une personne humaine libre.

Tiré de :
Louis LeBel / Les Cahiers de droit, vol. 50, n° 3-4, 2009, p. 735-748.
http://id.erudit.org/iderudit/039339ar
http://www.erudit.org/revue/cd/2009/v50/n3-4/039339ar.pdf

Les conditions d'application de l’article 33.1 C. cr.

R. c. Bouchard-Lebrun, 2011 CSC 58 (CanLII)

[89] En raison de la conclusion qui précède, il devient maintenant pertinent de s’interroger sur l’applicabilité de l’art. 33.1 C. cr. Cette disposition s’applique lorsque trois conditions sont réunies : (1) l’accusé était intoxiqué au moment des faits; (2) cette intoxication était volontaire; et (3) l’accusé s’est écarté de la norme de diligence raisonnable généralement acceptée dans la société canadienne en portant atteinte ou en menaçant de porter atteinte à l’intégrité physique d’autrui (références omises). Lorsque la preuve de ces trois éléments est établie, l’accusé ne peut soulever une défense basée sur l’absence d’intention générale ou de la volonté requise pour la perpétration de l’infraction.

[90] L’intoxication volontaire visée par l’art. 33.1 C. cr. est circonscrite dans le temps. Elle correspond à la période au cours de laquelle la substance consommée par l’accusé produit ses effets. Le paragraphe 33.1(2) C. cr. ne laisse planer aucun doute à ce sujet. Il prévoit qu’une personne « est criminellement responsable si, alors qu’elle est dans un état d’intoxication volontaire qui la rend incapable de se maîtriser consciemment ou d’avoir conscience de sa conduite, elle porte atteinte ou menace de porter atteinte volontairement ou involontairement à l’intégrité physique d’autrui ». L’article 33.1 C. cr. veut empêcher un accusé d’échapper à sa responsabilité criminelle au motif que l’état d’intoxication dans lequel il se trouvait au moment des faits l’a rendu incapable de former l’élément moral ou d’avoir la volonté requise pour la perpétration de l’infraction.

[91] L’article 33.1 C. cr. s’applique donc à toute condition mentale qui constitue le prolongement direct d’un état d’intoxication. Il importe également de préciser que cette disposition n’établit aucune distinction relative à la gravité des effets de l’intoxication volontaire. L’appelant a tort de suggérer qu’il ne s’applique qu’aux « effets normaux » de l’intoxication. Il n’existe aucun seuil d’intoxication à partir duquel l’état d’un accusé échappe à l’application de l’art. 33.1 C. cr. Une psychose toxique peut donc faire partie des états d’intoxication visés par cette disposition. C’est le cas en l’espèce. La Cour d’appel n’a donc pas commis d’erreur de droit en concluant à l’application de l’art. 33.1 C. cr. plutôt que de l’art. 16 C. cr.

Les conditions d’application de la défense de non-responsabilité criminelle pour cause de troubles mentaux

R. c. Bouchard-Lebrun, 2011 CSC 58 (CanLII)

[55] Le paragraphe 16(2) C. cr. dispose que « [c]hacun est présumé ne pas avoir été atteint de troubles mentaux de nature à ne pas engager sa responsabilité criminelle ». Lorsqu’un accusé souhaite échapper à sa responsabilité criminelle pour ce motif, il lui appartient de prouver selon la balance des probabilités qu’il était, au moment des faits reprochés, atteint de « troubles mentaux qui [le] rendaient incapable de juger de la nature et de la qualité de l’acte ou de l’omission, ou de savoir que l’acte ou l’omission était mauvais » (par. 16(1) C. cr.). Dans l’arrêt Chaulk, notre Cour a statué que ce fardeau de preuve imposé à l’accusé violait la présomption d’innocence garantie par l’al. 11d) de la Charte, mais qu’il constituait néanmoins une limite raisonnable à celle-ci dans une société libre et démocratique.

[56] L’accusé qui souhaite présenter avec succès une défense de troubles mentaux doit ainsi satisfaire aux exigences d’un test en deux étapes, d’origine législative. La première étape concerne la qualification de l’état mental de l’accusé. La question cruciale à trancher au procès est alors de savoir si l’accusé souffrait de troubles mentaux au sens juridique au moment des faits reprochés. La deuxième étape de la défense prévue à l’art. 16 C. cr. porte sur les effets des troubles mentaux. On doit alors décider si la condition mentale de l’accusé le rendait incapable de « savoir que l’acte ou l’omission était mauvais » (par. 16(1) C. cr.).

(1) L’incapacité doit découler d’une maladie de l’esprit


[58] Le Code criminel ne contient aucune définition précise de la notion de « troubl[e] menta[l] » pour l’application de l’art. 16 C. cr. L’article 2 C. cr. prévoit simplement qu’un trouble mental est un terme qui englobe « [t]oute maladie mentale » (« disease of the mind » en anglais). En raison de cette définition circulaire, les tribunaux ont dû définir graduellement les contours de ce concept juridique.

[59] La jurisprudence découlant de l’arrêt Cooper confirme clairement la portée très large du concept juridique de « trouble mental ». Dans cette décision, le juge Dickson a mentionné que le concept de maladie mentale comprend « toute maladie, tout trouble ou tout état anormal qui affecte la raison humaine et son fonctionnement » (p. 1159). Dans l’arrêt Rabey, le juge Dickson a précisé que « [l]e concept est vaste : il englobe des troubles mentaux d’origine organique et fonctionnelle, guérissables ou non, temporaires ou non, susceptibles de se répéter ou non » (p. 533). (...)

[60] Le concept de « trouble mentaux » demeure évolutif. Ce caractère permet une adaptation continuelle aux progrès de la science médicale (R. c. Simpson (1977), 35 C.C.C. (2d) 337 (C.A. Ont.)). En conséquence, il ne sera sans doute jamais possible de définir et d’énumérer de façon exhaustive les conditions mentales qui constituent une « maladie mentale » au sens de l’article 2 C. cr. (...)

(2) La qualification d’une condition mentale comme « trouble mental » est un exercice juridique lié au substrat médical et scientifique

[61] En vertu du Code criminel, la maladie mentale représente un concept juridique qui comprend une dimension médicale. Bien que l’expertise médicale constitue une composante essentielle de l’exercice de qualification juridique, il est acquis depuis longtemps en droit positif que la qualification d’une condition mentale comme un « trouble mental » demeure une question de droit que le juge du procès doit trancher. Dans le cas d’un procès devant jury, elle ne relève pas de ce dernier, mais du juge. Comme le juge Martin l’a rappelé dans un extrait souvent cité de l’arrêt Simpson, [traduction] « [i]l appartient au psychiatre de décrire l’état mental de l’accusé et d’exposer ce qu’il implique du point de vue médical. Il appartient au juge de décider si l’état décrit est compris dans l’expression “maladie mentale” » (p. 350). Lorsque le juge conclut en droit que la condition mentale de l’accusé constitue un « trouble mental », il appartient éventuellement au jury de décider si, dans les faits, ce dernier souffrait d’un tel trouble mental au moment de l’infraction.

[62] Ainsi, le juge du procès n’est pas lié par la preuve médicale puisque celle-ci ne prend généralement pas en considération les éléments d’ordre public qui font partie de l’analyse requise par l’art. 16 C. cr. (Parks, p. 899-900). De même, l’opinion d’un expert sur la question juridique de savoir si la condition mentale de l’accusé constitue un « trouble mental » au sens du Code criminel ne jouit que de [traduction] « peu ou d’aucune valeur probante » (R. c. Luedecke, 2008 ONCA 716 (CanLII), 2008 ONCA 716, 269 O.A.C. 1, par. 113).

[63] L’arrêt R. c. Stone, 1999 CanLII 688 (CSC), [1999] 2 R.C.S. 290, a fait une synthèse des rôles respectifs de l’expert, du juge et du jury. S’exprimant au nom de la majorité, le juge Bastarache a affirmé que :

Prise isolément, la question de savoir quels états mentaux sont englobés par l’expression « maladie mentale » est une question de droit. Toutefois, le juge du procès doit également déterminer si l’état dans lequel l’accusé prétend s’être trouvé satisfait au critère juridique de la maladie mentale. Il lui faut alors évaluer la preuve présentée dans l’affaire dont il est saisi, au lieu d’un principe général de droit, de sorte qu’il s’agit d’une question mixte de droit et de fait. […] La question de savoir si l’accusé souffrait véritablement d’une maladie mentale est une question de fait qui doit être tranchée par le juge des faits. [référence omise; par. 197.]

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

Les déclarations d'un accusé à son complice ne sont pas du ouï-dire

R v Ballantyne, 2015 SKCA 107 Lien vers la décision [ 58 ]             At trial, Crown counsel attempted to tender evidence of a statement m...