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lundi 1 juillet 2024

Droit à l'avocat : revue des principes pertinents & comment apprécier qu'il n'y a pas eu lecture de la carte des droits dans son ensemble

Nadeau-Cossette c. R., 2023 QCCS 1390

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[13]        Le juge de première instance retient, à juste titre, que les policiers n’avaient pas l’obligation de proposer à l’appelante d’utiliser un téléphone cellulaire sur place pour exercer un droit qu’elle n’a même pas demandé suite à sa mise en arrestation[5].

[14]        La Cour suprême, dans l’arrêt Baig[6], mentionne :

6.      Nous sommes essentiellement d'accord avec la Cour d'appel. Comme il n'était et n'est pas nécessaire de déterminer si, dans les circonstances de l'espèce, la conduite de l'accusé équivalait à une renonciation de son droit d'avoir recours à un avocat, nous préférons ne pas nous prononcer sur cette question. Nous sommes d'accord avec ce qu'a dit le juge Tarnopolsky dans l'arrêt R. v. Anderson (1984), 1984 CanLII 2197 (ON CA), 10 C.C.C. (3d) 417 (C.A. Ont.), à la p. 431:

[TRADUCTION] . . . je suis d'avis que, en l'absence d'éléments de preuve indiquant que l'accusé n'a pas compris qu'il avait le droit d'avoir recours à l'assistance d'un avocat lorsqu'il en a été informé, il lui incombe de démontrer qu'il a demandé à exercer ce droit mais qu'on le lui a refusé ou qu'on lui a même refusé la possibilité de le demander. Aucun élément de preuve à cet effet n'a été présenté en l'espèce.

En l'espèce, l'accusé n'a pas présenté de preuve selon laquelle on lui avait refusé la possibilité de demander les services d'un avocat et cela ne ressort pas du dossier. En l'absence des circonstances que mentionne le juge Tarnopolsky, lorsque les agents de police se sont conformés aux exigences de l'al. 10b), en avisant sur le champ l'accusé de son droit d'avoir recours sans délai à l'assistance d'un avocat, ils n'ont aucune obligation corrélative jusqu'à ce que l'accusé, s'il choisit de le faire, indique qu'il désire exercer son droit d'avoir recours à l'assistance d'un avocat.

[15]        Dans Blackburn-Laroche[7], le juge Michel Beaupré, j.c.a. rappelle :

[48]      Cela dit, les obligations des policiers découlant de l’alinéa 10b) comportent non seulement ce « volet informationnel », mais aussi, si la personne exprime sa volonté de se prévaloir de son droit, le « volet mise en application ». L’inobservation de l’un ou l’autre des volets entraîne une atteinte au droit garanti.

 

[49]      Ce volet « mise en application » oblige les policiers à donner à la personne arrêtée ou détenue la possibilité raisonnable d’exercer son droit, sauf en cas d’urgence ou de danger, et à s’abstenir de tenter de soutirer des éléments de preuve jusqu’à ce qu’elle ait eu cette possibilité, encore là sauf en cas d’urgence ou de danger.

[50]      L’alinéa 10b) ne reconnaît toutefois pas un droit absolu et illimité à l’assistance d’un avocat, incluant à l’avocat de son choix, d’une part, et la personne arrêtée ou détenue doit elle-même faire preuve de diligence dans l’exercice de son droit, d’autre part. En corollaire, les obligations de la police ne sont pas non plus absolues et le droit garanti doit être exercé d’une façon qui soit conciliable avec les besoins de la société.

[Références omises; le Tribunal souligne]

[16]        Au même effet, dans l’arrêt Taylor[8], la Cour suprême s’exprime ainsi :

[25]      Il s’ensuit que, pour donner effet au droit à l’assistance d’un avocat, la police doit, sans délai dans les deux cas, informer les détenus des droits que leur garantit l’al. 10bet faciliter l’exercice de ces droits sur demande en ce sens. Cela signifie notamment qu’« à la demande [du détenu], on doit lui permettre d’utiliser le téléphone à cette fin s’il en est un de disponible » (Manninen, p. 1242). Tout cela parce que le détenu est sous le contrôle des policiers et ne peut exercer son droit de recourir à l’assistance d’un avocat que si ceux‑ci lui donnent une possibilité raisonnable de le faire.

[Le Tribunal souligne]

[17]        Dans Drolet[9], la Cour d’appel mentionne :

[33]      La première obligation a été décrite comme un volet d’information. La volonté exprimée par la personne détenue d’exercer son droit à l’assistance d’un avocat déclenche les deuxième et troisième obligations, qui constituent un second volet de mise en application par les policiers. […]

[Le Tribunal souligne]

[18]        Dans l’arrêt Willier[10], la Cour suprême reprend les propos du juge en chef Lamer concernant les droits et obligations des parties découlant de l’article 10b) de la Charte :

 

[29]      L’alinéa 10b) vise à établir et à définir les droits et obligations qui découlent de la garantie. Dans Bartle, le juge en chef Lamer les a résumés du point de vue des obligations imposées aux représentants de l’État qui arrêtent une personne ou la mettent en détention (p. 192). L’alinéa 10b) impose à la police les obligations suivantes :

(1)     informer la personne détenue de son droit d’avoir recours sans délai à l’assistance d’un avocat et de l’existence de l’aide juridique et d’avocats de garde;

(2)     si la personne détenue a indiqué qu’elle voulait exercer ce droit, lui donner la possibilité raisonnable de le faire (sauf en cas d’urgence ou de danger);

(3)     s’abstenir de tenter de soutirer des éléments de preuve à la personne détenue jusqu’à ce qu’elle ait eu cette possibilité raisonnable (encore une fois, sauf en cas d’urgence ou de danger).

[Le Tribunal souligne]

[21]        C’est donc la demande du détenu qui déclenche l’obligation des policiers de lui donner une occasion raisonnable de contacter un avocat.

[22]        Cependant, comme le souligne la Cour d’appel dans l’affaire Lussier Speck[12], le policier n’a pas l’obligation de vérifier si le détenu entend se prévaloir de ce droit.

[23]        C’est à l’appelante de démontrer qu’elle a fait sa demande et que les policiers ont omis d’y répondre adéquatement, ce qu’elle n’a pas établi. C’est donc à juste titre que le juge d’instance conclut que le droit de l’appelante énoncé à l’article 10b) de la Charte n’a pas été violé.

[24]        L’appelante reproche aussi aux policiers de ne pas lui avoir lu la carte des droits dans son ensemble.

[25]        Une telle lecture n’est pas nécessaire ou obligatoire, l’important étant que la personne détenue soit informée convenablement de ses droits, dont son droit à l’assistance d’un avocat.

[26]        La Cour d’appel de la Saskatchewan rappelle à ce sujet ce qui suit :

29     In my view, there is no magic to the incantation of the words on such cards. What is important is not the words used but, rather, whether, in the circumstances as a whole, a detainee has been properly informed of his or her right to counsel.[13]

[27]        La preuve permet d’établir que les policiers se sont déchargés de leurs obligations à cet égard[14].

[28]        L’appelante est aussi d’avis que les policiers l’ont redirigée vers l’aide juridique, sans autres options.

[29]        La preuve retenue par le juge de première instance ne supporte pas cet argument.

[30]        La preuve révèle que l’appelante ne connaît pas d’avocat, que les policiers lui expliquent qu’elle peut contacter un avocat de son choix, qu’elle a le choix entre le Barreau du Québec ou l’aide juridique, mais que ce ne sont pas eux qui vont faire le choix à sa place. Ils ajoutent que peu importe le choix, c’est gratuit, et ultimement elle choisit d’appeler l’aide juridique[15].

Le droit à l’assistance de l’avocat de son choix : certains principes

R. c. Blackburn-Laroche, 2021 QCCA 59

Lien vers la décision


[45]      L’alinéa 10b) de la Charte garantit expressément à une personne arrêtée ou détenue le droit « d’avoir recours sans délai à l’assistance d’un avocat et d’être informé de ce droit ». La personne peut par ailleurs exprimer le choix de communiquer avec un avocat en particulier; c’est en effet un aspect du droit garanti[13].

[46]      Comme les juges McLachlin et Charron le soulignent dans les arrêts McCrimmon et Willier, ce droit vise « à ce que les détenus puissent bénéficier immédiatement de conseils juridiques sur les droits et obligations que leur reconnaît la loi, en particulier le droit de garder le silence »[14]. Elles ajoutent dans l’arrêt McCrimmon :

[17] Comme il a été expliqué dans Willier, le droit à l’assistance de l’avocat de son choix est un aspect de la garantie de l’al. 10b) de la Charte. Lorsque le détenu choisit d’exercer le droit à l’assistance d’un avocat en parlant à un avocat en particulier, l’al. 10b) lui assure une possibilité raisonnable de communiquer avec l’avocat de son choix. Si l’avocat choisi n’est pas immédiatement disponible, le détenu a le droit de refuser de communiquer avec un autre avocat et d’attendre un délai raisonnable pour que l’avocat de son choix soit disponible. […]

[18] […] C’est aussi en raison de ce besoin immédiat de consulter un avocat que les renseignements sur l’existence des régimes d’avocats de garde et d’aide juridique et sur la possibilité d’y recourir doivent faire partie de la mise en garde normalement donnée en application de l’al. 10b) lors de l’arrestation ou de la mise en détention [réf. omises]. [][15] 

                                                                        [Je souligne; mes caractères gras]

[47]      Comme l’a aussi souligné la Cour suprême, cette fois dans l’arrêt Sinclair, 25 années de jurisprudence ont permis d’établir que l’alinéa 10b) de la Charte prévoit essentiellement « le droit de consulter un avocat pour obtenir renseignements et conseils dès le début de la détention »[16].

[48]      Cela dit, les obligations des policiers découlant de l’alinéa 10b) comportent non seulement ce « volet informationnel »[17], mais aussi, si la personne exprime sa volonté de se prévaloir de son droit, le « volet mise en application »[18]. L’inobservation de l’un ou l’autre des volets entraîne une atteinte au droit garanti[19].

[49]      Ce volet « mise en application » oblige les policiers à donner à la personne arrêtée ou détenue la possibilité raisonnable d’exercer son droit, sauf en cas d’urgence ou de danger, et à s’abstenir de tenter de soutirer des éléments de preuve jusqu’à ce qu’elle ait eu cette possibilité, encore là sauf en cas d’urgence ou de danger[20].

[50]      L’alinéa 10b) ne reconnaît toutefois pas un droit absolu et illimité à l’assistance d’un avocat, incluant à l’avocat de son choix, d’une part, et la personne arrêtée ou détenue doit elle-même faire preuve de diligence dans l’exercice de son droit, d’autre part[21]. En corollaire, les obligations de la police ne sont pas non plus absolues[22] et le droit garanti doit être exercé d’une façon qui soit conciliable avec les besoins de la société[23].

[51]      Appliquant ces principes, la Cour d’appel d’Alberta soulignait ce qui suit dans l’arrêt Keror[24] :

[42] The police do not violate a detainee’s right to counsel of choice when his preferred counsel is unavailable and the detainee voluntarily chooses to call a different lawyer. […], the appellant was “properly presented with another route by which to obtain legal advice,” and he freely chose to speak with a different lawyer […].

[43] Having freely pursued the option of speaking with a different lawyer, “unless a detainee indicates, diligently and reasonably, that the advice he or she received is inadequate, the police may assume that the detainee is satisfied with the exercised right to counsel and are entitled to commence an investigative interview” […].

                                                                        [Je souligne; mes caractères gras]

[52]      Le juge Vauclair et l’auteur Desjardins abondent dans le même sens dans leur ouvrage Traité général de preuve et de procédure pénales :

Par ailleurs, les policiers ne doivent pas faire pression sur la personne détenue pour mettre fin à l’attente et forcer une consultation alternative. Si la personne détenue communique avec un autre avocat, comme l’avocat de gardequi n’est pas l’avocat de son choix, le policier peut présumer que l’assistance a été utile à moins que le détenu indique, avec diligence et raisonnablement, que les conseils reçus sont insuffisants.[25]

 [Je souligne; références omises]

[53]      En somme, comme le soulignait aussi la Cour d’appel d’Alberta dans l’arrêt Keror[26], une affaire présentant certaines similitudes avec la nôtre, faisant écho aux propos au même effet des juges McLachlin et Charron dans McCrimmon[27] et Willier[28] :

[45] […] A police officer’s duties under s 10(b) depend upon what the detainee says and does, and what the officer should reasonably infer from the surrounding circumstances: [réf. omises]. The appellant said and did nothing to suggest he was dissatisfied after speaking with duty counsel. […]

[…]

[47] […] In the absence of any evidence that duty counsel provided inadequate advice, we presume that duty counsel properly advised the appellant about his legal rights and obligations, and in particular, adequately advised him about how he should exercise his right to remain silent. The appellant expressed his satisfaction with that opportunity to speak with counsel. As a result, the police were free to interview the appelant [] without waiting for Mr. Chow to become available to speak with the appellant.

                                                                                                            [Je souligne]


En invoquant une violation de ses droits garantis par la Charte, l’accusé a le fardeau de démontrer, de manière prépondérante, une telle violation

Peters c. R., 2023 QCCS 2577

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[59]      Soulignons d’abord, en ce qui concerne cette question, que l’Appelant et l’Intimé divergent fondamentalement d’opinions en ce qui concerne le fardeau de la preuve à ce sujet.

[60]      L’Appelant plaide que ce fardeau de démontrer que le prélèvement des échantillons d’haleine s’est effectué dans les « meilleurs délais » repose sur les épaules du ministère public.

[61]      L’Intimé réplique qu’en raison des modifications apportées par le législateur en 2018 aux anciens articles 254 (3) et 258 (1) c) du Code criminel et la mise en vigueur des nouveaux articles 320.28 et 320.31 (1) C.Cr, l’exigence des « meilleurs délais » fait partie des conditions relatives à la légalité de l’obtention des échantillons. L’Intimé conclut ainsi que cela doit être soulevé dans le cadre d’une requête en exclusion de preuve, de sorte que les règles, quant au fardeau de la preuve lors d’une telle demande, établissent qu’il s’agit du fardeau de celui qui la présente.

[62]      Il ne semble pas, tout au moins aucune des parties n’en a fait la mention au Tribunal, que les tribunaux d’appel se soient penchés spécifiquement sur cette question récemment. La seule autorité citée par l’Intimé consiste dans une décision de la Cour municipale de la ville de Québec qui contient l’analyse suivante :

« [93]        Selon les articles 254(3) et 258(1) c) C.cr., antérieurs aux amendements de 2018 apportés au C.cr., les expressions « dans les meilleurs délais » et « dès que matériellement possible » avaient le même sens et la même portée. D'ailleurs, la version anglaise des dispositions utilisait l'expression « as soon as practicable » pour l'une et l'autre des expressions françaises.

[94]            Depuis les amendements de 2018, l'exigence visant à ce que les échantillons d'haleine soient obtenus « dans les meilleurs délais » ne se retrouve qu'au paragraphe (1) de l'article 320.28 C.cr. On ne retrouve pas cette exigence comme condition d'application de la présomption d'exactitude de l'actuel article 320.31(1). Cette exigence ne faisait pas partie des conditions de la présomption d'exactitude antérieure prévue à l'alinéa 258(1) g), mais plutôt de la présomption d'identité de l'ancien alinéa 258(1) c). Or, la présomption d'identité n'existe plus : elle a été remplacée par une nouvelle infraction qui sanctionne le fait d'avoir une alcoolémie égale ou supérieure à 80 mg par 100 millilitres de sang dans les deux heures qui suivent le moment où une personne a cessé de conduire.

[95]            Par conséquent, l'exigence des « meilleurs délais » fait maintenant partie des conditions législatives relatives à la légalité de l'obtention des échantillons d'haleine. Elle relève donc aussi du caractère abusif ou non de la fouille que constitue la procédure d'alcootest eu égard à la garantie constitutionnelle de l'article 8 de la Charte qui se lit comme suit :

8.   Chacun a droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives.

[96]            Ainsi, le moyen de faire valoir un argument fondé sur le non-respect de cette exigence est la requête en exclusion de preuve. La défenderesse avait donc raison de procéder par le biais de l'article 24(2) de la Charte pour soulever la question relative au délai entourant l'obtention des échantillons d'haleine. Ceci signifie que les enseignements de l'arrêt récent Falcon de la Cour d'appel du Québec ne s'appliquent plus depuis les amendements de 2018. »[5]

[63]      Le Tribunal est d’accord avec cette application du fardeau de la preuve. En invoquant une violation de ses droits garantis par la Charte, l’Appelant a le fardeau de démontrer, de manière prépondérante, une telle violation.

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

Il incombe à la défense de préciser ses demandes de communication de la preuve supplémentaires et cela doit être fait en temps opportun

R. v. Atwell, 2022 NSSC 304 Lien vers la décision [ 8 ]              The Crown has a duty to make disclosure of all relevant information to ...