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samedi 5 octobre 2024

Une question posée par un policier n’est pas une fouille et une réponse obtenue n’est pas une saisie

Tremblay c. R., 2020 QCCA 1131

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[34]        Dans un même ordre d’idée, l’appelant a tort de prétendre que la communication en elle-même doit être assimilée à une fouille. Une question n’est pas une fouille et une réponse n’est pas une saisie. À l'appui de sa prétention, l’appelant cite les arrêts Mellenthin[31]Young[32] Simpson[33] et Bennett[34]. Les propos tenus dans ces arrêts doivent être mis en contexte. Dans les quatre cas, l’accusé était détenu par les agents de l’État. C’est donc dans ces circonstances bien particulières que les tribunaux ont conclu que certaines questions constituaient une fouille.  À cet effet, les propos du juge Cory dans l’arrêt Mellethin sont particulièrement clairs :

L'appelant a incontestablement été détenu et on pouvait donc raisonnablement s'attendre à ce qu'il se sente obligé de répondre aux questions de la police.

[…]

On a vu que le contrôle routier a entraîné la détention de l'appelant. La détention arbitraire a été imposée dès qu'il a rangé son véhicule sur le côté de la route. En raison de cette détention, on peut raisonnablement déduire que l'appelant s'est senti obligé de répondre aux questions de l'agent de police. Dans ces circonstances, il appartient au ministère public de prouver que la personne détenue a effectivement donné un consentement éclairé à la fouille tout en connaissant son droit de refuser de répondre aux questions ou de consentir à la fouille. En l'espèce, il n'y a aucune preuve en ce sens. À mon avis, le juge du procès a eu raison de conclure que l'appelant s'est senti obligé de répondre aux questions de la police. Dans les circonstances, on ne saurait dire que la fouille était consensuelle.

 

Les questions de la police sur le sac de sport de l'appelant et la fouille de son sac et de son véhicule étaient tous des éléments d'une fouille. De plus, cette fouille a été effectuée sans la justification requise des motifs raisonnables et probables. Elle était donc abusive et contraire à l'art. 8 de la Charte.[35].

 

[soulignements ajoutés]

 

[35]        Vu le caractère contraignant de la détention, la discussion entre un justiciable et un agent de l’État doit nécessairement être analysée différemment dans un tel contexte. La conversation téléphonique qui a eu lieu entre l’appelant et l’agent d’infiltration ne peut, en elle-même, être qualifiée de fouille. Lorsqu’un agent de l’État se présente au domicile d’un justiciable vêtu en civil et qu’il omet de révéler son statut de policier, l’occupant de la résidence peut difficilement prétendre que les éléments incriminants qu’il révèle de son plein gré lors d’une discussion consentante ont été obtenus par une fouille ou encore, qu’il s’est senti « obligé » de répondre à son interlocuteur. Dans ces circonstances bien particulières, les déclarations faites par l’occupant ne risquent pas d’être obtenues sous contrainte. Leur caractère libre et volontaire est nécessairement moins préoccupant. La Cour suprême souligne d’ailleurs qu’il n’existe aucune expectative raisonnable de vie privée lors d’un entretien en personne avec un agent d’infiltration.[36]

[36]        Il est vrai que le présent dossier se trouve à la limite des principes énoncés dans l’arrêt Evans. Même si l’agent d’infiltration n’avait pas l’intention expresse de recueillir des éléments de preuve concrets, il est d’une évidence qu’il s’est présenté à la résidence dans le but, ou du moins l’espoir, d’obtenir par voie de communication orale des motifs raisonnables de croire que le trafic de stupéfiants se faisait à partir de la résidence. Cela dit, l'expectative de vie privée de l'interlocuteur n'est pas accrue du simple fait que la conversation, et plus particulièrement les paroles « je suis venu chercher le stock »,  sont prononcées à la porte d’une résidence privée. L’interaction entre l’agent d’infiltration et  l’occupant aurait très bien pu se dérouler dans un autre lieu, comme une rue ou un commerce, sans que cela ait d’incidence sur le résultat de l’opération d’infiltration. En définitive, la cueillette d’information dépendait uniquement du bon vouloir de l’occupant. Il était libre de la révéler ou non.

mercredi 2 octobre 2024

Une Cour d'appel peut regarder la décision sur la peine pour mieux comprendre les motifs de la culpabilité

R. v. Kaplan, 2019 BCCA 356

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[56]        This is evident, for example, by the contrast in the findings as to Mr. O’Brien where the judge explicitly said in his reasons for sentence (2017 BCSC 2139) that Mr. O’Brien did not have objective foreseeability of bodily harm:

[48]      With respect to Mr. O’Brien, he was convicted of a lesser offence. That was so because I could not conclude that he had objective foreseeability of the consequences. …

A court of appeal may look at the reasons for sentence as well as the reasons for conviction to understand the basis for conviction: R. v. B.J.T.2019 ONCA 694 at para. 43, citing R. v. Trobert2000 SKCA 113.

Il n’y a pas lieu d’utiliser la disposition réparatrice lorsque l’accusé a été privé d’un moyen de défense vraisemblable

Carrier c. R., 2015 QCCA 1183

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[68]        Comme j’en viens à la conclusion que le juge du procès a commis une erreur de droit en ne soumettant pas au jury la défense d’automatisme avec troubles mentaux, se pose la question de savoir si la disposition réparatrice du sous-alinéa 686(1)b)(iii) du Code criminel peut trouver application. L’arrêt R. c. Robinson[21] rendu par la Cour suprême en 1996 nous invite à répondre par la négative à cette question. Il ressort en effet des motifs du juge en chef Lamer, pour la majorité, qu’il n’y a pas lieu d’utiliser la disposition réparatrice lorsque l’accusé a été privé d’un moyen de défense vraisemblable[22] :

Le ministère public appelant nous a pressés d’appliquer la disposition réparatrice du sous-al. 686(1)b)(iii) du Code pour corriger les erreurs que comportait l’exposé du juge du procès au jury. Cependant, je suis d’avis que, dans un cas comme la présente affaire, il n’y a pas lieu d’appliquer le sous-al. 686(1(b)(iii), étant donné qu’on a refusé à l’accusé un moyen de défense que le droit lui reconnaissait. J’en arrive à cette conclusion pour des motifs d’équité et de logique. En l’espèce, la défense d’intoxication était vraisemblable en ce sens qu’il y avait des éléments de preuve à partir desquels un jury ayant reçu des directives appropriées aurait pu raisonnablement rendre un verdict de culpabilité d’homicide involontaire. En raison des directives données par le juge du procès, l’intimé n’a pu obtenir qu’un jury composé de ses pairs détermine qu’il n’avait pas, en raison de son état d’intoxication, l’intention spécifique de tuer la victime. Il n’appartient pas à notre Cour, dans ce type d’affaire, de réévaluer la preuve et d’examiner des questions de crédibilité afin de déterminer si un jury raisonnable ayant reçu des directives appropriées aurait rendu le même verdict que celui qui a été rendu.

[69]        Notre cour, dans l’arrêt Dyckow[23], a rappelé récemment ce principe dans les termes suivants :

[9]        Selon l’intimée, ces erreurs sont toutefois sans conséquence puisque la légitime défense est rejetée en raison de l’absence d’appréhension raisonnable d’une attaque et de l’utilisation disproportionnée de la force. Ainsi, la disposition dite réparatrice, soit l’alinéa 686(1)b)(iii) C.cr., trouverait application.

[10]      L’argument n’est pas convaincant. L’appel doit être accueilli. Il est bien établi que la disposition réparatrice ne peut s’appliquer que lorsqu’il n’existe aucune « possibilité raisonnable que le verdict [ou la déclaration de culpabilité] eût été différent en l’absence de l’erreur ». Il est faux de prétendre que les erreurs sont sans conséquence puisqu’elles touchent le cœur du litige. Notamment, les erreurs de la juge se rapportent directement à l’évaluation des conditions d’ouverture de la légitime défense. La juge a donc erronément écarté cette défense pour deux raisons qui ne trouvent pas appui dans la preuve. Lorsque l’erreur prive l’accusé d’un moyen de défense, on peut plus difficilement invoquer la disposition réparatrice.

                                                                                                [citations omises]

Le privilège avocat-client vu par la Cour d'appel de l'Ontario

R. v. Li, 2013 ONCA 81

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[58]      The classic formulation of the solicitor-client communication privilege is this:

Where legal advice of any kind is sought from a professional legal adviser in his capacity as such, the communications relating to the purpose made in confidence by the client are at his instance permanently protected from disclosures by himself or by the legal adviser, except the protection be waived.

 

See, Wigmore on Evidence (McNaughton Rev., 1961), Vol. 8, § 2292 as cited in Canada v. Solosky1979 CanLII 9 (SCC), [1980] 1 S.C.R. 821, at p. 835.

[59]      Traditionally, a privilege is a rule of evidence, an exclusionary rule of admissibility that forecloses from forensic scrutiny evidence that is relevant and material in service of some interest of greater importance. But, at least in the last three decades, solicitor-client privilege has become more than merely a rule of evidence that acts as a shield to prevent privileged documents from making their way into evidence in a courtroom: Solosky, at pp. 836-837.

[60]      Decisions of the Supreme Court of Canada have consistently strengthened solicitor-client privilege, elevating it from an evidentiary or procedural rule to a general principle of substantive law: Maranda v. Richer2003 SCC 67, [2003] 3 S.C.R. 193, at para. 12. In the criminal law context, the only exceptions to the principle of confidentiality established by solicitor-client privilege are limited, clearly defined, and strictly controlled: Maranda, at para. 12.

[61]      The reference to “communication” in the classic formulation of the rule acknowledges that not everything that happens in the solicitor-client relationship qualifies as privileged. Some decisions have drawn a distinction between “facts”, on the one hand, and “communications” on the other, to avoid excluding facts that have an independent existence under the privilege. The distinction is often a difficult one to draw in practice and risks eroding the privilege that is inherent in it: Maranda, at para. 31.

[62]      Issues relating to the calculation and payment of fees are important elements in the solicitor-client relationship. This information is presumptively privileged, but the presumption may be rebutted by evidence that disclosure would not violate the confidentiality of the solicitor-client relationship: Maranda, at paras. 32-34.

[63]      The existence of solicitor-client privilege does not affect the admissibility of the same evidence available from other sources: Maranda, at para. 34. Sometimes, for example, solicitor-client communications may end up in the hands of a third party as in R. v. Tompkins (1978), 67 Cr. App. R. 181 (C.A. (Crim. Div.)). Whether the opposite party may use or introduce this secondary evidence may depend on the manner in which the otherwise privileged documents or things have been obtained. The orthodox rule would admit the secondary evidence, provided it was relevant and material, unconcerned with how the evidence was obtained: see R. v. Kuruma[1955] A.C. 197 (P.C.)Calcraft v. Guest[1898] 1 Q.B. 759 (C.A.). More recently, however, courts have recognized a common law, and now constitutionalized, discretion to exclude evidence the admission of which would render the trial unfair: R. v. Harrer1995 CanLII 70 (SCC), [1995] 3 S.C.R. 562, at para. 23; and R. v. Bjelland, 2009 SCC 38, [2009] 2 S.C.R. 651, at para. 23.

L’utilité potentielle du témoignage d’une plaignante incapable de se souvenir de l’acte sexuel litigieux

R. c. Rioux, 2024 QCCA 657

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[10]      Dans la mesure où j’ai raison de croire que le juge a considéré que le témoignage de l’intimé constituait une preuve directe de l’état d’esprit de la plaignante au moment où les actes sexuels sont survenus — je reconnais que le jugement entrepris peut prêter à interprétation sur ce point —, j’estime qu’il a commis une erreur de droit.

[11]      En effet, en raison de l’approche exclusivement subjective qui doit prévaloir lors de l’analyse du consentement à un geste à caractère sexuel[2], le témoignage d’une plaignante est le seul élément pouvant constituer une preuve directe de son état d’esprit au moment où a été commise l’agression sexuelle reprochée à l’accusé. Voici ce que la Cour suprême enseigne à ce sujet dans l’arrêt Ewanchuk[3] :

[29]  Bien que le témoignage de la plaignante soit la seule preuve directe de son état d’esprit, le juge du procès ou le jury doit néanmoins apprécier sa crédibilité à la lumière de l’ensemble de la preuve. Il est loisible à l’accusé de prétendre que les paroles et les actes de la plaignante, avant et pendant l’incident, soulèvent un doute raisonnable quant à l’affirmation de cette dernière selon laquelle, dans son esprit, elle ne voulait pas que les attouchements sexuels aient lieu. Si, toutefois, comme c’est le cas en l’espèce, le juge du procès croit la plaignante lorsqu’elle dit qu’elle n’a pas subjectivement consenti, le ministère public s’est acquitté de l’obligation qu’il avait de prouver l’absence de consentement.

[30]  La déclaration de la plaignante selon laquelle elle n’a pas consenti est une question de crédibilité, qui doit être appréciée à la lumière de l’ensemble de la preuve, y compris de tout comportement ambigu. À cette étape, il s’agit purement d’une question de crédibilité, qui consiste à se demander si, dans son ensemble, le comportement de la plaignante est compatible avec sa prétention selon laquelle elle n’a pas consenti. La perception qu’avait l’accusé de l’état d’esprit de la plaignante n’est pas pertinente. Cette perception n’entre en jeu que dans le cas où la défense de croyance sincère mais erronée au consentement est invoquée à l’étape de la mens rea de l’enquête.

[Soulignements ajoutés]

[12]      Comme l’indique cet extrait, un accusé peut témoigner relativement à des faits circonstanciels susceptibles de soulever un doute raisonnable quant au témoignage d’une plaignante qui nie avoir consenti à l’acte sexuel litigieux. Le témoignage de l’accusé est également recevable lorsque, comme en l’espèce, la plaignante n’est pas en mesure de témoigner directement sur son état d’esprit au moment où est survenu cet acte. Toutefois, là aussi, ce témoignage ne constituera qu’un élément de preuve circonstancielle parmi d’autres — et non une preuve directe — de l’état d’esprit de la plaignante.

*           *           *

[13]      Le juge a commis une erreur beaucoup plus significative en considérant que le témoignage de la plaignante n’était d’aucune utilité dans l’analyse de son état d’esprit lors des actes sexuels survenus à Magog.

[14]      Comme l’indiquent les paragraphes [76] à [78] du jugement entrepris[4], le juge s’est appuyé à cet égard sur un extrait du jugement de la Cour supérieure de justice de l’Ontario dans l’affaire J.R.[5]. Or, cet extrait ne soutient pas la conclusion à laquelle il est arrivé, car, loin d’affirmer que le témoignage d’une plaignante n’ayant pas de souvenir des actes sexuels litigieux n’est d’aucune utilité dans l’analyse de son état esprit au moment pertinent, le juge ontarien souligne uniquement que la preuve d’une situation d’amnésie temporaire — communément appelée black-out — fait en sorte qu’un tel témoignage ne saurait constituer une preuve directe d’incapacité ou d’absence de consentement. Le juge ontarien précise d’ailleurs, deux paragraphes plus loin, qu’une preuve de black-out peut constituer une preuve circonstancielle d’incapacité de la plaignante[6]. De plus — et surtout —, dans les paragraphes suivants, il conclut au caractère non consensuel de la relation sexuelle litigieuse en s’appuyant principalement sur le témoignage d’une plaignante qui n’en avait aucun souvenir, mais qui avait néanmoins relaté de manière probante une série de faits circonstanciels qui, selon le juge, permettaient d’inférer qu’elle n’avait pu y consentir[7].

[15]      L’utilité potentielle du témoignage d’une plaignante incapable de se souvenir de l’acte sexuel litigieux est confirmée par la jurisprudence de la Cour suprême[8].

[16]      Par exemple, dans l’affaire James, la plaignante n’avait pu témoigner relativement à la relation sexuelle litigieuse en raison d’une amnésie temporaire causée par une consommation excessive d’alcool et de cocaïne, et le juge du procès avait conclu que le ministère public ne s’était pas déchargé de son fardeau de prouver hors de tout doute raisonnable le caractère non consensuel de cette relation. À l’instar des juges d’appel majoritaires, la Cour suprême s’est dite d’avis qu’il y avait lieu d’ordonner un nouveau procès. Elle a conclu en ce sens après avoir constaté que le juge avait notamment erré en omettant de tenir compte du témoignage de la plaignante relativement à certains éléments circonstanciels, dont le fait qu’elle avait préalablement indiqué à l’accusé son refus d’avoir des rapports sexuels avec lui[9] :

[2]  Lorsqu’il a examiné la question cruciale du consentement, le juge du procès a conclu que la plaignante souffrait d’une sorte d’amnésie au moment où, prétend l’appelant, [traduction] « elle avait consenti à avoir des rapports sexuels avec lui » […].

[3]  En toute déférence, l’appelant n’a fourni aucune preuve du consentement. C’est uniquement dans sa déclaration à la police qu’il a prétendu que la plaignante avait consenti. Mais cette déclaration n’a pas été admise en preuve et elle ne faisait aucunement partie du dossier. […]

[4]  À notre avis, le fait que le juge du procès se soit appuyé sur une preuve qui ne faisait pas partie du dossier a peut-être influencé son raisonnement sur la question du consentement, tout particulièrement lorsqu’il s’est demandé si la plaignante avait peut-être consenti aux rapports sexuels mais avait oublié l’avoir fait à cause d’un trou de mémoire, ou si, comme la plaignante l’a prétendu, elle était inconsciente durant toute la période pertinente et n’avait jamais consenti à de tels rapports.

[5]  Outre cette erreur, lorsqu’il a examiné la question du consentement, le juge du procès a omis de tenir compte des diverses occasions où la plaignante avait indiqué à l’appelant, tout au long de la soirée, qu’elle ne voulait pas avoir de rapports sexuels avec lui. Le témoignage de la plaignante à ce sujet a été confirmé en partie par un témoin indépendant que le juge du procès avait trouvé crédible. De même, le juge du procès n’a pas tenu compte du désarroi dans lequel se trouvait la plaignante peu après le fait, lorsqu’elle a signalé l’agression sexuelle alléguée à la police.

[Soulignements ajoutés]

[17]      L’arrêt Kishayinew[10] confirme lui aussi l’utilité potentielle du témoignage d’une plaignante incapable de se souvenir de l’acte sexuel litigieux. Là encore, la plaignante n’avait gardé aucun souvenir de la relation sexuelle litigieuse en raison d’une amnésie temporaire causée par son intoxication. Toutefois, elle avait relaté de manière convaincante une série de faits circonstanciels à partir desquels le juge du procès, s’appuyant notamment sur les enseignements de J.R., avait inféré le caractère non consensuel de la relation. La Cour suprême a confirmé le bien-fondé de cette analyse dans un court arrêt dont l’essentiel se trouve au paragraphe suivant[11] :

La Cour est d’avis à la majorité que, considérés dans leur contexte, les motifs du juge du procès indiquent clairement qu’il était convaincu, hors de tout doute raisonnable, que la plaignante n’avait pas subjectivement consenti à quelque activité sexuelle que ce soit avec M. Kishayinew. Sur ce point, nous souscrivons aux motifs exposés par le juge Tholl, en dissidence, aux par. 52 à 78 de sa décision. Le juge du procès a à juste titre reconnu qu’en raison des trous de mémoire de la plaignante, la seule preuve qui existait quant à la question du consentement subjectif était la preuve circonstancielle suivante — la plaignante pleurait et était désorientée, elle ne voulait pas suivre M. Kishayinew, elle n’avait pas consenti à ses tentatives de l’embrasser ou de la toucher, elle avait tenté de quitter la maison à plusieurs reprises, et, après son trou de mémoire, elle s’était sentie effrayée et [traduction] « bizarre dans le bas-ventre » et voulait s’échapper. À notre avis, ainsi qu’il ressort des par. 94, 96 et 97 des motifs du juge du procès (2017 SKQB 177 (CanLII)), une seule inférence peut raisonnablement être tirée de cette preuve : la plaignante n’a consenti à aucun attouchement par M. Kishayinew. Cette conclusion est suffisante pour appuyer la déclaration de culpabilité pour agression sexuelle.

[Soulignements ajoutés]

[18]      L’utilité potentielle du témoignage d’une plaignante incapable de se souvenir de l’acte sexuel litigieux est également soulignée par la doctrine. Par exemple, dans leur ouvrage de référence sur l’agression sexuelle en droit canadien, les auteures Desrosiers et Beausoleil-Allard abordent cette question en insistant tout particulièrement sur la pertinence du témoignage de la plaignante relativement au fait qu’elle n’aurait pas consenti à l’acte sexuel litigieux si elle avait été dans un état normal[12] :

Qu’en est-il maintenant de la plaignante dont la conscience est altérée (black-out)? […] Le scénario classique est celui d’une consommation excessive, à la suite de laquelle la plaignante perd contact avec la réalité et se réveille quelques heures plus tard dévêtue, en compagnie de celui qu’elle considère son agresseur. Dans l’esprit de la plaignante, elle n’a pas consenti, puisqu’un tel consentement était impossible dans les circonstances : elle aurait eu une relation sexuelle avec plusieurs personnes, l’accusé est son cousin, ou un parfait inconnu, un voisin, un ami, un chauffeur de taxi, un homme à qui elle avait indiqué ne pas vouloir de relation sexuelle ou un ancien amant qu’elle craint parce qu’il la harcèle et la menace. L’accusé, de son côté, affirme que la plaignante était une participante volontaire et enthousiaste.

Face à un tel scénario, différents pièges sont à éviter. Tout d’abord, il convient de bien identifier la question juridique en litige : il ne s’agit pas de statuer sur le consentement de la plaignante, mais bien sur sa capacité à consentir. Il est donc pernicieux de douter de la crédibilité de la plaignante sous prétexte qu’elle n’a aucun souvenir de ce qui s’est passé, puisque cette absence de souvenir tend précisément à établir un black-out et partant, une incapacité. De même, les raisons pour lesquelles la plaignante, en temps normal, n’aurait pas consenti, doivent être considérées. En effet, même si le rationnel avancé par la plaignante ne permet pas de statuer sur le consentement qu’elle a pu donner au moment des faits, alors qu’elle était très intoxiquée, il permet certainement de juger de son degré d’intoxication et partant, de sa capacité. […]

[Soulignements ajoutés; italiques dans l’original; renvois omis]

mardi 1 octobre 2024

Un usage de la force ayant une nature sexuelle est une agression sexuelle, indépendamment de la manière que le contact s'est fait

R. v. R.A., 2024 BCCA 283

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[2]         In August 1978, the respondent was babysitting the complainant and other children at his home. In a statement made to the police, he explained that he was masturbating in the bathroom when he saw the then five‑year‑old complainant standing at the door. She asked what he was doing. He said “I’m making ice cream”. He then asked the complainant if she wanted to lick the ice cream. This is his description of the incident:

… as soon as it touched her … I pulled away, looked at her face and she [had] some stuff on her. I wiped it off and I said to, “kay you, you have to leave now and um, you can’t tell anybody ‘cause will get in trouble”. And she left, and I threw up in the toilet. Um, I can’t remember what I thought. It was something to the effect, “what the hell did you do?”

[3]         When asked by the interviewing police officer what happened after that, he explained: “Then she put her mouth on it … and backed away. And when I saw that on her face, I got quite upset… and uh, you heard the rest … I wiped it off her”.

[9]         In my opinion, with respect, the trial judge erred in concluding there was no direct application of force by the respondent to the complainant and in treating this case as if the complainant had not been touched. I say that for two reasons: first, by any definition of assault, even the narrow conception adopted in English cases following Fairclough (a judgment discussed in further detail below), the respondent touched the complainant in a manner constituting an assault. Second, I would expressly reject that narrow conception and adopt the view that any intentional contact with a child by an adult that is committed in circumstances of a sexual nature constitutes a direct and intentional application of force by the adult to the child’s person, and thus meets the definition of assault contained in s. 244(a) of the Criminal Code, regardless of whose physical movement initiated the contact.

[40]      As the Supreme Court noted in R.V., the requirement that there be intentional application of force for an assault to have occurred is satisfied by touching, however slight. In my opinion, such touching can consist of any intentional contact by an adult with the body of a child, regardless of whose physical movement initiates it. The analysis should not turn upon “who touched whom”.

[41]      In an annotation to Baney, Alan D. Gold dismisses a distinction based on the physics of the contact as meaningless and artificial. He writes:

The act-invitation distinction seems a mechanical, almost physicist’s view of the meaning of “force”: it differentiates between a force moving from the accused against the victim and one moving the other way, and it is based on the assumption that the impact, or threatened impact necessary to constitute an assault or battery, must be occasioned by the movement of some matter against or towards the victim. Besides being untenable on purely philosophical grounds as a rather artificial distinction (and even as a matter of physics it ignores that Newtonian Law which decrees that “for every action there is an equal and opposite reaction”), it is also contrary to those authorities holding that a battery may be committed where the impact is occasioned by the movement of the victim himself against some stationary matter, providing that the accused has intentionally caused the impact.

See Alan D. Gold, Commentary to R. v. Baney, available at 1971 CarswellOnt 41 (WL).

[42]      The respondent nevertheless contends that for an assault to occur there must be some positive act on the part of the accused which is more than a mere invitation to touch his person. He says if indecent assault is defined as broadly as the Crown suggests then a sleeping adult who has their genitalia touched by a child will be found to have had sexual contact with a child, and will potentially be criminally liable. He says, on the Crown’s view of the law, no act is required, which amounts to an absurdity. In my view, this is a straw man. No one suggests that a passive adult who does not initiate and intentionally participate in sexual contact will be found to have committed an indecent assault. Moreover, for there to be an assault under the Criminal Code, the application of force must be “intentional”. The respondent does not explain how the requisite mens rea would be established in his hypothetical. The nightmare scenario assumes away the volition that is morally blameworthy.

[43]      In my opinion, the jurisprudence supports the proposition that any intentional physical contact with a child may constitute an assault. Applying that interpretation of the law to the uncontroverted evidence in this case, there can be no doubt that the respondent assaulted the complainant under s. 244(a) of the Criminal Code, as it existed at the time of the offence. In suggesting the complainant touch him, the respondent precipitated contact of a sexual nature with the five‑year‑old complainant. That contact constituted a serious violation of the complainant’s bodily integrity. The fact that it was the complainant who moved towards the respondent, and not the other way around, is irrelevant at law.

Une affirmation faite à un témoin durant son contre‑interrogatoire ne constitue pas une preuve de celle‑ci, à moins que le témoin ne la tienne pour véridique

R. c. Simpson, 2015 CSC 40 

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[37]                          La juge du procès s’est fondée sur les réponses de Jean‑Marc Arcand pour conclure à l’existence d’une preuve d’apparence de droit. Soit dit en tout respect, ce faisant, elle a commis une erreur. Comme le ministère public l’a fait remarquer à bon droit, une affirmation faite à un témoin durant son contre‑interrogatoire ne constitue pas une preuve de celle‑ci, à moins que le témoin ne la tienne pour véridique : voir R. c. Skedden2013 ONCA 49, par. 12R. c. Zebedee (2006), 2006 CanLII 22099 (ON CA), 81 O.R. (3d) 583 (C.A.), par. 114R. c. M.B.M.2002 MBCA 154, 170 Man. R. (2d) 131, par. 25‑27. Cette règle s’applique même lorsque l’affirmation a été suggérée par le juge du procès.

[38]                          L’incapacité de Jean‑Marc Arcand de nier les suggestions qui lui étaient faites ne nous éclaire en rien quant à la véracité ou non de ces suggestions. Prises isolément, ses réponses se limitent à faire savoir qu’il ne connaissait pas personnellement les interactions précises, le cas échéant, que pouvait avoir eues son père avec les intimés. La juge du procès n’était donc pas autorisée à se fonder sur ces réponses comme preuve de quelque chose de plus — par exemple, du fait que les intimés pourraient avoir conclu un accord avec Marius Arcand. Ainsi, le témoignage de son fils Jean‑Marc ne peut être utilisé pour évaluer si la défense d’apparence de droit alléguée franchit le seuil de la vraisemblance. Soit dit en tout respect, la juge du procès a commis une erreur de droit en concluant autrement.

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

Les déclarations d'un accusé à son complice ne sont pas du ouï-dire

R v Ballantyne, 2015 SKCA 107 Lien vers la décision [ 58 ]             At trial, Crown counsel attempted to tender evidence of a statement m...