Rechercher sur ce blogue

lundi 13 octobre 2025

L’arrêt des procédures sur ordre du procureur général en vertu de l'article 579 C.cr. constitue un acte administratif qui échappe au contrôle du juge du procès, ce dernier devenant functus officio

Longchamps c. R., 2021 QCCA 700

Lien vers la décision


[18]      L’arrêt des procédures sur ordre du procureur général en vertu de l'article 579 C.cr. constitue un acte administratif qui échappe au contrôle du juge du procès. Lorsque le procureur général exerce ce droit, le juge devient functus officio[4]. Il n'a plus compétence tant à l'égard de l'accusation que des demandes incidentes présentées par un accusé[5].

[19]      Dans le présent dossier, il appert que la décision du juge de rejeter la requête en mandamus est centrée sur le défaut de l’appelant de se décharger de son fardeau de preuve. Les considérations de nature procédurale énoncées par le juge sont subsidiaires.

[20]      Après avoir conclu que « rien dans la preuve soumise ne permet de conclure qu’en décidant de mettre fin aux procédures, et [en introduisant une demande en confiscation civile] l’intimée a fait preuve d’une conduite répréhensible flagrante relevant de l’abus de procédure », le juge ajoute le commentaire suivant en lien avec la procédure choisie par l’appelant :

[71]  De plus, le Tribunal est d’avis que le recours choisi se prête mal à la contestation du nolle prosequi déposé par l’intimée puisque dans les faits, le requérant lui demande de l’annuler au lieu de lui demander d’en contrôler l’exercice, ce qui relève davantage du recours en certiorari.

[21]      Non seulement ce commentaire n’a pas d’incidence sur le sort du litige, mais, en plus, il est exempt d’erreur. Le mandamus est un « recours par lequel on demande à la cour supérieure d’ordonner à une personne, un organisme ou un tribunal d’exercer un devoir de nature publique, c’est-à-dire prévu par une loi, un règlement ou la common law »[6]. Ce recours ne peut, en principe, servir à contrôler l’exercice d’une discrétion; il vise les cas où une personne refuse d’exercer sa discrétion, ne l’exerce pas judiciairement ou l’exerce d’une manière illégale[7]. Ainsi, « on ne peut jamais recourir au mandamus pour obtenir qu’une discrétion soit exercée dans un sens donné; on ne peut que contraindre le tribunal ou l’agent à utiliser sa discrétion judiciairement »[8].

La maison de chacun est pour lui son château et sa forteresse, tant pour se défendre contre l'injure et la violence que pour son repos

Régimballe c. R., 2012 QCCA 1290

Lien vers la décision


[68]        Il est acquis que le domicile d’une personne devrait être, en quelque sorte, un sanctuaire où elle a droit de s’attendre à être à l’abri de toute violence[13]. Ainsi, les invasions de domicile motivées par la colère, la haine, la rancune ou la vengeance, ou nourries par un profond ressentiment envers les gens qui s’y trouvent, doivent être dénoncées et les peines pour ces crimes doivent être dissuasives. Le juge en est bien conscient. Il le dit expressément, d’ailleurs, tout en ajoutant du même souffle : « Il faut lancer le message que ce genre de crime n’est pas toléré dans notre société ».

L’état d’intoxication peut être retenu de différentes façons lors de la détermination de la peine et il peut constituer un facteur aggravant dans le cas de crime violent

Ivlev c. R., 2020 QCCA 1184

Lien vers la décision


[26]        L’appelant cite l’arrêt R. c. Chenier[10] dans lequel la Cour est intervenue à l’égard d’une peine trop clémente. Dans cette affaire, la Cour a décidé que la problématique de dépendance à l’alcool ou aux drogues ne constitue pas un facteur atténuant, notant que les actions de l’accusé dans cette affaire n’étaient pas des « events that took place on the "spur of the moment" during a drunken quarrel ».

[27]        La règle qu’en dégage l’appelant – selon laquelle la toxicomanie ou l’intoxication constitue des facteurs atténuants lorsque le délinquant n’est pas conscient de ses gestes et ne les prémédite pas – est erronée.

[28]        La Cour explique que l’état d’intoxication peut être retenu de différentes façons et qu’il peut constituer un facteur aggravant dans le cas de crime violent :

[62]        Il est vrai que l'état d'intoxication peut être traité tantôt comme un facteur atténuant, tantôt comme un facteur aggravant, selon les circonstances. Il en est de même pour les problèmes d'alcoolisme. Lorsqu'il s'agit de crimes violents, la consommation d'alcool sera généralement considérée comme facteur aggravant ou, au mieux pour l'accusé, comme un facteur neutre.[11]

Le simple fait d’être en colère, de proférer des insultes ou d’exprimer l’intention de « détruire légalement » une personne ne constitue pas en soi une menace au sens du Code criminel

Schiro c. R., 2025 QCCS 3516

Lien vers la décision


[30]        La juge n’a commis aucune erreur en concluant que les propos de l’appelant constituaient une menace au sens de l’alinéa 264.1(1)a) du Code criminel.  Le jugement démontre qu’elle s’est correctement dirigée en droit quant aux éléments constitutifs de cette infraction.

[31]        Citant les arrêts R. c. McRae[10] et R. c. McCraw[11] de la Cour suprême du Canada, ainsi que l’arrêt Patoine c. R.[12] de la Cour d’appel du Québec, la juge résume le droit applicable de la manière suivante :

[32] La question de savoir si des mots constituent une menace doit être tranchée selon une norme objective. L’élément de faute est prouvé s’il est démontré que les mots proférés visent à intimider ou être pris au sérieux et l’absence d’intention de mettre à exécution n’est pas un élément essentiel. Par ailleurs, l’expression « lésions corporelles » comprend la blessure psychologique grave ou importante.[13] (Références omises)

[32]        À la lumière de la preuve retenue, la juge était bien fondée de conclure que les paroles de l’appelant, lorsque considérées - comme il se doit - dans le contexte de l’ensemble de la conversation, constituaient une menace au sens de l’alinéa 264.1(1)a) du Code criminel.

[33]        Il est exact, comme le reconnaissent les parties, que le simple fait d’être en colère ou de proférer des insultes ne constitue pas en soi une menace au sens du Code criminel, pas plus que le fait d’exprimer l’intention de « détruire légalement » une personne.  Toutefois, il est manifeste que la présente affaire comportait des éléments additionnels permettant à la juge de conclure à l’existence d’une menace au sens juridique du terme.

[34]        En plus d’avoir exprimé sa colère, d’avoir injurié les agents de Passeport Canada et d’avoir menacé de les poursuivre, l’appelant a mentionné à plus d’une reprise qu’il est mieux pour eux que son passeport soit prêt avant 13h00, sans quoi il se rendra au bureau de Montréal; qu’ils feraient mieux d’appeler la police et les militaires; qu’ils auront besoin d’assistance physique et psychologique après ce qui va se passer; et que ce sera un « bloody hell » ou un « bloody mess ».

[35]        Conformément à la jurisprudence, la juge devait analyser la conversation dans son ensemble et non en vase clos, et ce, en fonction du « sens qu’une personne raisonnable donnerait aux mots, eu égard aux circonstances dans lesquelles ils ont été proférés ou transmis »[14].  Dans le contexte de la présente affaire, la juge a eu raison de conclure que les paroles prononcées par l’appelant constituaient une menace au sens du Code criminel.

[36]        En ce qui concerne l’élément de faute (mens rea), l’argument de l’appelant selon lequel la juge aurait omis de l’examiner ne saurait être retenu.  La juge rappelle d’abord qu’il appartient à la Couronne de prouver hors de tout doute raisonnable « les éléments essentiels de l’infraction dont le défendeur fait l’objet »[15].

[37]        Elle aborde ensuite expressément la question de la mens rea, en affirmant que « l’élément de faute est prouvé s’il est démontré que les mots proférés visent à intimider ou être pris au sérieux (...) »[16].  Elle se réfère aux arrêts R. c. McRaeR. c. McRaw et Patoine c. R., précités, qui traitent de cette question, et souligne que l’intention de mettre à exécution la menace n’est pas un élément essentiel de l’infraction.

[38]        La juge procède, comme déjà mentionné, à une appréciation détaillée des témoignages et de l’ensemble de la preuve.  Elle rejette le témoignage de l’accusé - une conclusion factuelle exempte d’erreur susceptible de révision - et retient celui de l’employée du bureau des passeports, une conclusion également exempte d’erreur.

[39]        La juge conclut son jugement en ces termes :

[44] Le but d’une menace au sens du Code criminel est de faire craindre une personne pour sa sécurité ou celle d’autrui.  C’est exactement ce que le défendeur crée par ses propos lors de cet appel et le Tribunal estime que la preuve démontre hors de tout doute raisonnable qu’il a menacé de causer des lésions corporelles ou la mort à des employés de Passeport Canada.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[45] DÉCLARE le défendeur coupable.[17]

[40]        L’examen du jugement dans son ensemble ne permet pas de retenir l’allégation selon laquelle la juge aurait omis de considérer l’élément de faute (mens rea).  Au contraire, les motifs démontrent qu’elle a analysé cette question et conclu que tous les éléments essentiels ont été établis selon la norme applicable en droit criminel.

[41]        Il est bien établi que les motifs d’un jugement doivent être interprétés selon une approche fonctionnelle et contextuelle[18], en se demandant s’ils répondent aux questions en litige.  Or, l’analyse du jugement permet de comprendre clairement « ce que le juge a décidé et pourquoi »[19], y compris en ce qui concerne l’élément de faute, lequel est établi lorsqu’il est démontré que les mots proférés visaient à intimider ou à être pris au sérieux[20].

jeudi 9 octobre 2025

Lorsqu’il s’agit d’un objet qui n’est pas spécifiquement conçu pour blesser (et dont la possession pourrait être bénigne), il doit y avoir une preuve d’intention malveillante de la part de l’accusé, associée à la possession

R. v. Constantine, 1996 CanLII 11099 (NL CA)

Lien vers la décision


[8]                           The more favoured approach in recent years, however, appears to be one of treating "carrying" as a separate determination, but dealing with the issues of "weapon" and "concealment" together in the sense of the court's determining, either directly or by inference, from the facts and circumstances of a particular case what was the purpose of the accused.

[9]                           Obviously, a handgun or a switch-blade knife or brass knuckles may generally be regarded as being weapons because they are designed to be such. Thus, in the absence of evidence to the contrary, the cases generally state that concealment of any of these may create the offence because unlawful purpose may be assumed or implied.

[10]                       The same, however, cannot be said of a carving knife or a steak knife or a hunting knife, or many other objects which are intended for peaceful purposes. Thus, the key to the entering of a conviction in such matter has to be the establishing by the prosecution that the object is being concealed for an unlawful purpose. This is, however, not necessarily an easy method of dealing with the problem in all cases because obviously the lines as to the nature of the object, the extent of the concealment and the determination of purpose can become easily obscured.

[11]                       A very useful treatment of the issues may be found in Peter J. Harris' Weapons Offences Manual (1995). The author acknowledges that courts have had difficulty over the years in dealing with the problem, but he states:

"However, if the statute is not concerned with the concealment of the potential weapon for its own sake, but only on account of its concomitants or consequences, and if concealing a weapon can be done for a variety of purposes not all of which are necessarily socially harmful or unlawful, then the purpose of the accused in concealing a weapon is necessarily relevant to determining whether the offence has been committed. A necessary consequence follows. If the intended purpose is relevant, then whether the object was a 'weapon' and whether it was 'concealed' are indissolubly related issues. … Neither ingredient of the offence can be determined independently of the other."

[12]                       Harris also provides various examples of cases where the courts have determined that (a) it was necessary to establish an unlawful purpose and, (b) where such was not required. In R. v. Lemire (1980), 1980 CanLII 2800 (BC SC), 54 C.C.C.(2d) 50 (B.C.S.C.), affd. (1980), 1980 CanLII 334 (BC CA), 57 C.C.C.(2d) 561 (C.A.), the British Columbia Court of Appeal assumed that a lead pipe which weighed about 450 grams, covered with tape and with a length of chain attached, was unquestionably a weapon. The only issue left to be determined was whether it had been concealed. In R. v. Acoose (1982), 1982 CanLII 2495 (SK KB), 17 Sask.R. 240 (Q.B.), a woman was found to have been carrying inside her sock, out of sight, an 11 inch fish-filleting knife in a leather sheath. The court drew the inference that she had intended to use the knife as a weapon should the occasion arise and rejected her explanation that she had obtained the knife from a friend immediately before the incident. Another interesting case out of Saskatchewan is R. v. Starr (1983), 1983 CanLII 2610 (SK KB), 24 Sask.R. 161 (Q.B.). There, a woman who was stopped for a traffic infraction was found to have a steak knife and a paring knife in her purse. She admitted that she carried the steak knife for protection. Her conviction was upheld on appeal because she admitted she carried the knife for self-protection and such could ground the inference that the knife was a weapon.

[13]                       The more common cases are those where the courts felt that it was necessary to establish purpose because of the nature of the object alleged by the prosecution to be a weapon. One example is R. v. Crawford (1980), 1980 CanLII 2889 (ON CA), 54 C.C.C.(2d) 412 (Ont. C.A.), where a closed knife was found under the floor mat of the accused's vehicle. He testified that he had borrowed the knife from his father and that he had used it as a screwdriver and hid it to protect it from theft. He was convicted at trial, the judge referring to the accused's criminal record and stating that people with records should not carry weapons and, especially, should not conceal them. The Ontario Court of Appeal allowed the appeal because it had not been established on the evidence that the accused had used or intended to use the knife as a weapon. In the case of R. v. Wees (1992), 15 W.C.B.(2d) 335 (B.C.S.C.) an accused who had been charged with a drug offence was found in possession of a pocket knife. The court held that the requisite purpose of an intention to use an otherwise neutral object as a weapon must exist at the time of discovery and such was not established here.

[14]                       The authorities seem to follow a standard pattern of the prosecution having of necessity to establish that an object which could be used for peaceful purposes was intended to be used as a weapon. Conversely, where the object in issue was one which could obviously be deemed to be a weapon because of its very nature, the evidentiary burden would fall on an accused to establish that no unlawful purpose was intended. One case which appears to have caused some problems within the courts of the country, however, is that of R. v. Felawka, 1993 CanLII 36 (SCC), [1993] 4 S.C.R. 199; 159 N.R. 50; 33 B.C.A.C. 241; 54 W.A.C. 241, where, by a four to three majority, the Supreme Court upheld a conviction of a person who was carrying a .22 calibre rifle wrapped in his jacket on his way home from target shooting. He was found guilty of carrying a concealed weapon because he intended to conceal it, he having stated, "it was not proper to carry it out in the open". It is interesting to note in that case the majority felt that a firearm as defined in s. 84 of the Criminal Code will always come within the definition of a weapon because it is expressly designed to kill or wound. While mens rea is required to be proved to establish a s. 89 offence, that mens rea will be established if the Crown proves beyond a reasonable doubt that the accused concealed an object that he knew to be a weapon, without more. Lamer, C.J.C., dissenting, was strongly of the view that it had not been shown that the accused was carrying a "weapon" within the meaning of s. 89. Further, in his view, the majority's interpretation of s. 2, which would include a firearm as a weapon regardless of its use or intended use, could produce unjust results.

[15]                       Felawka does appear to deviate somewhat from the norm. However, in any event, it may be distinguished for our purposes because we are not here dealing with a firearm, but rather a hunting knife. That object was not designed to kill or maim persons and therefore the matter of purpose or intent of the accused becomes most relevant. While there does appear to have been concealment of a sort by the appellant, the trial judge has expressly found that:

"There is nothing to suggest that (the appellant) had (the knife) there for any evil or unlawful purpose, that he intended to use it in any way or that he intended to do any damage with it."

That being so, the unlawful purpose to make out the offence has not been established and, in my view, the appellant should not have been convicted of the offence.

La règle du functus officio et la compétence inhérente

Djelidi c. Directeur des poursuites criminelles et pénales, 2020 QCCS 1695

Lien vers la décision


[26]        Dans l’arrêt Doucet-Boudreau c. Nouvelle-Écosse (Ministre de l'Éducation), les juges Iacobucci et Arbour écrivent au nom de la majorité et réfèrent à la définition de la règle du functus officio de cette façon : « Locution latine signifiant « s’étant acquitté de sa fonction ».  Se dit d’un tribunal, d’un organisme public ou d’un fonctionnaire qui est dessaisi d’une affaire parce qu’il a cessé l’exercice de sa fonction.  Ex.  Le juge qui a prononcé un jugement final est functus officio »[8].

[27]        Ils notent ensuite que le fondement de cette règle du functus officio a pour but d’assurer le caractère définitif des jugements des tribunaux visés par un appel sans quoi « un tribunal jouerait le rôle d’une cour d’appel et priverait les parties d’une assise stable pour interjeter appel »[9].

[28]        Les juges dissidents de l’arrêt Doucet-Boudreau c. Nouvelle-Écosse (Ministre de l'Éducation) sont du même avis. Les juges Lebel et Deschamps mentionnent que « la bonne administration de la justice exige que les procédures aient un caractère définitif de façon à maintenir l’équité procédurale et l’intégrité du système judiciaire »[10].

[29]        La Cour suprême a reconnu dans l’arrêt Khela qu’il existe un pouvoir discrétionnaire du Tribunal de modifier une ordonnance de divulgation de la preuve lorsque des éléments de preuve nouveaux le justifient[11].

[30]        De plus, elle précise dans l’arrêt Adams « [qu’] en règle générale, toute ordonnance relative au déroulement d'un procès peut être modifiée ou annulée s'il y a eu changement important des circonstances qui existaient au moment où elle a été rendue » [12]

[31]        Le changement est important, s’il se rapporte « à une question qui a justifié, au départ, la délivrance de l'ordonnance » [13]

[32]        La Cour d’appel de l’Alberta, dans l’arrêt Conley, indique qu'un juge devient functus officio lorsqu’il épuise sa compétence: « a judge becomes functus when he makes a final pronouncement following a hearing on the merits. He cannot make a fresh adjudication or otherwise interfere with that judgment after finality has been achieved. There must be finality and it is that quality which renders a judge functus officio »[14].

[33]        En résumé, la règle du functus officio « garantit que, sous réserve d’un appel, les parties peuvent compter sur le caractère définitif des décisions des cours supérieures »[15].

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

Les déclarations d'un accusé à son complice ne sont pas du ouï-dire

R v Ballantyne, 2015 SKCA 107 Lien vers la décision [ 58 ]             At trial, Crown counsel attempted to tender evidence of a statement m...