mercredi 1 juillet 2009

Défense «De minimis non curat lex»

R. c. Dubé, 2001 CanLII 273 (QC C.Q.)

Cette défense (issue de la de common law), très rarement invoquée, est fondée sur le caractère insignifiant du geste reproché à un accusé : elle équivaut à soutenir que même si, d'un point de vue qui pourrait être qualifié de technique, tous les éléments constitutifs de l'infraction ont été prouvés hors de tout doute raisonnable, l'acte fautif est à ce point banal qu'il ne mérite pas d'être sanctionné par le droit criminel.

Elle a par exemple été retenue dans l'affaire R. c. Lepage, (1989) 74 C.R. (3d) 368 (Sask. Q.B.) : l'accusé faisait alors face à une accusation de voies de fait simples pour avoir écarté quelqu'un de son chemin alors que ce dernier l'empêchait de quitter son bureau.

En contexte de violence conjugale, comme c'est le cas ici, l'argument est cependant plus délicat : c'est d'ailleurs probablement là l'un des motifs pour lesquels, en cette matière, les tribunaux font preuve d'une extrême prudence lorsque le moyen est soulevé.

Ainsi, dans l'affaire R. c. Cole, [1990] Y.J. No. 19 (Yuk. T.C.), alors qu'il avait à apprécier les gestes d'avoir craché en direction de l'ami de coeur de son ex-conjointe et d'avoir fait «a slight but deliberate push and a virtually concurrent shoutder nudge» à l'endroit de cette dernière, le juge Hudson en est-il venu à la conclusion suivante, à la page 2:

"De minimis does not apply, in that the least touching in anger would be an assault, and that is clearly what I have found."

De même, dans l'affaire R. c. Stewart, [1996] O.J. No. 2704 (Ont. C.J. (P.D.)), où il avait aussi à apprécier le moyen de défense à l'égard d'un geste par lequel un homme avait repoussé sa conjointe suffisamment fort pour lui faire perdre l'équilibre sans toutefois qu'elle ne tombe ni se blesse, le juge Renaud a estimé nécessaire de faire une mise au point, que l'arrêtiste résume dans les termes suivants, à la page 1:

"The accused applied force intentionally to the complainant by means of a push to which she had not consented. If the deviation in law were a mere trifle, which, if continued in practice would weigh little or nothing on the public interest, it might properly be overlooked. Here, the situation involved a domestic relationship. In sentencing, evidence of spousal abuse deemed an aggravating circumstance. Subject to the type of curial review provided by the doctrine of abuse of process, the determination of a clear case of intentional assaultive behaviour, within the domestic context, ought not to be influenced by the application of the doctrine of de minimis. No persuasive argument was advanced to sustain the submission that a spouse consented to any form of violence in the course of a domestic argument."

On comprend en effet que si les tribunaux devaient se montrer accueillants à l'égard de la défense «De minimis non curat lex» en contexte de violence conjugale, l'exercice ne pourrait aboutir qu'à l'acceptation d'un principe postulant qu'un certain niveau de violence est acceptable, niveau en deçà duquel les gestes posés ne mériteraient pas d'intéresser le droit criminel. Et, si la porte devait être ainsi entrouverte, on imagine déjà la difficulté que représenterait la délimitation de balises, la détermination du niveau de force socialement tolérable ne pouvant résulter que d'une appréciation subjective, qui pourrait n'être fondée que sur de simples perceptions.

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