mardi 25 août 2009

L'APTITUDE À SUBIR SON PROCÈS

X, Re, 2002 CanLII 37204 (QC C.Q.)

[29] Toute personne est présumée apte à subir son procès (art. 672.22 C.cr.). Cette présomption s’applique aussi aux adolescents, bien qu’il soit généralement admis que leur degré de maturité et de compréhension soit moindre que celui des adultes et qu’ils sont souvent en situation de dépendance.

[30] L’aptitude d’un accusé à subir son procès porte sur l’évaluation de son état mental, non pas au moment de la commission de l’infraction reprochée, mais au moment où doit se tenir son procès.

[31] Dès que le juge a des motifs raisonnables de douter de la capacité de l’accusé à subir son procès, c’est-à-dire à répondre de manière adéquate à la procédure criminelle ou pénale diligentée contre lui, il doit tenter d’obtenir le maximum d’informations pour déterminer cette aptitude et tenir une audition à ce sujet. L’attitude et le comportement de l’accusé à l’audience peuvent être de bons indicateurs de cette capacité. Semble-t-il suivre le déroulement de l’audience ? Y manifeste-t-il une attention ?

[32] Le fardeau de prouver qu’un accusé est inapte à subir son procès est celui de la prépondérance des probabilités (art. 672.22); ce fardeau incombe à la partie qui soutient la demande (art. 672.23(2)).

[33] Le Code criminel a codifié, à l’article 2, les éléments que la common law avait retenus pour déterminer l’aptitude d’un accusé à subir son procès. L’inaptitude à subir son procès (ISP) s’entend de « L’incapacité de l'accusé en raison de troubles mentaux[6] d'assumer sa défense, ou de donner des instructions à un avocat à cet effet, à toute étape des procédures, avant que le verdict ne soit rendu », et plus particulièrement de l’incapacité de :

a) comprendre la nature ou l'objet des poursuites;

b) comprendre les conséquences éventuelles des poursuites;

c) communiquer avec son avocat.

[34] La capacité de comprendre et de communiquer sont donc des composantes essentielles de l’aptitude d’un accusé à subir son procès.

"La capacité de subir son procès tient du principe que l’accusé doit pouvoir participer à son procès, comprendre son déroulement, être capable de s’exprimer, de communiquer et de présenter une défense pleine et entière."

[35] Si l’adolescent est incapable de s’exprimer sur les circonstances de l’infraction reprochée, s’il est incapable de se souvenir ou que partiellement, s’il ne peut ou n’a pu évaluer les conséquences de ses gestes, s’il n’est pas en mesure de présenter à l’avocat ou à ses parents sa position face à l’infraction reprochée, il est certainement possible de douter de son aptitude à subir son procès et à y offrir une quelconque défense, sinon celle de la non-responsabilité criminelle (NRC), reconnue à l’article 16 C.cr.

[36] Il ne s’agit pas d’évaluer si l’adolescent (ou l’accusé) est en mesure de prendre les meilleures décisions, les plus rationnelles, quant à sa défense, ou celles qui soient dans son meilleur intérêt; il ne s’agit pas d’examiner la capacité analytique de l’accusé, mais plutôt sa capacité cognitive.

" (…) The autonomy of the accused in the adversarial system requires that the accused should be able to make such fundamental decisions and assume the risks involved.

The « limited cognitive capacity » test strikes an effective balance between the objectives of the fitness rules and the constitutional right of the accused to choose his own defence and to have a trial within a reasonable time."

[37] Ce critère de la « capacité cognitive limitée » a été repris dans R. v. Bain :

¶ 69 " Evidence that an accused does not act in his best interest (R. v. Taylor (D.R.M.) (1992), 59 O.A.C. 53) or fails to act with good judgment (R. v. Trecroce reflex, (1980), 55 C.C.C. (2d) 202) is not by itself sufficient to warrant a finding of unfitness."

[38] Ainsi que dans R. v. C.W.:

"(…) The test for fitness is whether the accused has sufficient (albeit limited) cognitive capacity to advise his or her counsel as to the relevant facts and circumstances such that defence counsel may prepare an adequate defence. See R. v. Taylor reflex, (1992), 77 C.C.C. (3d) 551 (Ont. C.A.)"

[39] Cette incapacité doit cependant résulter de l’existence de « troubles mentaux ». Les « troubles mentaux » seront établis par une preuve d’experts. En effet, seuls des experts en santé mentale ou en psychologie seront en mesure de déterminer si l’accusé souffre de désordre mental ou d’une maladie susceptible d’affecter sa capacité de comprendre les procédures ou de communiquer les faits dont il a eu connaissance, afin de guider son avocat dans la conduite, la préparation et la présentation de sa défense. Il appartient cependant au « juge des faits » de déterminer si cette maladie mentale rend l’accusé inapte à subir son procès (art. 672.27 C.cr.) et de rendre le verdict en ce sens.

[40] Ainsi, dans R. v. S.D., le tribunal a jugé un adolescent apte à subir son procès :

¶ 12 " The evidence indicates that S.D. is not much different than many other persons who appear in court. He does not have a sophisticated thought pattern nor an information base of an average person of his age. With sensitivity, thoughtful interpretation and patience, he has the ability to understand the charges against him, to converse with counsel and to participate with understanding, in the process involving these charges. In many ways, he is, in my view, in a situation similar to that of an accused from another country or culture. Interpreters are used to convey information and to aid with understanding. S.D. can manage his participation in a proper manner provided counsel and the court, exercise the patience and interpretive skills required to ensure he completes the exercise with understanding and proper participation.

¶ 13 I find S.D. is fit to stand trial. He does not suffer from a disease of the mind or is not unable on account of a mental disorder, to conduct a defence or instruct counsel to do so. I find he understands the nature and object of the proceedings, that he understands the possible consequences and that he is able to communicate with counsel. "

[41] Dans une autre affaire, la Cour a examiné la preuve d’experts (contradictoire sur la question de l’aptitude de l’adolescent à subir son procès) en tenant compte du contexte particulier des procédures criminelles :

¶ 43 "Finally, let me say that this decision rests upon my application of the test found in s. 2 of the Criminal Code in light of the practical realities of criminal proceedings including trial. It is my view that the psychologists have a much more realistic view of what is required in order to understand the nature or object of the proceedings, to understand the possible consequences and to communicate effectively with counsel. Dr. Matthews in his first report suggests that there will be no difficulty instructing counsel if court is held at the right time of day. How are counsel or the court to know the right time of day? Dr. Matthews did admit in that same report that he did not ask difficult or terribly demanding questions. He did seem to opine that J.A.P. would have difficulty with questions that came in a continuous stream, which of course is more akin to a formal test or testifying on the stand or following court testimony generally. It is not clear to me having read Dr. Matthews' two reports that he feels that anything more than a very superficial understanding of court proceedings is necessary in order to communicate with counsel so as to effectively martial one's defence. It is also noteworthy to me that Dr. Matthews made no reference to the intellectual testing scores found in the psychological reports.

¶ 44 Dr. Bennett contemplated a process of communication which while effective in her office, cannot be effective during court proceedings. She advises that in order to ensure that Jesse follows court proceedings, that everything will need to be explained to him very carefully. She said that he will need time to assimilate the information and to respond to questions. She cautioned that a first response may not be taken at face value and that the question needs to be repeated in different formats so as to improve our understanding of what Jesse actually understands. The difficulty with this approach is that unless she or another qualified person is present and able to provide a continuous discourse with J.A.P. and a running commentary to the court as to his understanding and the reliability of his responses, the court is at a loss to know whether he is receiving a fair trial. The court simply doesn't have this expertise and I am very doubtful that this is a reasonable limit on the requirements of s. 2 of the Criminal Code.

¶ 45 I find that the Defence has met the burden of proving and I find on a balance of probabilities that J.A.P. is unfit to stand trial on the aforementioned charges."

[42] La Cour d'appel de Nouvelle-Écosse a établi en 1994 que le tribunal peut s'appuyer sur la déclaration non assermentée de l'avocat de la défense à l'effet que l'accusé est incapable de communiquer avec lui.

[43] L'affirmation d'un avocat à l'effet que son client n'a pas la capacité de lui donner des instructions (instruct counsel) doit être examinée avec minutie. Cette déclaration d'avocat doit toutefois alerter le juge qui déterminera, avec les autres éléments de preuve, si l'accusé est apte à subir son procès.

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