lundi 12 octobre 2009

Le policier avait-il des motifs raisonnables de procéder à l'arrestation concernant 253 Ccr (symptômes permettant de fonder des motifs raisonnables)?

R. c. Cloutier, 2008 QCCQ 2272 (CanLII)

[32] En premier lieu, il faut noter que les explications données par l'accusé ne sont pas tenues en compte à cette étape des procédures. En effet, le Tribunal n'a pas à déterminer maintenant si preuve est faite hors de tout doute raisonnable de la commission de l'infraction mais plutôt si l'agent de la paix avait des motifs raisonnables pour arrêter pour conduite avec capacité affaiblie.

[33] Voici le test établi par la Cour suprême du Canada dans R. c. Storrey, 1990 CanLII 125 (C.S.C.), [1990] 1 R.C.S. 241:

"[para 17] En résumé donc, le Code criminel exige que l'agent de police qui effectue une arrestation ait subjectivement des motifs raisonnables et probables d'y procéder. Ces motifs doivent en outre être objectivement justifiables, c'est-à-dire qu'une personne raisonnable se trouvant à la place de l'agent de police doit pouvoir conclure qu'il y avait effectivement des motifs raisonnables et probables de procéder à l'arrestation. Par ailleurs, la police n'a pas à démontrer davantage que l'existence de motifs raisonnables et probables. Plus précisément, elle n'est pas tenue, pour procéder à l'arrestation, d'établir une preuve suffisante à première vue pour justifier une déclaration de culpabilité."

[34] Voici ce sur quoi le policier s'appuie pour décider de procéder à l'arrestation:

- l'accusé se rend à l'édifice de la Caisse en faisant des enjambées anormalement grandes, le corps penché vers l'avant et avec les bras éloignés du corps "pour garder l'équilibre";

- il perd l'équilibre en ouvrant la porte;

- il arrête à seulement un pied du policier, soit à l'intérieur de ce qu'on peut appeler la "zone de confort" ou de sécurité du policier;

- il dégage une "bonne", une forte odeur d'alcool, il a les yeux rouges et les pupilles dilatées;

- le policier lui demande ses trois documents habituels, soit le permis de conduire, le certificat d'immatriculation et l'attestation d'assurance, mais l'accusé ne lui remet que le permis de conduire. Il faut lui demander chacun à tour de rôle pour les deux autres documents;

- il échappe son certificat d'immatriculation et se relève en sueurs, malgré qu'il fasse froid, -5 à -10º C, que son manteau soit ouvert et qu'il ait froid suivant son témoignage;

- il ne reste pas immobile, piétinant sur place et passant son poids d'un pied à l'autre, comme quelqu'un qui a "envie";

- le policier est convaincu qu'il est en état d'ébriété.

[35] D'un autre côté, le policier ne constate rien d'anormal lorsque l'accusé sort de son véhicule comme il n'avait rien constaté d'anormal dans la conduite du véhicule lorsqu'il l'a suivi sur une courte distance. La remise des documents est adéquate, mis à part ce qui est constaté plus haut.

[36] Il n'a pas de difficulté de langage et n'a pas la bouche pâteuse.

[37] Parmi la panoplie de symptômes permettant de fonder des motifs raisonnables, le Tribunal constate qu'il n'y a pas de preuve concernant:

- une conduite hors norme;

- des problèmes de coordination ou des fonctions motrices, mis à part une perte d'équilibre à la porte et, peut-être, le document échappé;

- le temps de réaction;

- les excès émotionnels;

- une absence ou un affaiblissement de jugement;

- la capacité de se concentrer sur une tâche;

- la confusion mentale;

- la nausée;

- la capacité de suivre les instructions;

- les écarts de conduite ou les comportements impulsifs;

- un état de conscience altéré;

- les difficultés de vision.

[38] Bien que ces éléments doivent plus certainement être considérés lors de l'appréciation de la force probante de la preuve pour déterminer le verdict, le Tribunal croit que l'agent de la paix peut aussi tenir compte de l'existence ou de l'absence d'un certain nombre de symptômes pour fonder ses motifs.

[39] Ce n'est certes pas une simple application mathématique mais l'exercice d'un jugement basé sur des faits.

[40] Lorsqu'on considère les éléments qui peuvent être reliés de façon claire à la conduite avec capacité affaiblie, les symptômes sont limités: une seule perte d'équilibre à la porte, l'odeur d'alcool, les yeux rouges et les pupilles dilatées. Les autres éléments ne sont pas vraiment significatifs d'une conduite avec capacité affaiblie.

[41] Compte tenu de l'ensemble des circonstances, le Tribunal conclut qu'une personne raisonnable se trouvant à la place du policier n'aurait pas cru à l'existence de motifs raisonnables. Ces soupçons auraient dû amener un complément d'enquête par l'ADA ou les tests de coordination physique.

[42] Par conséquent, les droits constitutionnels de l'accusé le protégeant d'une détention arbitraire et d'une saisie abusive d'échantillons d'haleine ont été violés. L'accusé a été mobilisé contre lui-même en fournissant les échantillons d'haleine. L'admission de leurs résultats affecterait l'équité du procès et déconsidérait l'administration de la justice. Le Tribunal doit donc exclure cette preuve puisqu'elle n'aurait pu être obtenue par un autre moyen non fondé sur la mobilisation de l'accusé contre lui-même (R. c. Stillman, 1997 CanLII 384 (C.S.C.), [1997] 1 R.C.S. 607 .

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