R. c. Chassé, 2002 CanLII 23659 (QC C.Q.)
[10] À l'égard de ce crime, les tribunaux ont clairement voulu marquer l'opprobre de la société et la nécessité de dissuasion individuelle et collective en regard de tels gestes. Le Tribunal remarque l'existence d'une importante jurisprudence provenant des autres provinces canadiennes. Ainsi, en matière de possession de pornographie juvénile, le Tribunal a trouvé de la jurisprudence où les sentences vont de l'absolution conditionnelle à une peine de 30 mois d'incarcération au sein d'un pénitencier.
[11] Aussi, en matière de distribution, la jurisprudence dans les autres provinces du Canada va de l'absolution conditionnelle à l'amende, à 18 mois d'emprisonnement.
[12] En ce qui a trait à la production, la jurisprudence d'autres provinces situe les sentences entre 1 an et l'équivalent de 44 mois d'emprisonnement.
[13] Par ailleurs, la jurisprudence du Québec varie entre un sursis de peine et probation de 18 mois à un emprisonnement ferme de 12 mois. Ainsi, dans l'affaire Blondin c. R., un médecin a reçu une peine de 21 mois d'emprisonnement ferme dont 12 mois pour la possession de pornographie juvénile, 3 mois pour immoralité sexuelle et 6 mois pour agression sexuelle. L'accusé prenait des photos de ses patientes alors qu'il en faisait leur examen. L'une de ses patientes était âgée de 8 ans. L'agression sexuelle, quant à elle, consistait en un baiser arraché d'une de ses patientes. La Cour d'appel a considéré la circonstances aggravantes de la position de confiance et d'autorité du médecin envers ses patientes.
[14] Dans l'affaire R. c. Lévesque, l'accusé a plaidé coupable à 2 accusations d'incitation à des contacts sexuels, punissable par déclaration sommaire de culpabilité et à une accusation de possession de pornographie. L'accusé et son fils rencontraient 2 jeunes filles âgées de 10 ans et leur parlaient dans leur véhicule de photos nues et prenaient des photos d'elles dans des positions lascives ainsi que de leur partie génitale. L'accusé avait prévu une rencontre avec celles-ci pour prendre d'autres photos dans un bois mais heureusement la mère d'un enfant est intervenue suffisamment vite. L'accusé a été détenu 9 jours de façon préventive mais a eu des conditions strictes de remise en liberté. Le rapport présentenciel n'écarte pas la possibilité de récidive. L'accusé est sans antécédent. Il est condamné à un sursis de peine de 18 mois comportant une probation et un don de 900$.
[15] Dans l'affaire R. c. Hébert, l'accusé, âgé de 20 ans, possédant des condamnations criminelles, comprenant une agression sexuelle, a importé de Suisse, par Internet, 11 photographies impliquant de jeunes enfants s'adonnant à une activité sexuelle entre eux ou avec des adultes. L'accusé les a, par la suite, expédié à différentes adresses électroniques. Les événements se sont déroulés au cours d'une même nuit. Par ailleurs le rapport présentenciel faisait état d'un risque considérable que l'accusé développe une problématique de pédophilie. L'accusé est condamné à une peine d'emprisonnement de 9 mois concurrents sur chacun des chefs à être purgés au sein de la collectivité.
[16] Dans l'affaire R. c. Dabaté, l'accusé a reconnu sa culpabilité à un chef de possession de pornographie juvénile et 4 chefs de contacts sexuels avec des enfants de moins de 14 ans ainsi qu'à 20 chefs d'exhibitionnisme. L'accusé avait des antécédents judiciaires en semblable matière. L'accusé a entrepris une castration chimique. Les actes impliquaient 21 victimes. En regard des chefs d'accusation d'exhibitionnisme, l'accusé est condamné à 5 mois d'emprisonnement et est condamné à une peine de 9 mois concurrent en regard de la possession de la pornographie juvénile.
[17] Le législateur a créé toute une panoplie d'infractions en vue de protéger les enfants de l'exploitation sexuelle. Ainsi, toute personne qui a des contacts sexuels avec un enfant de moins de 14 ans, ou l'invite, ou l'incite à de tels contacts est passible d'une peine de 10 ans d'emprisonnement. Quiconque commet l'inceste est passible d'un emprisonnement maximal de 14 ans. Les relations sexuelles anales, non-commises dans l'intimité par 2 personnes consentantes d'au moins 18 ans, sont passibles d'une peine de 10 ans. La bestialité en présence d'un enfant de moins de 14 ans ou alors que celui-ci est incité à de tels gestes, est passible d'un emprisonnement de 10 ans. La production, l'impression, la publication, l'importation, la distribution et la possession à cette fin de pornographie juvénile est passible de 10 ans d'emprisonnement. La possession de pornographie juvénile est passible de 5 ans d'emprisonnement. Les parents ou tuteurs qui servent d'entremetteurs et qui amènent leur enfant ou pupille à commettre des actes sexuels interdits avec un tiers sont passibles d'une peine d'emprisonnement de 5 ans, si l'enfant est de moins de 14 ans, et de 2 ans, s'il est âgé entre 14 et 18 ans. Il en est de même du maître d'un lieu qui y permet des actes sexuels interdits. La personne qui participe à un adultère ou à une immoralité sexuelle ou se livre à une ivrognerie habituelle ou à toute autre forme de vices et qui par là met en danger les mœurs d'enfants de moins de 18 ans, est passible d'une peine d'emprisonnement de 2 ans. Enfin, l'agression sexuelle est passible d'une peine d'emprisonnement de 10 ans. L'agression sexuelle avec une arme ou violence supplémentaire est passible de 14 ans d'emprisonnement avec un minimum de 4 ans s'il y a usage d'arme à feu. L'agression sexuelle mettant la vie en danger ou blessant, mutilant, défigurant une personne est passible d'emprisonnement à perpétuité, avec un minimum de 4 ans s'il y a usage d'une arme à feu.
[18] Le Tribunal est d'avis qu'il faut d'abord considérer les sentences suivant la gravité objective mentionnée par le législateur. Par ailleurs, chaque cas demeure un cas d'espèce. Il y aura gradation des sentences suivant l'accumulation des facteurs aggravants. Le Tribunal est d'avis qu'il y a lieu d'examiner les facteurs suivants lorsqu'un individu est accusé de pornographie juvénile :
1) la nature du matériel:
Il y a lieu d'examiner s'il s'agit de films d'enfants, de photographies, de dessins ou graphiques ou encore de textes. En l'espèce, il s'agissait principalement de représentations par des dessins.
2) La quantité du matériel en cause en relation avec la période requise pour accumuler un tel matériel:
Ainsi, à l'heure de la technologie d'Internet, il faut peut-être éviter de considérer la quantité d'images comme étant en soi le facteur le plus aggravant. Il serait possible d'obtenir des centaines d'images, voire peut-être des milliers à l'intérieur de 24 heures d'utilisation d'Internet. Par ailleurs, la période pendant laquelle l'accusé s'est évertué à faire cette collection de pornographie juvénile peut être un élément déterminant. En l'espèce, le Tribunal n'a aucune preuve en regard de la période pendant laquelle les données ont été obtenues par Internet.
3) L'âge des enfants:
Plus les enfants sont jeunes, moins ils sont en mesure de discernement et plus ils sont susceptibles d'être affectés ultérieurement dans leur propre développement.
4) L'utilisation de propriété ou du nom d'un tiers:
Lorsque le matériel est obtenu par un ordinateur, l'est-il en utilisant l'ordinateur d'un tiers, les cartes de crédit d'un tiers ou le nom d'un tiers? Il apparaît, au Tribunal, lorsque l'accusé met en cause un tiers par l'utilisation de son ordinateur, qu'il s'agit d'un facteur aggravant. En l'espèce, l'accusé avait partiellement de ces images inappropriées à la tour de contrôle de Kuujjuarapik où il travaillait ainsi qu'à son domicile.
5) Le matériel retenu est-il sous une forme facilement diffusable ou distribuable?
Il est certain que les revues de pornographie infantile obtenues d'une façon secrète sont moins facilement diffusables que le matériel sauvegardé sur ordinateur. Le matériel sauvegardé sur ordinateur pose davantage de risque puisque plus facilement diffusable.
6) Les démarches et les coûts pour l'obtention du matériel pornographique juvénile:
Ici, il y a lieu d'examiner si l'accusé a déboursé des sommes d'argent pour l'obtenir, s'il est membre d'un quelconque réseau et quelles sont ses démarches pour obtenir ledit matériel. En l'espèce, il n'y a pas de démarche autre que l'utilisation d'Internet.
7) L'utilisation visée du matériel pornographique :
Enfin, l'utilisation du matériel pornographique juvénile est-elle ponctuelle? S'agit-il d'une curiosité immature? Sert-elle à émousser les fantasmes personnels d'une personne qui pourrait par ailleurs contrôler ses actions ou sert-elle davantage à entretenir une déviance sexuelle connue de l'individu? Sert-elle à être vue par d'autres enfants? En l'espèce, lorsqu'interrogé par l'agente de probation, l'accusé admettait avoir été en possession de matériel pornographique juvénile mais niait avoir fait des démarches pour s'en procurer et l'avoir utilisé. L'accusé ne se reconnaissait aucune problématique sexuelle. Par la suite, l'accusé admet s'être procuré, lui-même, le matériel pornographique sur Internet. Il réitère, cependant, que le fait de regarder ce matériel pornographique n'avait, d'aucune façon, un but de gratification sexuelle. Il dit ne pas pouvoir expliquer le but de l'observation des enfants ayant des activités sexuelles entre eux où avec des adultes. Il soutient que ce serait une simple curiosité. Il réitère qu'il n'a aucune problématique sexuelle. Les photos ne créeraient pas chez lui d'excitation. Il s'agissait seulement, selon lui, d'une curiosité malsaine, sans qu'il puisse s'en expliquer les raisons. Pourtant, le 15 mai 1984, l'accusé a été condamné à un total de 3 ans de pénitencier en regard de 9 chefs d'accusation, soit 3 accusations de sodomie à l'égard de jeunes garçons et 6 accusations de grossière indécence. Il faut bien comprendre que l'accusé a déjà reçu une sentence à cet égard. Cependant, il serait impossible de comprendre la situation de l'accusé sans référer aux événements précédents. Les 6 jeunes garçons, victimes des agressions sexuelles, étaient âgés entre 12 et 13 ans. Les actes reprochés se sont échelonnés sur une période d'environ un an. Un des jeunes a été sodomisé plus de 40 fois par l'accusé, qui était alors âgé de 31 ans. L'accusé était décrit comme un individu n'étant pas un sociopathe ni un pervers mais plutôt un individu immature, en bonne santé, intelligent et très doué. L'individu était considéré capable d'affection et de coopération mais aussi d'utilisation et de manipulation. Sans le qualifier de pédophile pervers, le psychologue ne le considérait pas comme un simple pédophile d'occasion. Cette conclusion est très claire, tant dans le jugement que dans le rapport du psychologue et le rapport sur sentence de l'agente de probation. Le psychologue le qualifie alors de pédophile immature et névrotique. Il était d'avis que l'intelligence supérieure, dont est doué l'accusé, permettait d'avoir un pronostic favorable. Le Tribunal ne peut retenir les prétentions de l'accusé sur ses interrogations en regard d'une simple curiosité. Il est manifeste que l'accusé, depuis 1984, savait qu'il souffrait de déviance sexuelle. Il a même, par la suite, poursuivi des thérapies. Il est clair qu'il a utilisé le matériel pornographique juvénile sans se soucier qu'il entretenait ainsi cette déviance sexuelle. Il y a lieu de signaler que l'accusé a accumulé en majorité des images de garçons entre 12 et 16 ans, qui avaient des comportements sexuels allant de la sodomie à la masturbation, lesquels ont beaucoup de similitude avec les gestes pour lesquels il a été condamné dans le passé. La psychologue ayant fait l'évaluation psycho-sexuelle, en regard du présent dossier, ainsi que l'agente de probation, sont d'avis que la présente accusation pourrait faire partie d'un cycle délictuel de l'accusé et représenter possiblement une étape dans un processus de récidive de l'accusé. Le fait qu'un individu, doté d'une intelligence supérieure, ne prenne pas les moyens nécessaires pour prévenir la récidive, dans un contexte où il est lui-même fragile en regard de son attirance pour les enfants, mais qu'il entretient davantage ses phantasmes inappropriés, devient un facteur aggravant.
8) Les autres éléments sont d'examiner s'il y a eu importation, distribution et production:
En cas de production et de distribution, il faut encore voir s'il y a existence de profits reliés à celles-ci, appartenance à une organisation, le nombre d'enfants impliqués et leur âge, et la gradation des formes d'humiliation et de violence à l'égard des enfants. En l'espèce, il n'y a aucun de ces derniers éléments, puisque seule la possession est en cause.
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