jeudi 11 mars 2010

La doctrine de l’objet bien en vue (plain view)

R. c. Vinet, 2010 QCCQ 1095 (CanLII)

[25] À ce stade-ci, le Tribunal va examiner si la doctrine de l’objet bien en vue trouve application dans les faits qui nous occupent. L’application de cette doctrine rendrait sa légitimité à une fouille sans mandat, en l’espèce à la fouille du sac qui se trouvait en dessous du siège passager de la voiture de l’accusé.

[26] La jurisprudence canadienne à cet égard semble largement fondée sur le droit américain en la matière. Dans Texas v. Brown, la Cour suprême des États-Unis a confirmé la validité d’une perquisition lorsque l’objet à être saisi est bien en vue : « Our decisions have come to reflect the rule that if, while lawfully engaged in an activity in a particular place, police officers perceive a suspicious object, they may seize it immediately. »

[27] Les trois critères permettant d`appliquer la doctrine de l’objet bien en vue ont été énumérés dans cette cause et repris intégralement dans des affaires canadiennes:

First, the police officer must lawfully make an initial intrusion or otherwise properly be in a position from which he can view in a particular area. Secondly, the officer must discover incriminating evidence inadvertently, which is to say, he may not know in advance the location of certain evidence and intend to seize it, relying on the plain view doctrine only as a pretext. Finally, it must be immediately apparent to the police that the items they observe may be evidence of a crime, contraband, or otherwise subject to seizure. These requirements having been met, when the police officers lawfully engaged in an activity in a particular area perceive a suspicious object, they must seize it immediately.

[28] Le premier critère est afférent à la position et à l’intrusion légale de l’agent de la paix. Selon ce premier critère, la présence initiale des policiers sur les lieux doit être légale; à défaut, la saisie effectuée en vertu de la doctrine du « plain view » sera abusive. Tel qu’énoncé précédemment, nonobstant notre conclusion initiale, nous tenons pour acquis, pour la suite de l’analyse, que les policiers étaient en droit d’intercepter le véhicule de l’accusé.

[29] En ce qui a trait à la position de l’agent de la paix lorsqu’il a aperçu la sangle du sac à taille, il y a lieu de commenter le fait que les policiers ont dû utiliser une lampe de poche, se déplacer de leur lieu initial d’intervention et finalement se placer dans un meilleur angle afin d’entrevoir le sac. Malgré ces éléments, la position de l’agent ne saurait être considérée inappropriée. La jurisprudence n’a pas perçu l’utilisation d’une lampe de poche comme un obstacle à l’application de la doctrine de l’objet bien en vue. D’autre part, le sac déposé aux pieds du siège passager pouvait être entrevu par un passant et les agents ne sauraient, de ce fait, être empêchés d’en faire autant, tel que reconnu dans l’affaire Brown :

The general public could peer into the interior of Brown`s automobile from any number of angles; there is no reason the officer should be precluded from observing as an officer what would be entirely visible to him as a private citizen. There is no legitimate expectation of privacy, … shielding that portion of the interior of an automobile which may be viewed from outside the vehicle by either inquisitive passersby or diligent police officers .

[30] Il apparaît que les policiers étaient dans une position légale et que le premier critère est donc rencontré.

[31] Le deuxième critère pour l'application de la doctrine du « plain view » requiert que l'objet soit découvert par inadvertance. Le Tribunal est d'avis que le sac contenant le crack n'était pas découvert par inadvertance. Il est à noter que la découverte du sac a été faite après le déplacement opéré par les policiers. Sans savoir précisément que la preuve se trouvait dans la voiture, les agents étaient manifestement en train d’enquêter, c’est-à-dire à la recherche d’éléments de preuve. Notre analyse de l’application de la doctrine bien en vue échoue donc au deuxième critère.

[32] Selon le troisième critère, l'objet saisi doit être apparent en ce sens que le saisissant doit croire, pour des motifs raisonnables, qu'il constituera un élément de preuve de la commission d'une infraction. En l'espèce, le sac à taille ne peut être qualifié d’élément de preuve manifeste d’un crime, de contrebande ou autrement sujet à la saisie. Donc, le troisième critère pour justifier une saisie selon le concept de « plain view » n'est pas applicable dans les circonstances de cette cause.

[33] En somme, la saisie et la fouille éventuelle du sac de taille ne peuvent se justifier par la doctrine du « plain view ».

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