vendredi 30 juillet 2010

Un accusé peut témoigner à un voir dire sans préjudice de son droit de ne pas témoigner devant le jury

Erven c. La Reine, [1979] 1 R.C.S. 926

Un accusé peut témoigner à un voir dire sans préjudice de son droit de ne pas témoigner devant le jury. Il peut être interrogé et contre-interrogé
relativement à la déclaration qu’il aurait faite à quelqu’un ayant autorité, mais pas au sujet de son innocence ou de sa culpabilité.

Le droit de l’accusé de citer des témoins et de plaider séparément sur la question de l’admissibi­lité d’une déclaration dès que le ministère public a présenté sa preuve sur cette question est des plus importants. Ce droit disparaîtrait entièrement si une déclaration de l’accusé pouvait être admise comme preuve à charge, sans voir dire, parce que rien dans cette preuve ne jette de doute sur son caractère volontaire. Un accusé n’a le droit de témoigner en l’absence du jury que sur la question du caractère volontaire. Au voir dire, il peut témoi­gner sur la question du caractère volontaire de sa déclaration sans préjudice de son droit de ne pas témoigner sur la question principale. Il se peut que le témoignage de l’accusé soit la seule preuve de l’extorsion de la déclaration. Sans voir dire, et si l’accusé exerce son droit de ne pas témoigner sur la question principale, la preuve niant le caractère volontaire ne sera jamais révélée à la cour de première instance ni à la cour d’appel. Si le juge refuse le voir dire, l’accusé peut être amené à témoigner sur la question du caractère volontaire de la déclaration, mais il s’expose alors à l’interro­gatoire de la poursuite sur la question principale de la culpabilité ou de l’innocence. Si on limite le voir dire aux cas où il existe des éléments de preuve de l’extorsion de la déclaration, on oblige l’accusé à fournir cette preuve; on libère ainsi le ministère public d’un fardeau qui doit lui incomber et on impose à l’accusé un fardeau de preuve injustifié.

Toutes les personnes impliquées doivent être entendue par la Cour pour admettre une déclaration en preuve pour confirmer son caractère volontaire

Erven c. La Reine, [1979] 1 R.C.S. 926

Avec égards, je pense qu’aucun juge, en pre­mière instance comme en appel, ne devrait se prononcer sur une question sans entendre les deux parties. C’est un axiome en droit civil que quicon­que a l’obligation de décider quelque chose doit préalablement entendre les deux parties. L’obliga­tion n’est pas moindre en droit criminel. Il faudrait une prescience remarquable pour décider qu’une déclaration est manifestement volontaire avant que l’accusé ait cité ses témoins, témoigné et plaidé et
avant que toutes les personnes impliquées aient comparu, comme l’exige l’arrêt Thiffault c. La Reine.

Que se produirait-il si l’on pouvait admettre une déclaration en preuve sans voir dire lorsque le contexte ne permet pas de douter de son caractère volontaire? La déposition des témoins du ministère public quant aux circonstances de la déclaration ne pourrait en aucune façon indiquer que cette der­nière a été extorquée. Les témoins de la défense pourraient être prêts à offrir des témoignages con­traires qui pourraient être préférés à ceux des témoins à charge, Cependant les témoins de la défense ne peuvent être cités à ce stade puisqu’il faut attendre pour ce faire que le ministère public ait conclu sa preuve. Donc jusque là, aucune preuve ne mettrait en doute le caractère volontaire de la déclaration et cette dernière serait admise en preuve et soumise au jury. Même si la déclaration était exclue plus tard, le mal serait fait: voir R. v. Armstrong, précité. Comme l’a dit le juge Dennis­toun, au nom de la Cour d’appel du Manitoba, dans l’arrêt R. v. Baschuk, à la p. 209:

[TRADUCTION] Une fois les aveux lus au jury, il devenait inutile que l’accusé cite des témoins pour démontrer qu’elle n’était pas volontaire. Le mal était fait et ne pouvait être réparé.

Toutes les circonstances doivent être étudiées au voir dire. Bien que le point principal de l’arrêt Boudreau c. Le Roi, précité, soit que l’absence d’une mise en garde ne doit pas lier la cour au point de la forcer à déclarer les aveux irrecevables, le juge Kerwin dit à la p. 267: [TRADUCTION] «La Cour doit considérer toutes les circonstances qui ont entouré la déclaration et si, après cet examen, elle n’est pas convaincue de son caractère volon­taire, elle doit la rejeter». Il se peut que les toutes dernières paroles du dernier témoin de la défense à témoigner sur la déclaration puissent établir qu’elle a été extorquée.

jeudi 29 juillet 2010

La présomption d'innocence a pour effet d'assurer que les individus soient laissés tranquilles jusqu'à ce que le ministère public ait établi une preuve prima facie, et ce n'est qu'à ce moment que devrait exister une contrainte pratique à témoigner

R. c. S. (R.J.), [1995] 1 R.C.S. 451

La présomption d'innocence confirme notre foi en l'humanité; elle est l'expression de notre croyance que, jusqu'à preuve contraire, les gens sont honnêtes et respectueux des lois.

Cet énoncé n'est-il pas une affirmation du principe de la preuve complète? La présomption d'innocence a pour effet d'assurer que les individus soient laissés tranquilles jusqu'à ce que le ministère public ait établi une preuve prima facie, et ce n'est qu'à ce moment que devrait exister une contrainte pratique à témoigner: P. (M.B.), précité, à la p. 579

mercredi 28 juillet 2010

Le droit à l'assistance d'un avocat perdrait tout son sens si les autorités avaient le droit de miner la confiance de l'accusé envers son avocat afin de lui arracher une confession

R. c. Broyles, [1991] 3 R.C.S. 595

Dans Hebert, précité, le juge McLachlin a reconnu que le droit à l'assistance d'un avocat est lié de près au droit de garder le silence (à la p. 176):

La fonction la plus importante de l'avis juridique au moment de la détention est d'assurer que l'accusé comprenne quels sont ses droits dont le principal est le droit de garder le silence. Le suspect détenu, exposé à se trouver en situation défavorable par rapport aux pouvoirs éclairés et sophistiqués dont dispose l'État, a le droit de rectifier cette situation défavorable en consultant un avocat dès le début afin d'être avisé de son droit de ne pas parler aux policiers et d'obtenir les conseils appropriés quant au choix qu'il doit faire. Pris ensemble, l'art. 7 et l'al. 10b) confirment le droit de garder le silence reconnu à l'art. 7 et nous éclairent sur sa nature.

De fait, le droit à l'assistance d'un avocat perdrait tout son sens si les autorités avaient le droit de miner la confiance de l'accusé envers son avocat afin de lui arracher une confession. Je remarque que les liens entre le droit de garder le silence, le droit de ne pas s'incriminer et le droit à l'assistance d'un avocat sont également reconnus dans Miranda v. Arizona, 384 U.S. 436 (1966).

La common law reconnaît aux policiers des pouvoirs de fouiller les environs du lieu de l'arrestation

Cloutier c. Langlois, [1990] 1 R.C.S. 158

Le pouvoir de fouiller une personne légalement mise en état d'arrestation trouve comme on l'a vu ses racines profondes dans la common law. En fait, la common law reconnaît aux policiers des pouvoirs encore plus larges de fouiller les environs du lieu de l'arrestation et de saisir certains objets qui peuvent s'y trouver. La jurisprudence que j'ai examinée me dispense de m'arrêter plus longuement sur cet aspect. Il s'agit plutôt de déterminer la mesure dans laquelle les intérêts en jeu, dans le contexte d'une arrestation légale, justifient la fouille accessoire à l'arrestation.

Résumé des peines rendues pour des transactions de cocaïne fait par le juge Conrad Chapdelaine

R. c. Deraspe, 2009 QCCQ 5645 (CanLII)

[10] Le 26 septembre 2007, notre collègue Conrad Chapdelaine effectuait un intéressant résumé des peines rendues pour des transactions de cocaïne. Nous reproduisons certains extraits de son jugement :

"R. c. Leboeuf : L'accusé avait été reconnu coupable de complot et de trafic de 500 grammes de cocaïne. Âgé de 34 ans et père d'un enfant, il avait plusieurs antécédents en semblable matière. Condamné à une peine de six ans en première instance, la Cour d'appel confirmait cette sentence, la considérant sévère, mais non déraisonnable.

R. c. Robitaille : L'accusé s'est vu imposer une peine de 24 mois moins 1 jour pour complot et trafic de 220 grammes de cocaïne. L'accusé servait d'intermédiaire dans la transaction et était un consommateur de stupéfiants. Il n'avait aucun antécédent judiciaire et bénéficiait d'un rapport présentenciel favorable, et il travaillait au moment de l'imposition de la sentence. La Cour d'appel confirme cette peine en rappelant que l'article 10.1 de la Loi sur les drogues et autres substances n'a pas modifié les principes des articles 718 et suivants du Code criminel.

R. c. Bessette et Rioux : Rioux a reçu une peine de trente mois de détention pour huit chefs de complot, trafic et possession dans le but de trafic de cocaïne, de crack, de résine de cannabis et de cannabis. Il était un fournisseur de drogue, avait plusieurs antécédents, dont certains en semblable matière. Consommateur de drogue, il avait suivi avec succès une thérapie au moment de l'imposition de la peine. Quant à Bessette, il s'est vu imposer une peine de 18 mois. Il agissait comme livreur et avait trois antécédents de possession simple de stupéfiants.

R. c. Girard : L'accusé a plaidé coupable à six accusations de complot, trafic et possession dans le but d'en faire le trafic. Considéré à un niveau élevé dans un réseau organisé, l'accusé se livrait à une véritable activité commerciale sur une période de plus de trois ans. Le juge de première instance, après examen des nombreuses décisions en semblable matière, principalement de la Cour d'appel, lui impose 36 mois de détention.

R. c. Boulanger : La Cour d'appel confirme, le 9 août 2007, une peine de trois ans de pénitencier imposée à l'accusée par le juge Côté pour avoir fait le trafic d'un kilo de cocaïne. L'accusée était sans antécédent judiciaire en semblable matière, agissait ponctuellement en remplacement de son ami trafiquant incarcéré à ce moment-là. Mme Boulanger faisait partie du même groupe que l'accusé, dont les activités étaient principalement le commerce de la cocaïne.

[29] R. c. Lafrance : Dans cette affaire, l'accusé s'était vu imposer une peine de 90 jours de détention, à être purgée de façon discontinue en première instance, pour une possession de 49 grammes de cocaïne, dans le but d'en faire le trafic. Il était sans antécédent judiciaire. La Cour d'appel confirme cette peine. Madame la juge Otis insiste sur le fait que, « lorsqu'une preuve particulièrement convaincante de la réhabilitation du prévenu est faite, elle peut parfois devenir un critère prééminent dans la détermination de la peine. »

R. c. Robert : L'accusé a plaidé coupable à la possession dans le but de trafic de cent grammes de cocaïne. Il avait des antécédents d'incendie criminel et de possession d'arme. Le juge de première instance lui impose vingt mois de détention dans la collectivité en insistant sur la réhabilitation de ce dernier et du fait qu'il ne constituait plus un danger pour la société.

R. c. Simard : L'accusé, ayant peu d'antécédents judiciaires et aucun en semblable matière, plaide coupable à des accusations de complot, trafic et possession dans le but d'en faire le trafic de cocaïne, de résine de cannabis et de cannabis ainsi qu'une accusation de recel de 47 000 $. Il a été condamné à une peine de deux ans moins un jour à purger dans la collectivité. Il opérait un réseau de distribution dans lequel trois autres personnes étaient impliquées.

R. c. Douglas : L'accusé a plaidé coupable à quatre accusations de trafic et de possession dans le but de trafic de cocaïne. Malgré un antécédent en semblable matière, le juge de première instance le condamne à une peine de 18 mois à purger dans la collectivité, cela en tenant compte de la collaboration de ce dernier (sans sa déclaration, aucune accusation n'était possible) et des efforts sérieux et sincères de réhabilitation de l'accusé.

R. c. Bennett : Dans cette affaire, Bennett faisait partie du même réseau que l'accusé. Il s'est vu imposer une peine d'une année suite à une suggestion commune des parties pour trafic et complot en vue de faire le trafic de cocaïne. Il aurait agi comme intermédiaire et il n'y avait pas de preuve qu'il trafiquait sur une base régulière."

[11] Pour sa part, notre collègue Maurice Galarneau condamnait Georges Lévesque à une peine de deux ans moins un jour à purger dans la communauté, après qu'il eut plaidé coupable à une accusation de possession en vue de trafic de 758 grammes de cocaïne, et de possession d'arme prohibée.

mardi 27 juillet 2010

La défense peut mettre en preuve la propension de la victime à commettre des actes de violence

Brousseau c. R., 2006 QCCA 858 (CanLII)

[19] Il est en effet reconnu depuis l'arrêt Scopelitti que la défense peut mettre en preuve la propension de la victime à commettre des actes de violence, et ce, indépendamment du fait que l'accusé n'avait pas connaissance de ces actes de violence antérieurs au moment où il allègue la légitime défense. Cette preuve sert non pas à démontrer l'état d'esprit de l'accusé et le caractère raisonnable de ses perceptions au moment de l'attaque, mais bien à supporter la preuve que la victime a effectivement violenté l'accusé. Comme le souligne le juge Martin:

Obviously, evidence of previous acts of violence by the deceased, not known to the accused, is not relevant to show the reasonableness of the accused's apprehension of an impending attack. However, there is impressive support for the proposition that, where self-defence is raised, evidence of the deceased's character (i.e., disposition) for violence is admissible to show the probability of the deceased having been the aggressor and to support the accused's evidence that he was attacked by the deceased.

[20] Un peu plus loin, le juge Martin poursuit:

We were not referred by counsel to any Canadian or Commonwealth decision on the question of the admissibility of evidence of the deceased's character (disposition) for violence, not known to the accused, as evidence of the probability of the deceased's aggression where self-defence is raised as an issue. However the admission of such evidence accords in principle with the view expressed by this Court that the disposition of a person to do a certain act is relevant to indicate the probability of his having done or not having done the act. The law prohibits the prosecution from introducing evidence for the purpose of showing that the accused is a person who by reason of his criminal character (disposition) is likely to have committed the crime charged, on policy grounds, not because of lack of relevance. There is, however, no rule of policy which excludes evidence of the disposition of a third person for violence where that disposition has probative value on some issue before the jury: see R. v. McMillan (1975), 23 C.C.C. (2d) 160 at p. 167, 7 O.R. (2d) 750, 29 C.R.N.S. 191; affirmed, 33 C.C.C. (2d) 360, 73 D.L.R. (3d) 759, [1977] 2 S.C.R. 824; R. v. Schell and Paquette (1977), 33 C.C.C. (2d) 422 at p. 426.

[21] Ce principe est maintenant bien établi en jurisprudence et il a reçu l'aval de la Cour suprême dans l'affaire Arcangioli, un arrêt unanime (j. Major) :

La production et l'utilisation d'une preuve au cours d'un procès criminel sont soumises à certaines restrictions. Bien qu'elle soit pertinente, une preuve peut être exclue pour des motifs de principe comme en témoigne la directive bien connue concernant la preuve de moralité, savoir qu'[TRADUCTION] «il n'est pas permis au ministère public de présenter une preuve de la mauvaise moralité de l'accusé, au moyen d'une preuve de sa réputation ou d'actes précis, à moins que l'accusé n'ait lui-même soulevé la question de sa moralité ou que cette preuve ne soit par ailleurs pertinente sur un point, comme par exemple la preuve d'actes similaires»: J. Sopinka, S. N. Lederman et A. W. Bryant, The Law of Evidence in Canada (1992), à la p. 454. Bien qu'une telle preuve puisse être pertinente, elle est exclue parce que son effet préjudiciable est susceptible de l'emporter sur sa valeur probante; le jury risque de déclarer l'accusé coupable en fonction de sa réputation et non de la preuve: McCormick on Evidence (4e éd. 1992), vol. 1, par. 190, à la p. 811.

Le risque d'une déclaration de culpabilité erronée n'existe pas, cependant, dans le cas où la preuve de moralité se rapporte non pas à l'accusé, mais à un tiers témoin. Par conséquent, [TRADUCTION] «[d]ans la mesure où elle est pertinente et où elle n'est pas par ailleurs exclue par une règle de preuve, la preuve de la mauvaise moralité d'un tiers peut être présentée par la défense» […]

[22] Récemment, dans l'arrêt Friolet c. R., cette Cour rappelait que :

[…] La preuve de propension de la victime à la violence est, en effet, une preuve circonstancielle qui peut établir la probabilité que la victime a agi d'une manière conforme à son habitude lors de l'incident.

Le paragraphe 265 (1)b) criminalise la menace ou la tentative d’employer la force dans un certain contexte marqué par la proximité des gestes posés avec l’emploi de la force et la crainte générée chez la victime

Hovington c. R., 2007 QCCA 1016 (CanLII)

[53] (...) Il ne faut pas confondre la tentative prévue à l’article 24 C.cr. et l’infraction de voies de fait qui inclut, à son paragraphe (1)b), la tentative ou la menace d’employer la force alors que l’agresseur est en mesure actuelle de mettre sa menace à exécution ou s’il porte la victime à croire, pour des motifs raisonnables, que tel est le cas. L’article 24 criminalise l’omission de faire quelque chose ou l’accomplissement de quelque chose dans le but d’atteindre une fin illégale, si cela dépasse le stade des actes préparatoires. En contrepartie, le paragraphe 265 (1)b) criminalise la menace ou la tentative d’employer la force dans un certain contexte marqué par la proximité des gestes posés avec l’emploi de la force et la crainte générée chez la victime. D’ailleurs, dans R. c. MacKay, 2005 CSC 79 (CanLII), [2005] 3 R.C.S. 725, la Cour suprême rappelle que les paragraphes 265 (1)a) et (1)b) C.cr. ne créent pas deux infractions distinctes, mais décrivent plutôt deux façons de commettre la même infraction, de sorte que la tentative du paragraphe (1)b) se distingue forcément de celle prévue à l’article 24.

[54] Par ailleurs, l’agression armée du paragraphe 267a) ne constitue pas non plus une infraction imparfaite, mais bien un type distinct et aggravé de voies de fait.

[55] Conséquemment, la combinaison des mécanismes de la menace d’employer la force et des voies de fait armées n’est d’aucune manière une extension déraisonnable du droit criminel.

Exposé exhaustif de la Cour d'appel concernant le contre-interrogatoire d'un accusé ou d'un témoin sur ses antécédents judiciaires / les règles utiles pour statuer sur l'admissibilité de cette preuve

Tremblay c. R., 2006 QCCA 75 (CanLII)

[17] L’article 12 de la Loi sur la preuve prévoit qu’un témoin peut être contre-interrogé relativement à ses condamnations antérieures. Dans R. c. Corbett, 1988 CanLII 80 (C.S.C.), [1988] 1 R.C.S. 670, la Cour suprême conclut que cette disposition ne contrevient pas aux articles 7 et 11(d) de la Charte canadienne des droits et libertés lorsqu’un accusé décide de témoigner pour sa défense. Cependant, le juge possède le pouvoir discrétionnaire de limiter le contre-interrogatoire lorsque la divulgation complète causerait un préjudice plus grand que la valeur probante de cette preuve. De plus, toute divulgation d’antécédents judiciaires doit être accompagnée d’une directive au jury quant à l'usage limité de cette preuve puisque qu'elle ne doit être utilisée que pour apprécier la crédibilité de l'accusé et non pour conclure à sa propension à commettre des actes criminels et, plus spécifiquement, l’acte criminel qui lui est reproché. Le juge en chef Dickson explique, dans Corbett, en quoi le casier judiciaire d’un accusé peut être pertinent pour apprécier sa crédibilité :

[…] Au Canada, il est permis de contre-interroger un accusé relativement à ses condamnations antérieures depuis que les accusés ont été habilités pour la première fois à témoigner pour leur propre compte en 1893: R. v. D'Aoust (1902), 5 C.C.C. 407 (C.A. Ont.). L'article 12 traduit l'opinion du législateur que les condamnations antérieures influent réellement sur la crédibilité d'un témoin. En décidant s'il croira un témoin donné, le jury, tout naturellement, prendra en considération divers éléments. Les jurés observeront le comportement du témoin pendant qu'il dépose, son apparence, le ton sur lequel il s'exprime et son attitude générale. De même, le jury tiendra compte de tous renseignements qu'il possède concernant les habitudes ou le mode de vie du témoin. Certes, on ne saurait nier que le casier judiciaire d'un témoin influe, du moins jusqu'à un certain point, sur sa crédibilité. Il est toutefois évident que ce n'est pas simplement parce qu'un témoin a déjà été déclaré coupable d'une infraction qu'on doit nécessairement le considérer comme indigne de foi, mais c'est là un fait dont un jury pourrait tenir compte en appréciant sa crédibilité.

Cette justification de l'art. 12 a été énoncée explicitement dans la jurisprudence. Voir, par exemple, l'arrêt R. v. Stratton, précité, à la p. 461, où le juge Martin affirme: [TRADUCTION] "Incontestablement, la théorie en vertu de laquelle les condamnations antérieures sont admises en preuve relativement à la crédibilité est celle selon laquelle la moralité du témoin, qui ressort de ses antécédents criminels, constitue un fait pertinent qu'on doit prendre en considération en appréciant la crédibilité du témoin." (p. 685)

[18] Par ailleurs le mépris persistant de la loi est pertinent pour apprécier la crédibilité d’un témoin. On peut inférer qu’un individu qui enfreint sans cesse la loi a peu de respect pour la vérité et est donc plus susceptible de mentir. Ainsi, dans R. c. Gibson, 153 C.C.C. (3d) 465 (B.C.C.A.), paragr. 30, la juge Ryan cite avec approbation l'extrait suivant de la décision du juge de première instance qui autorisait le contre-interrogatoire au moyen de l'ensemble des condamnations :

[…] His abiding and repeated contempt for the law is manifest in his persistent involvement in serious crimes. I take the whole of the relevant passage in R. v. Fengstad and Stewart as read and choose to quote here only this, and this quote from para. 27 of Fengstad and Stewart:

"In the context of this case, the evidence of the appellant records, which demonstrated a persistent involvement in serious crimes would properly alert the jury to the fact that these men had an abiding and repeated contempt for the laws of this land, a fact which the jury were entitled to consider in assessing the credibility of the appellants. To expunge a number of convictions or to order that no cross-examination could take place on the record at all, would be to leave the jury with a false impression as to the circumstances surrounding the reliability and veracity of the appellants."

[19] Il peut arriver que l’effet préjudiciable de l’admission en preuve du casier judiciaire d’un accusé fasse en sorte que le juge décide qu’il est préférable de taire au jury certaines condamnations. Dans R. c. Charland, [1996] A.J. no 819, la Cour d’appel de l’Alberta fait état du risque de préjudice lorsque les antécédents judiciaires sont divulgués au jury :

[17] In Corbett, the Supreme Court discussed the nature of the prejudice which could arise from the disclosure to the jury, of the previous criminal behaviour of the accused. The prejudice arises from the risk that the jury might improperly use the evidence admitted for the limited purpose of credibility, in deciding on the guilt of the accused. There is a risk that the jury will rely on unfounded and unreliable assumptions which arise from evidence of bad character, such as propensity: that an accused who previously committed a crime is more likely to commit other crimes, including the offence with which he is charged; […]

[20] Lorsqu’il s’agit de déterminer si une condamnation antérieure doit être exclue, le juge doit se demander si l’accusé a démontré, selon le poids des probabilités, que l’admissibilité de cette condamnation antérieure entraînerait pour lui un préjudice supérieur à la valeur probante de cette preuve. Il n’y a pas de règle absolue et cet exercice s'effectue en tenant compte de plusieurs facteurs et critères. Chaque décision constitue un cas d’espèce et dépendra des faits particuliers d’une affaire. Dans R. c. Corbett, précité, le juge Dickson précise, à la p. 697, que, dans le doute, l’admissibilité en preuve doit être privilégiée :

La valeur probante d'un élément de preuve peut être forte, faible ou nulle. En cas de doute, il vaut mieux pécher par inclusion que par exclusion et, à mon avis, conformément à la transparence de plus en plus grande de notre société, nous devrions nous efforcer de favoriser l'admissibilité, à moins qu'il n'existe une raison très claire de politique générale ou de droit qui commande l'exclusion.

[21] Les critères qui doivent être considérés pour décider d’autoriser ou non le contre-interrogatoire relatif aux antécédents judiciaires sont mentionnés par la Cour dans D.V. c. R., [2003] J.Q. no 478. Elle y reprend la liste de critères retenus par le juge Brossard dans R. c. Trudel , 1994 CanLII 5397 (QC C.A.), [1994] R.J.Q. 678 (C. A.) :

[38] Dans R. c. Trudel , le juge Brossard énonce les règles utiles pour statuer sur l'admissibilité de cette preuve :

- Il y aura lieu, cependant, de soupeser la valeur probante de cette preuve en regard du préjudice qu'elle est susceptible de causer à l'accusé [...];

- "[P]lus l'infraction qui a donné lieu à la condamnation antérieure ressemble à la conduite pour laquelle l'accusé subit son procès, plus le préjudice résultant de son admission en preuve risque d'être grand." Par ailleurs, un antécédent de fraude, de tromperie, ou de tricherie, indiquant un manque d'honnêteté ou d'intégrité, vise directement la crédibilité du témoignage de l'accusé [...];

- Le Tribunal doit donc être fort réticent à admettre en preuve une condamnation pour un crime antérieur similaire, dont la nature n'a rien à voir avec la crédibilité ou la véracité possible du témoignage de l'accusé;

- C'est donc la connexité entre la crédibilité et la nature de l'antécédent judiciaire qu'il faut considérer et non la connexité entre la nature de cet antécédent et la nature du crime en l'instance;

- La proximité dans le temps entre les deux infractions constitue également un facteur susceptible d'affecter soit sa pertinence, soit le degré de préjudice causé à l'accusé;

- Enfin, la preuve de cet antécédent constitue-t-elle un élément de preuve nécessaire ou utile à la Couronne au point que la résolution du litige peut en dépendre.

[22] Il faut également rappeler que, selon la jurisprudence, la limitation de la divulgation des antécédents judiciaires constitue l’exception et non la règle. Règle générale, le casier judiciaire d’un accusé qui témoigne est admissible en preuve sauf circonstances particulières. Par exemple, dans R. c. P. (N. A.) 2002 CanLII 22359 (ON C.A.), (2002), 171 C.C.C. (3d) 70 (C.A. Ont.), le juge Doherty écrit :

[20] On a Corbett application, however, the accused seeks to testify while at the same time withholding information from the jury that would be relevant to its assessment of the accused's credibility as a witness. There is no presumption against the admissibility of the accused's criminal record where he or she chooses to testify. To the contrary, as indicated by the majority in R. v. Corbett, supra, cross-examination on a criminal record of an accused who chooses to testify will be the usual course. […]

[23] Par ailleurs, comme il est permis de contre-interroger les autres témoins sur leurs antécédents judiciaires, le fait d’ «épurer » le casier judiciaire d’un accusé ou, pire, d’en taire complètement l’existence, peut avoir pour effet de donner au jury un portrait faussé de la réalité en lui laissant croire que seuls les témoins de la poursuite ont des antécédents et que leur crédibilité est donc affaiblie par rapport à celle de l'accusé qui, lui, n'en possède pas ou encore, en apparence, a été condamné moins souvent et pour des crimes différents de la réalité. Dans R. c. Charland 1996 CanLII 7284 (AB C.A.), (1996), 110 C.C.C. (3d) 300, (pourvoi rejeté par la Cour suprême, [1997] R.C.S. 1006), la Cour d'appel de l'Alberta indique qu’il ne faut pas donner faussement au jury l’impression que l’accusé a mené une vie exemplaire :

Generally, previous convictions for violent offences such as sexual assault do not directly reflect on honesty and truthfulness and, depending on the circumstances of the case, have limited probative value in assessing credibility. However, particularly in the context of a lengthy criminal record, such prior convictions have probative value that is greater than trifling because a jury could reasonably conclude that the convictions reflect a disregard for the laws and rules of society, making it more likely that the person who harbours such attitudes would lie. Here, excluding the sexual assault convictions from the cross-examination could leave the jury with an erroneous impression that the accused had not been convicted of any offences since 1988. The accused would have appeared to have lived a "crime free" life in the community for six years, when a substantial portion of that time was spent in jail. In the circumstances of this case, I cannot say that the trial judge's finding that the probative value of the accused's prior sexual assault convictions outweighed the prejudicial effect, constituted a clear or palpable error.

La preuve de l'identification de la voix est une preuve admissible

Ramkaran c. R., 2009 QCCA 852 (CanLII)

[30] Il importe de préciser que la preuve de l'identification de la voix est une preuve admissible. Comme l'indiquait le juge Finlayson dans R. c. Williams, [1995] O.J. No. 1012 (C.A. Ont.) :

Counsel took the court through the evidence of identification in the case on appeal and submitted that aside from previous familiarity with the appellant's voice (which was conceded) Spicer's identification was based on nothing else and that it would be unsafe to base a conviction upon it.

I cannot accept this submission. Despite his protestations to the contrary, counsel for the appellant is confusing admissibility with weight. I say this because he vacillated in his argument between complaining about the failure of the witness to testify with respect to the above factors and the failure of the trial judge to address them in his reasons for judgment. There was no obligation upon either of them to do so. If counsel for the appellant wished to challenge the reliability of Spicer's evidence of voice identification he was free to question Spicer as to any or all of the factors outlined above. They could have been put to the witness in cross-examination, but whatever the witness's response to them, his evidence would remain a part of the record for whatever weight it would carry.

[…]

An attempt to meld the distraction between weight and admissibility as they relate to voice identification was advanced and rejected by this court in R. v. Parsons (1977), 17 O.R. (2d) 465, 37 C.C.C. (2d) 497 (C.A.), in the context of wire taps. Dubin J.A., speaking for the court, held that once it is shown that the interception was carried out pursuant to a lawful authorization and in the manner authorized, the fact that the evidence falls short of identifying the voice does not render the interception inadmissible (at p. 471 O.R., p. 502 C.C.C.). It becomes a question for the trier of fact to determine the identity of the voice. Similarly in R. v. Braumberger (1967), 62 W.W.R. 295 (B.C.C.A.), the court held that the evidence of identity of an alleged robber given by a witness who had heard him speak during the perpetration of the robbery was properly admitted to be considered by the jury.

[31] Une personne peut identifier une voix en raison de sa familiarité avec celle-ci. Quant à la fiabilité de cette preuve, elle s'apprécie en regard des circonstances au cours desquelles le témoin a entendu cette voix. (...)

Quel est l’impact de l'état de santé de l'accusé sur la détermination de la peine? Revue de la jurisprudence par le juge Pierre Lortie sur cette question

R. c. D.B., 2007 QCCQ 12664 (CanLII)

Lien vers la décision

1) R. c. Grégory, [1994] A.Q. no 801 (C.A.)

[22] La gravité objective des infractions commises jointe à l'application des critères de dissuasion et de neutralisation qui sont prépondérants dans les cas de trafic de stupéfiants révèlent que la peine imposée par le juge de première instance n'est pas, en soi, sévère. Toutefois, nous sommes en présence de l'une de ces rares affaires où la motivation humaine guidera essentiellement la détermination de la peine. En effet, l'imposition d'une mesure carcérale est désormais vaine et ne servirait ni l'intérêt de protection sociale ni celui de réadaptation par une détention réflexive.

[23] L'appelante est atteinte d'une maladie dégénérative et incurable, qu'elle a vécue comme un outrage et qui la place dans une zone neutre où la mort imminente se substitue à toute réclusion sociale. À la lumière du rapport médical et du rapport d'évaluation, on peut raisonnablement penser que la société n'a plus à être protégée et que l'appelante, par commisération, n'a plus à être punie: Elle a déjà vécu 3 mois de détention préventive. Elle terminera, dans une maison de transition, les derniers mois de sa vie puisqu'il paraît souhaitable que l'ultime sentence s'accomplisse dans la dignité. Les autorités de la maison de transition détermineront le temps de séjour de l'appelante au sein de sa famille.

[24] En conséquence, je crois qu’il y a lieu d’accueillir l’appel, de surseoir au prononcé de la sentence et d’ordonner que l’appelante soit libérée selon les conditions prescrites dans l’ordonnance de probation […]

2) Colas c. R., J.E. 97-1759 (C.A.)

Juge Tourigny : Même si l'état de santé de l'appelant au moment des événements attire la sympathie, il faut dire que son procureur a affirmé devant nous qu'il n'y avait, pour le moment, aucun signe que le cancer qui l'avait affligé était encore source de problème.

Juge Biron : Je n'ignore pas que l'appelant souffre d'un cancer. Si on nous avait représenté qu'il était en phase terminale, ma conclusion aurait été différente. Or, ce n'est pas le cas.

3) Savard c. R., 2000 CanLII 6767 (QC C.A.), [2000] R.J.Q. 2262 (C.A.); J.E. 99-1455 (C.Q.)

[46] Pour les motifs qui précèdent, et compte tenu des représentations des deux parties qui soumettent que pour des raisons humanitaires liées à l'état de santé de l'appelant, l'imposition d'une mesure carcérale ne servirait pas les objectifs de la détermination de la peine, j'estime que pour éviter à l'appelant de purger la peine d'incarcération de 20 mois en conséquence du défaut, il y aurait lieu de rayer la clause d'emprisonnement ordonné à défaut de paiement.

[47] Quant à la période de 18 mois, au sujet desquels la question de l'applicabilité du sursis à l'emprisonnement ne se pose pas, je proposerais que cette peine soit remplacée par une ordonnance de sursis selon l'art. 742.1 C.cr.

Note : Le jugement de première instance relate que l'accusé est atteint d'un cancer incurable, que son expectative de vie est courte, soit un peu moins de deux ans, et que son état nécessite des traitements médicaux fréquents.

4) Champagne c. R., J.E. 2002-109 (C.A.)

[7] Enfin, en ce qui a trait au dernier argument afférent aux motifs humanitaires, bien que le Ministère public concède que l'appel devrait être accueilli et qu'une peine d'emprisonnement avec sursis devrait être imposée, la Cour est d'avis qu'elle ne peut souscrire à cette proposition pour le motif suivant : la perspective d'une opération chirurgicale prochaine et d'une convalescence de deux à quatre mois ne justifie pas le recours à une mesure exceptionnelle de clémence, comme ce fut le cas dans l'affaire [Savard].

5) R. c. L.L., J.E. 2002-798 (C.Q.)

[29] L'accusé a 60 ans; il est diabétique et souffre d'insuffisance rénale depuis septembre 2000, ce qui l'amène à subir une dialyse trois fois par semaine.

[30] Le Tribunal doit tenir compte de l'état de santé dans la détermination de la peine; mais cet état de santé ne peut soustraire complètement l'accusé à une peine qui autrement serait pleinement méritée; les tribunaux, tout en tenant compte de l'âge et de l'état de santé de certains accusés, ont néanmoins prononcé des peines d'emprisonnement en milieu carcéral quand les circonstances le justifiaient.

[31] La Cour Suprême du Canada dans l'arrêt R. c. R.N.S., 2000 CSC 7 (CanLII), [2000] 1 R.C.S. 149, a rétabli une peine d'emprisonnement en milieu carcéral de 9 mois même si l'accusé éprouvait des problèmes sérieux de santé; le juge du procès avait tenu compte de l'état de santé de l'accusé pour imposer une peine moins sévère, peine rendue déraisonnable par la Cour d'appel de la Colombie-Britannique en la transformant en peine d'emprisonnement avec sursis; l'accusé avait été déclaré coupable d'agression sexuelle sur une fillette de 5 ans. […]

[34] Les Cours d'appel de d'Ontario [R. c. Drudge, [1988] O.J. No 125 (C.A. Ont.)] de Colombie-Britannique [R. c. Maczynski, C.A.C.B., 120 C.C.C. (3d) 221, 30 octobre 1997], de Saskatchewan [R. c. S.(E.), C.A. Sask., 2001 S.K.C.A. 38, 12 mars 2001] et du Manitoba [R. c. R.(J.D.) C.A. Man., 126 Man. R. (2d) 253, 15 mai 1998] ont maintenu et même augmenté des peines en milieu carcéral en dépit de l'état de santé précaire et de l'âge avancé des accusés; l'état de santé tout en étant considéré, ne constituait pas un facteur décisif.

[36] N’eut été de son état de santé, le Tribunal aurait accédé à la demande du procureur de la poursuite et imposé une peine de pénitencier; le Tribunal est donc disposé à prononcer une peine moindre que celle réclamée par le ministère public.

[37] Toutefois, la peine ne pourra être purgée dans la collectivité, vu d’une part la présence de risques de récidive et la gravité du préjudice susceptible d’en découler et d’autre part une peine d’emprisonnement avec sursis dans la présente affaire ne rencontrerait pas l’objectif et les principes de détermination de la peine visés aux articles 718 à 718.2 du Code criminel : une peine d’emprisonnement avec sursis n’aurait pas l’effet dénonciateur et dissuasif suffisant puisque ces objectifs sont particulièrement pressants dans le présent dossier; de plus, la peine ne serait pas proportionnelle à la gravité de l’infraction et à la responsabilité de l’accusé qui est le principe fondamental dans la détermination de la peine.

[38] En conséquence, le Tribunal condamne l'accusé sur chacun des chefs d’accusation à deux ans moins un jour d’emprisonnement […]

6) R. c. P.M., [2002] A.N.-B. no 144 (Cour du Banc de la Reine du Nouveau-Brunswick)

[12] À la suite de l'accident, P.M. a subi un traumatisme médullaire, ce qui est décrit dans le rapport présentenciel comme une fracture-éclatement de la vertèbre T4 de la colonne vertébrale. Ce malheureux et tragique accident a provoqué la paralysie complète des membres inférieurs. Selon la documentation dont je dispose, P.M. est paralysé à partir de la poitrine. Il est en fauteuil roulant et nécessite quatre cathétérismes par jour. Comme il a de forts spasmes des membres inférieurs, il lui est difficile de rester assis pendant de longues périodes. En outre, il a subi de graves lésions aux deux mains. Deux doigts de la main gauche ont dû être amputés, et il a eu des greffes de peau aux deux mains. D'après les renseignements dont je dispose, il a encore de graves problèmes avec ses mains en raison de l'accident.

[13] Le rapport présentenciel indique qu'à la suite de l'accident P.M. a été hospitalisé pendant six semaines à l'hôpital de Moncton. Il a ensuite été admis au Centre de réadaptation Stan Cassidy, à Fredericton, où il a séjourné jusqu'au 20 septembre 2001. Son pronostic est incertain. On s'attend à ce que son état de santé général se détériore plus rapidement que la normale pour une personne de son âge. Il ne peut pas prendre soin de lui-même. Son épouse participe à ses soins, et je tiens à la féliciter de l'aide physique et de l'appui moral qu'elle semble apporter à son mari. Elle prend soin de lui et, en autant que je sache, elle l'aide de toutes les manières possibles lorsqu'elle ne travaille pas. Mme M. est cuisinière dans un restaurant de sa localité.

[14] Évidemment, les blessures très invalidantes que P.M. a subies me posent un problème dans la détermination de la peine. Nous tous ici présents sympathisons certainement avec P.M. en raison des malheureuses et permanentes blessures qui l'affligent aujourd'hui.

[…]

[21] Aujourd'hui, j'ai entendu la preuve présentée par la Couronne relativement aux installations médicales, au personnel médical et aux services médicaux des établissements fédéraux. Odette LeBlanc-Pellerin, chef des Services cliniques de Service correctionnel du Canada pour la région de l'Atlantique, a décrit les installations qui offrent des soins médicaux, le personnel médical en place et les services qui peuvent être offerts dans un établissement fédéral pour assurer des soins médicaux de qualité. Elle a soutenu que les soins sont offerts au besoin et qu'ils peuvent être assurés 24 heures par jour aux personnes handicapées ou qui ont de graves problèmes de santé. Elle est d'avis que les soins et les services médicaux offerts sont d'une grande qualité et qu'en plus de l'unité de soins de santé ordinaire, le pénitencier de Dorchester est doté d'une infirmerie qui offre des soins semblables à ceux offerts dans un hôpital pour les détenus qui ont de graves problèmes de santé. Elle a témoigné que le pénitencier a déjà accueilli et accueille encore à l'heure actuelle des personnes souffrant de problèmes médicaux semblables à ceux de P.M. Elle a témoigné que, selon l'importance des soins médicaux requis, P.M., s'il est incarcéré, sera sans doute placé dans une rangée de cellules ordinaire au pénitencier et que son état sera suivi de près et que les services médicaux sont offerts. Quoi qu'il en soit, d'après ce que je comprends du témoignage de Mme LeBlanc-Pellerin, des évaluations médicales seraient faites pour déterminer le degré d'incapacité de P.M. en vue de déterminer son placement. Comme je l'ai dit plus tôt, le pénitencier de Dorchester est doté d'une infirmerie qui offre au besoin des soins semblables à ceux qui sont offerts dans un hôpital.

[…]

[25] On a souligné que la jurisprudence dans des cas semblables établit deux principes de base. Premièrement, si l'établissement ne peut pas accueillir un détenu, la peine doit être différente de ce qu'elle serait normalement dans la situation. Deuxièmement, dans les cas où l'incapacité du détenu s'aggraverait même si les installations correctionnelles pouvaient l'accueillir, la peine doit là aussi être différente de ce qu'elle serait normalement.

[26] Plusieurs causes ont été mentionnées, et j'apprécie avoir eu la possibilité d'examiner cette jurisprudence avant l'audience. Les causes qui ont été mentionnées sont : R. c. Morin, [1998] O.J. No. 2040; R. c. Taylor, [1995] N.J. No. 301; R. c. Carlson, [1996] S.J. No. 123; R. c. Maczynski 1997 CanLII 2491 (BC C.A.), (1997), 120 C.C.C. (3d) 221; R. c. S. (L.J.) 1997 CanLII 1292 (ON C.A.), (1997), 116 C.C.C. (3d) 477; R. c. Shah 1994 CanLII 1290 (BC C.A.), (1994), 94 C.C.C. (3d) 45; R. c. E.M. (1993), 191 R.N.-B. (2e) 1.

[27] À la lumière de la jurisprudence et des principes qu'elle établit, le poursuivant fait valoir qu'il a été démontré à la Cour que les installations existantes peuvent accueillir P.M. et qu'il n'a pas été prouvé que l'état de P.M. se détériorera s'il est incarcéré. Le poursuivant souligne qu'il est en effet malheureux que P.M. ait subi ces graves blessures, mais que le milieu carcéral peut tout de même répondre à ses besoins malgré sa situation. Pour conclure, on soutient que la Cour ne doit pas modifier, en raison de l'incapacité et des blessures de P.M., ce qui serait autrement une peine juste.

[…]

[31] Relativement à la situation de P.M., je renvoie à l'affaire Morin. Dans cette affaire, l'accusé était atteint de sclérose en plaques, ce qui lui causait de graves problèmes de santé. Je cite ici le paragraphe 21 de cette décision du juge Salhany :

Me Mattson a fait valoir qu'une peine d'emprisonnement avec sursis ne poserait aucun risque pour la collectivité puisque M. Morin ne pose plus de risque. Il n'est plus motard. Il souffre de sclérose en plaques. Il a aussi fait valoir qu'il serait sévère d'infliger une peine d'emprisonnement à un accusé dont la santé se détériore. Il a critiqué le fait que Me Donnelly s'appuie sur la décision S.L.J., car il est d'avis que l'état de l'accusé dans cette cause n'était pas aussi grave que celui de l'accusé en l'espèce. Toutefois, le principe établit dans la décision S.L.J. et dans la récente décision de la Cour d'appel de la Colombie-Britannique dans l'affaire Maczynski 1997 CanLII 2491 (BC C.A.), (1998), 120 C.C.C. (3d) 221 (C.A.C.-B.) est clair. Selon ce principe, bien que l'état de santé d'un accusé puisse dans certains cas influencer la peine infligée, les tribunaux devraient hésiter à réduire, pour des raisons de mauvaise santé, ce qui serait normalement une peine correspondant à la gravité de l'infraction et aux circonstances du contrevenant. À moins qu'il ne soit clairement établi que l'incarcération nuirait à la santé d'un accusé au point de constituer pour ce contrevenant une peine plus sévère qu'elle ne le serait pour un autre dans des circonstances semblables, la Cour ne devrait pas faire d'exception pour le contrevenant en cause.

[…]

[41] […] Il est certain qu'il faut tenir compte de son état de santé. Il a subi des blessures dévastatrices dont les conséquences sont permanentes. […]

[42] J'ai considéré les principes de la détermination de la peine, la jurisprudence et les très graves infractions d'ordre sexuel qui ont été commises en l'espèce et je conclus qu'une peine d'emprisonnement avec sursis n'est pas appropriée en l'espèce. Une telle peine ne refléterait ni les principes ni les objectifs de la détermination de la peine. En considérant toutes les circonstances particulières de la présente cause, je conclus qu'une peine appropriée serait la suivante : Relativement au premier chef d'accusation, une peine d'emprisonnement de trois ans. Relativement au deuxième chef d'accusation, également une peine d'emprisonnement de trois ans, à purger concurremment.

7) J.-C. B. c. R., J.E. 2005-1377 (C.A.)

[26] Dans la présente affaire, faut-il le souligner, le Ministère public s'oppose à la demande de l'appelant, contrairement à ce qui s'était passé dans les arrêts Champagne et Savard.

[27] Par ailleurs, le médecin traitant de l'appelant a noté une bonne évolution, dans un rapport daté du 25 mars 2005.

[28] Dans les circonstances, je ne peux voir pourquoi la Cour acquiescerait à une telle mesure de clémence. D'ailleurs, comme l'a souligné l'avocate représentant l'intimée, les pénitenciers au Québec sont dotés d'infirmerie où l'appelant pourra être gardé et soigné, au besoin. En outre, si sa condition exige une hospitalisation, on peut présumer que les autorités pénitentiaires prendront les mesures requises à cette fin.

Note : L'accusé avait récemment subi une opération chirurgicale à la suite d'un anévrisme de l'aorte abdominale.

8) R. c. Provencher, J.E. 2005-1491 (C.Q.)

[30] Dans R. c. Shah […], le juge Finch de la Cour d'Appel de la Colombie-Britannique, ayant à examiner si le pauvre état de santé de l'accusé constitue, au motif de compassion, une raison pour réduire une sentence par ailleurs adéquate, décidait :

"Moreover, even where there is a risk that an accused may not outlive the time he is required to serve, the compassion that would evoke is not a controlling or decisive factor in deciding on the appropriate sentence. It is one of many factors to be taken into account in sentencing."

[31] Ainsi, ce facteur devra être examiné conjointement avec les autres sans toutefois y accorder une plus grande importance.

Note : L'accusé a plaidé coupable à une accusation de voie de faits causant des lésions corporelles à l'endroit de sa conjointe. Il souffrait de diabète et avait subi une chirurgie de la hanche. Le juge a reçu une preuve des soins apportés en milieu carcéral. Une peine de neuf mois est imposée.

9) R. c. Furlong, J. E. 2006-574 (C.Q.)

[44] Quant à l'état de santé de l'accusé, signalons qu'il ne s'agit pas d'une maladie incurable dont la mort est prévisible à brève échéance. La défense n'ayant pas fait la preuve que l'accusé ne peut recevoir de traitements ou de soins appropriés alors qu'il se trouverait sous la garde d'une institution carcérale, il n'y a pas lieu d'en tirer une inférence négative.

[45] Il s'agit d'un accident grave et tragique ayant nécessité une amputation. Tout en tenant compte de cette situation, nous n'y accordons pas une importance capitale et ce facteur est examiné avec les autres.

Note : L'accusé a été reconnu coupable d'avoir en sa possession des biens criminellement obtenus et d'escroquerie. À la date fixée pour les représentations sur sentence, l'accusé avait subi un accident de motocyclette ayant occasionné l'amputation d'un pied. Une peine totale de trente mois est imposée.

10) R. c. Lafleur, J.E. 2006-862 (C.Q.)

[46] Nombreuses sont les décisions traitant des motifs humanitaires invoqués pour obtenir compassion et clémence des tribunaux lors de l'imposition des sentences.

[47] Cependant, rares sont les cas où la réduction de la période d'incarcération ou le choix d'imposer la peine à être purgée dans la collectivité ont été retenus, accordant plutôt l'importance aux facteurs de dénonciation, d'exemplarité et de dissuasion générale et individuelle.

[48] Ainsi, n'ont pas été retenus comme motifs humanitaires pour éviter l'incarcération :

1) des problèmes diabétiques et d'insuffisance rénale nécessitant une dialyse trois fois par semaine (R. c. L.L., 22 février 2002, C.Q. Honorable Carol Richer, no. 700-01-034525-017);

2) un cancer nécessitant des traitements de chimiothérapie (Colas c. R., C.A Qc, 200-10-000025-952, 27 août 1997, J.E. 97-1759);

3) la perspective d'une opération chirurgicale prochaine et d'une convalescence de deux à quatre mois (R. c. Champagne, C.A. Qc, no. 200-10-001057-004, 28 décembre 2001);

4) l'âge avancé (72 ans) et une récente opération chirurgicale à la suite d'un anévrisme de l'aorte abdominale (J.-C. B. c. R., C.A. Qc, no. 200-10-001500-037, 13 juin 2005).

[49] La présence d'infirmeries, de médecins traitants et l'accès aux hôpitaux, le cas échéant, suppléent aux arguments qui mettent de l'avant les problèmes de santé des accusés ( cf. J.-C. B. précité).

[50] Au même effet, R. c. R.N.S. 2000 CSC 7 (CanLII), [2000] 1 R.C.S. 149 et R. c. Shah 94 C.C.C. (3d) 45. Dans ce dernier arrêt, le juge Finch de la Cour d'Appel de la Colombie Britannique, ayant à examiner si le pauvre état de santé de l'accusé constitue, au motif de compassion, une raison pour réduire une sentence par ailleurs adéquate, décidait :

«Moreover, even where there is a risk that an accused may not outlive the time he is required to serve, the compassion that would evoke is not a controlling or decisive factor in deciding on the appropriate sentence. It is one of many factors to be taken into account in sentencing.»

[51] Ce n'est que dans des cas rares où des mesures exceptionnelles de clémence seront retenues pour alléger la sévérité d'une sentence par ailleurs méritée.

[52] À titre d'exemple, R. c. Savard [2000] R.J.Q. no. 2262 et Gregory c. R., C.A. Qc, no. 500-10-00084-945, 7 octobre 1994, une accusée, ayant contracté le virus du sida de son mari et vouée à une mort évidente, ayant été déclarée coupable de trafic de stupéfiants.

[53] Ainsi, à moins d'une situation extrême, les tribunaux ne retiendront pas comme facteur atténuant le piètre état de santé d'un accusé.

[54] Mais signalons que l'ensemble de ces décisions traite des problèmes physiques nécessitant des soins qualifiés et non pas de problèmes de santé mentale d'un accusé qui requiert une surveillance constante.

[55] En matière de maladie mentale, notre cour d'Appel soulignait dans R. c. Chan, no. 500-10-000152-924, 20 janvier 1993, que les critères usuels utilisés sur sentence ne sont pas d'une grande utilité et les facteurs d'exemplarité et de punition sont d'une importance beaucoup réduite (voir également R. c. Valiquette 1990 CanLII 3048 (QC C.A.), [1990] 60 C.C.C. (3d) 325).

[56] Or, quant à la situation de l'accusé dans la présente affaire, hormis le témoignage de l'accusé lors de la demande de remise en liberté où il a invoqué des problèmes au dos, aucune autre preuve n'existe quant à une situation où la santé physique de l'accusé nécessiterait la clémence de la Cour.

[57] Au contraire, preuve a été faite que l'accusé bénéficie des services de l'infirmerie de la prison où il se trouve en permanence et une médication appropriée lui est fournie.

[58] Cependant, une preuve largement convaincante a été faite, par le dépôt de toutes les expertises médicales mentionnées antérieurement, que l'accusé est atteint d'une maladie mentale dégénérative qui l'isole et qui, à plus ou moins brève échéance, nécessitera son admission en institution spécialisée.

[59] C'est sur cet aspect bien particulier que doit être pris en compte la situation de l'accusé, car le Tribunal ne peut pas ignorer le fait que toute sentence rendue envers l'accusé n'aura aucun effet dissuasif ou punitif et que l'élément réhabilitation est absent. […]

[95] La sombre perspective de son avenir, en perte d'autonomie et voué au placement en institution, à plus ou moins brève échéance, ne doit pas, cependant, l'emporter sur les facteurs aggravants.

Note : L'accusé a été déclaré coupable de négligence criminelle ayant causé la mort. Il souffre de déficits cognitifs, ce qui suggère une maladie dégénérative de type démentiel. Cette maladie était installée lors des événements en cause. Une peine de 36 mois est imposée.

11) P.L. c. R., J.E. 2006-1829 (C.A.)

[15] Par ailleurs, l’état de santé de l’appelant ne permet pas de conclure, comme le souligne le juge de première instance, que, pour cette raison, il y ait lieu de privilégier l’emprisonnement avec sursis.

Note : Prêtre condamné à une détention de douze mois pour une agression commise sur un adolescent.

12) R. c. Alcius, J.E. 2007-549 (C.A.)

[53] Moreover, as the case-law shows, there has to be a considerable degree of medical misfortune or disability in place before health factors can be considered as a compassionate basis to impose a sentence of incarceration less than what it might be otherwise, especially as it relates to a crime of violence such as this one11. Such is not the case of Mr. Alcius. Quite simply, the trial judge ought not to have taken this factor into account as an attenuating factor.

11 See, for example, R. v. Shah, 1994 CanLII 1290 (BC C.A.), (1994), 94 C.C.C. (3d) 45 (B.C.C.A.), where the B.C. Court of Appeal declined to reduce an eight-year term of imprisonment in a case of forgery and criminal negligence causing death where the offender suffered from diabetes, hypertension and heart disease; R. v. R. (A), 1994 CanLII 4524 (MB C.A.), (1994) 88 C.C.C. (3d) 184 (Man. C.A.), where the Manitoba Court of Appeal eliminated a sentence of 30 months imprisonment in the case of a 71 year-old man who suffered from debilitating muscular dystrophy and who had been convicted of a sexual assault on his daughter that occurred over 20 years earlier; and, R. v. Andrews, 2004 MBCA 60 (CanLII), (2004), 183 C.C.C. (3d) 321 (Man. C.A.), where the Manitoba Court of Appeal reduced a sentence of four years of incarceration to one of two years less one day in the case of a man with a terminal illness who had been convicted of possession of cocaine for the purpose of trafficking.

Note : L'accusé avait été déclaré coupable d'homicide involontaire d'un enfant de trois ans. Durant les procédures, l'accusé subit un infarctus, nécessitant un ajournement du procès. Le juge de première instance impose une peine de deux ans moins un jour, prenant en considération les problèmes cardiaques de l'accusé. Selon la Cour d’appel, il s’agit d’une erreur de droit. Toutefois, la peine est maintenue.

13) R. c. Daye, [2007] J.Q. no 4331 (C.Q.)

[40]… h) l'accusé a des problèmes de santé majeurs. Le plus important est une insuffisance rénale grave. Il est sous dialyse à l'hôpital de St-Jérôme trois jours par semaine. Il est diabétique. Il a des problèmes d'estomac et de pression sanguine. Il souffre d'apnée du sommeil et doit recourir à un appareil spécial pour dormir la nuit. Il a subi, il y a quelques années une importante opération au dos. Il doit s'astreindre à une consommation quotidienne d'un nombre effarant de médicaments (22). […]

[50] Je dois accorder ici une importance particulière à l'état de santé précaire de l'accusé.

[51] La peine doit être individualisée. Je dois me demander si la peine de prison ferme que je devrais normalement imposer à l'accusé constitue une peine injuste et disproportionnée compte tenu de son état.

[52] M. Daye doit séjourner à l'hôpital au moins trois jours semaine pour ses traitements d'hémodialyse. Il n'a plus aucune qualité de vie. Son dossier médical SD-1 relève de l'encyclopédie médicale, tellement sa santé est hypothéquée.

[53] Même s'il était incarcéré, les autorités carcérales devraient l'escorter toutes les semaines, trois jours à l'hôpital, pour y passer la journée, et ceci, sans compter les visites médicales nécessaires avec d'autres spécialistes.

[54] Même détenu, l'accusé passerait le plus clair de son temps en dehors du milieu carcéral et pour le peu de temps passé en milieu carcéral, il devrait certes être confiné à l'infirmerie vu sa médication particulière et la nécessité d'un appareil pour contrer son apnée.

[55] Condamner l'accusé à l'emprisonnement ferme dans les circonstances particulières de la présente affaire m'apparaît non concordant avec une saine justice. Son état de santé exceptionnel, à lui seul, justifierait une peine à être purgée dans la collectivité.

[56] Mais, il y a plus, toute récidive criminelle apparaît hautement improbable.

[57] Et, en définitive, la société risquerait d'être plus défavorisée que l'accusé par une peine d'emprisonnement ferme.

Note : L'accusé avait plaidé coupable à une accusation d’incendie criminel. Le Tribunal impose une peine de deux ans moins un jour à être purgée dans la collectivité.

14) R. c. Bourré, C.Q. Alma, Chambre criminelle et pénale, no 160-01-000139-014, 14 mai 2007

L'accusé a été déclaré coupable d’une fraude de l’ordre de 20 000 $. Le juge impose une ordonnance de sursis de vingt mois. Il a qualifié de circonstance atténuante le facteur suivant :

[…] la situation actuelle de l'accusé qui vit de rentes d'invalidité (rentes du Québec), qui reçoit des soins, traitements et suivis réguliers pour son cancer et qui n'est pas en mesure de fonctionner adéquatement; [paragraphe 55]

15) R. c. J.P., C.A. Québec, no 200-10-002085-079, 19 octobre 2007

L'accusé a été déclaré coupable de quatre chefs d’accusation d’agression sexuelle, d’attentat à la pudeur et de voies de fait. Le premier juge le condamne à une peine unique combinée de six mois d’emprisonnement ferme et de 17 mois d’emprisonnement à être purgés dans la collectivité. Il s’agit là d’une erreur de droit. La Cour d’appel condamne l'accusé à neuf mois sur certains chefs plus, sur certains autres, à trois mois dans la collectivité. La Cour d’appel teint compte de certains facteurs atténuants « tels la reconnaissance des actes et l’état de santé précaire de l’intimé ».

lundi 26 juillet 2010

Le paragraphe 21(1) du Code criminel est destiné à rendre juridiquement sans importance la différence entre le fait d'aider et d'encourager à commettre une infraction et le fait de la commettre personnellement

R. c. Thatcher, [1987] 1 R.C.S. 652

Le paragraphe 21(1) du Code criminel est destiné à rendre juridiquement sans importance la différence entre le fait d'aider et d'encourager à commettre une infraction et le fait de la commettre personnellement. Il prévoit que chaque mode de perpétration d'une infraction entraîne la même culpabilité et, en fait, qu'une personne commette personnellement ou qu'elle aide ou encourage seulement, elle est coupable de cette infraction, en l'espèce, de meurtre, et non d'une quelconque infraction distincte. Il n'est pas nécessaire que le ministère public précise dans l'acte d'accusation la nature de la participation de l'accusé à l'infraction. Lorsque des éléments de preuve soumis à un jury indiquent qu'un accusé a commis un crime personnellement ou qu'il a aidé ou encouragé une autre personne à le commettre, pourvu que le jury soit convaincu hors de tout doute raisonnable que l'accusé a agi d'une manière ou de l'autre, il n'est pas important de savoir ce qui s'est réellement produit. Il en découle que l'art. 21 empêche d'exiger que le jury soit unanime quant à la nature précise de la participation de l'accusé à l'infraction.

L'agression qui revêt un caractère sexuel ne présente pas toujours le caractère hostile d'une agression au sens commun du terme

R. c. Daigle, 1997 CanLII 9934 (QC C.A.)

L'agression qui revêt un caractère sexuel ne présente pas toujours le caractère hostile d'une agression au sens commun du terme. En l'espèce l'hostilité de l'agression provient de l'absence de consentement, G.B. étant sous l'effet de stupéfiants absorbés involontairement à la suite des agissements de Daigle et D..

dimanche 25 juillet 2010

La fourchette des peines infligées en matière de voies de fait armées ou graves

R. c. Côté-Boucher, 2010 QCCQ 6313 (CanLII)

[70] Dans une décision récente, notre collègue le juge Pierre Bélisle fait une revue intéressante de la jurisprudence :

« Après avoir passé en revue la jurisprudence pertinente rendue au Québec et dans les provinces anglaises (14 décisions), tant en première instance que par différentes cours d’appel, mon collègue le juge J.F. Dionne, J.C.Q., dans une décision du 6 avril 2006 (R. c. Turbide-Labbé, 2006 QCCQ 2776 (CanLII), 2006 QCCQ 2776), s’exprime ainsi relativement à la fourchette des peines infligées en matière de voies de fait armées ou graves :

[43] Si l’on analyse les cas en tenant compte qu’il s’agit d’un récidiviste, les peines pour des voies de fait armées ou voies de fait graves ayant causé de très sérieuses blessures à la victime varient entre 3 et 6 ans de pénitencier.

[44] Si la préméditation est absente et que l’accusé ne présente pas de profil constant de violence, les peines varient selon l’état de gravité des blessures et le casier judiciaire entre 18 mois et 3 ans. »

samedi 24 juillet 2010

Il est fondamentalement inéquitable et dérogatoire aux droits garantis par la Charte de mentir à des individus ou de les tromper sur leurs droits constitutionnels

R. c. Cook, [1998] 2 R.C.S. 597

60 Au cours d’une enquête, les policiers doivent parfois mentir. Dans bien des situations, cela peut non seulement être convenable mais également nécessaire et c’est de toute évidence tout à fait acceptable. Toutefois, il est fondamentalement inéquitable et dérogatoire aux droits garantis par la Charte de mentir à des individus ou de les tromper sur leurs droits constitutionnels. De fait, approuver une telle conduite déconsidérerait l’administration de la justice.

61 Il faut souligner que cette atteinte très grave s’est produite au moment où l’appelant était le plus vulnérable. Il était détenu et avait été privé de la possibilité de recourir à l’assistance d’un avocat. L’importance de la vulnérabilité d’une personne en pareil cas a été reconnue dans l’arrêt Bartle. Le juge en chef Lamer écrit, à la p. 191:

Cette possibilité [d’être informée de ses droits et d’obtenir des conseils] lui est donnée, parce que, étant détenue par les représentants de l’État, elle est désavantagée par rapport à l’État. Non seulement elle a été privée de sa liberté, mais encore elle risque de s’incriminer. Par conséquent, la personne «détenue» au sens de l’art. 10 de la Charte a immédiatement besoin de conseils juridiques, afin de protéger son droit de ne pas s’incriminer et d’obtenir une aide pour recouvrer sa liberté: Brydges, à la p. 206; R. c. Hebert, 1990 CanLII 118 (C.S.C.), [1990] 2 R.C.S. 151, aux pp. 176 et 177; et Prosper. L’alinéa 10b) habilite la personne détenue à recourir de plein droit à l’assistance d’un avocat «sans délai» et sur demande. Comme l’a dit notre Cour dans l’arrêt Clarkson c. La Reine, 1986 CanLII 61 (C.S.C.), [1986] 1 R.C.S. 383, à la p. 394, le droit à l’assistance d’un avocat prévu à l’al. 10b) vise à assurer le traitement équitable dans le processus pénal des personnes arrêtées ou détenues.

jeudi 22 juillet 2010

Les règles régissant le huis clos

Société Radio-Canada c. Nouveau-Brunswick (Procureur général), [1996] 3 R.C.S. 480

69. Ces directives aident également le juge du procès à exercer son pouvoir discrétionnaire de manière compatible avec la Charte lorsqu’il est saisi d’une demande d’exclusion du public en vertu du par. 486(1). Dans le contexte d’une telle ordonnance, le juge du procès doit donc suivre les directives suivantes:

a) le juge doit envisager les solutions disponibles et se demander s'il existe d’autres mesures de rechange raisonnables et efficaces;

b)il doit se demander si l’ordonnance a une portée aussi limitée que possible; et

c) il doit comparer l'importance des objectifs de l’ordonnance et de ses effets probables avec l’importance de la publicité des procédures et l’activité d’expression qui sera restreinte, afin de veiller à ce que les effets positifs et négatifs de l’ordonnance soient proportionnels.

70. En outre, je tiens à donner les indications suivantes relativement à la procédure à suivre en cas de demande d’ordonnance fondée sur le par. 486(1).

71. C’est à la partie qui présente la demande qu’incombe la charge de justifier la dérogation à la règle générale de la publicité des procédures. Comme dans l’arrêt Dagenais, précité, la partie qui sollicite l'ordonnance doit prouver les éléments suivants: l’ordonnance demandée est nécessaire pour assurer la bonne administration de la justice; l’ordonnance a une portée aussi limitée que possible; et il y a proportionnalité entre les effets bénéfiques de l’ordonnance et ses effets préjudiciables. Pour ce qui est de la question de la proportionnalité, si l’ordonnance a pour but de protéger un droit constitutionnel, ce fait doit être pris en considération.

72. Le juge du procès doit disposer d’une preuve suffisante pour être en mesure d’apprécier la demande et d’exercer son pouvoir discrétionnaire de manière judiciaire. Dans les cas où les faits ne sont pas contestés, la déclaration de l’avocat suffira. Si la preuve présentée au juge est insuffisante ou s’il y a divergence de vues sur les faits pertinents, le plaideur qui sollicite l’ordonnance devrait demander que la preuve soit entendue à huis clos. Cela peut se faire au moyen d’un voir‑dire, procédure au cours de laquelle le public est exclu. En l’espèce, par exemple, un voir‑dire aurait pu être tenu afin de permettre au ministère public de communiquer au juge Rice de la Cour provinciale les fait qu’il ne connaissait pas, afin qu’il dispose d’un dossier plus complet pour rendre sa décision. La décision de tenir un voir‑dire dépend de ce qui est nécessaire, dans un cas donné, pour que le juge du procès dispose de suffisamment d’éléments de preuve au dossier pour agir de manière judiciaire.

Ce que la poursuite doit établir aux termes du paragr. 254(2) du Code criminel / éléments devant être prouvé par la poursuite pour obtenir une déclaration de culpabilité

R. c. Garcia, 2009 QCCQ 2159 (CanLII)

[18] Aux termes du paragr. 254(2) du Code criminel, la poursuite doit établir que :

a) l’agent de la paix a des raisons de soupçonner la présence d’alcool dans l’organisme de la personne qui conduit un véhicule à moteur;

- la preuve démontre que l’agent de la paix avait des raisons de soupçonner la présence d’alcool dans l’organisme de l’accusé. En le fouillant, l’agent a perçu une odeur d’alcool provenant de son haleine. Il avait un langage clair, mais répétitif, les yeux rouges, vitreux et injectés de sang. Il avait eu auparavant une conduite erratique.

b) l’agent de la paix lui a ordonné de lui fournir, immédiatement, un échantillon d’haleine;

- la preuve établit que dès que l’agent a perçu l’odeur d’alcool et les symptômes ci-dessus mentionnés, il a ordonné à l’accusé de lui fournir un échantillon d’haleine en lui expliquant les conséquences d’un refus de s’y soumettre;

c) l’agent de la paix estimait nécessaire que cet échantillon d’haleine soit fourni aux fins d’analyse à l’aide d’un appareil de détection approuvé;

- la preuve révèle que l’appareil de détection utilisé en était un de marque Alco-Sensor IV DWF. Il n’est pas contesté que cet instrument est conforme à l’Arrêté sur les appareils de détection approuvés.

[19] Pour obtenir une déclaration de culpabilité, la poursuite doit prouver les éléments essentiels de l’infraction prévue par le paragr. 254(5) du Code criminel, soit : (1) l’existence d’une sommation valide; (2) le défaut ou le refus d’obtempérer à l’ordre donné par l’agent de la paix; et (3) l’intention de l’accusé de faire défaut ou de refuser de fournir l’échantillon d’haleine requis.

[20] Une fois la preuve de ces trois éléments établie hors de tout doute raisonnable, l’accusé est présumé avoir commis l’infraction, à moins qu’il ne présente une défense ou une excuse raisonnable : R. c. Lewko, 169 CCC (3d) 359, p. 366-367 (C.A. Sask.).

Les éléments essentiels de l'infraction de refus de fournir un échantillon d'haleine

Bourbonnais c. R., 2007 QCCS 2819 (CanLII)

[22] Il est utile ici de reproduire le passage pertinent de l'arrêt Lewko, lequel a établi les éléments essentiels de l'infraction de refus. On lit l'énoncé suivant dans cette décision:

«8. The subsection constituting the offence is as follows:

254(5) Every one commits an offence who, without reasonable excuse, fails or refuses to comply with a demand made to him by a peace officer under this section.

There are three types of demands that can be made under s. 254. The requirements of those demands are set forth in subsections (2) and (3), respectively, of the section.

9. The elements of the offence that the Crown must prove beyond a reasonable doubt are three. First, the Crown must prove the existence of a demand having the requirements of one of the three types mentioned in ss. (2) and (3). Second, the Crown must prove a failure or refusal by the defendant to produce the required sample of breath or the required sample of blood (the actus reus). Third, the Crown must prove that the defendant intended to produce that failure (the mens rea).»

[23] On constate à la lecture de l'arrêt Lewko que la preuve que la Poursuite doit établir, lorsqu'elle reproche une infraction de refus, variera selon que le refus concerne celui de fournir un échantillon d'haleine dans un ADA, ou un refus de fournir un échantillon d'haleine dans un ivressomètre. En conséquence, la trame factuelle sur laquelle doit reposer la preuve de la Poursuite est différente selon de quel refus il s'agit.

[24] Si les deux infractions sont distinctes, c'est que leurs composantes factuelles et légales sont différentes:

• Pour l'ADA, pour que l'ordre soit valable, le policier peut baser sa demande sur de simples soupçons de la présence d'alcool dans l'organisme du conducteur; pour l'ivressomètre, il lui faut avoir des motifs raisonnables et probables de croire qu'une infraction a été commise au cours des trois heures précédentes par suite d'absorption d'alcool;

• Pour un refus d'ADA, la Poursuite doit prouver que le défendeur conduisait ou avait la garde ou le contrôle du véhicule moteur au moment de l'ordre; pour un refus d'ivressomètre, l'ordre n'a pas à être concomitant avec la conduite ou la garde ou le contrôle pour être valable.

• Pour l'ADA, le policier n'est pas tenu de respecter le droit à l'avocat de la personne interceptée; pour l'ivressomètre, une violation du droit à l'avocat entraînera l'exclusion de la preuve recueillie y compris celle du refus.

Si une personne agit purement par réflexe, elle ne commet pas l’infraction de voies de fait

R. c. K.K., 2009 QCCQ 12471 (CanLII)

[26] Pour qu’une personne se livre à des voies de fait, il faut, selon l’art. 265 C.cr. qu’elle ait agi intentionnellement. Si une personne agit purement par réflexe, sans que son geste soit accompagné de l’intention d’employer la force de manière intentionnelle, elle ne commet pas l’infraction de voies de fait.

[27] Si le Tribunal entretient un doute raisonnable à l’effet que l’accusée a donné une gifle par réflexe, sous l’effet de la surprise en recevant un coup de talon dans le dos, ce doute doit bénéficier à l’accusée

Comment traiter un long délai entre l'arrestation et l'ordre de fournir les échantillons d’haleine? La notion du «dès que possible» prévue aux articles 254(3) et 258(1)c) C.cr.

R. c. Auclair, 2008 QCCQ 6638 (CanLII)

12. Il s’est écoulé un délai d’une heure et 22 minutes entre l’arrestation de l’accusé et l’ordre de fournir un échantillon d’haleine.

13. Ce délai est inexpliqué. Ce délai est-il justifiable eu égard à toutes les circonstances?

14. La Cour d’appel de l’Ontario dans l’arrêt R. c. Squires 2002 CanLII 44982 (ON C.A.), 2002 CANLII 44982 (ON C.A.), (2002) 166 C.C.C. (3d) 65, rappelle que l’expression “as soon as practicable” a été interprétée comme voulant dire “within a reasonably prompt time” et non “as soon as possible”. Donc, la jurisprudence n’exige pas que l’ordre soit donné le plus tôt possible, mais bien dans un délai relativement court ou «dès que possible» eu égard aux circonstances.

15. Par conséquent, l’agent de la paix doit sommer une personne en état d’arrestation de lui fournir un échantillon d’haleine immédiatement ou dès que cela est raisonnablement possible eu égard aux circonstances, et ce, après qu’il ait acquis des motifs raisonnables et probables de croire que cette personne a commis au cours des trois heures précédentes une infraction à l’article 253 du Code criminel.

16. Ainsi, dans l’arrêt Squires, précité, un délai de 59 minutes entre l’arrestation et la sommation a été jugé raisonnable, car le policier était justifié d’attendre que l’accusé ait subi des examens médicaux à la suite d’un accident.

17. De plus, pour que la présomption d’identité prévue à l’art. 258(1)c) C. cr. puisse s’appliquer, il faut également que les échantillons d’haleine soient fournis «dès que possible» (art. 254(3) C. cr.) et que le premier échantillon soit prélevé pas plus de deux heures après le moment où l’infraction aurait été commise.

18. La poursuite doit démontrer que ce délai est raisonnable dans les circonstances. Or, nulle part dans la preuve, le policier n’indique les raisons qui l’ont amené à sommer l’accusé de fournir un échantillon d’haleine qu’une fois rendu devant l’appareil d’ivressomètre.

19. Les raisons invoquées par la poursuite m’apparaissent insuffisantes pour justifier un tel retard. Même si le policier devait attendre la venue d’un appareil pour prendre des photos des marques sur le véhicule de l’accusé ou que d’autres policiers aient à obtenir des déclarations de témoins, rien n’empêchait l’agent Ricard de sommer l’accusé conformément à l’art. 254(3) in fine C. cr., de le suivre au poste de police afin de prélever un échantillon d’haleine.

20. La Cour considère que l’ordre de fournir un échantillon d’haleine donné 1 heure 22 minutes après l’arrestation de l’accusé ne l’a pas été dans un délai relativement court ou «dès que possible» eu égard à toutes les circonstances de l’affaire.

21. EN CONSÉQUENCE, la poursuite perd le bénéfice de la présomption d’identité édictée par l’art. 258(1)c) du Code criminel. La Cour ne peut donc tenir compte des résultats mentionnés au certificat du technicien qualifié déposé en preuve.

L'article 9 de la Charte n'oblige pas les policiers à s'abstenir d'interagir avec les membres du public tant qu'ils n'ont pas de motifs précis permettant de rattacher une personne à la perpétration d'un crime

R. c. Dault / 2010 QCCA 986 / 500-10-004041-081 / Le 20 mai 2010

[32] Il est de jurisprudence bien établie que les policiers peuvent patrouiller pour assurer la paix et la sécurité, prévenir la commission d'infraction et venir en aide à un citoyen (R. c. Cotnoir, [2000] R.J.Q. 2488 (C.A.)). Il est aussi indéniable qu'en vertu de leurs pouvoirs généraux, les policiers peuvent interpeller des personnes et leur poser des questions dans le cadre d'une patrouille de routine. Comme l'écrivent la juge en chef du Canada et la juge Charron dans Grant, précité, au paragr. 38 :

L'article 9 de la Charte n'oblige pas les policiers à s'abstenir d'interagir avec les membres du public tant qu'ils n'ont pas de motifs précis permettant de rattacher une personne à la perpétration d'un crime.

[33] Bien entendu, les personnes interpellées n'ont aucune obligation de répondre et peuvent décider de s'en aller (Dedman c. R, [1985] 2 R.C.S. 2 ). Si rien n'oblige la personne interpellée à répondre, l'honnête citoyen préférera généralement collaborer plutôt que de continuer bêtement son chemin (Rice c. Connolly, [1966] 2 All ER 649, p. 652, arrêt cité avec approbation dans Grant, paragr. 37)).

[34] En l'espèce, les policiers n'avaient aucune infraction précise en tête et encore moins d'indices qu'un crime se préparait ou était en voie d'exécution. Ils voulaient tout simplement faire des vérifications à l'égard d'un véhicule immobilisé, qui avait attiré leur attention : le conducteur avait-il besoin d'aide? les passagers se livraient-ils à une activité illicite? le conducteur hésitait-il à mettre le véhicule en marche parce que ses facultés étaient affaiblies?

[35] Avec égards pour mes collègues et l'avocat de l'intimé, cela était tout à fait légal et soutenir le contraire revient à empêcher les policiers de faire leur travail de prévention et d'aide.

[36] Une fois légalement à proximité du véhicule de l'intimé, les policiers pouvaient en toute légalité faire des observations, visuelles et olfactives. Jusqu'à ce moment, aucune interception et encore moins détention n'a eu lieu. De même, il n'y a eu aucune fouille, perquisition ou saisie.

La différence entre les notions de crédibilité et de fiabilité

Sutton c. R. / 2010 QCCA 1356 / 200-10-002258-080 / 20 juillet 2010

[13] La juge de première instance a aussi pris le soin d’expliquer la différence entre les notions de crédibilité et de fiabilité en recourant à l'extrait suivant d’un texte dans lequel mon collègue le juge Doyon écrit :

La crédibilité se réfère à la personne et à ses caractéristiques, par exemple son honnêteté, qui peuvent se manifester dans son comportement. L'on parlera donc de la crédibilité du témoin.

La fiabilité se réfère plutôt à la valeur du récit relaté par le témoin. L'on parlera de la fiabilité de son témoignage, autrement dit d'un témoignage digne de confiance.

Ainsi, il est bien connu que le témoin crédible peut honnêtement croire que sa version des faits est véridique, alors qu'il n'en est rien et ce, tout simplement parce qu'il se trompe; la crédibilité du témoin ne rend donc pas nécessairement son récit fiable

mercredi 21 juillet 2010

Les éléments constitutifs de l’infraction d'appels téléphoniques harassants créée par l’article 372 (3)

R. c. Gamache, 2004 CanLII 56849 (QC C.Q.)

[30] Le Tribunal a pris connaissance d’une décision de la Cour d’appel du Nouveau-Brunswick, qui a interprété l’article 372 (3) du Code criminel dans l’affaire Regina c. Sabine.

[32] À la page 211, le juge Stevenson fournit les éléments de l’infraction créée par l’article 372 (3) :

«a) The elements of the offence are : (a) the making of repeated telephone calls to a person, (b) absence of lawful excuse, and (c) an intent to harass.»

[33] Le terme anglais «harass» correspond en français à «harasser».

[34] Le juge Stevenson fournit la définition du terme «harass» et statut que son synonyme est «annoy», et je cite :

«Despite the use of different words in s-ss. (2) and (3) of s. 372 of the Criminal Code, it is my view that the word «harass» in s-s. (3) is synonymous with «annoy».

The respondent’s explanation to the police was not plausible. When one telephones for a particular person and someone else answers, the caller normally inquires for the person he wants to speak to or asks to leave a message. The repeated calls here give rise to an inference that the respondent intented to harass whoever was on duty at the security office.»

[35] Si on traduit en langue française, le mot «annoy» signifie:

Annoy : ennuyer (person), embêter : (stronger), agacer, énerver ; (by going against somebody’s wishes etc) contrarier.»

mardi 20 juillet 2010

Les facteurs d’analyse concernant le par. 24(2) de la Charte n’ont pas changé depuis l'arrêt Grant

R. c. Beaulieu, 2010 CSC 7

[7] Premièrement, comme la Cour l’a fait observer dans Grant, les facteurs d’analyse n’ont pas changé : « [b]ien qu’elles ne recoupent pas exactement les catégories élaborées dans Collins, ces questions visent les facteurs pertinents pour trancher une demande fondée sur le par. 24(2), tels qu’ils ont été formulés dans Collins et dans la jurisprudence subséquente » (par. 71, citant R. c. Collins, [1987] 1 R.C.S. 256).

samedi 17 juillet 2010

Comment traiter le fait qu'un accusé doive, dans certaines circonstances, fournir deux échantillons d'haleine dans 2 alcooltest différents

R. c. Martin, 2000 CanLII 9414 (QC C.A.)

Considérant que la prétention de l'appelant consiste essentiellement à soutenir que dès lors que les analyses des échantillons prévues à la loi n'ont pas été faites sur le même alcootest, en bon état de fonctionnement, mais comme ici sur deux appareils, les résultats obtenus n'ont pas été recueillis conformément à la Loi;

Considérant que le juge de la Cour supérieure a conclu à cet égard que :

« Il ressort clairement que l'intimé ne peut se plaindre qu'on l'a privé d'un droit. Si le législateur a voulu que l'accusé soit soumis à deux tests d'ivressomètre c'est avant tout pour éviter que ne se produise une erreur. Le fait que les deux test soient passés avec des appareils différents, non seulement ne nuit pas aux garanties données à l'accusé, mais pourrait même accorder une protection additionnelle à l'accusé, deux appareils différents confirmant le même résultat. »

Considérant que le juge de la Cour supérieure a répondu à la question qui lui était soumise en interprétant correctement un texte clair et que cette interprétation ne mérite pas d'être questionnée devant cette Cour.

La légalité d'une intervention peut s'apprécier en fonction de trois grandes catégories de motifs

R. c. Legault, 1998 IIJCan 9510 (QC C.S.)

8 C'est dans cette optique que le qualificatif «arbitraire» utilisé à l'article 9 prend tout son sens. En effet tous reconnaissent que la Charte ne confère pas une immunité complète contre les arrestations ou la détention; elle assure plutôt qu'une personne ne sera pas importunée par les policiers sans raison valable. Afin d'appliquer ce critère, il faut analyser le fondement de l'intervention des policiers et se demander si, dans les circonstances, leur gestes étaient justifiés. À cette étape, il n'est pas tenu compte des résultats obtenus par les agents car les tribunaux ont refusé d'endosser une conduite sur cette seule base: une enquête ne devient pas légale parce que fructueuse.

9 Si ces principes semblent clairs, leur application constitue une source de tracas. C'est pourquoi il est nécessaire de recourir à la jurisprudence, où l'on dénombre une multitude de causes traitant du sujet. Toutes ces affaires examinent la légalité d'une intervention en fonction de trois grandes catégories de motifs. Ainsi, les policiers agissent:

1) en vertu d'une loi qui leur accorde le pouvoir d'intervenir pour lutter contre le crime commis par la personne interpeltée;

2) pour des motifs obliques, par intuition, ou pour des raisons ne justifiant pas, en elles-mêmes, une intervention;

3) pour des motifs valables autre que la prévention du crime observé au moment de l'intervention.

mercredi 14 juillet 2010

Les principes applicables pour déterminer ce qu’est une infraction moindre et incluse en vertu du Code criminel

R. c. G.R., 2005 CSC 45, [2005] 2 R.C.S. 371

11 Une fonction importante d’un acte d’accusation est de notifier formellement à l’accusé le risque qu’il court sur le plan juridique. Il est, bien sûr, tout aussi important que, lorsque le ministère public est en mesure d’établir l’existence d’une partie seulement des faits décrits dans l’acte d’accusation ou énoncés dans la définition légale de l’infraction et qu’une telle preuve partielle établit l’existence des éléments constitutifs d’une infraction moindre et incluse, il y ait non pas acquittement mais plutôt déclaration de culpabilité à l’égard de l’infraction incluse. Comme l’a écrit le professeur Glanville Williams, [traduction] « une infraction incluse est une infraction constituée de fragments de l’infraction reprochée » (« Included Offences » (1991), 55 J. Crim. L. 234, p. 234). Tout autre résultat engendrerait un gaspillage des ressources consacrées au procès.

25 Une infraction est « incluse » si ses éléments constitutifs sont compris dans l’infraction imputée (telle qu’elle est décrite dans la disposition qui la crée ou telle qu’elle est portée dans le chef d’accusation) ou si le Code criminel la qualifie expressément d’infraction comprise ou incluse. Le critère est strict : l’infraction doit « nécessairement » être comprise, comme l’affirmait le juge Martland dans l’arrêt Lafrance c. La Reine, 1973 CanLII 35 (C.S.C.), [1975] 2 R.C.S. 201, p. 214 :

. . . l’infraction créée par l’art. 281 [balade dans une voiture volée] n’est pas nécessairement comprise dans l’infraction de vol [. . .] et n’est pas comprise dans le chef d’accusation porté en la présente espèce.

Ce qui n’est pas « nécessairement compris » est exclu. Voir également Fergusson c. The Queen, 1961 CanLII 97 (S.C.C.), [1962] R.C.S. 229, p. 233; Barton c. The King, 1928 CanLII 17 (S.C.C.), [1929] R.C.S. 42, p. 46‑48.

26 L’interprétation stricte de l’art. 662 est liée à l’exigence de notification raisonnable du risque couru sur le plan juridique, comme le juge Sheppard l’a souligné dans l’arrêt R. c. Manuel (1960), 128 C.C.C. 383 (C.A.C.‑B.) :

[traduction] De plus, pour constituer une infraction incluse, l’inclusion doit être une composante si claire et essentielle de l’infraction imputée que l’accusé qui lit le chef d’accusation sera, dans tous les cas, raisonnablement informé qu’il devra se défendre non seulement contre l’infraction reprochée, mais également contre les infractions précises qui seront incluses. Une telle inclusion claire doit ressortir de la « disposition qui [. . .] crée » l’infraction ou de l’infraction « portée dans le chef d’accusation »; [le par. 662(1)] permet de tenir compte de l’une ou l’autre de ces situations, mais non de l’exposé initial de l’avocat ni de la preuve. [Je souligne; p. 385.]

27 Le juge Martin de la Cour d’appel de l’Ontario a également insisté sur l’importance d’expliquer clairement à l’accusé l’ampleur exacte du risque qu’il court sur le plan juridique :

[traduction] L’infraction imputée, telle qu’elle est décrite dans la disposition qui la crée ou telle qu’elle est portée dans le chef d’accusation, doit contenir les éléments essentiels de l’infraction qualifiée d’incluse. . .

. . . l’infraction imputée, telle qu’elle est décrite dans la disposition qui la crée ou telle qu’elle est portée dans le chef d’accusation, doit être suffisante pour informer l’accusé des infractions incluses contre lesquelles il devra se défendre.

28 Les principes énoncés par le juge Martin dans les motifs de jugement encyclopédiques qu’il a rédigés dans l’affaire Simpson (No. 2) ont, depuis lors, été adoptés et appliqués partout au Canada, y compris par la Cour d’appel du Québec dans les arrêts R. c. Drolet (références omises)

29 En common law, lorsqu’une infraction comportait plusieurs éléments constitutifs (« infraction divisible »), le jury pouvait déclarer une personne coupable de toute infraction [traduction] « dont les éléments constitutifs étaient compris dans l’infraction imputée, sous réserve de la règle selon laquelle le jury ne pouvait pas prononcer une déclaration de culpabilité d’infraction mineure lorsque l’acte d’accusation imputait un crime grave » (Simpson (No. 2), p. 132). La loi écrite traite maintenant de cette question et l’art. 662 autorise les déclarations de culpabilité d’infractions « incluses » dans le cas seulement de trois catégories d’infractions :

a) les infractions incluses par la loi comme, par exemple, celles qui sont mentionnées aux par. 662(2) à (6), et les tentatives de commettre une infraction, dont fait état l’art. 660;

b) les infractions incluses dans la loi qui crée l’infraction imputée comme, par exemple, les voies de fait simples dans une accusation d’agression sexuelle;

c) les infractions qui deviennent incluses par l’ajout de mots appropriés dans la description de l’accusation principale.

Aucune de ces catégories ne mentionne le « caractère suffisant » des détails factuels de l’affaire à l’origine de l’accusation. Il s’agit là d’un sujet totalement différent dont traite l’art. 581 du Code.

30 En ce qui concerne la nécessité d’une notification raisonnable, les infractions « incluses » relevant de la première catégorie peuvent être dégagées du Code criminel lui‑même; voir, par exemple, R. c. Wilmot, [1940] R.C.S. 53. Les cas relevant de la deuxième catégorie satisfont aussi au critère de notification raisonnable parce qu’[traduction] « un acte d’accusation imputant une infraction impute également toutes les infractions qui, en droit, sont nécessairement commises lorsqu’est commise l’infraction principale, telle qu’elle est décrite dans la loi qui la crée » (références omises)

31 En ce qui a trait à la deuxième catégorie, on peut dire que [traduction] « [s]i l’infraction imputée peut être commise intégralement sans que soit commise une autre infraction, cette autre infraction n’est pas incluse » (P. J. Gloin, « Included Offences » (1961‑62), 4 Crim. L.Q. 160, p. 160 (je souligne)). La Cour d’appel du Manitoba a souscrit à cette proposition dans l’arrêt R. c. Carey (1972), 10 C.C.C. (2d) 330, p. 334, le juge en chef Freedman, comme l’ont fait la Cour d’appel de l’Ontario dans l’arrêt Simpson (No. 2), p. 139, le juge Martin, et la Cour d’appel du Québec dans l’arrêt Colburne, p. 1206, où le juge Proulx a ajouté ce qui suit :

J’ajouterai, pour ma part, que sera incluse l’infraction dont les éléments essentiels sont partie de l’infraction imputée. [En italique dans l’original.]

Il est évident qu’il est possible de commettre l’infraction d’inceste sans se livrer à une agression sexuelle ou à des contacts sexuels.

32 C’est la troisième catégorie de cas qui est la plus susceptible de causer des difficultés. Elle exige que les mots descriptifs de faits dans le chef d’accusation lui‑même informent l’accusé que, s’ils sont prouvés, ces faits pris avec les éléments de l’accusation révéleront la perpétration d’une infraction « incluse » (Allard). Par exemple, dans l’affaire Tousignant c. The Queen (1960), 33 C.R. 234 (B.R. Qué. (juridiction d’appel)), l’acte d’accusation reprochait à l’accusé d’avoir tenté de tuer la victime « en l[a] frappant sur la tête à l’aide d’un objet contondant » (p. 235 (je souligne)). Les mots soulignés n’étaient pas essentiels à l’accusation de tentative de meurtre, mais leur inclusion a, de toute façon, permis de prononcer une déclaration de culpabilité à l’égard de l’infraction moindre et (ainsi) incluse consistant à causer des lésions corporelles dans l’intention de blesser ou à commettre des voies de fait : voir Simpson (No. 2), p. 139. De même, dans l’arrêt R. c. Kay, [1958] O.J. No. 467 (QL) (C.A.), l’acte d’accusation faisait état d’un homicide involontaire coupable [traduction] « résultant d’un coup ou de coups ». L’ajout de ces mots descriptifs dans l’acte d’accusation faisait état de l’allégation de voies de fait, et la déclaration de culpabilité de l’accusé relativement à l’infraction incluse de voies de fait causant des lésions corporelles a été maintenue en appel.

33 Les mots ajoutés doivent, bien sûr, avoir trait à l’infraction imputée. Comme l’a écrit le juge Evans, dans l’arrêt Harmer and Miller :

[traduction] . . . l’accusation doit être libellée de façon à notifier raisonnablement à l’accusé l’infraction ou les infractions que comprendrait l’infraction principale qui lui est reprochée. De plus, l’infraction doit être incluse à juste titre dans le chef d’accusation. [p. 19]

Les paramètres de la défense d'un tiers impliqué

R. c. Mancinelli , 2008 QCCS 817 (CanLII)

[19] La Cour suprême, dans R. c. Grandinetti 2005 CSC 5 (CanLII), [2005] 1 R.C.S. 27, a bien défini les paramètres de la défense d'un tiers impliqué. La preuve qu'une autre personne a pu perpétrer l'infraction sera admissible si elle est pertinente et convaincante. Sa pertinence et sa valeur probante dépendent de l'existence d'un lien suffisant entre l'autre personne et le crime.

[20] L'honorable juge Abella, aux paragraphes 46 à 49, dit ceci :

« B. La preuve qu’un tiers a pu commettre le crime

46 La preuve qu’une autre personne a pu perpétrer l’infraction est admissible. Dans R. c. McMillan (1975), 7 O.R. (2d) 750 (C.A.), conf. par 1977 CanLII 19 (C.S.C.), [1977] 2 R.C.S. 824, le juge Martin a exposé le principe fondamental :

[traduction] [I]l va de soi que s’il est accusé du meurtre de X, A peut, en défense, présenter des éléments de preuve établissant que c’est B, et non lui, qui a tué X. [p. 757]

Il a cependant précisé que la preuve doit être pertinente et avoir une valeur probante :

[traduction] Il va sans dire que la preuve selon laquelle le crime a été commis par une autre personne doit satisfaire au critère de la pertinence et avoir une valeur probante suffisante pour que son admission soit justifiée. En conséquence, les tribunaux ne se sont montrés disposés à l’admettre en preuve que lorsque l’autre personne était par ailleurs suffisamment liée au crime pour que la preuve offerte ait quelque valeur probante. [p. 757]

47 L’exigence d’un lien suffisant entre l’autre personne et le crime est essentielle. Faute d’un tel lien, l’élément de preuve offert n’a aucune pertinence ou valeur probante. L’élément peut reposer sur des inférences, mais celles‑ci doivent être raisonnables au regard de la preuve et ne pas être spéculatives.

48 L’accusé doit démontrer l’existence d’un élément susceptible de permettre à un jury raisonnable ayant reçu des directives appropriées de prononcer son acquittement sur le fondement du moyen de défense : R. c. Fontaine, 2004 CSC 27 (CanLII), [2004] 1 R.C.S. 702, 2004 CSC 27, par. 70. À défaut d’un lien suffisant, le moyen de défense fondé sur la perpétration du crime par une autre personne n’a pas la vraisemblance requise : R. c. Cinous, 2002 CSC 29 (CanLII), [2002] 2 R.C.S. 3, 2002 CSC 29.

49 La juge du procès a correctement énoncé le critère juridique applicable en la matière :

[traduction] Selon la jurisprudence, l’accusé peut présenter des éléments tendant à établir qu’un autre que lui a commis l’infraction. La prédisposition de l’autre personne à commettre l’infraction a valeur probante et est admissible à condition que d’autres éléments tendent à relier cette autre personne à la perpétration de l’infraction. »

mardi 13 juillet 2010

Le « flare gun », aussi appelé pistolet de détresse, est une arme à feu

R. c. Laplante, 2000 CanLII 87 (QC C.Q.)

Le rapport d’analyse de ce fusil de détresse, fait par l’expert M. Bernard Pomminville, permet de conclure que cet instrument possède les caractéristiques d’une arme à feu à savoir :

- Il s’agit d’une arme (l’utilisation de ce fusil de détresse était dans un but de menace, d’intimidation)

- possède un canon qui permet de tirer des projectiles (cartouches)

- est susceptible d’infliger des lésions corporelles graves (le rapport fait notamment mention des blessures graves qui peuvent être infligées si le visage est atteint).

La Cour Suprême du Canada a défini la notion de « blessures graves » - expression qui existait avant les modifications de 1995 – comme toute blessure ou lésion qui nuit d’une manière sérieuse ou importante à l’intégrité physique ou au bien-être du plaignant. McCraw c. La Reine 1991 CanLII 29 (C.S.C.), [1991] 3 R.C.S. 72.

Quand on analyse l’article 84(3) c.cr., il faut comprendre que lorsque les instruments conçus pour envoyer un signal sont utilisés par son possesseur pour servir exclusivement à ces fins, ce possesseur n’a pas besoin de permis d’autorisation ni de certificats d’enregistrement.

C’est ce qui ressort du Manuel de référence des préposés aux armes à feu, du Centre canadien des armes à feu, en page 10 et suivantes où on y spécifie :

« les armes à canon énumérées au par 84(3) c.cr. ne sont pas des armes à feu aux fins des infractions à la Loi sur les armes à feu ou au Code criminel pour l’application de la Loi sur les armes à feu. Cependant ces armes sont toujours considérées comme des armes à feu au regard de l’art 85 c.cr. (usage d’une arme à feu lors de la perpétration d’une infraction) et des dix actes criminels graves perpétrés à l’aide d’une arme à feu. »

D’ailleurs la Cour d’Appel de la Colombie Britannique dans l’affaire R. c. Wust 1998 CanLII 5492 (BC C.A.), (1998) 125 C.C.C. (3d) 43 a considéré que le « flare gun », pistolet de détresse était une arme à feu. Dans cette cause, l’accusée s’était présentée dans une station-service et avait pointé un pistolet lance-fusées chargé et armé sur le visage de l’employé en le menaçant de tirer s’il ne lui donnait pas l’argent. La Cour n’explique pas en quoi l’arme en question était une arme à feu mais souligne que le pistolet lance-fusées « looks very much like a handgun and it qualifies as a firearm under the appropriate legislations ».

Au Québec, en 1980 dans l’affaire Régina c. Brouillard 59 C.C.C. (2d) 81, notre Cour d’Appel a déterminé le point suivant : « A CO2 pellet revolver where there was a gas cartridge in the gun, but (…) no pellets in the chamber, came within the definition of a firearm ».

A plus forte raison faut-il conclure que le pistolet lance-fusées chargé de la cartouche contenant une matière pyrotechnique dont la combustion débute dès la mise à feu, est une arme à feu au sens de l’article 2 c.cr.

Quand cette arme à feu est dirigée à 1 pouce de la tempe frontale d’un individu, les blessures par brûlures ou lésions par la détonation pourraient nuire d’une manière sérieuse ou importante à l’intégrité physique ou au bien-être du plaignant et elles sont plus que probables. Le tribunal est donc satisfait hors de tout doute raisonnable que la Couronne a démontré que le fusil de détresse utilisé le 20 juin 2000 par Guillaume Laplante et Sébastien Drouin, son complice, était une arme à feu.