samedi 28 mai 2011

Le retard à accuser et à poursuivre une personne ne peut, en l'absence d'autres facteurs, justifier l'arrêt des procédures au motif qu'elles constitueraient un abus de procédure

R. c. L. (W.K.), [1991] 1 RCS 1091

Le retard à accuser et à poursuivre une personne ne peut, en l'absence d'autres facteurs, justifier l'arrêt des procédures au motif qu'elles constitueraient un abus de procédure selon la common law. Dans l'arrêt Rourke c. La Reine, 1977 CanLII 191 (C.S.C.), [1978] 1 R.C.S. 1021, le juge en chef Laskin (avec l'accord de la majorité sur ce point) a dit ce qui suit, aux pp. 1040 et 1041:

En l'absence de toute prétention que le retard mis à arrêter l'accusé avait quelque but caché, les tribunaux ne sont pas en mesure de dire à la police qu'elle n'a pas enquêté avec assez de diligence et ensuite, comme sanction, de suspendre les procédures quand la poursuite est engagée. Le délai qui s'écoule entre la perpétration d'une infraction et la mise en accusation d'un prévenu à la suite de son arrestation ne peut pas être contrôlé par les tribunaux en imposant des normes strictes aux enquêtes. Preuves et témoins peuvent disparaître à brève comme à longue échéance; de même, on peut avoir à rechercher le prévenu plus ou moins longtemps. Sous réserve des contrôles prescrits par le Code criminel, les poursuites engagées longtemps après la perpétration alléguée d'une infraction doivent suivre leur cours et être traitées par les tribunaux selon la preuve fournie, preuve dont le bien‑fondé et la crédibilité doivent être évalués par les juges. La Cour peut demander une explication sur tout retard fâcheux de la poursuite et être ainsi en mesure d'évaluer le poids de certains éléments de la preuve.

La Charte met‑elle maintenant les accusés à l'abri des poursuites simplement en raison du délai écoulé entre la perpétration de l'infraction et la mise en accusation? À mon sens, tel n'est pas le cas.

Mettre fin aux procédures simplement en raison du temps écoulé équivaudrait à imposer une prescription de création judiciaire à l'égard d'une infraction criminelle. Au Canada, sauf dans de rares circonstances, il n'existe pas de prescription en matière criminelle. Les observations du juge en chef Laskin dans l'arrêt Rourke s'appliquent aussi sous l'empire de la Charte.

L'article 7 et l'al. 11d) de la Charte garantissent notamment le droit de l'inculpé à un procès équitable. Cette équité n'est toutefois pas automatiquement compromise même par un long délai avant le dépôt de l'accusation. En fait, un retard peut jouer en faveur de l'accusé, puisque des témoins à charge peuvent oublier ou disparaître. Les observations du juge Lamer (maintenant Juge en chef) dans l'arrêt Mills c. La Reine, précité, à la p. 945, sont pertinentes:

Le délai antérieur à l'inculpation est pertinent en vertu de l'art. 7 et de l'al. 11d), car ce n'est pas la durée du délai qui importe, mais plutôt l'effet de ce délai sur l'équité du procès.

Par conséquent, les tribunaux ne peuvent pas apprécier l'équité d'un procès donné sans prendre en considération les circonstances propres à l'espèce. Il n'y a pas violation des droits de l'accusé simplement en raison du long délai qui ressort de l'acte d'accusation même.

Il faut beaucoup de courage et de force de caractère aux victimes d'abus sexuels pour révéler ces secrets personnels et ouvrir d'anciennes blessures. Si les procédures devaient être arrêtées en raison du seul temps écoulé entre les mauvais traitements et la mise en accusation, les victimes seraient tenues de dénoncer ces incidents avant d'être psychologiquement prêtes à assumer les conséquences de leur dénonciation.

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