R. c. Beaudry, 2013 QCCS 999 (CanLII)
[35] Dans R. c. Deschênes, le juge Claude C. Gagnon, j.c.s., impose une peine de neuf ans d’emprisonnement moins la détention provisoire à l’auteur non armé d’un vol qualifié, dû à l’utilisation de violence verbale; le vol n’a pas été prémédité, a été commis pour se procurer de la drogue par un individu qui a un profil criminalisé depuis 30 ans et qui en est à sa huitième condamnation pour vol qualifié. Dans sa décision sur la peine, le juge Gagnon passe en revue plusieurs précédents jurisprudentiels :
22.1 R. c. Corkum [1997] N.S.J. no. 421 (N.S. Sup. Court) :
w L’accusé de 26 ans a commis deux vols qualifiés en menaçant ses victimes avec une note écrite. Ses nombreux antécédents comprennent une condamnation à trente mois pour vol qualifié. La peine prononcée est de cinq (5) ans de prison.
22.2 R. c. A.D.P. [2005] B.C.J. no 2737 (B.C.C.A.)
w La Cour d’appel inflige à un accusé de 37 ans, déjà condamné à seize (16) mois et à quatre (4) ans pour des vols qualifiés, à une peine de six (6) ans en lieu et place de la peine avec sursis imposée en première instance. L’accusé avait alors volé sous la menace trois postes d’essence de sommes d’argent inférieures à 150,00 $ en menaçant les commis.
22.3 R. c. MacDonald - 2006 B.C.C.A. 535
w La Cour réduit de huit (8) à quatre (4) ans la peine d’un accusé de 45 ans, au long casier judiciaire, qui a commis deux vols à la pointe d’un couteau parce que le premier juge n’a pas suffisamment considéré une période d’accalmie de douze (12) années pendant laquelle MacDonald n’avait pas été condamné et avait travaillé régulièrement.
22.4 R. c. Allin – 2001 B.C.C.A. 710
w La Cour confirme une peine de vingt-quatre (24) mois de prison pour vol qualifié consécutive à une peine de seize (16) mois. Le crime est commis dans une banque où l’accusé a exhibé au commis une note menaçante. Allin a un passé judiciaire comprenant vingt-huit (28) condamnations dont deux (2) pour des vols qualifiés. Au moment du vol reproché, la dépendance de l’accusé à la drogue était hors de contrôle.
22.5 R. c. Craig [2007] B.C.P.C. 144
w L’accusé est condamné à cinq (5) ans de prison pour deux vols qualifiés dans des banques, commis au moyen de notes menaçantes. Craig, 27 ans, avait un problème de dépendance à la drogue et cinq (5) antécédents judiciaires de vols qualifiés. Les crimes reprochés avaient été commis peu de temps après sa sortie de prison et alors qu’il était encore sous libération conditionnelle.
22.6 R. c. Packwood [1991] A.Q. no 221 (C.A.Q.)
w La Cour d’appel réduit à quatre (4) ans la peine pour un vol qualifié commis par un accusé déjà condamné à douze (12) reprises pour vol qualifié en treize (13) ans. La peine est réduite en raison de la probabilité raisonnable de réhabilitation.
22.7 R. c. Dionne [2004 ] B.C.C.A.
w La Cour confirme, dans le cas de l’appelant, la peine de trois (3) ans prononcée en première instance pour un vol qualifié commis par trois (3) individus en usant de menaces implicites. L’accusé, qui était resté à l’extérieur de la banque, avait déjà à son passif onze (11) condamnations antérieures pour de tels crimes. Le Tribunal note cependant que la peine se situe « at the very low end of the range for this offence committed by this offender… »à
(…)
23.1 R. c. Upton (2006) B.C.P.C. 496.
w L’accusé, qui avait un problème de dépendance à la drogue, a commis trois (3) vols qualifiés en exhibant une note évoquant la possibilité qu’il devienne violent. Au moment de ses crimes, il était sous libération conditionnelle suite à une condamnation de cinquante-quatre (54) mois pour vol qualifié. Le Tribunal lui impose une peine de six (6) ans consécutive à la partie non purgée de sa peine précédente.
23.2 R. c. D. (D.A.) 2001 S.K.C.A. 14
w L’accusé a commis deux (2) vols qualifiés en présentant des notes menaçantes à des commis féminins où il exigeait l’argent de leurs caisses. Il avait déjà été condamné à une cinquantaine de reprises et était en libération conditionnelle au moment de la commission des crimes reprochés, suite à une condamnation à cinq (5) ans pour vol à main armée. Le Tribunal infirme la peine de quatre ans et demi (4 ½) imposée par le premier juge et impose plutôt huit (8) années de détention.
23.3 R. c. Bezdan – 2001 B.C.C.A. 215
w L’accusé se présente dans une banque et remet au commis une note dans laquelle il exige la remise de l’argent. Condamné à plusieurs reprises, dont sept (7) fois pour vol qualifié au cours des quinze (15) dernières années, l’accusé était toujours sous probation lors du vol de banque. La Cour d’appel confirme une peine de cinq (5) années parce que le premier juge avait eu raison, compte tenu des faibles probabilités de réhabilitation, de faire primer la protection du public dans le cas de l’accusé qui a l’habitude de commettre des vols qualifiés pour satisfaire sa dépendance à la cocaïne.
23.4 R. c. Kirby (06-04-1992) C.A. Montréal 500-10-000350-916 (1992) (C.A. Québec)
w L’accusé plaide coupable à un vol de deux cent soixante dollars (260,00 $) commis en exhibant une note menaçante à une caissière. Âgé de 29 ans, il est un consommateur abusif de drogue et d’alcool depuis plus de dix (10) ans et a commis plusieurs vols qualifiés pour satisfaire à sa dépendance. La Cour d’appel réduit de cinq (5) à deux (2) ans moins un (1) jour sa peine pour tenir compte de la possibilité réelle de réhabilitation de l’accusé.
[36] Cette revue amène le juge Gagnon à conclure :
[25] L’expérience judiciaire nous enseigne donc que les peines pour le vol qualifié commis en utilisant la menace et sans causer de lésions corporelles aux victimes, varient entre deux (2) et neuf (9) ans pour un récidiviste en semblable matière.
[37] Le procureur de l’accusé insiste sur les précédents jurisprudentiels R. c. Craig et R. c. Corkum considérés par le juge Gagnon.
[38] Il soumet aussi les suivants :
• Maheux c. R., un arrêt de la Cour d’appel du 14 janvier 1992 dans le dossier 500-10-000056-919 où la Cour réduit de quinze à trois ans et neuf mois une peine globale pour vol qualifié, séquestration, vol d’automobile, possession d’arme prohibée, tentative de fraude, comme le suggérait en première instance le ministère public alors qu’un coaccusé, davantage responsable de la commission des crimes et ayant des antécédents judiciaires plus lourds, s’était vu imposer, comme le suggérait aussi le ministère public, une peine d’emprisonnement de quatre ans. Une lecture de l’arrêt révèle que la distinction dans la suggestion du ministère public se justifie par le fait que la détention préventive de Maheux a été plus longue que celle du complice parce que la peine a été prononcée ultérieurement. Toutefois, les informations suivantes ne ressortent pas de l’arrêt : l’âge de l’accusé, la période de détention préventive, la nature des antécédents judiciaires, les peines alors infligées, le lien entre la possession d’une arme prohibée et la commission du vol qualifié.
• Beaupré c. R. (J.E. 94-1273), un arrêt de la Cour d’appel du 15 août 1994 où la cour réduit de cinq ans et six mois à quatre ans une peine globale pour séquestration, vol qualifié, déguisement dans un dessein criminel, usage d’une arme à feu. L’accusé avait déjà été condamné antérieurement pour un vol, un méfait, une conduite d’un véhicule automobile avec la capacité affaiblie par l’alcool ou une drogue, mais jamais à une peine d’emprisonnement.
• R. c. Baril, un arrêt de la Cour d’appel du 28 octobre 1996 dans le dossier 500‑10‑000485-969 où la cour augmente à 48 mois une peine globale de 30 mois imposée pour complot en vue de commettre un vol qualifié, vol qualifié, utilisation d’une arme à feu lors d’un vol qualifié. L’accusé, âgé de 20 ans lors de la commission des crimes, avait déjà été condamné à 30 jours de détention à purger de façon discontinue pour voies de fait, 300 $ d’amende pour agression armée, 1 000 $ d’amende pour tentative de vol et subséquemment au vol qualifié, à une probation de deux ans pour omission de se conformer à un engagement, une amende dont le montant ne ressort pas de l’arrêt et une probation d’un an pour entrave au travail d’un agent de la paix et omission de se conformer à un engagement, douze mois d’emprisonnement pour possession d’une arme prohibée et évasion d’une garde légale. Selon un rapport préparé par le Service correctionnel du Canada, le risque de récidive était considéré comme moyen et l’accusé présentait « un beau potentiel ». La Cour ajoute :
« Outre le jeune âge de l’intimé, le dossier révèle par ailleurs certains facteurs atténuants dont nous devons aussi tenir compte. Il a une conjointe de fait et deux enfants. Il vient d’une famille qui peut le soutenir dans ses efforts pour changer son comportement. Le rapport du Service correctionnel note d’ailleurs que « [son] comportement s’est amélioré pendant qu’il était en liberté ». Il avait du succès aux études et il pourrait certainement compléter les cours lui permettant d’obtenir son diplôme d’études collégiales. Ces éléments ne suffisent toutefois pas à occulter la gravité des gestes que l’intimé a posés et les circonstances aggravantes liées à la perpétration de l’infraction et à sa situation personnelle, notamment ses antécédents judiciaires et sa volonté de persister dans son comportement criminel alors même qu’il est devant les tribunaux ».
• R. c. Demers, Hamilton, Côté et Thériault où la juge Lise Côté, alors à la Cour supérieure, prononce des peines à l’égard de quatre individus trouvés coupables quant à Demers de neuf vols qualifiés, neuf tentatives de vol qualifié et participation aux activités d’un gang, quant à Hamilton de six vols qualifiés, deux tentatives de vol qualifié et participations aux activités d’un gang, quant à Côté de quatre vols qualifiés, cinq tentatives de vol qualifié et participation aux activités d’un gang et quant à Thériault d’un vol qualifié, quatre tentatives de vol qualifié et participation aux activités d’un gang. Thériault n’a pas été détenu de façon préventive.
La juge Côté condamne ce dernier à des peines concurrentes de deux ans d’emprisonnement pour les chefs de vol qualifié et de tentatives de vol qualifié et un an d’emprisonnement à être purgé de façon consécutive pour participation aux activités d’un gang. Le ministère public a porté la décision en appel.
La Cour d’appel, dans R. c. Thériault s’exprime comme suit :
« [8] Il n’y a pas de doute que la peine infligée à l’intimé est clémente mais la Cour estime qu’elle n’est pas à ce point clémente qu’elle en est « manifestement inappropriée ».
[9] À la lecture de la sentence, il semble que la juge de première instance a tenu compte de certains facteurs atténuants propres à l’intimé qui, en dépit de certains facteurs aggravants, ont fait pencher la balance du côté de la clémence. Par exemple, la participation de l’intimé dans l’organisation criminelle était moindre que celle de ses coaccusés. En ce qui concerne les quatre tentatives de vol qualifié pour lesquelles l’intimé a été déclaré coupable, la juge de première instance note qu’une fois entré dans le portique de l’institution financière, il n’a pas donné le signal convenu à ses complices, ne voulant pas que ceux-ci commettent le vol projeté. L’intimé est né le [...] 1973. Il a la garde de sa fille et il vit, depuis septembre 1999, avec une conjointe qui a elle-même deux enfants. Il serait un père responsable et sa conjointe aurait besoin de son soutien financier.
[10] Sur le tout, bien que la peine soit clémente compte tenu des antécédents judiciaires de l’intimé et du fait que certaines infractions ont été commises alors qu’il était sous le coup d’une ordonnance de probation, la Cour estime qu’elle n’est pas « manifestement inappropriée ». »
[39] Le procureur de l’accusé invoque aussi la peine globale de 42 mois d’emprisonnement imposée à son complice Lubin Durand le 7 décembre 2012 2012 QCCS 6713 (CanLII), (2012 QCCS 6713). Lubin Durand avait 33 ans lors de la commission du vol qualifié, 35 ans au moment du prononcé de la peine. Il a plaidé coupable aux accusations reprochées; il n’a pas d’antécédents judiciaires de vol qualifié. En 1982, pour un premier vol qualifié avec utilisation d’une arme à feu, l’accusé a bénéficié d’une peine de 23 mois d’emprisonnement. Il avait alors 23 ans. Son jeune âge justifie sans doute cette peine. À l’évidence, il n’a pas reçu le message. Il a récidivé : huit ans plus tard, en 1990, neuf ans plus tard en 1999, douze ans plus tard en 2011.
[40] Les facteurs atténuants dans la présente affaire sont :
• la reconnaissance par l’accusé, bien que tardive, de la commission des infractions;
• son implication dans le marché du travail de 2002 à 2010, bien que pendant cette période, il ait aussi commis des infractions : vol, fraudes, utilisation non autorisée de données relatives à une carte de crédit, supposition intentionnelle de personnes, possessions illégales de produits du tabac;
• son ouverture à participer à des thérapies manifestée à l’agente de probation et à l’audience;
• l’absence de preuve quant à des séquelles à moyen ou à long terme chez la victime du vol qualifié;
• le fait que l’accusé exprime des regrets d’avoir participé à ces crimes, bien que sa sincérité paraît peu certaine;
• le fait qu’il soit affecté par la déception qu’il cause à ses enfants et par l’absence de contacts avec ses petits-enfants.
[41] Les facteurs aggravants sont les suivants :
• la gravité objective des délits, particulièrement celle du vol qualifié;
• la préméditation de la commission du vol qualifié;
• l’utilisation par complicité de voies de fait contre la victime de vol qualifié, bien que cette dernière n’ait pas souffert de lésions corporelles;
• la tentative de minimiser sa participation et de faire porter une plus grande part de responsabilité sur ses complices;
• le nombre impressionnant de chefs d’accusation pour lesquels dans le passé il a plaidé ou a été reconnu coupable, plus de 150 pour lesquels il a été condamné à plus de 25 reprises;
• les antécédents judiciaires de vol qualifié impliquant l’usage d’une arme à feu, l’un en juin 1982, vingt-trois mois d’emprisonnement, deux en juin 1990, quatre ans et six mois d’emprisonnement, l’un en septembre 1999, cinq ans d’emprisonnement;
• le risque élevé de récidive.
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