Lien vers la décision
[45] En lisant le jugement de première instance, particulièrement la conclusion du premier juge quant à l'existence des complots reproduite au paragraphe [30], on constate qu'il les traite ensemble et leur applique la procédure recommandée par la Cour suprême dans l'arrêt Carter sans jamais se demander si cette procédure est applicable dans le cas du complot du 5 juin. Vraisemblablement, cette méprise vient du fait qu'il inclut dans ces complots l'agent provocateur Gaétan Gingras. Pourtant, il est bien connu en droit qu'un agent provocateur qui tend un piège ne peut être partie à un complot : faute d'intention, la conspiration est impossible (Rex c. Kotyszyn, [1949] 8 C.R. 246 (C.A.), juge Bissonnette; R. c. O'Brien, 1954 CanLII 42 (SCC), [1954] R.C.S. 666, à la p. 668, dans lequel la Cour suprême – juge Taschereau au nom de la majorité – approuve l'arrêt de notre cour dans Kotyszyn; dissident, le juge Fauteux prend soin, toutefois, de faire une distinction d'avec cet arrêt). Je note, d'ailleurs, que la poursuivante a pris soin de ne pas inclure le nom de Gaétan Gingras dans aucun des chefs de complot.
[46] En ce qui concerne l'événement du 5 juin 1996, il s'agit donc de déterminer s'il y a complot entre l'appelant et Sarrazin seulement. Étant donné que la question consiste à déterminer si seulement deux personnes ont comploté, la procédure en trois étapes recommandée par l'arrêtCarter, précité, n'est pas applicable. En effet, il est d'une logique implacable d'affirmer que si on a conclu à l'existence d'un complot qui ne met en cause que deux personnes, on ne saurait s'interroger par la suite sur le caractère probable de leur participation à ce complot. Ainsi que l'explique le juge Tyndale dans l'arrêt Comeau c. R., 1991 CanLII 3541 (QC CA), [1992] R.J.Q. 339, à la p. 348 (C.A.) :
In my view, the Carter approach does not apply to a conspiracy involving only two people, because in such a case, step one answers all the questions, and steps two and three become irrelevant. There cannot be a conspiracy on one person; two is the minimum; so if at step one the jury [or the judge] is satisfied beyond reasonable doubt that the alleged conspiracy in fact existed, they must have found that the accused was a member, because he was one of the two members necessary to create the conspiracy. In other words, if the only possible conspiracy was between the accused and X, the only conspiracy the jury [or the judge] could find involved the accused as a member.
[47] Il reste cependant que, dans une situation comme en l'espèce où la culpabilité de l'appelant quant à l'événement du 5 juin doit être démontrée dès la première étape de la procédure de l'arrêt Carter, le juge «must be satisfied beyond a reasonable doubt that the alledged conspiracy, necessarily involving the accused as a member, in fact existed, by means of regularly admitted evidence excluding hearsy » (idem).
[52] Un acquittement sur ce premier chef n'emporte pas nécessairement la même conclusion pour le deuxième chef visant le trafic : une partie peut être partie au trafic sans avoir comploté.
[53] En l'espèce, je vois difficilement, toutefois, comment les faits peuvent être plus concluants pour la complicité que pour le complot. La présence de l'appelant au volant de son véhicule non loin du lieu du trafic soulève certes des soupçons : on peut croire qu'il savait que Sarrazin était un trafiquant. Mais, à mon avis, cela ne suffit pas à établir sa complicité.
Aucun commentaire:
Publier un commentaire