Lien vers la décision
[100] L’arrêt McNeil précise que les fruits de l’enquête se rattachent uniquement aux documents se rapportant à la cause de l’accusé. Par conséquent, le poursuivant n’a pas l’obligation de s’enquérir auprès de chacune des entités de l’État pour satisfaire ses devoirs en matière de divulgation de la preuve.
[101] Par ailleurs, la preuve se situant à l’extérieur des fruits de l’enquête et étant issue d’une enquête parallèle ne fait pas partie, de façon automatique, de l’obligation de divulgation de la poursuite au sens de l’arrêt Stinchcombe.
[102] Cet état de fait n’a toutefois pas pour conséquence d’empêcher la divulgation d’informations issues d’une enquête parallèle en tout temps. Dans R. v. Ahmad, le juge Dawson a mentionné que :
[19] In my view, a reading of McNeil as a whole demonstrates that the Stinchcombe disclosure scheme is one which relates to the fruits of a police or similar investigation undertaken as the foundation for a particular prosecution. This does not mean that information in the hands of a parallel investigator will not be disclosed, simply that the prosecuting Crown will not bear the initial disclosure burden under Stinchcombe. (Souligné ajouté)
[103] Ainsi, bien que non compris par l’obligation initiale de divulgation des fruits de l’enquête incombant au ministère public, les éléments relevant d’une enquête parallèle peuvent faire l’objet d’une divulgation selon les circonstances particulières d’un dossier.
[104] L’affaire R. v. Malik constitue l’exemple d’une affaire où la divulgation d’éléments recueillis par le biais d’une enquête parallèle s’est révélée nécessaire. Dans le cadre d’une requête en divulgation de preuve, la poursuite admet que ses obligations de divulgation comprennent les éléments pertinents provenant de l’enquête parallèle auxquels elle a eu accès:
[10] Despite raising this issue, the Crown then fairly conceded that, as a result of an access agreement between C.S.I.S. and the R.C.M.P. which was crystallized in a letter between the Director of C.S.I.S. and the Solicitor General of Canada in early 1987, it is clear that the R.C.M.P. (and thus the Crown) have had unfettered access to all relevant information in the files of C.S.I.S. and, therefore, the Stinchcombe standard of disclosure applies.
[105] La Cour dans Malik a pris acte de cette admission et a ordonné la divulgation d’éléments de preuve provenant de l’enquête parallèle suivant les paramètres de l’arrêt R. v. Stinchcombe.
[106] L’arrêt Guité c. R. de la Cour d’appel traite également de la divulgation d’éléments de preuve issus d’une enquête parallèle. La requête de la défense se fondait sur le fait qu'une enquête de la Gendarmerie Royale du Canada (GRC) et de la Sûreté du Québec (SQ) était tenue en parallèle avec les audiences de la Commission Gomery. Ainsi, tous les rapports évolutifs de l'enquête étaient demandés, et ce, pour tous les corps policiers ayant travaillé à l'enquête.
[107] La Cour d’appel a confirmé la conclusion du juge du procès qui a rejeté la requête en divulgation au motif de son imprécision et de son caractère vague :
[54] […] À plusieurs reprises, le juge du procès s'est enquis des renseignements et documents exigés par la défense, et celle-ci a persisté dans sa demande formulée de façon générale, insistant sur la pertinence de toute l'enquête parallèle au motif qu'il s'agissait de contrats de commandites intimement liés à ceux sur la recherche visant à établir un plan de communication du programme.
[55] Il est vrai que le processus d'octroi des contrats est, à plusieurs égards, similaire d'un dossier à l'autre, mais les parties aux contrats n'étaient pas les mêmes, sauf pour l'appelant en sa qualité de directeur général aux Travaux publics. Il ne faut pas perdre de vue que le but de divulgation de la preuve est de faire en sorte qu'un accusé connaisse la preuve qui sera présentée contre lui pour qu'il soit en mesure de bien préparer sa défense : R. c. Stinchcombe, 1991 CanLII 45 (CSC), [1991] 3 R.C.S. 326.
[56] De fait, si la poursuite a en sa possession des éléments de preuve pertinents à l'égard de la défense de l'accusé, elle doit les divulguer.
[57] Or, en l'espèce, la poursuite a déclaré qu'aucun document ou déclaration obtenu dans le cadre de l'enquête parallèle en cours n'était pertinent aux accusations. Les deux policiers chargés de l'enquête ont témoigné dans ce sens. (Soulignés ajoutés)
[108] La Cour d’appel n’a pas rejeté l’appel du simple fait que les éléments recherchés provenaient d’une enquête parallèle, mais bien parce qu’ils n’ont aucune pertinence pour le dossier dont elle est saisie. De plus, la juge Lise Côté a pris soin de rappeler que les éléments de preuve pertinents à l’égard de la défense d’un accusé doivent être divulgués.
[109] Justement, dans un cas où la poursuite admet que des informations provenant d’une enquête parallèle ne sont pas complètement dépourvues de pertinence, la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta a ordonné la divulgation d’un renseignement provenant d’une enquête séparée.
[110] La juge Sulyma conclut que le renseignement réclamé était suffisamment relié aux questions en litige dans le dossier dont elle était saisie :
[48] The Crown has acknowledged for disclosure purposes that the information is not clearly irrelevant. However, the Crown’s position is that applying the appropriate test of divisibility for the purposes of disclosure that this information was not obtained in or created for the investigation or prosecution before the Court. It is information outside the investigation and not fruits of the investigation.
[49] The Defence responds by noting the material is not clearly irrelevant and that applying the “sufficiently related” test is appropriate in this case and on that basis the information is disclosable.
[50] My review of the numerous authorities presented to the Court in this application leads me to conclude that the issue of indivisibility is dependent on the facts and actual circumstances of a particular case. Further as stated by Bennett, J. in R. v. Basi (supra) the context of the disclosure application is critical to understanding why the defence makes certain requests for disclosure.
[51] In this case, the Crown admits the information is not clearly irrelevant, that it is information related to the “character, credibility and ability of Cst. Gillespie to carry out his duties during his involvement in the investigation”. Given that statement by the Crown, I conclude it is not appropriate to apply the very narrow test for divisibility urged by the Crown. That is, that only material obtained in or created for the investigation or prosecution before the Court is subject to Stinchcombe.
[52] I agree with the submission of the Defence here that apparent inconsistencies in the approach various courts have taken to this issue is a reflection that the issue is fact driven. In my view, the appropriate approach to divisibility here is that urged by the Defence. That is, for the Court to apply a test of determining whether the material is “sufficiently related” to the investigation or to an issue at trial. In doing so, I find assistance in the comments of Justice L’Heureux-Dubé in O’Connor which articulate relevance of records to an issue in the proceedings or to the competence to testify of the person who is the subject of records. I further conclude that Justice Watt in R. v. Bottineau (supra) applied this “sufficiency related” test, as did Justice Hillier in R. v. Mack (supra) and Justice Macklin in R. v. Smith (supra). (Soulignés ajoutés)
[111] La juge Sulyma a référé à plusieurs décisions ayant conclu que des renseignements provenant d’une enquête parallèle ou d’un dossier disciplinaire étroitement liés aux faits d’une affaire sont sujets à divulgation conformément aux critères de l’arrêt Stinchcombe.
[112] Les demandes de divulgation de la preuve qui ne font pas partie des fruits de l’enquête mettent à l’épreuve les limites du seuil de pertinence décrites par la Cour dans Stinchcombe. Surtout, il faut éviter que les demandes de divulgation irréfléchies, formulées dans des termes vagues et imprécis, ne deviennent que des expéditions de pêche. Comme l’a expliqué le juge Doherty dans R. v. Girimonte, 1997 CanLII 1866 (ON CA), des demandes frivoles visant à tout faire sortir sont abusives et font perdre le temps précieux de la Cour :
Disclosure demands which are no more than "fishing expeditions", seeking everything short of the proverbial kitchen sink undermine the good faith and candour which should govern the conduct of counsel. For example, counsel's demand for "documentation from personnel files" of all Canadian and American police officers involved in the investigation can only be described as frivolous and abusive. No reasonable person would suggest that personnel records of all police officers involved in a criminal investigation must be turned over to the defence at the outset of a prosecution. It would be obvious to anyone that the prosecution would resist compliance with such a far-fetched demand. Disclosure demands like some of those made in this case seem calculated to create needless controversy and waste valuable resources rather than to assist the accused in making full answer and defence.
[113] Dans des dossiers d’envergure où le volume de documents à traiter est énorme, on a parfois l’impression que la divulgation de la preuve devient un but en soi. Rappelons que la divulgation de la preuve a comme objectif un procès équitable pour l’accusé. Un Tribunal ne peut pas permettre que l’appareil judiciaire soit inutilement encombré ou détourné par des demandes de divulgations frivoles ou inappropriées. Il ne faut pas, non plus, que ces demandes futiles servent comme prétexte pour demander l’arrêt des procédures : c’est-à-dire, à la moindre erreur de la poursuite, on déchire sa chemise et on crie haut et fort que le droit de l’accusé à un procès équitable a été irrémédiablement compromis.
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