dimanche 18 novembre 2018

Le plan concret de la poursuite dans la gestion de sa preuve

Baazov c. Autorité des marchés financiers, 2018 QCCQ 171 (CanLII)

Lien vers la décision

[115]     Lors du prononcé de l’arrêt Jordan, la Cour suprême rappelle que le ministère public doit avoir un « plan concret pour réduire au minimum les retards occasionnés par une telle complexité ». En l’absence d’un tel plan, la circonstance exceptionnelle liée à la complexité particulière du dossier n’est pas prouvée.
[116]     En séparant une poursuite en trois groupes, divisés selon leur implication, le juge Brunton conclut que le ministère public a un plan concret pour gérer le dossier et minimiser les délais engendrés par un dossier complexe :
65 Une fois l'enquête préliminaire terminée, l'intimée a proposé de séparer les accusés en trois groupes. Un premier regrouperait les politiciens, les fonctionnaires, les ingénieurs, les collecteurs et ceux responsables des "points de chute". Un deuxième regroupera les entrepreneurs. Un troisième sera mixte et regroupera ceux qui choisiraient d'être jugés par un juge seul. En janvier 2016, le nombre de groupes a été réduit à deux lorsqu'un nombre d'accusés dans le troisième groupe a décidé qu'ils voulaient subir un procès devant juge et jury. L'intimée a annoncé qu'elle proposait de refuser des réoptions et de maintenir deux groupes. Elle a ajouté qu'elle souhaiterait que la Cour suspende les effets d'une séparation éventuelle en vertu du paragr. 591(4.1) C.cr. De cette façon, toutes les requêtes préliminaires pourront être entendues par un juge. Elle a également annoncé qu'elle avait pris les mesures pour former deux groupes d'avocats/poursuivants, faisant en sorte que le deuxième procès pourra débuter avant la fin du premier.
[117]     À l’inverse, la Cour du Québec conclut à l’absence de plan concret pour un dossier où la poursuite a tardé avant de convenir à la séparation du procès selon la participation réelle des accusés. Certaines accusations portées à l’encontre de quelques accusés ont également été retirées après quelques années, car il n’y avait pas de fondement dans la preuve à cet égard :
[70] Le plan, si plan il y avait, n’a pas tenu compte de la participation réelle des 4 requérants où on reprochait à chacun une seule contribution pour la campagne électorale de 2009.
[71] Le ministère public a maintenu contre les requérants pendant des années des chefs d’accusations (complot et fraude sur une période de 3 ans), qui ne semblaient pas avoir de fondement dans la preuve, avant de les retirer en septembre 2014 pour les requérants Raymond et Lamarche et en avril 2017 pour les requérants Audette et Duplessis.
[118]     Dans un même ordre d’idées, les requérants se réfèrent à l’affaire Auclair  et précisent que la nécessité d’avoir un plan concret existait bien avant Jordan. Il s’avère cependant important de noter qu’à l’instar du dossier en l’espèce, Auclair regroupait plus de 150 accusés, dont plusieurs étaient en détention provisoire ou avaient de strictes conditions de remise en liberté. Aussi, le dossier était conçu d’une telle manière que la fin anticipée du procès était à la fin 2023. Il s’avère donc illusoire de faire un parallèle entre la situation des requérants et celle des accusés dans Auclair.
[119]     Finalement, le soussigné tient à distinguer les faits de cette cause avec ceux de la décision Giroux, où un arrêt des procédures est prononcé en raison d’une absence de plan concret démontrant que la poursuite n’était pas prête à procéder. D’abord, dans cette affaire, le ministère public procédait encore à la divulgation de la preuve des fruits de l’enquête au moment de la requête en arrêt des procédures, contrairement à ce dossier où la poursuite divulgue la preuve d’une enquête parallèle.
[120]     De plus, l’analyse de la preuve dans Giroux n’était pas terminée au moment de porter l’acte d’accusation directe. Corolairement, la poursuite avait désassigné l’enquête préliminaire prévue pour un total de quatre mois, plutôt que de transformer les dates en dates de procès.  Finalement, il est opportun de noter que le dossier transigeait entre la Cour du Québec et la Cour supérieure, causant ainsi plusieurs délais.

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