R. c. Bissonnette, 2020 QCCS 488
[8] Le privilège du secret professionnel de l’avocat protège la confidentialité d’une communication entre un client et son avocat, qui comporte une consultation ou un avis juridique, et que les parties considèrent confidentielle. Le privilège est une règle de droit fondamentale, essentielle au bon fonctionnement et à l’intégrité du système de justice. Conséquemment, le privilège doit être appliqué de manière aussi absolue que possible. Ces principes sont établis depuis longtemps, voir notamment : (Canada (Procureur général) c. Chambre des notaires du Québec, 2016 CSC 20 (CanLII), [2016] 1 RCS 336, para. 28-29; Canada (Commissaire à la protection de la vie privée) c. Blood Tribe Department of Health, 2008 CSC 44 (CanLII), [2008] 2 RCS 574, para. 9-10; Pritchard c. Ontario (Commission des droits de la personne), 2004 CSC 31 (CanLII), [2004] 1 RCS 809, para. 14-21; Maranda c. Richer, 2003 CSC 67 (CanLII), [2003] 3 RCS 193; Lavallee, Rackel & Heintz c. Canada (Procureur général), 2002 CSC 61 (CanLII), [2002] 3 RCS 209, para. 36; R. c. McClure, 2001 CSC 14 (CanLII), [2001] 1 RCS 445, para. 17-25; Descoteaux c. Mierzwinski, 1982 CanLII 22 (CSC), [1982] 1 RCS 860, pp. 872-874; R. c. Solosky, 1979 CanLII 9 (CSC), [1980] 1 RCS 821, p. 837).
III
[10] Examinons d’abord l’application de l’exception de crime.
[11] Le privilège du secret professionnel de l’avocat ne s’applique pas à une communication de nature criminelle ou faite dans l’intention de faciliter la perpétration d’un crime. Il importe peu que l’avocat ait été dupe ou complice. Dans de telles circonstances, la communication contrevient à la raison même du privilège et constitue un affront à la fonction de l’avocat. Bien entendu, il ne suffit pas que le client soit impliqué dans une activité criminelle pour écarter le privilège. Le privilège a pour but de promouvoir le droit et la justice en permettant à un justiciable, incluant celui qui est impliqué dans une activité criminelle, d’obtenir les conseils légitimes et l’assistance juridique d’un avocat en toute confidentialité. Il demeure que le privilège n’a pas pour but de faciliter la commission d’un crime ou d’entraver le cours de la justice (R. c. Durham Regional Crime Stoppers Inc., 2017 CSC 45 (CanLII), [2017] 2 RCS 157, para. 26; R. c. Campbell, 1999 CanLII 676 (CSC), [1999] 1 RCS 565, para. 55-60; Descoteaux c. Mierzwinski, 1982 CanLII 22 (CSC), [1982] 1 RCS 860, pp. 881-882; R. c. Solosky, 1979 CanLII 9 (CSC), [1980] 1 RCS 821, pp. 835-836).
[12] Une simple allégation non étayée de crime ne suffit pas pour nier le privilège. Selon la règle de common law anglaise, reprise par la Cour d’appel du Québec sous la plume du juge LeBel, la partie qui soulève l’exception de crime doit présenter une preuve dite prima facie, qui rend probable, conformément au critère de la balance des probabilités, que le client a sciemment consulté l’avocat dans un but criminel (Amadzadegan-Shamirzadi c. Polak, 1991 CanLII 3002 (CAQ); voir aussi Itanium Corporation c. Banque Royale du Canada, 2016 QCCA 92, para. 32; Ménard c. Agence du revenu du Québec, 2014 QCCA 589, para. 52-55).
IV
[16] À supposer que le privilège pouvait s’appliquer, M. Bissonnette y a renoncé à l’égard des documents visés par sa demande d’exclusion en acceptant que ceux-ci soient déposés en preuve dans un procès antérieur.
[17] Le détenteur du privilège du secret professionnel de l’avocat peut renoncer de manière expresse, c’est-à-dire intentionnellement et en toute connaissance de cause, à la protection du privilège (R. c. Perron (1990), 1990 CanLII 3396 (QC CA), 75 C.R. (3d) 382 (CAQ), para. 52). Il peut également renoncer de manière implicite ou tacite en omettant de préserver le secret par sa conduite (Chubb Insurance Company of Canada c. Domtar inc., 2017 QCCA 1004, para. 47) ou encore en mettant en cause les conseils juridiques reçus (R. c. Campbell, 1999 CanLII 676 (CSC), [1999] 1 RCS 565, para. 67-71; R. c. Meer, 2015 ABCA 340, para. 25; R. c. Delisle (1999), 1999 CanLII 13578 (QC CA), 25 CR (5th) 198).
[18] Précisons qu’il y a lieu d’être prudent avant de conclure à une renonciation implicite ou tacite au privilège du secret professionnel de l’avocat considérant l’importance fondamentale du privilège (Chagnon c. Maurer, 2018 QCCA 1287, para. 9; R. c. Boyle, 2019 ONCJ 495).
[19] La renonciation peut être partielle ou pour une fin limitée, pourvu qu’il ne s’agisse pas d’un dévoilement sélectif visant à tromper en déformant la réalité (Adam M. Dodek, Solicitor-Client Privilege, Markham: LexisNexis Canada, 2014, p. 209-226; A. Bryant, S. Lederman & M. Fuerst, Sopinka, Lederman & Bryant ,The Law of Evidence in Canada, 5e éd, Toronto : LexisNexis Canada, 2018, p. 1024; S.C. Hill , D.M. Tanovich & L.P. Strezos, McWilliams’ Canadian Criminal Evidence, 5e éd., Canada Law Book, M.àJ. 2019-3, para. 13.20.60; Kansa General International Insurance Company Ltd. (Winding up of), 2011 QCCA 1558, para. 30-33).
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