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samedi 14 juin 2025

Le rôle du juge siégeant en révision de la décision du juge autorisateur lorsqu’une autorisation judiciaire est contestée

Brûlé c. R., 2021 QCCA 1334

Lien vers la décision


[166]   Je rappelle brièvement le rôle du juge siégeant en révision de la décision du juge autorisateur lorsqu’une autorisation judiciaire est contestée.

[167]   Le juge doit en principe examiner la dénonciation et déterminer si les motifs exposés dans la dénonciation sous serment satisfont le fardeau exigé par la loi. En principe, cet examen se fait sans modification ou correction et en faisant abstraction des informations caviardées. L’attaque porte strictement sur la suffisance des motifs, à leur face même. En effet, une autorisation judiciaire est présumée valide. L’autorisation évaluée doit cependant reposer sur une dénonciation qui expose des faits légalement obtenus et fidèles à la réalité. Une fois la dénonciation comprise dans son ensemble, avec ou sans corrections, le juge siégeant en révision n’a pas à décider s’il aurait lui-même délivré le mandat; il doit uniquement vérifier que les faits, crédibles et fiables, permettaient à un juge de l’autoriser : voir notamment R. c. Garofoli1990 CanLII 52 (CSC), [1990] 2 R.C.S. 1421, 1452; R. c. Araujo2000 CSC 65 (CanLII), [2000] 2 R.C.S. 992, par. 51-54R. c. Pires; R. c. Lising2005 CSC 66 (CanLII), [2005] 3 R.C.S. 343, par. 8(3); R. c. Morelli2010 CSC 8 (CanLII), [2010] 1 R.C.S. 253, par. 40-43R. c. Campbell2011 CSC 32 (CanLII), [2011] 2 R.C.S. 549, par. 14.

[168]   Si l’accusé souhaite que le juge réviseur supprime des faits de la dénonciation, il peut lui démontrer que ceux-ci ont été obtenus en contravention de ses droits constitutionnels. Il n’est plus contesté que de tels faits ne peuvent servir à obtenir une autorisation judiciaire : voir notamment R. c. Kokesh1990 CanLII 55 (CSC), [1990] 3 R.C.S. 3; R. c. Grant1993 CanLII 68 (CSC), [1993] 3 R.C.S. 223.

[169]   Il peut aussi établir que la dénonciation doit être amputée d’une information erronée, c’est-à-dire une erreur qui était ou aurait dû être à la connaissance du déclarant lorsqu’il a rédigé la dénonciation. En effet, cette omission du déclarant, sous réserve de l’amplification, entraîne en principe la suppression de l’information incomplète : R. c. Morelli2010 CSC 8 (CanLII), [2010] 1 R.C.S. 253, par. 45;  R. c. Araujo2000 CSC 65 (CanLII), [2000] 2 R.C.S. 992, par. 57; R. c. Bisson1994 CanLII 46 (CSC), [1994] 3 R.C.S. 1097.

[170]   Cela découle du devoir qui accompagne une demande ex parte. Dans Araujo, la Cour écrit que « [q]uiconque demande une autorisation ex parte a l’obligation juridique d’exposer de manière complète et sincère les faits considérés … mais aussi clair et concis. Nul besoin cependant de faire état par le menu de l’enquête policière menée jusqu’alors, depuis des mois ou même des années. » : R. c. Araujo2000 CSC 65 (CanLII), [2000] 2 R.C.S. 992, par. 46.

[171]   L’amplification permet par ailleurs au déclarant de bonne foi de se corriger lorsqu’on découvre des erreurs ou des omissions de sa part dans la dénonciation sous serment pour obtenir le mandat. Selon la jurisprudence, ces erreurs sont mineures et résultent d’une inadvertance. Le juge Fish, pour la Cour dans l’arrêt Morelli, a bien expliqué le processus. Il rappelle d’abord le rôle du juge réviseur :

[40] Toutefois, pour réviser le fondement d’une demande de mandat, « le critère consiste à déterminer s’il existait quelque élément de preuve fiable auquel le juge aurait pu raisonnablement ajouter foi pour accorder l’autorisation » (R. c. Araujo2000 CSC 65, [2000] 2 R.C.S. 992, par. 54 (souligné dans l’original)).  Il ne s’agit pas de savoir si le tribunal siégeant en révision aurait luimême délivré le mandat, mais s’il existait suffisamment d’éléments de preuve crédibles et fiables pour permettre au juge de paix de conclure à l’existence de motifs raisonnables et probables de croire qu’une infraction avait été commise et que des éléments de preuve touchant la commission de cette infraction seraient découverts aux moment et lieu précisés.

R. c. Morelli2010 CSC 8 (CanLII), [2010], 1 R.C.S. 253, par. 40 (Le soulignement est du juge Fish).

 

[172]   Il insiste ensuite sur l’objectif de l’amplification et sur ses limites :

[41] Le tribunal siégeant en révision n’entreprend pas un tel exercice en se fondant simplement sur la dénonciation telle qu’elle a été présentée au juge de paix.  Au contraire, « le tribunal qui siège en révision doit faire abstraction des renseignements inexacts » figurant dans la dénonciation initiale (Araujo, par. 58).  De plus, il peut avoir recours à « l’amplification » — c’estàdire, à d’autres éléments de preuve présentés lors du voirdire pour corriger les erreurs mineures dans la dénonciation — dans la mesure où ces éléments de preuve permettent de corriger des erreurs commises de bonne foi par la police lors de la préparation de la dénonciation plutôt que des tentatives délibérées d’induire en erreur le juge saisi de la demande d’autorisation.

[42] Il est important de rappeler la portée limitée de l’amplification, bien expliquée par le juge LeBel dans Araujo.  L’amplification n’est pas un moyen permettant à la police de présenter de nouveaux renseignements pour faire autoriser rétroactivement une fouille et une perquisition qui n’étaient pas initialement justifiées par des motifs raisonnables et probables.  L’amplification ne peut ainsi être utilisée comme « un moyen de se soustraire aux conditions de l’autorisation préalable » (Araujo, par. 59).

[43] En fait, les tribunaux siégeant en révision ne devraient avoir recours à l’amplification du dossier dont disposait le juge qui a décerné le mandat que pour corriger « une erreur sans grande importance ou technique […] dans l’affidavit » de manière à ne pas « [faire] passer la forme avant le fond, lorsque la police a des motifs raisonnables et probables suffisants et a démontré la nécessité pour l’enquête, mais qu’une erreur [. . .] s’est glissée par inadvertance » (par. 59).  Dans tous les cas, l’accent est mis sur les « renseignements dont dispose la police au moment de la demande » plutôt que sur les renseignements que la police a obtenus après la présentation de la demande initiale (par. 59).

R. c. Morelli2010 CSC 8 (CanLII), [2010], 1 R.C.S. 253, par. 41-43 (Mes soulignements).

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