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samedi 2 août 2025

Cadre juridique applicable à l'infraction de séquestration

V.L. c. R., 2021 QCCA 1400

Lien vers la décision


[9]         Ce moyen est sans mérite dans les circonstances. En bref, quelques notes sur la séquestration. La durée de la séquestration doit effectivement être significative : R. c. Tremblay (1997), 1997 CanLII 10526 (QC CA), 117 C.C.C. (3d) 86 (C.A.Q.), reprenant notamment R. c. Gratton (1985), 18 C.C.C. (3d) 462 (C.A.O.). Il n’existe toutefois pas de période minimale : R. c. Tremblay2019 QCCA 1749par. 20. La Cour est d’accord avec la jurisprudence qui interprète ce facteur comme créant l’exigence de démontrer à la fois une conduite caractérisée et qui se distingue suffisamment d’une autre infraction qui, de manière inhérente, comporte une restriction de liberté : R. c. Parris2013 ONCA 515, par. 61R. c. Gervais2020 ABCA 221, par. 32-36R. v. McLellan2018 ONCA 510, par. 72.

[10]      L’appelant avance que la possibilité de quitter les lieux sans la dame nie son intention de séquestrer les samaritains. L’argument semblait davantage soutenir le consentement à demeurer sur les lieux, ce qui sera abordé par la suite, mais l’appelant développe cette idée qu’avec la possibilité de quitter l’appartement, il n’y a pas séquestration. Ce moyen doit également être rejeté. L’appelant n’ayant pas de souvenir de ses interactions avec les personnes venues au secours de la dame, cette théorie découle des propos du voisin voulant que l’appelant ne fût pas « fâché contre lui ». L’appelant souhaite en tirer l’inférence que le voisin n’était pas séquestré puisqu’il l’aurait laissé sortir. Outre son caractère spéculatif, cette proposition ignore le fait que la séquestration est complète lorsqu’il y a restriction de liberté au sens de l’article 279(2) C.cr. peu importe qu’il demeure une possibilité de s’y soustraire à un moment puisque cette restriction de liberté n’a pas à être totale. Le juge Watt, alors à la Cour supérieure de l’Ontario, avait conclu que « [u]nder section 279(2) of the Criminal Code, an unlawful confinement also consists of restricting the victim's liberty, but not his or her ability to escape. The restriction need not be to a particular place or involve total physical restraint. »: R. v. E.B., [2006] OJ No 1864, par. 116 (italique dans le texte), confirmé à R. v. Bottineau, 2011 ONCA 194 et plus tard repris avec approbation dans R. c. Magoon2018 CSC 14 (CanLII), [2018] 1 R.C.S. 309, par. 64.

[11]      Quant à savoir si les samaritains ont consenti à leur séquestration, l’appelant rappelle que ce sont eux qui se sont introduits dans l’appartement et que la preuve ne démontre pas hors de tout doute qu’ils ne consentaient pas à y demeurer.

[12]      La séquestration est une infraction à portée très large. Par exemple, dans l’arrêt R. c. Magoon, la Cour suprême a rappelé que, parfois, des enfants sont techniquement séquestrés par leurs parents pour des raisons légitimes, d’où l’exigence pour l’application du par. 279(2) du Code criminel, que « le ministère public doit établir (1) que l’accusé a séquestré la victime, et (2) qu’il s’agissait d’une séquestration illégale » : R. c. Magoon2018 CSC 14 (CanLII), [2018] 1 R.C.S. 309, par. 64. Évidemment, la norme juridique établissant l’existence d’un acte de séquestration illégale s’applique à tous, mais elle demeure sensible au contexte, comme celui de parent-enfant : R. c. Magoon, par. 65.

[13]      De même, l’absence de consentement à la restriction de liberté est un élément implicite et essentiel de l’infraction que le ministère public doit démontrer hors de tout doute raisonnable. Une personne qui consent à ce que sa liberté soit restreinte dégage l’auteur de sa responsabilité criminelle au sens de la séquestration. Dans l’arrêt Gough, en s’attardant à l’ancien paragraphe 247(3) C.cr., le juge Cory expliquait que, sans une preuve d’absence de consentement, « [a] friend driving a co-worker to the office confines him in the car...  The passenger by word or deed consents to being confined in the car […] Similarly, a visitor to a cottage on an island must consent to being confined within the perimeter of the island for the length of the stay. » :  R. v. Gough (1985), 1985 CanLII 3511 (ON CA), 18 C.C.C. (3d) 453, 458 (C.A.O.); R. c. Niedermier2005 BCCA 15, par. 48-51. Dans ce contexte, le consentement, ou son absence, s’évalue subjectivement : R. c. Dufour2017 QCCA 1159, par 60.

[14]      Sans prétendre définir totalement l’étendue de la notion de consentement dans le cadre de la séquestration, il semble évident que ce consentement subjectif doit être évalué en tenant compte des circonstances et qu’il doit viser le consentement à l’acte restrictif de liberté au moment où celui-ci devient une séquestration, surtout lorsque la situation est évolutive. Or, en l’espèce, lorsqu’une personne porte secours à une autre, le consentement de ce tiers aux actes de séquestration de l’agresseur se présente dans un contexte où il semble difficile à établir. Il pourrait même être toujours inexistant. Quoi qu’il en soit, en l’espèce, les deux samaritains ont clairement exprimé à l’appelant le souhait de quitter l’appartement avec la dame blessée. La preuve est claire qu’ils ne consentaient pas à demeurer dans l’appartement et qu’à ce moment, l’ensemble des circonstances illustrent une conduite de l’appelant qui les soumettait à une contrainte d’agir contre leur volonté, de sorte qu’ils n’étaient pas libres de leurs mouvements. La durée a ici une importance toute relative. Comme mentionné, l’infraction n’exige pas une durée minimale. La conduite est caractérisée, indépendante de toute autre infraction, et exprime indubitablement l’intention que les deux messieurs ne soient pas autorisés à sortir comme ils le souhaitaient. Ce moyen est rejeté.

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