R. c. Décarie, 2024 QCCS 1998
[45] Le ouï-dire est défini comme étant la preuve d’une déclaration, faite hors du procès, présentée pour établir la véracité de son contenu. Le ouï-dire est présumé inadmissible, parce qu’il comporte des dangers inhérents. Il est difficile, parfois même impossible, pour le jury d’évaluer correctement la crédibilité ou la fiabilité d’une déclaration en l’absence du déclarant à la barre des témoins, sans que celui-ci ne prête serment ou déclare solennellement de dire la vérité et sans que son récit ne soit testé au moyen d’un contre-interrogatoire (R. c. Bradshaw, 2017 CSC 35, par. 20-21; R. c. Baldree, 2013 CSC 35, par. 2, 31-35; R. c. Khelawon, 2006 CSC 57, par. 2-3, 49; R. c. Starr, 2000 CSC 40, par. 159).
[46] Cependant, le ouï-dire peut être admissible en vertu de certaines exceptions, incluant l’exception raisonnée, fondée sur les critères de fiabilité et de nécessité, d’abord reconnue par la Cour suprême du Canada dans les arrêts R. c. Khan, 1990 CanLII 77 (CSC), [1990] 2 RCS 531 et R. c. Smith, 1992 CanLII 79 (CSC), [1992] 2 RCS 915, puis développée et précisée dans la jurisprudence subséquente, incluant les arrêts Starr, Khelawon et Bradshaw.
[47] Le critère de nécessité est établi lorsque le témoignage de vive voix devant le tribunal n’est pas disponible. Il s’agit d’un critère souple, applicable à diverses situations (R. c. Furey, 2022 CSC 52, par. 3-4; Baldree, par. 66-69; R. c. Couture, 2007 CSC 28, par. 112; R. c. Parrott, 2001 CSC 3, par. 71-77).
[48] Le critère de fiabilité est établi lorsque les dangers spécifiques de la preuve de ouï-dire proposée sont suffisamment écartés de sorte que la déclaration peut être laissée à l’appréciation du juge des faits. La norme est élevée. La preuve doit présenter un seuil suffisant de fiabilité pour être admissible en droit. L’examen porte sur la fiabilité procédurale et la fiabilité substantielle. (Furey, par. 5; Bradshaw, par. 26-32, 57; Khelawon, s. 4, 62 et 94‑100; voir aussi : R. c. Barnabé-Paradis, 2022 QCCS 3995, par. 26-33). En résumé :
• La fiabilité procédurale est établie par des moyens de substitution, en remplacement du témoignage, qui permettent une appréciation adéquate de la véracité et de l’exactitude de la déclaration relatée, incluant : l’enregistrement vidéo de la déclaration; le serment ou la déclaration solennelle ou le contre-interrogatoire au moment de la déclaration; ou encore la présence du déclarant au tribunal pour répondre à des questions.
• L’autre catégorie de fiabilité, la fiabilité substantielle, est établie lorsqu’il est démontré que la déclaration relatée est intrinsèquement fiable au regard des circonstances dans lesquelles elle a été faite ou de la preuve qui la corrobore, incluant : le caractère spontané et naturel de la déclaration; l’absence de suggestion; la contemporanéité de la déclaration par rapport aux faits relatés; la présence ou l’absence de motifs de mentir; la relation entre le déclarant et la personne qui a reçu la déclaration; ou l’état psychologique du déclarant lors de la déclaration.
• La corroboration en elle-même doit être considérée selon une approche stricte, elle doit véritablement écarter les risques d’erreur et de fausseté.
• Il reste que les éléments de fiabilité procédurale et de fiabilité substantielle peuvent être examinés ensemble, de manière complémentaire, en prenant soin toutefois de ne pas diluer indument le critère de fiabilité.
Aucun commentaire:
Publier un commentaire