Bebawi c. R., 2023 QCCA 212
[15] La poursuite soutient que, pendant plusieurs années, ils auraient ainsi créé un système de corruption de nature à altérer le libre marché libyen. Une preuve volumineuse démontre qu’ils gonflaient artificiellement le prix de contrats de construction majeurs parfois en omettant de divulguer des renseignements importants, notamment que le prix comportait une partie réservée aux pots-de-vin sous le couvert de frais de représentation ou de consultation. Ils auraient eux-mêmes utilisé des sociétés-écrans pour transférer des millions de dollars à leur profit, plusieurs provenant du fractionnement d’une partie importante des commissions qu’ils partageaient entre eux en parts égales.
[16] En d’autres mots, ils auraient créé un régime de corruption qui leur rapportait de fortes sommes grâce à une augmentation fictive des coûts, ceux-ci camouflant d’importantes commissions dont ils profitaient en partie eux-mêmes. Ces augmentations fictives de prix pouvaient engendrer un préjudice économique ou, à tout le moins, un risque de préjudice économique mettant en péril les intérêts pécuniaires des autres parties contractantes. Un tel préjudice ou risque de préjudice économique est un élément essentiel de l’infraction de fraude (objet du premier chef d’accusation) : R. c. Riesberry, 2015 CSC 65, [2015] 3 R.C.S. 1167, paragr. 20, citant R. c. Théroux, 1993 CanLII 134 (CSC), [1993] 2 R.C.S. 5, p. 20 et R. c. Zlatic, 1993 CanLII 135 (CSC), [1993] 2 R.C.S. 29, p. 43-44.
[97] Outre l’acte malhonnête (supercherie, mensonge ou autre moyen dolosif), l’infraction de fraude exige la preuve d’un préjudice économique (ou privation) ou, à tout le moins, d’un risque de préjudice économique (ou mise en péril des intérêts pécuniaires de la victime). En effet, « [l]a fraude consiste en un comportement malhonnête qui crée à tout le moins un risque de privation pour la victime » : R. c. Riesberry, précité, paragr. 17. Voir également R. c. Zlatic, précité, et R. c. Théroux, également précité, p. 20.
[110] Au final, il existe une preuve d’actes malhonnêtes posés par l’appelant, soit la dissimulation de faits importants et le gonflement artificiel de prix en vue d’un détournement de fonds à des fins personnelles et du paiement de pots-de-vin, notamment à Saadi Kadhafi, qui ont créé un marché empreint de corruption mettant en péril les intérêts économiques de LICAN, de la GMRA et de l’État libyen. Sans cette conduite, LICAN aurait pu signer le contrat à un prix inférieur. Les sommes ainsi obtenues constituent donc des produits de la criminalité.
[115] La preuve était donc raisonnablement susceptible d’étayer les inférences que le ministère public voulait que le jury fasse. Il en résulte la possibilité pour le jury de conclure à l’existence d’un risque de perte économique, les intérêts financiers des victimes ayant pu être affectés par l’augmentation artificielle du prix, l’omission de divulguer des informations pertinentes, l’utilisation d’une société-écran et le détournement de fonds. Le juge était donc fondé à écrire :
[87] Les éléments de preuve concernant l’entité Lican, le projet Giaghbub et la société Tresca satisfont la norme de la pertinence, car selon la logique et l’expérience humaine, ils tendent, dans une certaine mesure, à rendre la thèse de la fraude alléguée contre M. Bebawi plus vraisemblable qu’elle ne le paraîtrait sans ces éléments de preuve.
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