R. c. Colangelo, 2017 QCCA 195
[16] L’arrêt R. c. M. (C.A.)[7] décrit les limites au pouvoir d’intervention des cours d’appel en matière de peine :
70. Plus simplement, sauf erreur de principe, omission de prendre en considération un facteur pertinent ou insistance trop grande sur les facteurs appropriés, une cour d’appel ne devrait intervenir pour modifier la peine infligée au procès que si elle n’est manifestement pas indiquée.
[renvoi omis]
[17] Le juge Wagner, dans Lacasse, précise que :
[44] À mon avis, la présence d’une erreur de principe, l’omission de tenir compte d’un facteur pertinent ou encore la considération erronée d’un facteur aggravant ou atténuant ne justifiera l’intervention d’une cour d’appel que lorsqu’il appert du jugement de première instance qu’une telle erreur a eu une incidence sur la détermination de la peine.[8]
[18] Commentant le principe fondamental de la proportionnalité, il écrit :
[12] En la matière, la proportionnalité demeure le principe cardinal qui doit guider l’examen par une cour d’appel de la justesse de la peine infligée à un délinquant. Plus le crime commis et ses conséquences sont graves, ou plus le degré de responsabilité du délinquant est élevé, plus la peine sera lourde. En d’autres mots, la sévérité de la peine ne dépend pas seulement de la gravité des conséquences du crime, mais également de la culpabilité morale du délinquant.
[...]
[53] [...] La proportionnalité se détermine à la fois sur une base individuelle, c’est-à-dire à l’égard de l’accusé lui-même et de l’infraction qu’il a commise, ainsi que sur une base comparative des peines infligées pour des infractions semblables commises dans des circonstances semblables. L’individualisation et l’harmonisation de la peine doivent être conciliées pour qu’il en résulte une peine proportionnelle : al. 718.2 a) et b) du Code criminel.
[54] La justesse d’une peine est également fonction des objectifs du prononcé de la peine codifiés à l’art. 718 du Code criminel, ainsi que des autres principes pénologiques codifiés à l’art. 718.2. Mais là encore, il appartient au juge de première instance de bien soupeser ces divers principes et objectifs, dont l’importance relative variera nécessairement selon la nature du crime et les circonstances dans lesquelles il a été commis. Le principe de l’harmonisation des peines, sur lequel s’est appuyée la Cour d’appel, est subordonné au principe fondamental de la proportionnalité. [...]
[renvoi omis]
[19] Enfin, dans R. c. Green, cette Cour rappelle qu’il ne lui appartient pas « de substituer son appréciation à celle du premier juge pour imposer une peine de quelques mois plus sévère »[9].
* * *
[22] Il y a ici confusion. Si la possession d’une arme dans un but illicite est, en principe, considérée comme facteur aggravant, l’absence d’une telle intention ne constitue pas, en contrepartie, un facteur atténuant. Comme l’indique la Cour d’appel de l’Alberta : « Treating absence of aggravation as mitigation is double counting (or more precisely, double substraction). That is plain error »[10].
[25] La deuxième erreur de principe est d’avoir considéré que la carabine Norinco ne constitue pas un danger pour la société. Voici ce que dit le premier juge à ce sujet :
[23] L’arme de poing, contrairement à l’arme longue trouvée chez l’accusé, représente un danger pour la communauté. […]
[27] Dans R. c. Nur[13], la majorité de la Cour suprême reconnait les dangers que posent les armes à feu :
[1] Les crimes liés aux armes à feu exposent les Canadiennes et les Canadiens à de graves dangers. Le législateur a donc résolu d’interdire carrément la possession de certaines armes et de restreindre celle d’autres armes. Le Code criminel, L.R.C. 1985, c. C-46, prévoit de lourdes peines lorsqu’il y a infraction aux dispositions ainsi créées.
[…]
[6] Les infractions liées aux armes à feu sont graves. Le législateur a voulu protéger la population contre les blessures par balle et décourager la perpétration de telles infractions au moyen d’un régime strict exigeant permis et certificat d’enregistrement […] et prévoyant des interdictions […].
[28] La Norinco 84S est une arme semi-automatique prohibée selon le Règlement désignant des armes à feu, armes, éléments ou pièces d’armes, accessoires, chargeurs, munitions et projectiles comme étant prohibés ou à autorisation restreinte[14]. Elle est de la même catégorie que le fusil AK-47.
[29] La Cour suprême reconnait que les armes à feu prohibées et à autorisation restreinte sont dangereuses et couramment utilisées lors de la perpétration d’actes criminels[15]. Elles présentent « le plus grand risque qui soit pour la sécurité publique »[16].
[31] Bien qu’il ait considéré, comme facteur aggravant, le fait que l’arme soit de type semi-automatique, il en réduit considérablement l’impact sur la peine comme le démontrent ses commentaires sur la nature non dangereuse de l’arme pour la communauté ainsi que son insistance sur son aspect « non dissimulable ». Sur ce dernier point, notons que les dimensions de l’arme n’ont pas empêché l’intimé de la transporter dans son camion, en plein jour et pendant ses heures de travail, pour en faire l’essai à un site de déchargement de la neige.
[32] Cette erreur a eu, à n’en pas douter, une incidence déterminante sur la peine.
* * *
[34] Dans R. c. Nur[18], reprenant les propos du juge Doherty de la Cour d’appel de l’Ontario, la Cour suprême considère que les infractions commises en contravention de l’article 95 C.cr. couvrent généralement trois types de comportement. Sur un même continuum, on retrouve (a) à une extrémité, le hors-la-loi qui, dans le cadre de ses activités criminelles, se rend dans un lieu public muni d’une arme à feu prohibée ou à autorisation restreinte chargée; (b) un peu plus loin dans le continuum, la personne dont les actes sont moins graves et qui expose ses concitoyens à un danger moins grand; (c) à l’autre extrémité, le propriétaire responsable d’une arme, titulaire d’un permis, mais qui se méprend sur le lieu d’entreposage autorisé.
[35] Dans la première catégorie, la Cour suprême considère qu’une peine carcérale de trois ans peut être indiquée. Dans la deuxième, une peine carcérale de trois ans peut être disproportionnée sans l’être totalement. Enfin, dans la troisième, une peine carcérale de trois ans est totalement disproportionnée.
[36] En d’autres mots, la première catégorie vise ce qui peut être qualifié de « vrai crime » tandis que la troisième concerne plutôt des infractions règlementaires.
[37] Le cas de l’intimé se situe clairement entre ces deux catégories. L’appelante en convient.
[38] L’individualisation et l’harmonisation de la peine doivent être conciliées pour qu’il en résulte une peine proportionnelle. Bien que le premier juge se soit livré à une analyse de la première, il est plutôt avare de commentaires sur la deuxième.
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