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samedi 9 août 2025

Le tribunal qui impose une peine est obligé de tenir compte des facteurs atténuants et aggravants et la prévalence d’un crime peut être un facteur pertinent à l’analyse, bien qu’il ne s’agisse pas en soi d’un facteur aggravant

Bitondo Nanga c. R., 2023 QCCA 825

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[29]      Je suis d’accord avec le requérant. L’obligation de motiver la peine est codifiée à l’article 726.2 C.cr. Je prends acte qu’il faut lire les motifs ensemble avec le dossier[3], qu’il ne faut pas contraindre les juges à un standard de perfection[4]. Néanmoins, les juges doivent « fournir des motifs intelligibles qui expliquent aux parties pourquoi la peine a été rendue »[5]. Ces motifs « doivent permettre un examen efficace du jugement sur la peine en appel »[6]; ils doivent montrer aux lecteurs et lectrices comment le tribunal a exercé son pouvoir discrétionnaire sur la détermination de la peine[7].

[30]      L’analyse du juge ne traite que des sujets suivants : (1) il n’adhère pas à l’explication que l’arme était possédée pour se défendre et que le requérant allait au pire tirer au sol; (2) il faut réprimer la possession d’armes, surtout des armes chargées; (3) les accusations sont passibles de 10 ans d’emprisonnement; et (4) il y a une prolifération d’armes à feu, contre laquelle il faut agir. Ce sont toutes des considérations pertinentes à l’analyse, mais en se basant uniquement sur ces éléments à l’exclusion de tous les autres éléments pertinents, le juge commet une erreur de principe.

[31]      Le tribunal qui impose une peine est obligé de tenir compte des facteurs atténuants et aggravants[8]. Une omission à cet égard constitue donc une erreur de droit. En l’espèce, il y a au moins deux facteurs atténuants, soit la jeunesse du requérant et son plaidoyer de culpabilité. Le requérant était à peine adulte lorsqu’il a commis les infractions en question. Sur ce dernier point, en effet, le RPS indique explicitement que l’immaturité du requérant était un facteur dans le passage à l’acte.

[32]      Par ailleurs, en ce qui concerne les facteurs aggravants, le juge ne mentionne pas comment il considère les antécédents du requérant.

[33]      Même si on peut tirer du récit du juge les facteurs atténuants et aggravants, la simple mention de ceux-ci n’est pas un substitut pour une analyse comme telle de ces facteurs, comme exigé par l’article 718.2 a).

[34]      D’ailleurs, la lecture du jugement permet clairement de constater que ce ne sont, en réalité, que les objectifs de dénonciation et de dissuasion qui sont considérés par le juge. Or, les tribunaux doivent pondérer tous les objectifs de détermination de la peine[9], et ceux de dénonciation et de dissuasion « doivent être évalués selon les circonstances de chaque cas »[10].

[35]      La prévalence d’un crime peut être un facteur pertinent à l’analyse[11], bien qu’il ne s’agisse pas en soi d’un facteur aggravant[12]. En effet, « une telle situation peut […], selon les circonstances, être appréciée par le juge dans la mise en balance des différents objectifs de la détermination de la peine, notamment le besoin de dénoncer le comportement illégal à cet endroit, de dissuader quiconque, par la même occasion d’en faire autant »[13]. Cependant, ce facteur ne justifie pas de s’écarter du principe de l’individualisation des peines : « même en présence d’un fléau […] la dissuasion ne devient pas l’unique considération »; « l’impact dans la communauté n’est qu’un facteur »[14].

[36]      En l’espèce, il est erroné d’occulter la réhabilitation de l’analyse. Cet objectif évoqué à l’article 718 C.cr. devrait généralement jouer un rôle important dans le cas d’un jeune délinquant comme le requérant. La modération s’impose pour individualiser la peine[15]. D’ailleurs, « les objectifs de dénonciation et de dissuasion ne sont pas mieux servis par l’infliction de peines excessives »[16] qui occultent la réhabilitation. Ultimement, la société sera mieux protégée si le requérant prend sa vie en main.[17] N’ayant été impliqué avec le système judiciaire qu’une seule fois auparavant, et ce, en tant que délinquant juvénile, le passé du requérant n’est pas si lourd qu’il permettrait de conclure que la réhabilitation est non atteignable ou même improbable. Plus particulièrement, le potentiel de réhabilitation est démontré par les conclusions du RPS, lesquelles indiquent que le requérant fonctionne bien dans un cadre serré, qu'il devrait se tenir loin des personnes criminalisées et qu'il devrait poursuivre sa scolarité ou avoir un emploi. Le succès du requérant avec les travaux communautaires témoigne également de ce potentiel. Il est vrai que le requérant n’a pas respecté certaines des ordonnances par le passé et il n’est pas clair qu’il les a respectées à la suite de sa deuxième arrestation. Néanmoins, il semble que cette arrestation a, à tout le moins, provoqué une évolution dans son attitude. Il est aussi vrai qu’il n’a pas encore pu intégrer une réflexion entière quant à ses fréquentations inadéquates, mais ceci ne se présente pas comme un obstacle à la réhabilitation. En outre, même si le soutien familial n’a pas été aussi efficace qu’on aurait pu le souhaiter malgré sa qualité, il ne peut être qu’un atout pour les perspectives de réhabilitation.

[37]      Le RPS indique que le requérant devrait se distancer des personnes criminalisées. Cet objectif n’est pas atteint par une peine carcérale, notamment dans un pénitencier, à mon avis.

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