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lundi 25 août 2025

On peut séquestrer quelqu’un en usant « de la peur, de l’intimidation et de moyens psychologiques ou autres »

R. c. Dufour, 2020 QCCA 1802

Lien vers la décision


[9]         L’appelante plaide que le juge a erré en concluant que la plaignante n’était pas restreinte dans ses mouvements. Il aurait retenu l’absence de contrainte physique, sans considérer l’existence d’une contrainte psychologique. Or, selon l’appelante, les propos tenus par l’intimé, les raisons qui ont motivé la plaignante à agir comme elle l’a fait et le point de vue de la personne raisonnable militaient en faveur d’un tel constat de contrainte psychologique.

[10]      L’infraction de séquestration est prévue au paragraphe 279(2) C.cr:

279 (2) Quiconque, sans autorisation légitime, séquestre, emprisonne ou saisit de force une autre personne est coupable :

a) soit d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de dix ans ;

b) soit d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire.

279 (2) Everyone who, without lawful authority, confines, imprisons or forcibly seizes another person is guilty of

(a) an indictable offence and liable to imprisonment for a term not exceeding ten years; or

(b) an offence punishable on summary conviction.

[11]      Dans l’arrêt R. c. Magoon, la Cour suprême résume les éléments constitutifs de l’infraction de séquestration et le fardeau du ministère public en pareil cas de la façon suivante :

[64]  Pour l’application du par. 279(2) du Code criminel, le ministère public doit établir (1) que l’accusé a séquestré la victime, et (2) qu’il s’agissait d’une séquestration illégale. Dans l’arrêt Pritchard, le juge Binnie a statué qu’il y a séquestration si « pendant un laps de temps assez long [la victime] a été soumise à la contrainte physique ou forcée d’agir contre sa volonté, de sorte qu’elle n’était pas libre de ses mouvements » (par. 24). Dans R. c. Bottineau[2006] O.J. No. 1864 (QL) (C.S.J.), conf. par 2011 ONCA 194, 269 C.C.C. (3d) 227, autorisation d’appel refusée [2012] 1 R.C.S. vi, le juge Watt a conclu que [traduction] « séquestrer quelqu’un illégalement [...] consiste à restreindre la liberté de la victime, mais non sa capacité de s’enfuir. Il n’est pas nécessaire que la restriction de liberté prenne place dans un endroit particulier ou qu’elle comporte l’application d’une contrainte physique totale » (par. 116 (en italique dans l’original); voir aussi R. c. Gratton (1985), 18 C.C.C. (3d) 462 (C.A. Ont.)). Le fait que la contrainte à laquelle a été soumise la victime ait été exercée au moyen d’actes de violence physique est suffisant — mais n’est pas nécessaire — pour établir l’existence d’une séquestration illégale. On peut séquestrer quelqu’un en usant [traduction] « de la peur, de l’intimidation et de moyens psychologiques ou autres » (R. c. Kematch2010 MBCA 18, 252 C.C.C. (3d) 349, par. 89).[5]

[12]      Le moyen de l’appelante est mal fondé.

[13]      Premièrement, le juge n’a pas limité son analyse de la notion de « restriction de mouvements » à la seule idée d’une contrainte physique, comme le plaide l’appelante. Il a conclu que la plaignante n’avait pas été restreinte dans ses mouvements malgré la peur et la détresse émotionnelle ressenties lors des évènements — éléments reconnus de façon explicite dans son jugement — parce que, selon son analyse de la preuve, la plaignante n’a pas été forcée d’agir contre sa volonté et elle est toujours demeurée libre de ses mouvements.

[14]      Le fait qu’un accusé suscite de la peur chez une autre personne et que cette dernière agisse en conséquence n’entraîne pas nécessairement l’existence d’une restriction dans ses mouvements. La preuve d’une contrainte physique ou psychologique et celle de son effet sur la liberté de mouvements de la présumée victime sont nécessaires. L’appréciation des faits par le juge l’a amené à conclure que ce n’était pas le cas ici.

[15]      Le juge mentionne l’absence de confrontation verbale entre les parties et l’absence de « contact physique, [de] prise aux bras, aux épaules ou autre » dans son analyse de la question. Ces éléments ne sont cependant pas les seuls dont il tient compte pour soutenir sa conclusion juridique selon laquelle la plaignante n’a pas été restreinte dans ses mouvements. Parmi les éléments retenus par le juge, soulignons que la plaignante avait un téléphone cellulaire en sa possession et qu’elle l’a utilisé à de nombreuses reprises. La conclusion du juge est fondée sur son appréciation de la preuve selon laquelle celle-ci « maîtrise et contrôle volontairement sa situation ». Autrement dit, selon le juge, la plaignante n’était pas « forcée d’agir contre sa volonté, de sorte qu’elle n’était pas libre de ses mouvements ».

[16]      Deuxièmement, la prise en compte par le juge des réactions de la plaignante pour décider si celle-ci a été restreinte dans ses mouvements ne constitue pas une erreur de droit. Il a conclu qu’elle « maîtrise et contrôle volontairement sa situation », et ce, en raison des diverses actions posées par la plaignante tout au long des évènements, actions qui établissent sa capacité de décider de ses faits et gestes. Le raisonnement du juge est exempt d’erreur. Selon la jurisprudence, il y a séquestration lorsque « pendant un laps de temps assez long [la victime] a été soumise à la contrainte physique ou forcée d’agir contre sa volonté, de sorte qu’elle n’était pas libre de ses mouvements ». Les faits retenus par le juge, dont ceux en lien avec la maîtrise de la situation par la plaignante, lui ont permis de conclure que cette dernière était, au contraire, libre de ses mouvements.

[17]      Troisièmement, même si le juge n’a pas référé de façon explicite aux propos qui auraient été tenus par l’intimé dans son jugement oral, il a tenu compte des agissements de l’intimé et noté les éléments suivants : (i) le ton normal de la conversation de l’intimé avec la plaignante, sans agressivité et sans cris; (ii) l’état d’intoxication avancée de l’intimé; (iii) le fait que ce dernier est demeuré à l’extérieur du logement lorsqu’il est revenu du bar; (iv) le fait que l’intimé a obtempéré à la demande de M. Sergerie (le conjoint de la plaignante arrivé plus tard sur les lieux) de quitter l’endroit; et (v) l’omission de la plaignante de mentionner qu’elle avait fait l’objet de menaces ou de séquestration lors de son appel au service d’urgence 911. Ces éléments s’ajoutent à l’élément déterminant suivant : (vi) le juge exprime un doute sur la fiabilité du témoignage de la plaignante en lien avec les paroles prononcées par l’intimé.

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