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dimanche 3 août 2025

Principes généraux : verdict imposé d’acquittement et verdict déraisonnable

Drouin c. R., 2020 QCCA 1378

Lien vers la décision


iii.         Verdict imposé d’acquittement

[89]      Lorsque la défense réclame un verdict imposé d’acquittement à la fin de la présentation de la preuve de la poursuivante, le juge doit décider « s’il existe un quelconque élément de preuve directe ou circonstancielle admissible qui, s’il était accepté par un jury correctement instruit agissant de manière raisonnable, justifierait une déclaration de culpabilité »[75]. Il s’agit d’ailleurs de la même question que doit se poser le juge présidant l’enquête préliminaire[76].

[90]      En présence d’une preuve directe, la réponse à cette question ne pose pas réellement de problème. Le juge n’a qu’à déterminer si la poursuivante a présenté une preuve directe à l’égard de chacun des éléments de l’infraction reprochée[77]. Par contre, comme la Cour suprême le souligne dans l’arrêt R. c. Arcuri, il n’est pas possible d’en dire autant en présence d’une preuve circonstancielle :

23        La tâche qui incombe au juge devient un peu plus compliquée lorsque le ministère public ne produit pas une preuve directe à l’égard de tous les éléments de l’infraction. Il s’agit alors de savoir si les autres éléments de l’infraction — soit les éléments à l’égard desquels le ministère public n’a pas présenté de preuve directe — peuvent raisonnablement être inférés de la preuve circonstancielle. Pour répondre à cette question, le juge doit nécessairement procéder à une évaluation limitée de la preuve, car la preuve circonstancielle est, par définition, caractérisée par un écart inférentiel entre la preuve et les faits à être démontrés — c’est-à-dire un écart inférentiel qui va audelà de la question de savoir si la preuve est digne de foi […]. Par conséquent, le juge doit évaluer la preuve, en ce sens qu’il doit déterminer si celle-ci est raisonnablement susceptible d’étayer les inférences que le ministère public veut que le jury fasse. Cette évaluation est cependant limitée. Le juge ne se demande pas si, personnellement, il aurait conclu à la culpabilité de l’accusé. De même, le juge ne tire aucune inférence de fait, pas plus qu’il apprécie la crédibilité. Le juge se demande uniquement si la preuve, si elle était crue, peut raisonnablement étayer une inférence de culpabilité.[78]

[Renvois omis; caractères gras ajoutés; soulignement dans l’original]

[91]      Le juge doit donc évaluer le caractère raisonnable des inférences qu’il convient de tirer de la preuve circonstancielle présentée par la poursuivante[79]. La présence d’inférences alternatives favorables à l’accusé ne signifie pas nécessairement qu’un verdict imposé d’acquittement doit être prononcé puisque la culpabilité de l’accusé n’a pas, à ce stade, à être la seule conclusion raisonnable possible[80]. En effet, « lorsque plusieurs inférences peuvent résulter de la preuve, il ne faut considérer que celles favorables au ministère public »[81].

[92]      Enfin, la norme d’intervention d’une cour d’appel à l’égard d’une décision sur une requête en verdict imposé d’acquittement est celle de la décision correcte[82].

iv.         Verdict déraisonnable

[93]      Je crois bon d’exposer d’abord les principes à considérer lorsque la preuve présentée est circonstancielle. Ce type de preuve peut entraîner un verdict de culpabilité si le juge des faits est convaincu hors de tout doute raisonnable que la seule inférence raisonnable découlant de la preuve est la culpabilité de l’accusé[83]. À l’inverse, si cette inférence n’est pas raisonnable ou si l’accusé présente une autre inférence raisonnable compatible avec son innocence, il faudra conclure qu’un doute raisonnable subsiste[84].

[94]      À cet égard, « [l]es inférences compatibles avec l’innocence n’ont pas à être fondées sur la preuve ou sur des faits prouvés, puisque le doute raisonnable peut découler de l’absence de preuve »[85]. Pour savoir si les conclusions proposées par l’accusé constituent des inférences raisonnables ou de simples conjonctures[86], « la question fondamentale qui se pose est celle de savoir si la preuve circonstancielle, considérée logiquement et à la lumière de l’expérience humaine et du bon sens, peut étayer une autre inférence que la culpabilité de l’accusé »[87].

[95]      En ce qui concerne le verdict déraisonnable, les principes applicables sont bien connus. Dans un contexte où le verdict reposait sur une preuve circonstancielle, la Cour suprême les décrit comme suit dans l’arrêt R. c. Villaroman :

[55]      Un verdict est raisonnable s’il fait partie de ceux qu’un jury qui a reçu des directives appropriées et qui agit d’une manière judiciaire aurait pu raisonnablement rendre : R. c. Biniaris2000 CSC 15, [2000] 1 R.C.S. 381. Pour appliquer cette norme, le tribunal d’appel doit réexaminer l’effet de la preuve et dans une certaine mesure la réévaluer : R. c. Yebes1987 CanLII 17 (CSC), [1987] 2 R.C.S. 168, p. 186. Cette évaluation limitée de la preuve en appel doit se faire en tenant compte de la norme de preuve applicable dans une affaire criminelle. Lorsque la thèse du ministère public dépend d’une preuve circonstancielle, la question consiste à se demander si le juge des faits, agissant d’une manière judiciaire, pouvait raisonnablement conclure que la culpabilité de l’accusé était la seule conclusion raisonnable qui pouvait être tirée de l’ensemble de la preuve : Yebes, p. 186; R. c. Mars (2006), 2006 CanLII 3460 (ON CA), 205 C.C.C. (3d) 376 (C.A. Ont.), par. 4R. c. Liu (1989), 1989 ABCA 95 (CanLII), 95 A.R. 201 (C.A.), par. 13R. c. S.L.R., 2003 ABCA 148R. c. Cardinal (1990), 1990 ABCA 115 (CanLII), 106 A.R. 91 (C.A.); R. c. Kaysaywaysemat (1992), 1992 CanLII 8265 (SK CA), 97 Sask. R. 66 (C.A.), par. 28 et 31.[88]

[Soulignements ajoutés]

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