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dimanche 3 août 2025

Un accusé doit toujours prendre des mesures raisonnables pour s’assurer du consentement de la plaignante et le défaut de prendre de telles mesures écarte le moyen de défense prévu à l'article 273.2 Ccr

R. c. Cornejo, 2003 CanLII 26893 (ON CA)

Lien vers la décision


[12Dans R. c. Cinous[2002] 2 R.C.S. 32002 CSC 29 (CanLII), la Cour suprême du Canada a traité du critère de la vraisemblance, quoique pas dans le contexte d’une agression sexuelle. Ce jugement a confirmé que le juge de première instance a l’obligation de ne pas soumettre au jury tout moyen de défense qui ne ressort aucunement de la preuve ou qui n’a aucune vraisemblance. Comme l’a expliqué la juge en chef McLachlin à la p. 29 des R.C.S. : « Il s’agit de déterminer si la preuve versée au dossier permettrait à un jury ayant reçu des directives appropriées et agissant raisonnablement de prononcer l’acquittement ». De plus, le juge du procès doit examiner « l’ensemble de la preuve » et tenir pour véridiques les éléments de preuve produits par l’accusé.

[13Dans R. c. Livermore1995 CanLII 43 (CSC)[1995] 4 R.C.S. 123129 D.L.R. (4th) 676, à la p. 135 des R.C.S., la juge en chef McLachlin a expliqué que le moyen de défense fondé sur la croyance sincère au consentement « comporte deux éléments : (1) l’accusé doit avoir cru sincèrement au consentement de la plaignante, et (2) l’accusé doit avoir eu cette croyance erronément ». (Souligné dans l’original.)

[14Dans R. c. Ewanchuk1999 CanLII 711 (CSC)[1999] 1 R.C.S. 330169 D.L.R. (4th) 193, aux pp. 354-55 des R.C.S., le juge Major a déclaré ceci :

Pour que les actes de l’accusé soient empreints d’innocence morale, la preuve doit démontrer que ce dernier croyait que la plaignante avait communiqué son consentement à l’activité sexuelle en question. Le fait que l’accusé ait cru dans son esprit que le plaignant souhaitait qu’il la touche, sans toutefois avoir manifesté ce désir, ne constitue pas une défense… Ce qui importe, c’est de savoir si l’accusé croyait que le plaignant avait vraiment dit « oui » par ses paroles, par ses actes, ou les deux.

(Souligné dans l’original.)

Il a également fait remarquer, à la p. 356 des R.C.S., que « le fait de croire que le silence, la passivité ou le comportement ambigu de la plaignante valent consentement de sa part est une erreur de droit et ne constitue pas un moyen de défense ».

[15] Selon moi, d’après le témoignage de M. Cornejo lui-même, la preuve tend à démontrer qu’il y a eu absence de consentement de la part de la plaignante et une forte dose d’imagination de la part de l’accusé. Le soulèvement du bassin de la part d’une femme qui a bu, qui dormait et qui, comme le savait fort bien M. Cornejo, n’est aucunement intéressée à avoir quelque rapport intime que ce soit, ne peut permettre de présumer que la femme consent à une activité sexuelle. Dans ces circonstances, je ne puis, avec égards, voir aucune vraisemblance dans l’affirmation de M. Cornejo selon laquelle il croyait honnêtement que la plaignante consentait à sa présence dans l’appartement, et encore moins à l’activité sexuelle à laquelle il s’était livré chez elle.

[16] Dans ces circonstances, mis à part l’affirmation de M. Cornejo selon laquelle il croyait que la plaignante était consentante, et le mouvement de son bassin bien après qu’il eut déjà commencé à se livrer à l’activité sexuelle, il y avait une preuve abondante établissant soit qu’elle n’avait pas donné son consentement soit qu’elle était incapable de le donner. M. Cornejo a tiré profit d’une réponse passive et équivoque.

[17] Au cours de son témoignage, M. Cornejo a expliqué que les yeux de la plaignante étaient clos pendant qu’il l’embrassait et qu’il enlevait ses vêtements, et il a admis qu’elle dormait peut-être pendant l’incident. Il a témoigné que lorsqu’elle avait dit « non », elle avait soudainement semblé très éveillée et il y avait une grande différence dans sa façon de se comporter.

[19] Ces circonstances commandaient que M. Cornejo prenne des mesures raisonnables pour s’assurer du consentement de la plaignante et, étant donné qu’il n’a pris aucune mesure, l’al. 273.2b) écarte ce moyen de défense. Comme l’explique l’auteur Don Stuart dans Canadian Criminal Law, 4e éd. (Scarborough : Carswell, 2001), à la p. 295 :

[TRADUCTION] L’accusé doit encore satisfaire au critère de la vraisemblance pour invoquer la défense fondée sur l’erreur… Il ne pourra jamais invoquer cette défense lorsque sa croyance erronée provient de l’affaiblissement volontaire de ses facultés, de son insouciance ou d’un aveuglement volontaire, ou, surtout, lorsqu’il n’a pas pris les mesures raisonnables, dans les circonstances dont il avait alors connaissance, pour s’assurer du consentement de la personne plaignante.

Par conséquent, compte tenu de l’omission de M. Cornejo de prendre quelque mesure que ce soit, pour reprendre l’expression de la juge en chef McLachlin dans l’arrêt Cinous, à la p. 31 des R.C.S., il n’existait de « véritable question » devant être tranchée par le jury.

[21] L’objet de ces dispositions est de faire en sorte que les participants sachent clairement que l’autre partenaire consent à l’activité sexuelle. Le régime législatif remplace les présomptions traditionnellement, et de façon non appropriée, associées à la passivité et au silence. Une personne se trouvant dans la situation de M. Cornejo court un grave risque en fondant une présomption de consentement sur la passivité et sur des réponses non verbales comme justification du fait qu’il peut présumer qu’il y a consentement.

[22] Dans Criminal Law, 2e éd. (Toronto : Irwin Law, 2000) le professeur Kent Roach explique ce qu’est l’obligation de fournir la preuve que des demarches raisonnables sont faites (aux app. 157-58) :

[TRADUCTION] Le rejet de la défense fondée sur l’erreur de fait à l’alinéa 273.2b), sauf si l’accusé prend des mesures raisonnables dans les circonstances dont il a alors connaissance pour s’assurer du consentement du plaignant à l’activité en question, comporte des éléments de faute à la fois subjectifs et objectifs de façon novatrice et créative…  L’obligation de l’accusé de prendre des mesures raisonnables est uniquement fondée sur ce dont il a connaissance de manière subjective à ce moment-là. Par contre, l’alinéa 273.2b) exige que l’accusé agisse comme le ferait une personne raisonnable dans les circonstances en prenant des mesures raisonnables pour s’assurer que le plaignant était consentant. La réponse repose en grande partie sur ce que sont de l’avis de la Cour les mesures raisonnables qui doivent être prises pour s’assurer du consentement. Certains juges pourront estimer que des mesures positives doivent être prises dans la plupart, voire la totalité, des situations, indépendamment de la perception subjective que l’accusé a des circonstances. D’autres pourront exiger de telles mesures uniquement si le plaignant a fait montre de résistance ou communiqué son absence de consentement d’une quelconque façon dont l’accusé a subjectivement connaissance.

(Soulignement ajouté.)

[23] Le juge Wood a déclaré ceci dans R. v. G. (R.) (1994), 1994 CanLII 8752 (BCCA)38 C.R. (4th) 123[1994] B.C.J. no 3094 (QL) (C.A.) [à la p. 130 des C.R.] :

[TRADUCTION] [L’alinéa] 273.2 b) crée de toute évidence une relation proportionnelle entre les mesures raisonnables qui devront être prises par l’accusé pour s’assurer que le plaignant était consentant et les circonstances dont l’accusé avait alors connaissance.

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