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lundi 25 août 2025

Un seul incident peut être suffisant pour qu'un individu soit reconnu coupable de harcèlement criminel

Bertrand c. R., 2011 QCCA 1412

Lien vers la décision


[20]           L'infraction comporte quatre éléments essentiels : l'existence d'un comportement menaçant, l'effet du comportement menaçant, l'existence du harcèlement et la connaissance de l'effet du harcèlement ou une insouciance quant à cet effet.

[24]           Les cours d'appel canadiennes ont examiné la notion de harcèlement dans cinq arrêts. On peut en dégager que la répétition de l'événement n'est pas un élément de l'infraction de harcèlement criminel et que, dans certaines circonstances, un événement unique suffit.

[25]           Dans R. v. Kohl[4], une joggeuse a vu un homme sortir d'un bosquet devant elle de manière menaçante, sans toutefois lui parler ou la toucher. Ce dernier l'a ensuite poursuivie alors qu'elle tentait de lui échapper. La Cour d'appel de l'Ontario a considéré qu'il s'agissait de harcèlement criminel, même si un seul incident était visé :

29     I would adopt the approach taken by the court in O'Connor. Even though the conduct in this case occurred over a relatively short period of time and there was no prior contact, it was highly threatening and persistent. The appellant jumped out of the bushes, blocked the progress of the complainant with outstretched arms, chased her down the road where she fled from him, then stood outside the Montgomery residence and stared at her. The trial judge properly described the appellant's conduct as persistent:

When the persistence of his actions are taken into consideration with the fact that during this time he spoke no words to ease what obviously from his apology appeared to him to have an unfavourable effect on the complainant, his actions may, as previously described, appear as threatening conduct ...

30     During the encounter with the appellant, brief as it was, the complainant reasonably feared for her safety and was clearly in a state of being harassed.

[Je souligne]

[26]           Dans R. v. O'Connor[5], un homme a frappé à une fenêtre du sous-sol où se trouvait la victime. Par la suite, il a tenté de s'introduire dans la maison et il a poursuivi la victime et son fils alors que ceux-ci tentaient de fuir. La Cour d'appel de l'Ontario a écrit ceci :

    In Kosikar, evidence of prior contact between the accused and the complainant was used to show that as the consequence of a letter the complainant felt harassed. However, Goudge J.A. also stated, "it is possible to imagine a case where the complainant's feeling harassed would be proven ... by evidence of a single incident that carried the real future prospect of the continuing tormenting of the complainant."

    On the facts of this case, in my view, it was open to the trial judge to find that the complainant was harassed both because the appellant's behaviour during the incident was persistent and because the incident occurred while the appellant was subject to a probation order requiring that he have no contact with the complainant.

[Je souligne]

[27]           Dans R. v. Hyra[6], la question de la répétition des contacts non souhaités était au cœur des motifs du jugement de première instance. La Cour d'appel du Manitoba a réitéré que le caractère répétitif des gestes n'est pas un élément de l'infraction de harcèlement criminel :

22     When considering an offence under this subsection, it is important to note that unlike s. 264(2)(a) and (b), the word "repeatedly" is absent from subs. (d). There need not be a repetitive element to the threatening conduct for subs. (d) to be engaged. A single incident can constitute threatening conduct provided that it carries as a consequence that the complainant is in a state of being harassed. See R. v. Kosikar (1999), 1999 CanLII 3775 (ON CA), 138 C.C.C. (3d) 217 (Ont. C.A.), leave to appeal to S.C.C. refused, [1999] S.C.C.A. No. 549.

[28]           Dans R. v. Kosikar[7], la Cour d'appel de l'Ontario a affirmé qu'un seul incident était suffisant pour qu'un individu soit reconnu coupable de harcèlement criminel. Dans cette affaire, l'accusé avait harcelé une femme pendant plusieurs années et il avait été condamné pour cette infraction. À la fin de la période de probation, il avait envoyé une lettre à la victime. Il a été de nouveau accusé de harcèlement criminel pour ce fait. Le juge Goudge a décidé que les faits relatifs à la première condamnation étaient pertinents pour prouver le harcèlement :

26     In summary, therefore, I conclude that neither the proscribed conduct in s. 264(2)(d), nor the consequence required of the complainant prevent a single act from founding a conviction. If the single incident is threatening conduct and if, in the circumstances, it causes the complainant to feel harassed, then these two elements of the offence are made out. That occurred in this case.

27     This conclusion is enough to answer the question of law raised on this appeal. However, the peculiar facts of this case warrant one further comment. Here, the single incident constituting the threatening conduct is the sending of the letter in January 1998. The evidence of the prior contact between the appellant and the complainant is used to prove that as a consequence, the complainant felt harassed. That prior contact is not an element of the offence. The fact that the complainant felt harassed as a consequence of receiving the letter is. Hence, this conviction is not a second conviction of the appellant for this prior contact.

28     Moreover, while in this case the prior contact is important proof of the consequence caused to the complainant, it is possible to imagine a case where the complainant's feeling harassed would be proven not through the context of prior contact but by evidence of a single incident that carried the real future prospect of the continuing tormenting of the complainant. In other words, prior contact may not be the only way of proving the necessary consequence of a single act of threatening conduct.

[Je souligne]

[29]           Dans R. c. Lamontagne, la Cour d'appel du Québec a décidé que les mots utilisés par l'accusé à une occasion et selon lesquels la plaignante allait le regretter lorsqu'il sortirait de prison n'étaient pas suffisants pour que cette dernière se sente harcelée :

De ces définitions du «harcèlement» auxquelles je me range, je retiens que l'on ne se limite pas au sens classique et restreint du mot qui est de «soumettre sans répit à de petites attaques réitérées, à de rapides assauts incessants» (Le Petit Robert I, 1987).  «Harceler» peut tout aussi bien signifier le fait d'«importuner (qqn) par des demandes, des sollicitations, des incitations» (Le Grand Robert de la langue française, 1992), ce qui traduit bien l'idée qu'il doit s'agir d'un comportement qui a pour effet d'importuner en raison de sa continuité ou de sa répétition, («vex, trouble, annoy continually or chronically»).

En raison de la distinction que fait le législateur entre l'acte interdit au sens du par. (2) et le harcèlement comme conséquence ultime de l'acte, on ne peut donc tout simplement faire l'équation entre les deux, d' la nécessité, comme je viens de l'exposer, de s'interroger sur la définition de l'état d'«harcèlement», indépendamment des actes interdits qui peuvent générer cet état et qui sont expressément prévus au par. (2).

En l'espèce, de cet incident unique caractérisé par les mots employés par l'appelant dans le contexte qu'il précise et qui est retenu par la juge, compte tenu également du silence de la plaignante quant à son état, ne peut se dégager la conclusion que de fait elle a été harcelée de quelque façon que ce soit.  Le défaut de prouver cet élément devait entraîner l'acquittement.

[Je souligne]

[30]           Les auteurs Manning, Newett et Sankoff font le point sur cette question en écrivant que le harcèlement peut résulter d'un seul événement à la condition que les gestes se qualifient comme du harcèlement :

The final form of prohibited activity restrains persons from "engaging in threatening conduct directed at the other person or any member of their family". Unlike the sections regarding communications and following, it is not necessary for this type of conduct to occur on more than one occasion. The absence of the word "repeatedly" in section 264(2)(d) has been relied upon as manifestinf Parliament's intention to have the section apply where there is only a single treatening act, so long this act otherwise qualifies as hassassing.[8]

[Je souligne]

[31]           Dans le présent dossier, l'événement a été de courte durée, tout au plus cinq à dix minutes. Le juge de première instance a conclu que la preuve avait établi le harcèlement. Cette conclusion est supportée par la preuve. La teneur des paroles prononcées, la menace qu'elles contiennent, le ton de celles-ci, les coups de bâton, les coups de poing et les coups de pied dans les fenêtres et la porte, à deux endroits à la fois puisque les accusés se sont séparés en deux groupes, permettaient de conclure que l'élément de continuité du comportement menaçant avait été établi

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