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mercredi 24 septembre 2025

Aux termes de l’article 730 (1) C.cr., le tribunal peut prononcer une absolution aux conditions qui y sont énumérées, notamment si cette mesure est dans l’intérêt véritable de l’accusé et elle ne nuit pas à l’intérêt public

Gignac Joncas c. R., 2019 QCCA 1635

Lien vers la décision


[8]           Aux termes de l’article 730 (1) C.cr., le tribunal peut prononcer une absolution aux conditions qui y sont énumérées, notamment si cette mesure est dans l’intérêt véritable de l’accusé et elle ne nuit pas à l’intérêt public.

[9]           Le juge de première instance conclut que ces deux conditions ne sont pas satisfaites. Selon lui, l’ensemble de la preuve ne démontre pas qu’une condamnation entraînera des conséquences néfastes pour l’appelante et que, en conséquence, l’intérêt véritable de cette dernière justifie une absolution. De plus, les circonstances du crime, notamment le caractère gratuit de l’agression, sa violence et la poursuite de l’agression après l’intervention de l’agent de sécurité amènent le juge à croire que l’absolution nuirait à l’intérêt public en banalisant un comportement intolérable.

L’intérêt véritable de l’appelante

[10]        L’appelante plaide que le préjudice lié à une condamnation est réel, vu son jeune âge parce que cette mesure est susceptible de nuire à ses chances sur le marché de l’emploi. Prenant appui sur l’arrêt Berish[4], elle fait valoir qu’elle n’est pas tenue d’établir avec précision les conséquences d’une condamnation. 

[11]        Les auteurs Parent et Desrosiers dégagent de leur analyse de la jurisprudence que la condition reliée à l’intérêt véritable d’un accusé exige un examen contextuel de ses caractéristiques personnelles et de l’effet de la mesure sur ses droits. Des facteurs variables sont pris en compte : son âge, son implication dans la société, son plaidoyer de culpabilité, ses remords sincères, son mode de vie, etc. En plus de tenir compte des caractéristiques personnelles d’un accusé, ce critère nécessite un examen approfondi des conséquences d’une condamnation[5]

[12]        Dans notre dossier, l’appelante n’a pas témoigné et elle n’a présenté aucune preuve liée aux possibles répercussions d’un casier judiciaire sur sa vie ou ses droits. Il s’agit d’une jeune femme; elle a plaidé coupable; elle éprouve des remords sincères; elle a un travail et elle a un antécédent pour une agression commise alors qu’elle était mineure. La preuve est cependant muette sur les conséquences qu’aurait une condamnation sur elle. On peut certes concevoir qu’une condamnation soit susceptible d’avoir certains effets sur la vie professionnelle de l’appelante, mais celle-ci n’a pas établi la possibilité réelle qu’elle en subisse des  effets démesurés  par rapport à la faute commise. 

[13]        Contrairement à ce que plaide l’appelante, l’affaire Berish n’a pas atténué l’exigence d’établir les conséquences d’une condamnation. Elle est tenue de démontrer en quoi la peine qui lui a été imposée est démesurée par rapport à sa faute. L’arrêt Berish enseigne que le juge du procès doit individualiser la peine en tenant compte de tous les facteurs pertinents, d’une part, et confirme le pouvoir discrétionnaire du juge en pareille matière ainsi que le devoir de déférence du tribunal d’appel, d’autre part.

L’intérêt public

[14]        L’intérêt public est une notion vaste et générale qui, dans le contexte de l’article 730(1) C.cr., prend en compte divers facteurs, dont l’objectif de dissuasion générale, la gravité de l’infraction, son incidence sur la communauté et la confiance du public dans le système judiciaire.

[15]        Le juge n’a commis aucune erreur révisable en concluant que, dans les circonstances de l’affaire, la confiance du public dans l’administration de la justice serait minée s’il prononçait une absolution. Le caractère gratuit de l’agression, la violence avec laquelle elle a été perpétrée, la poursuite de l’agression après l’intervention de l’agent de sécurité sont autant d’éléments qui établissaient la gravité de l’infraction et justifiaient le juge de conclure que l’absolution n’était pas une mesure indiquée. Ajoutons que, même si le juge n’énumère pas certains facteurs atténuants dans cette partie de son jugement, ceux-ci étaient présents à son esprit puisqu’il les a identifiés avec précision dans une autre partie de son jugement.

[16]        L’appelante plaide que le juge a erré en qualifiant son état d’intoxication de facteur neutre et qu’il aurait dû en tenir compte à titre de facteur atténuant. Dans les circonstances où le niveau d’intoxication était peu élevé et en raison de l’antécédent judiciaire de l’appelante, il n’était pas déraisonnable pour le juge de qualifier son intoxication de facteur neutre.

Le caractère manifestement non indiqué de la peine

[17]        Selon l’appelante, le juge de première instance n’a pas respecté l’obligation que lui impose le paragr. 718.2d) C.cr. d’examiner la possibilité de sanctions moins contraignantes avant d’envisager une mesure privative de liberté. Les circonstances de l’affaire notamment son jeune âge, sa moralité et sa réinsertion sociale empêchent le juge, écrit-elle, de considérer la dissuasion générale comme facteur principal.

[18]        Les enseignements tirés de la jurisprudence citée par l’appelante montrent qu’il n’est pas toujours approprié d’accorder un poids trop important aux objectifs d’intérêt public en présence d’un jeune adulte, sans antécédent[6], pour lequel l’emprisonnement est susceptible d’avoir un effet plus criminogène que dissuasif[7] lorsque des peines alternatives à l’emprisonnement peuvent atteindre ces objectifs[8].

[19]        En l’espèce, la peine prononcée par le juge de première instance se situe dans la fourchette des peines applicables à l’infraction de voies de fait causant des lésions corporelles lorsqu’il y a présence de facteurs atténuants et aggravants[9]. Ici, la violence de l’agression et la gravité des conséquences pour la victime permettent de conclure que la peine d’emprisonnement infligée à l’appelante n’est pas manifestement non indiquée.

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