Domond c. R., 2021 QCCA 412
[12] Un verdict est déraisonnable lorsqu'un jury ayant reçu les directives appropriées et agissant de manière judiciaire n'aurait pu raisonnablement le rendre[12]. Afin de statuer sur le caractère raisonnable ou non d’un verdict, le tribunal d’appel doit s’adonner à un examen limité de la preuve présentée au procès : « [il] doit se demander non seulement si le verdict s’appuie sur des éléments de preuve, mais également si la conclusion du jury ne va pas à l’encontre de l’ensemble de l’expérience judiciaire »[13].
[13] Lorsque les accusations sont fondées sur une preuve de nature circonstancielle, des considérations particulières s’appliquent. La Cour en fait état dans l’arrêt Dubourg en reformulant les principes bien établis de l’arrêt Villaroman[14] :
[19] Lorsque les accusations sont fondées, en tout ou pour un élément essentiel, uniquement sur de la preuve circonstancielle, des considérations particulières s’appliquent. La Cour suprême dans Villaroman a établi qu’une preuve circonstancielle hors de tout doute raisonnable est faite lorsque la seule inférence raisonnable qu’elle peut soutenir est celle de la culpabilité de l’accusé. Si ce n’est pas le cas et qu’une inférence raisonnable est compatible avec son innocence, il subsiste forcément un doute raisonnable et il doit être acquitté. Les inférences compatibles avec l’innocence n’ont pas à être fondées sur la preuve ou sur des faits prouvés, puisque le doute raisonnable peut découler de l’absence de preuve.
[20] En combinant ces deux ensembles de principes, on conclut que, pour déterminer si un verdict fondé sur de la preuve strictement circonstancielle est raisonnable, il faut se demander si une appréciation raisonnable de toute la preuve peut mener à la conclusion que la seule inférence raisonnable mène à la culpabilité de l’accusé. En résumé, les conclusions tirées de la preuve par le juge des faits et la conclusion que la seule inférence raisonnable est celle de la culpabilité sont-elles raisonnables?
Je conviens avec l’appelant qu’il peut être nécessaire pour le ministère public de réfuter ces possibilités raisonnables, mais il n’a certainement pas à « réfuter toutes les hypothèses, si irrationnelles et fantaisistes qu’elles soient, qui pourraient être compatibles avec l’innocence de l’accusé » : R. c. Bagshaw, 1971 CanLII 13 (CSC), [1972] R.C.S. 2, p. 8. Une « autre thèse plausible » ou une « autre possibilité raisonnable » doit être basée sur l’application de la logique et de l’expérience à la preuve ou à l’absence de preuve, et non sur des conjectures.
Il va de soi que la ligne de démarcation entre une « thèse plausible » et une « conjecture » n’est pas toujours facile à tracer. Cependant, la question fondamentale qui se pose est celle de savoir si la preuve circonstancielle, considérée logiquement et à la lumière de l’expérience humaine et du bon sens, peut étayer une autre inférence que la culpabilité de l’accusé.
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