Bérubé-Gagnon c. R., 2020 QCCA 1382
[18] Il est vrai que, dans R. c. Dagenais, la Cour soulignait qu’en matière de voies de fait graves, compte tenu de la nature et de la gravité de l’infraction, la peine commande généralement une peine d’emprisonnement ferme[10]. Cet énoncé s’explique « pour bien démontrer la réprobation de la société à l’égard des crimes violents contre la personne et pour envoyer un message clair de dissuasion. »[11].
[19] Cet énoncé général n’a certes pas comme conséquence d’affirmer qu’en toutes circonstances, les objectifs de dénonciation et de dissuasion doivent primer, ni qu’il faille diminuer l’importance de tous les autres principes, dont celui de l’harmonisation et l’individualisation des peines.
[20] En l’espèce, le principe de modération a guidé le juge vers le prononcé d’une peine à être purgée dans une prison provinciale, plutôt que dans un pénitencier fédéral, considérant le jeune âge de l’appelant. Ce qui est approprié.
[21] Par contre, il devait aussi, toujours considérant que l’appelant avait 18 ans et 2 mois au moment des événements, imposer une peine moins contraignante dans le but de favoriser sa réhabilitation déjà bien entamée.
[22] Le principe de modération prend toute son importance lorsqu’il s’agit de déterminer la peine d’un jeune délinquant primaire. Dans ce cas, ce sont les objectifs de réinsertion sociale et de dissuasion spécifique qui priment, même en présence d’une infraction violente[12].
[23] Dans R. c. Brisson[13], la Cour rappelait l’importance que la réhabilitation d’un jeune contrevenant sans antécédents criminels et la dissuasion spécifique doivent prendre lors du prononcé de la peine :
[41] La requérante avance en outre que la dissuasion générale et la dénonciation doivent être les préoccupations dominantes dans ce genre de crime. L’argument ne peut être retenu sans nuances. Par exemple, ces objectifs ne sont pas la considération prédominante pour un jeune sans antécédents criminels dont la réhabilitation est assurée. Le droit veut que les deux objectifs qui doivent primer dans l’établissement d’une peine dans ces circonstances soient la réhabilitation et la dissuasion personnelle et que le juge doive même éviter d’insister indûment sur la dissuasion générale.
[42] Bien qu'en principe le rôle d'intervention d'une cour d'appel soit limité, il n'en demeure pas moins que la jeunesse est largement considérée comme un facteur atténuant, tant en raison de la possibilité d'une réhabilitation que de la reconnaissance qu'il y a lieu d'être plus tolérant pour un manque de jugement de la part d'un jeune, contrairement aux adultes. Selon les auteurs Ruby & al. : « the transition from statutorily defined young person to adult should not be marked by an immediate abandonment of rehabilitation as the primary goal in cases where the prospect of successful rehabilitation is real ». En somme, selon eux, la règle générale pour la peine à imposer à un jeune défendeur veut que la dissuasion ne doive pas être la motivation primaire; l'accent devrait plutôt être mis sur la réhabilitation. Évidemment, la dissuasion demeure néanmoins une considération valable et doit être envisagée, mais tout en en réduisant l'importance par rapport à la situation d'un adulte.
[43] Il faut aussi rappeler que les jeunes sont plus influençables et manquent souvent de maturité. Face à cette incontournable réalité, notre Cour écrit dans R. c. Glaude:
[…] les tribunaux, dans le but d’assurer la réhabilitation de ces jeunes adultes délinquants se montrent cléments et évitent généralement de les placer dans un milieu carcéral où les détenus purgent de longues peines et sont souvent lourdement criminalisés.
Il va sans dire toutefois que la jeunesse ne saurait excuser tout comportement et les tribunaux doivent garder présent à l'esprit la nécessité de dissuader d'autres jeunes de commettre les mêmes types de comportement que leurs pairs.
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