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dimanche 7 septembre 2025

Retrait d’un plaidoyer de culpabilité non éclairé pour cause de méconnaissance d’une conséquence indirecte juridiquement pertinente, à savoir l’interdiction de territoire issue de la LIPR

Zamiara c. R., 2020 QCCA 841

Lien vers la décision


a.         Principes

[51]        Dans Wong, les juges Moldaver, Gascon, Brown et Rowe, sous la plume des trois premiers, décrivent ainsi le premier volet du test applicable en matière de retrait d’un plaidoyer de culpabilité :

[9]        Nous reconnaissons que l’accusé doit tout d’abord établir qu’il n’était pas au courant d’une conséquence indirecte juridiquement pertinente au moment de plaider coupable et nous souscrivons à une méthode générale d’évaluation de la pertinence d’une conséquence indirecte pour juger si un plaidoyer de culpabilité était suffisamment éclairé. Nous convenons également qu’une conséquence indirecte juridiquement pertinente est habituellement imposée par l’État, découle de la déclaration de culpabilité ou de la peine et touche des intérêts sérieux de l’accusé. Et, tout comme notre collègue, nous n’estimons pas nécessaire de définir la portée exacte de ces conséquences ou leurs caractéristiques pour les besoins du présent pourvoi. Toutefois, à notre avis, la formulation du deuxième volet par notre collègue pose problème sous deux rapports.

[Je souligne]

[19]      À notre avis, l’accusé qui souhaite retirer son plaidoyer de culpabilité doit prouver l’existence d’un préjudice au moyen d’un affidavit établissant la possibilité raisonnable qu’il aurait (1) enregistré un plaidoyer différent ou (2) plaidé coupable, mais à d’autres conditions. Cette façon de faire atteint ce que nous considérons être le juste équilibre entre le caractère définitif des plaidoyers de culpabilité et l’équité envers l’accusé.

[20]      S’agissant du premier type de préjudice — lorsque l’accusé aurait opté pour un procès et plaidé non coupable — il se présentera évidemment des situations où l’accusé n’aura que peu ou pas de chances d’avoir gain de cause à son procès, et que choisir de subir son procès n’est pour lui qu’une tentative de dernier recours. Mais de faibles chances d’avoir gain de cause au procès ne signifient pas forcément que l’accusé n’est pas sincère lorsqu’il affirme qu’il aurait enregistré un plaidoyer différent. Pour certains accusés, comme celui dans l’affaire Lee, la conséquence certaine, quoiqu’auparavant inconnue, d’une déclaration de culpabilité rendait intéressantes même de faibles chances d’avoir gain de cause à l’issue d’un procès. Dans un tel cas, et si la cour reconnaît la véracité de ses propos, l’accusé aura su prouver l’existence d’un préjudice et devrait être autorisé à retirer son plaidoyer.

[21]      Ce qui nous laisse le second type de préjudice — lorsque l’accusé aurait plaidé coupable, mais à d’autres conditions. Le fait qu’un accusé aurait plaidé coupable, mais à d’autres conditions, suffira à établir l’existence d’un préjudice si la cour arrive à la conclusion que l’accusé aurait insisté pour que son plaidoyer de culpabilité soit assorti de ces conditions et si cellesci auraient dissipé la totalité ou une partie des effets négatifs de la conséquence juridiquement pertinente. Nous n’avons pas la prétention d’énumérer toutes les conditions susceptibles de donner lieu à un préjudice si elles sont soulevées par l’accusé. Cellesci comprennent par contre à tout le moins le consentement à plaider coupable à une accusation réduite relativement à une infraction moindre et incluse, le retrait d’autres accusations, l’engagement du ministère public à ne pas donner suite à d’autres accusations ou la présentation d’une recommandation conjointe relative à la peine.

[…]

[23]      Nous notons incidemment que l’accusé n’est pas tenu de prouver un moyen de défense valable à l’égard de l’accusation dont il fait l’objet en vue de retirer un plaidoyer pour des motifs d’ordre procédural. [traduction] « [L]e préjudice réside dans le fait qu’en plaidant coupable, l’accusé a renoncé à son droit à un procès » (R. c. Rulli2011 ONCA 18, par. 2 (CanLII)). Exiger de l’accusé qu’il fasse état de la voie menant à son acquittement va à l’encontre de la présomption d’innocence et de la nature subjective de la décision de plaider coupable. L’accusé a parfaitement le droit de garder le silence, de ne présenter aucune défense et d’obliger le ministère public à s’acquitter de son fardeau de prouver sa culpabilité hors de tout doute raisonnable. Il serait insensé de permettre à un accusé de subir un procès en première instance sans avoir à présenter une quelconque défense tout en insistant sur une telle défense dans le cas du retrait d’un plaidoyer non éclairé qui renverrait l’affaire à procès. Même si la décision de subir un procès pourrait s’avérer malavisée ou même téméraire, nous ne cherchons pas à protéger l’accusé contre luimême. Nous cherchons plutôt à protéger le droit de l’accusé d’enregistrer un plaidoyer éclairé.

[…]

[26]      Même si son analyse porte principalement sur le choix subjectif de l’accusé, le tribunal n’a pas à accepter automatiquement la prétention de celuici. Comme c’est le cas pour toutes les conclusions sur la crédibilité, la prétention de l’accusé quant à savoir quel aurait été son choix subjectif et pleinement éclairé est appréciée en fonction de circonstances objectives. Le tribunal doit donc examiner attentivement la prétention de l’accusé et se pencher sur la preuve circonstancielle et objective permettant de mettre à l’épreuve la véracité de cette prétention au regard d’une norme de possibilité raisonnable. Figurent au nombre de ces facteurs la solidité du dossier du ministère public, les concessions ou déclarations faites par le ministère public au sujet de son dossier (notamment s’il s’est montré disposé à présenter une recommandation conjointe ou à réduire l’accusation à celle d’une infraction moindre et incluse) et tout moyen de défense pertinent que l’accusé pourrait faire valoir. Le tribunal pourrait aussi évaluer la solidité du lien de causalité entre le plaidoyer de culpabilité et la conséquence indirecte, c’estàdire examiner si l’élément déclencheur de la conséquence indirecte est la déclaration de culpabilité comme telle et non la durée de la peine. Plus précisément, lorsque la conséquence indirecte dépend de la durée de la peine — sans oublier qu’un plaidoyer de culpabilité atténue généralement la peine imposée —, le tribunal pourrait avoir des raisons de douter de la véracité de la prétention avancée par l’accusé.

[…]

[28]      Bien entendu, l’examen judiciaire de la prétention d’un accusé ne se fonde pas uniquement sur les circonstances objectives concomitantes au plaidoyer initial, puisque ces circonstances pourraient ne pas témoigner des préférences propres à l’accusé. Par conséquent, le tribunal de révision doit en outre mettre à l’épreuve la véracité des affirmations de l’accusé comme telles. Un tribunal pourrait conclure à juste titre que les préférences exprimées par un accusé sont crédibles et qu’elles établissent une possibilité raisonnable de préjudice en s’appuyant exclusivement sur le contenu de l’affidavit de l’accusé et sur le fait que ce dernier ne s’est pas compromis lors de son contreinterrogatoire.

[29]      Cependant, tout au long de la mise à l’épreuve de la prétention de l’accusé, il faut s’attacher à ce que l’accusé en cause — et seulement lui — aurait fait. Cette analyse subjective repose sur le caractère subjectif de la décision initiale d’enregistrer un plaidoyer. Puisque le plaidoyer de culpabilité initial exprime le jugement subjectif de l’accusé, il s’ensuit logiquement que le test permettant le retrait du plaidoyer porte lui aussi sur ce même jugement. Cette approche établit un juste équilibre entre l’intérêt qu’a la société dans le caractère définitif des plaidoyers de culpabilité et l’équité envers l’accusé en annulant son plaidoyer uniquement s’il avait procédé différemment.

[…]

[33]      Rappelons que le cadre d’analyse pour l’annulation d’un plaidoyer de culpabilité non éclairé comporte deux volets distincts : (1) l’accusé a été mal informé au sujet de renseignements pouvant avoir des conséquences suffisamment graves; (2) ce manque de renseignements donne lieu à un préjudice (motifs du juge Wagner, par. 44). Bien que cette distinction entre les deux volets se confonde parfois dans les motifs du juge LeBel dans Taillefer, à notre avis, l’interprétation la plus juste de ses motifs devrait conserver cette distinction.[29]

[24]      Pour cette même raison, nous sommes d’accord avec notre collègue que le cadre d’analyse de l’assistance inefficace de l’avocat n’est pas pertinent en l’espèce (motifs du juge Wagner, par. 60). Ce cadre d’analyse porte essentiellement sur la source de l’information erronée (ou incomplète) plutôt que sur l’information erronée ellemême. La source d’une information erronée n’entre pas en ligne de compte lorsque vient le temps d’examiner si cette information a donné lieu à un préjudice. Comme la juge Saunders l’a expliqué en Cour d’appel, l’erreur judiciaire survenue en l’espèce résulte de l’invalidité du plaidoyer de M. Wong (2016 BCCA 416, 342 C.C.C. (3d) 435, par. 24).[30]

[54]        Bref, une fois prouvée sa méconnaissance d’une conséquence indirecte, mais juridiquement pertinente, méconnaissance qui entache le caractère éclairé du plaidoyer, l’accusé doit donc également démontrer l’existence d’un préjudice en établissant la « possibilité raisonnable qu’[il aurait] soit (1) opté pour un procès et plaidé non coupable, soit (2) plaidé coupable, mais à d’autres conditions »[31]. Et, ajoutent les juges majoritaires dans Wong, « [p]our évaluer la véracité de cette prétention, les cours peuvent examiner des éléments de preuve concomitants et objectifs. L’analyse est donc subjective visàvis de l’accusé, mais permet d’évaluer objectivement la crédibilité de la prétention subjective avancée par l’accusé »[32].

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