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mercredi 23 juillet 2025

Les inférences raisonnables selon l’expérience humaine et le bon sens

R. c. St-Jean, 2025 QCCA 178

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[48]      Selon un principe de droit bien connu, les « inférences doivent être raisonnables compte tenu d’une appréciation logique de la preuve ou de l’absence de preuve, et suivant l’expérience humaine et le bon sens »[12].

[49]      À cet égard, le poursuivant souligne que le juge qui avait présidé l’enquête préliminaire, et appliqué le même critère juridique[13], avait renvoyé les coaccusés à procès à l’égard d’une accusation de meurtre au premier degré. Cet autre juge s’exprimait ainsi :

La jurisprudence reconnaît que l’identification, l’intention de tuer, ainsi que la préméditation et le propos délibéré peuvent être étayés par une preuve exclusivement circonstancielle. Par ailleurs, il va de soi que l’absence de mobile explicite n’est pas synonyme d’insuffisance de preuve de préméditation, de propos délibéré ou d’intention de tuer. En l’espèce, après l’analyse de toutes les circonstances, il est clair que la preuve circonstancielle est de nature à démontrer l’implication de messieurs François et St-Jean dans le meurtre de monsieur Belange. Par ailleurs, aux yeux du Tribunal, un jury pourrait assurément conclure qu’ils étaient tous les deux sur les lieux; qu’ils s’y sont rendus de manière concertée et planifiée; qu’ils avaient prévu de se munir d’une arme de poing avant de se rendre à cet endroit; et qu’ils avaient planifié de s’enfuir à bord du véhicule de fuite qui les attendait. Bien que le coup de feu fatal ait été tiré après que monsieur Belange eut tenté de repousser ses deux assaillants, la chronologie de tous les événements, la nature concertée des actions des personnes impliquées, ainsi que la rapidité d’exécution, sont des éléments importants, significatifs et probables qui sont de nature à étayer l’infraction de meurtre au premier degré. Ayant procédé à une évaluation limitée de la preuve au sens de l’arrêt Arcuri […] et tenant compte de toutes les circonstances étayées par la preuve présentée à l’enquête préliminaire, le Tribunal est d’avis qu’un jury pourrait conclure que les accusés ont commis le meurtre de monsieur Valery Belange avec préméditation et de propos délibéré.


 

[50]      Ainsi, deux juges d’expérience tirent des conclusions divergentes au sujet des inférences qu’une preuve essentiellement semblable permet d’étayer.

[51]      Que doit-on en conclure? Que suggère cette évaluation différentielle? Comment dénouer ce désaccord à l’égard des inférences qui peuvent être tirées et quels principes permettent de trancher ces questions?

[52]      Les auteurs de l’ouvrage The Law of Evidence examinent le défi que pose le recours à l’expérience humaine et au bon sens pour identifier les inférences raisonnables pouvant être tirées de la preuve. À mon avis, leurs observations esquissent la voie à suivre pour résoudre ce désaccord au sujet des inférences que la preuve est susceptible d’étayer :

We draw inferences based on human experience and “common sense.” Yet, not everyone has had the same experiences or sees the world the same way. This can create controversy about whether evidence logically supports the desired inference. In R v White, the Supreme Court of Canada split starkly because of this. Some judges found that the failure of the accused to hesitate before running away after his illegal handgun discharged was logically more consistent with an intentional shooting than with the accidental shooting that the accused claimed. Other judges found this inference to be entirely speculative. “It seems to me every bit as plausible to conclude,” said Binnie J, “that a person in possession of an illegal handgun that just shot a stranger – accidentally or otherwise – would run away as fast and as far as he could without any hesitation.”

In general, given the room for debate that exists on questions of logical relevance, there are numerous sage passages suggesting that triers of fact should be given access to information they may find helpful in resolving the factual issues, even if others would disagree. After all, triers of fact are to render decisions according to their oaths and their consciences, and they should have available to them all the information they may consider to be of importance. If an inference is not “speculative or unreasonable,” the relevance standard will be met even if a judge would not personally rely on the evidence were they the trier of fact. As La Forest J said in R v Corbett:

[A]t the stage of the threshold inquiry into relevancy, basic principles of the law of evidence embody an inclusionary policy. . . .

In the absence of cogent evidence establishing that evidence . . . is irrelevant . . . the fact that reasonable people may disagree about its relevance merely attests to the fact that unanimity in matters of common sense and human experience is unattainable.[14]

[Les soulignements sont ajoutés et les références omises]

[53]      Dans la mesure où les inférences favorables au poursuivant doivent être préférées et qu’il appartient généralement au juge des faits de tirer les inférences appropriées, j’estime que le juge du procès a commis une erreur en imposant un verdict d’acquittement par rapport à l’infraction de meurtre au premier degré.

[54]      À mon avis, le fait que deux juges aient tiré des conclusions différentes démontre indubitablement qu’il appartenait au jury de déterminer si la preuve établissait la culpabilité des coaccusés pour l’infraction de meurtre au premier degré.

La preuve circonstancielle & le verdict imposé (non-lieu)

R. c. St-Jean, 2025 QCCA 178

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[33]      Comme l’explique la Cour suprême dans l’arrêt Barros[5], lorsque le poursuivant conteste la décision d’un juge qui impose un verdict d’acquittement, la norme de la décision correcte s’applique et n’appelle aucune déférence envers la décision du juge :

[48]      Le juge ne peut imposer un verdict s’il existe un quelconque élément de preuve directe ou circonstancielle admissible qui, s’il était accepté par un jury correctement instruit agissant de manière raisonnable, justifierait une déclaration de culpabilité : R. c. Charemski1998 CanLII 819 (CSC), [1998] 1 R.C.S. 679, par. 14R. c. Bigras2004 CanLII 21267 (C.A. Ont.), par. 1017. La question de savoir si le critère juridique est satisfait eu égard aux faits est une question de droit qui ne commande pas, en appel, de déférence envers le juge du procès. Selon l’article 676 du Code criminel, le ministère public peut introduire un recours devant la cour d’appel si une erreur de droit a été commise.

[34]      Par ailleurs, le critère qui encadre la décision d’imposer un verdict d’acquittement est le même que celui que doit utiliser le juge présidant une enquête préliminaire :

21        La question que doit se poser le juge présidant l’enquête préliminaire aux termes du par. 548(1) du Code criminel est identique à celle que doit se poser le juge du procès saisi d’une requête de la défense en vue d’obtenir un verdict imposé, savoir « [s]’il existe ou non des éléments de preuve au vu desquels un jury équitable, ayant reçu des directives appropriées, pourrait conclure à la culpabilité » : Shephard, précité, p. 1080; voir également R. c. Monteleone1987 CanLII 16 (CSC), [1987] 2 R.C.S. 154, p. 160. Selon ce critère, le juge présidant l’enquête préliminaire doit renvoyer la personne inculpée pour qu’elle subisse son procès « chaque fois qu’il existe des éléments de preuve admissibles qui pourraient, s’ils étaient crus, entraîner une déclaration de culpabilité » : Shephard, p. 1080.[6]

[36]      La preuve soutenant la conclusion que le meurtre de la victime était prémédité et de propos délibéré était circonstancielle plutôt que directe.

[37]      La nature de la preuve a une incidence sur l’évaluation à laquelle procède le juge qui doit trancher une requête pour verdict dirigé d’acquittement. Même si ces principes sont bien connus, je renvoie à la formulation de ceux-ci dans l’arrêt Arcuri :

22           Le critère demeure inchangé qu’il s’agisse d’une preuve directe ou circonstancielle : voir Mezzo c. La Reine1986 CanLII 16 (CSC), [1986] 1 R.C.S. 802, p. 842843; Monteleone, précité, p. 161. La nature de la tâche qui incombe au juge varie cependant selon le type de preuve présenté par le ministère public. Lorsque les arguments du ministère public sont fondés entièrement sur une preuve directe, la tâche du juge est claire. Par définition, la seule conclusion à laquelle il faut arriver dans une affaire comme l’espèce, concerne la véracité de la preuve : voir Watt’s Manual of Criminal Evidence (1998), §8.0 ([TRADUCTION] « [l]a preuve directe est celle qui, si elle était crue, tranche la question en litige »); McCormick on Evidence (5e éd. 1999), p. 641; J. Sopinka, S. N. Lederman et A. W. Bryant, The Law of Evidence in Canada (2e éd. 1999), §2.74 (la preuve directe s’entend de la déposition d’un témoin quant au [TRADUCTION] « fait précis qui est au cœur du litige »). Il incombe au jury de dire s’il convient d’accorder foi à la preuve et jusqu’à quel point il faut le faire : voir Shephard, précité, p. 10861087. Donc, si le juge est d’avis que le ministère public a présenté une preuve directe à l’égard de tous les éléments de l’infraction reprochée, son travail s’arrête là. Si une preuve directe est produite à l’égard de tous les éléments de l’infraction, l’accusé doit être renvoyé à procès.

23           La tâche qui incombe au juge devient un peu plus compliquée lorsque le ministère public ne produit pas une preuve directe à l’égard de tous les éléments de l’infraction. Il s’agit alors de savoir si les autres éléments de l’infraction — soit les éléments à l’égard desquels le ministère public n’a pas présenté de preuve directe — peuvent raisonnablement être inférés de la preuve circonstancielle. Pour répondre à cette question, le juge doit nécessairement procéder à une évaluation limitée de la preuve, car la preuve circonstancielle est, par définition, caractérisée par un écart inférentiel entre la preuve et les faits à être démontrés — c’est-à-dire un écart inférentiel qui va audelà de la question de savoir si la preuve est digne de foi : voir Watts Manual of Criminal Evidenceop. cit., §9.01 (la preuve circonstancielle s’entend de [TRADUCTION] « tout élément de preuve, qu’il soit de nature testimoniale ou matérielle, autre que le témoignage d’un témoin oculaire d’un fait important. Il s’agit de tout fait dont l’existence peut permettre au juge des faits d’inférer l’existence d’un fait en cause »); McCormick on Evidenceop. cit., p. 641642 ([TRADUCTION] « la preuve circonstancielle [. . .] peut être de nature testimoniale, mais même si les circonstances décrites sont tenues pour vraies, il faut que le raisonnement soit plus poussé afin qu’il puisse mener à la conclusion souhaitée »). Par conséquent, le juge doit évaluer la preuve, en ce sens qu’il doit déterminer si celle-ci est raisonnablement susceptible d’étayer les inférences que le ministère public veut que le jury fasse. Cette évaluation est cependant limitée. Le juge ne se demande pas si, personnellement, il aurait conclu à la culpabilité de l’accusé. De même, le juge ne tire aucune inférence de fait, pas plus qu’il apprécie la crédibilité. Le juge se demande uniquement si la preuve, si elle était crue, peut raisonnablement étayer une inférence de culpabilité.

[38]      Dans l’ouvrage Watt’s Manual of Criminal Evidence, le juge Watt distille une définition fort utile de la preuve circonstancielle :

Circumstantial evidence is any item of evidence, testimonial or real, other than the testimony of an eyewitness to the material fact. It is any fact from the existence of which the trier of fact may infer the existence of a fact in issue. It is for the trial judge to determine whether circumstantial evidence is relevant.

Where evidence is circumstantial, it is critical to distinguish between inference and speculation. An inference is a deduction of fact that may logically and reasonably be drawn from another fact or group of facts found or otherwise established in the proceedings. There can be no inference without objective facts from which to infer the facts that a party seeks to establish. If there are no positive proven facts from which an inference may be drawn, there can be no inference, only impermissible speculation and conjecture.

In circumstantial evidence cases, three types of argument are made in support of relevance:

i.     prospectant;

ii.     concomitant; and

iii.     retrospectant.

Prospectant use of circumstantial evidence involves an argument that the past or previous occurrence of an act, state of mind, or state of affairs justifies an inference that a subsequent act was done, or a state of mind or affairs existed at the time that is material in the proceedings. Evidence of motive is an example.

Concomitant use of circumstantial evidence involves an argument that circumstances existing contemporaneously with the material transaction render the facts alleged by either of the parties more or less probable. Evidence of possession of the means or skill by which an offence was committed invokes this reasoning.

Retrospectant use of circumstantial evidence invokes reasoning that the subsequent occurrence of an act, state of mind, or state of affairs justifies an inference that the act was done, or state of affairs or mind existed in the past at the material time. Evidence of after-the-fact conduct is representative.[7]

[39]      En résumé, la preuve de la commission d’une infraction criminelle et de l’état d’esprit de l’accusé peut être établie par des éléments de preuve circonstancielle portant sur des faits qui précèdent sa commission, qui sont concomitants à celle-ci ou qui lui sont postérieurs.

La perquisition subreptice du contenu d'un ordinateur est permise sous l'égide du mandat général

Perron c. R., 2019 QCCS 5956

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[67]        Le requérant plaide que seul un mandat de perquisition en vertu de l’article 487 C. cr. et non un mandat général émis selon l’article 487.01 C. cr. devait être utilisé pour fouiller son poste de travail et, plus particulièrement, faire la copie miroir du disque dur de son ordinateur de travail.

[68]        Cet argument est séduisant, mais il ne tient pas compte du contexte subreptice nécessaire à l’exécution de cette tâche et que seul un mandat général pouvait autoriser.

[69]        Une telle entrée constitue une méthode d’enquête qui n’est pas permise par un mandat de perquisition[22] et elle est expressément prévue à l’article 487.01(5.1) C. cr.

[70]        Sans cette caractéristique, certaines instances ont déterminé que le mandat général n’était pas l’outil approprié pour copier le disque dur d’un ordinateur[23].

[71]        Le requérant soumet l’affaire Construction De Castel inc. c. Paré [24] où les agents de la paix ont exécuté une perquisition dans des locaux et effectué une copie de l’ensemble des données informatiques contenues dans les ordinateurs de l’entreprise, par le biais d’un mandat de perquisition (article 487 C. cr.).

[72]        Cependant, l’utilisation d’un mandat général plutôt qu’un mandat de perquisition n’était pas en litige dans cette affaire qui mettait plutôt en doute la suffisance des motifs spécifiés au mandat.

[73]        Il est ici question de déterminer si le type de mandat obtenu était juridiquement le bon.

[74]        La méthode d’enquête demandée comprenait la recherche de traces de périphériques utilisés dans l’ordinateur de la sergente-détective Turgeon et la présence  d’information sensible provenant du répertoire « Protégé C » par l’utilisation de mots clés.

[75]        La preuve révèle que la simple saisie des disques durs aurait pu nuire à l’enquête en cours et risquer de compromettre le résultat recherché, soit la découverte des renseignements confidentiels consultés.

[76]        Il est bien établi que les policiers ne peuvent demander l’émission d’un mandat général en vue de contourner l’exigence des motifs raisonnables requise pour l’émission d’un mandat de perquisition, même si le mandat général peut être émis concernant des infractions qui n’ont pas encore été commises et qu’il permet d’accomplir un acte dans le but de générer des renseignements au sujet d’une infraction[25].

[77]        La Cour suprême, dans l’arrêt R. c. Société TELUS Communications indique que « le pouvoir d’accorder un mandat général a un caractère résiduel et que son utilisation est interdite dans le cas ou une autre disposition du Code ou d’une autre loi fédérale permet à un juge d’autoriser l’utilisation du dispositif, de la technique ou de la méthode proposée ou encore l’accomplissement de l’acte envisagé» [26].

[78]        La Cour d’appel du Québec dans l’arrêt R. c. O’Reilly rappelle le cadre juridique de ce type d’autorisation judiciaire :

[71]   L’article 487.01 du Code criminel fait partie d’une série de dispositions en matière d’autorisation judiciaire édictées en 1993. Cet article fut incorporé au Code criminel pour répondre à l’arrêt R. c. Wong dans lequel la Cour suprême du Canada a conclu que la surveillance vidéo par les autorités policières d’activités qui se déroulent dans une chambre d’hôtel va à l’encontre de l’attente raisonnable d’une personne en matière de vie privée et nécessite ainsi une autorisation judiciaire préalable conformément à une disposition législative valide. La réponse du législateur, qui a pris la forme de l’article 487.01, allait au‑delà de la surveillance vidéo.  L’article a pour objectif de permettre l’obtention d’autorisations judiciaires à l’égard de toutes techniques ou méthodes non précisées dans le Code criminel.  Il habilite un juge à autoriser un policier à  utiliser un dispositif ou une technique ou une méthode d’enquête, ou à accomplir tout acte qui y est mentionné, qui constituerait sans cette autorisation une fouille, une perquisition ou une saisie abusive (…)[27] 

[Soulignement ajouté et références omises]

[79]        Dans la première demande d’autorisation judiciaire (505-26-015155-164), on énonçait ces motifs pour justifier l’émission d’un mandat général:

Le spécialiste en analyse judiciaire informatique m’explique les travaux qui seront effectués lors de l’exécution du mandat général à l’insu de l’utilisateur de ce poste de travail :

Une copie judiciaire (voir intégrale) sera effectuée du disque dur retrouvé dans le poste de travail utilisé par l’agent Perron (P31094) par un spécialiste en analyse judiciaire informatique.

Par la suite, le disque original sera replacé dans le poste de travail de façon à ne pas laisser de trace de notre passage.

Une recherche sera également faite pour retrouver la clé USB ayant le numéro de série 20120218120009 sur toutes les clés qui seront trouvées dans l’espace de travail de l’agent Perron ainsi que de retracer la présence de cette clé USB dans son poste de travail. Le spécialiste utilisera un logiciel et effectuera des recherches dans les clés de registre de l’ordinateur afin d’identifier les propriétés de la clé USB afin d’y retrouver le numéro de série.

Une recherche et une analyse seront par la suite effectuées sur la copie judiciaire effectuée du disque dur ainsi que toutes clés USB qui seront retrouvées sur les lieux afin de rechercher toutes traces de ladite clé USB en plus des fichiers mentionnés à l’annexe C ou tout autre document de type PROTEGE C ou sensible dont l’agent Perron n’avait pas accès légalement. Ces fichiers se retrouvent sous la forme de document Excel, PDF et Word.

[80]        La recherche menée à l’endroit du contenu de l’ordinateur de travail du requérant ne constituait pas une méthode d’enquête prévue ailleurs dans la loi puisqu’elle impliquait une intrusion subreptice dans l’ordinateur. Une telle méthode était justifiée dans un contexte impliquant la recherche d’une fuite d’information sensible dont l’utilisation pouvait être préjudiciable pour la sécurité du public.

[81]        Ces éléments sont conformes aux exigences propres à l’émission d’un mandat général et sont objectivement raisonnables dans les circonstances.

La procédure de contestation d’une autorisation judiciaire

Perron c. R., 2019 QCCS 5956 

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[59]        La Cour suprême, dans Groupe de la Banque mondiale c. Wallace, rappelle le cadre applicable aux contestations d’écoute électronique en citant, entre autres, R. c. Pires[13] et R. c. Araujo[14]. Ce cadre s’applique également aux autorisations judiciaires visant la saisie de biens. Voici un extrait pertinent :

 [120] En règle générale, il existe deux motifs de contestation d’une autorisation d’écoute électronique : le dossier dont disposait le juge qui a accordé l’autorisation ne permettait pas d’établir l’existence des conditions légales préalables, ou le dossier ne représentait pas fidèlement ce que le déposant savait ou aurait dû savoir et, s’il avait constitué un reflet fidèle, n’aurait pas justifié l’autorisation (R. c. Araujo2000 CSC 65 (CanLII)[2000] 2 R.C.S. 992, par. 50-54Pires, par. 41; voir également R. c. Grant1993 CanLII 68 (CSC)[1993] 3 R.C.S. 223, à propos de l’exclusion de renseignements obtenus de manière inconstitutionnelle et consignés dans les dénonciations en vue d’obtenir le mandat). En l’espèce, la contestation repose sur le deuxième motif (parfois appelée contestation au fond).

(…)

[123] Il importe de souligner, pour le tribunal appelé à examiner une contestation au fond, que le déposant ne peut faire abstraction des éléments donnant à penser que d’autres agents peuvent l’induire en erreur ou omettre des renseignements importants. Toutefois, en l’absence de tels signes, il n’a pas à mener sa propre enquête (R. c. Ahmed2012 ONSC 4893[2012] O.J. No. 6643 (QL), par. 47; voir aussi Pires, par. 41).[15]

[Soulignement ajouté]

[60]        La procédure de contestation d’une autorisation judiciaire est résumée de cette façon par la Cour d’appel du Québec dans R. c. O’Reilly :

[117]   Lorsque le ministère public souhaite présenter au procès un élément de preuve obtenu au moyen d’une fouille, perquisition ou saisie, l’accusé peut contester l’admissibilité de cet élément de preuve en se fondant, notamment, sur la Charte, comme c’est le cas en l’occurrence. Lors du voir-dire tenu afin de trancher cette contestation, l’admissibilité de l’élément de preuve obtenu grâce à la fouille, perquisition ou saisie sera généralement déterminée en fonction de deux considérationsLa première est la question de savoir si la fouille, perquisition ou saisie était abusive au sens de l’article 8 de la Charte. La deuxième est si l’admission de l’élément de preuve ainsi obtenu déconsidérerait l’administration de la justice et s’il devrait, par conséquent, être écarté en vertu du paragraphe 24(2) de la Charte.

[118]   Lorsque la fouille, saisie ou perquisition est effectuée par une autorité policière sans autorisation judiciaire, du moment que l’accusé démontre que l’élément de preuve fut obtenu ainsi sans cette autorisation, il incombe alors au ministère public d'établir, selon la prépondérance des probabilités, que la fouille, perquisition ou saisie n’était pas abusive.

[119]   Puisque l’autorisation judiciaire bénéficie d’une présomption de validité lorsque, comme c’est le cas en l’espèce, la fouille, perquisition ou saisie est effectuée sous une autorisation judiciaire, le ministère public n’a qu’à produire l’autorisation judiciaire en cause, lors du voir-dire, pour en établir la validité à première vue. Comme le signalait la juge Charron dans R. c. Pires, il s’agit là simplement d’un fardeau de présentation, («evidentiary burden»), et non d’un fardeau de persuasion,  («persuasive burden»).

[120]   Une fois l’autorisation judiciaire présentée, il appartient alors à l’accusé d’en établir l’invalidité par prépondérance de preuve[52] dans le cadre du voir-dire. Cela peut s’effectuer de deux façons : soit l’accusé conteste la validité apparente («Facial validity») de l'autorisation, soit il s’attaque à la validité au fond («sub-facial validity») de celle-ci. Dans l’un ou l’autre cas, c’est l’accusé qui assume le fardeau d’établir l’invalidité de l'autorisation judiciaire. Ainsi, dans Laroche, le juge LeBel affirme clairement que l’accusé assume le fardeau de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que l’autorisation judiciaire n’aurait pas dû être accordée, y compris lorsque l’accusé « se content[e] d’attaquer la décision d’autorisation et la suffisance des preuves soumises à son soutien comme les affidavits », ce qui correspond à une contestation visant la validité apparente du mandat.

[121]   La révision de la validité apparente («facial validity») s’attarde principalement à la question de la validité de l’autorisation judiciaire en examinant la dénonciation sous serment à son soutien afin de déterminer si, à première vue, elle contient des éléments suffisants permettant de la décerner. La contestation de la validité apparente (« facial validity ») de l’autorisation judiciaire se fait donc à même les arguments des avocats portant tant sur la facture de l’autorisation que sur la dénonciation assermentée à son soutien afin de persuader le juge réviseur que les critères juridiques requis n’étaient pas réunis lorsque celle-ci fut délivrée.

[122]   La contestation de la validité au fond («sub-facial validity») de l’autorisation judiciaire s’attaque plutôt à la fiabilité des allégations contenues à la déclaration sous serment à son soutien. Voilà pourquoi une telle contestation requiert généralement l’administration d’une preuve dans le cadre du voir-dire. [16] 

[Soulignement ajouté et références omises]

[61]        La Cour d’appel d’Ontario, dans R. v. Prosser, indique que le juge réviseur doit analyser la dénonciation au soutien du mandat dans son ensemble puisque chacun des éléments factuels peut « colorer » les autres :

[16]   To determine whether this precondition has been established, the issuing justice is to consider the ITO as a whole, not one piece at a time, because each piece of evidence colours other pieces of evidence revealing a fuller and truer picture only through a consideration of the evidence as a whole: Re Church of Scientology & The Queen (No. 6) (1987), 31 C.C.C. (3d) 449 (Ont. C.A.), at p. 502Le, at para. 36. The examination of the information as a whole is to be carried out in a practical, non-technical and common sense basis. The issuing justice is also permitted to draw inferences.

(…)

[18]   Fourth, the issuing justice and reviewing judge were both entitled to rely upon the opinion of the author of the ITO about the practices of drug dealers in connection with the storage of drugs, firearms and assorted paraphernalia. That these opinions, if proffered at trial, would fall foul of the prohibition against anecdotal evidence adumbrated in R. v. Sekhon2014 SCC 15 (CanLII), at para. 50, is beside the point. The contents of an ITO need not be compliant with the rules of evidence applicable at trial. After all, neither issuance of a search warrant nor a Garofoli review hearing is intended to test the merits of any of the Crown’s allegations in respect of the offence. That is done at the trial:  R. v. PiresR. v. Lising2005 SCC 66 (CanLII), at para. 30.[17]

[Soulignement ajouté]

[62]        La Cour suprême rappelle, dans R. c. Araujo, que le juge siégeant en révision doit déterminer «s’il existait des renseignements fiables suffisants, c’est-à-dire des renseignements auxquels on pouvait raisonnablement ajouter foi pour accorder l’autorisation »[18].

[63]        Si des informations sont inexactes, elles doivent être écartées, mais si elles résultent d’une simple erreur de bonne foi, l’amplification sera permise afin de rétablir les faits[19].

[64]        L’amplification consiste en la présentation de nouvelles preuves lors du voir‑dire et vise à corriger les inexactitudes dans la dénonciation. Il s’agit d’une procédure à portée étroite puisqu’elle ne peut être utilisée comme « un moyen de se soustraire aux conditions de l’autorisation préalable ». Elle vise donc à corriger des erreurs mineures[20].

[65]        Enfin, si après avoir retranché les éléments inexacts de la dénonciation, ou de l’avoir amplifié d’une nouvelle preuve, le juge réviseur est convaincu du bien-fondé de l’autorisation judiciaire, il peut tout de même l’invalider dans les cas où les gestes de l’affiant constituent une conduite abusive dont le système de justice devrait se dissocier[21].

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

Les déclarations d'un accusé à son complice ne sont pas du ouï-dire

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