Ayotte c. R., 2009 QCCA 1975 (CanLII)
[19] Dans l'arrêt Regan, la Cour suprême souligne que la suspension des procédures constitue la forme de réparation qui présente le caractère le plus draconien. Il s'agit de l'« ultime réparation »; cette forme de réparation est réservée aux « cas les plus manifestes » d'abus de procédure judiciaire (paragr. 53).
[20] La suspension des procédures s'avère appropriée uniquement lorsque deux critères sont remplis : « (1) le préjudice causé par l'abus sera révélé, perpétué ou aggravé par le déroulement du procès ou par son issue » et « (2) aucune autre réparation ne peut raisonnablement faire disparaître ce préjudice » (paragr. 54).
[21] La Cour rappelle ensuite l'importance capitale du premier critère, ajoutant que ce critère vise à la fois les cas qui touchent l'équité du procès et ceux, beaucoup moins nombreux, qui minent la justice fondamentale du système (paragr. 55).
[22] La Cour ajoute que, s'il subsiste un degré d'incertitude quant à savoir si l'abus est suffisamment grave pour justifier l'arrêt des procédures, le juge appliquera un troisième critère, celui qui consiste à mettre en balance les intérêts que servirait la suspension des procédures et l'intérêt qui représente pour la société un jugement définitif statuant sur le fond (paragr. 57).
[24] Le juge constate tout d'abord que le fait que l'appelant a été détenu illégalement et arbitrairement pendant quelques heures n'aura pas d'impact sur l'équité de son procès; il conclut ensuite au caractère ponctuel et conjoncturel de la violation et donc, à l'absence d'une atteinte à l'intégrité du système de justice.
[25] En somme, selon le juge de première instance, les droits de l'appelant aux termes du paragraphe 503(1) C.cr. ont été violés en raison de la négligence et du laxisme – mais sans mauvaise foi de leur part – des policiers et des agents des Services correctionnels qui en avaient la charge à compter de son arrestation; la violation ne présente donc pas le caractère systémique qui aurait permis de conclure à l'érosion du système de justice et donc, à la nécessité d'un message clair à l'intention de ceux et celles qui en ont la responsabilité.
[27] Ceci étant, je reconnais que, sur le plan de la logique formelle, l'appelant a raison de dire que l'analyse visant à déterminer si l'arrêt des procédures constitue la réparation appropriée doit commencer par un examen du premier critère. En effet, il est plus logique d'identifier la nature du préjudice (individuel ou collectif) et d'en bien mesurer l'ampleur et les conséquences avant de décider si une autre réparation que l'arrêt des procédures peut faire disparaître « ce préjudice ». L'erreur du premier juge, si tant est qu'il s'agisse d'une erreur, est ici sans conséquence. Il me semble clair qu'il s'est posé les bonnes questions, et dans le bon ordre, dans son examen de la réparation appropriée et que la façon choisie par lui pour exprimer par la suite son raisonnement, oralement, est sans conséquence (R. c. C.L.Y., 2008 CSC 2 (CanLII), [2008] 1 R.C.S. 5, paragr. 7).
[28] L'argument voulant qu'en l'absence de toute explication justifiant la violation du droit de l'appelant de comparaître « sans retard injustifié » après son arrestation ou, à tout le moins, dans un délai maximal de 24 heures, le juge de première instance ne pouvait conclure que la situation à l'origine de la violation était ponctuelle, ne peut être retenu.
[29] D'une part, il appartient à l'accusé de faire la preuve que la violation dont il est victime touche à l'équité de son procès ou mine l'intégrité du système de justice.
[30] D'autre part, l'argument concerne l'appréciation de la preuve; or, après avoir entendu les policiers témoigner, le juge de première instance a conclu que la situation de l'appelant était ponctuelle et conjoncturelle, attribuable certes à leur laxisme et à leur négligence, mais sans mauvaise foi de leur part.
[31] L'argument voulant que la détention prolongée de l'appelant ait porté atteinte à l'équité des procédures menées contre lui en raison de la déclaration incriminante qu'il a alors faite ne peut pas être retenu.
[32] D'une part, l'argument est nouveau, il n'a jamais été soulevé devant le juge de première instance.
[33] D'autre part, la déclaration a été produite de consentement au procès (et de nouveau, quelques mois plus tard, lors de l'audience relative à la détermination de la peine), l'appelant en reconnaissant chaque fois le caractère libre et volontaire.
[34] Enfin, selon les enseignements de la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Regan, la décision d'arrêter les procédures ou de les laisser se poursuivre en dépit de la violation de l'un ou l'autre des droits constitutionnels de l'accusé relève du pouvoir discrétionnaire du juge au procès et ne devrait être modifiée que si elle est fondée sur des considérations erronées en droit ou si elle est erronée au point de créer une injustice (paragr. 117-118). Ce n'est pas le cas ici.
*** Voir au même effet Malhi c. R., 2006 QCCA 338 (CanLII) ***
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mercredi 11 août 2010
Dans le cadre de la détermination de la peine, l'absence de remords est un élément neutre qui ne doit aucunement entraîner une peine plus sévère que celle qui serait autrement appropriée
Gavin c. R., 2009 QCCA 1 (CanLII)
[25] S'il est reconnu que les remords constituent un facteur atténuant qui, tout comme le plaidoyer de culpabilité, peut justifier une peine plus clémente, l'absence de remords est une question plus épineuse. L'auteur François Dadour écrit, dans De la détermination de la peine : principes et applications, LexisNexis Canada Inc., Markham, 2007,à la page 102 :
Si les remords et les regrets du contrevenant sont clairement un facteur atténuant, cela ne signifiera pas nécessairement que leur absence sera un facteur aggravant. Bien que l'on retrouve, dans la jurisprudence, diverses conclusions à l'effet que le contrevenant n'affiche aucun remords, il demeure généralement reconnu que l'absence de remords simpliciter n'est pas nécessairement un facteur aggravant.
[26] La plupart des auteurs et la jurisprudence majoritaire de cette Cour considèrent que l'absence de remords ne peut constituer, en soi, un facteur aggravant pouvant justifier une peine plus sévère. L'on peut consulter à cet égard, entre autres,(références omises). D'autres cours d'appel ont exprimé un avis similaire : (références omises). Il faut toutefois souligner que d'autres arrêts concluent différemment : (références omises).
[27] En réalité, quoique l'absence de remords puisse être retenue contre un accusé qui recherche une peine plus clémente ou une peine avec sursis : R. c. R.N.S., 2000 CSC 7 (CanLII), [2000] 1 R.C.S. 149; R. c. Deragon, REJB 2003-48226 (C.A.); R. c. Beaudry, précité, notamment parce que cela peut démontrer qu'il y a peu d'espoir de réhabilitation et donc laisser subsister un risque de récidive : R. c. Maheu, 1997 CanLII 10356 (QC C.A.), [1997] R.J.Q. 410 (C.A.), un tribunal ne peut reprocher à un accusé d'avoir exigé la tenue d'un procès ou de continuer à nier sa culpabilité, et encore moins lorsqu'un appel du verdict a été interjeté : (références omises).
[28] Il faut également mentionner que la manière de conduire la défense n'est généralement pas pertinente à la détermination de la peine et ne peut constituer une circonstance aggravante pouvant autoriser une peine plus sévère que celle qui est autrement appropriée, qu'il s'agisse de menaces proférées à des témoins de la poursuite [(références omises).
[29] Force est donc de conclure que, même si certains arrêts retiennent l'absence de remords à titre de circonstance aggravante, la tendance majoritaire consiste à la considérer comme un élément neutre qui ne doit aucunement entraîner une peine plus sévère que celle qui serait autrement appropriée. De même, la mauvaise conduite de la défense ne saurait justifier une peine plus sévère puisque cela consisterait à punir l'accusé pour une infraction dont il n'a pas été reconnu coupable. Comme l'écrit le juge Rowles, dans R. v. Zeek, précité :
[22] It is well settled that the misconduct of an accused at trial cannot be treated as an aggravating factor attracting an additional sentence. That follows from the basic proposition that an accused person should not be sentenced for a crime with which he has not been charged and convicted.
[30] C'est également l'opinion exprimée par le juge Beauregard dans R. c. Beauchamp, précité :
[97] […] En effet, même si le juge jouit d'un pouvoir discrétionnaire pour compter en double le temps de la détention provisoire, je suis d'avis que le moyen utilisé par le juge fait que, comme en l'espèce, l'accusé est puni, non pas pour le crime qu'il a commis, mais pour le crime qu'il a commis et sa conduite abusive lors de l'instruction. Désirant contester en appel la conclusion du juge selon laquelle il se serait mal comporté lors de l'instruction, l'accusé ne pourrait exercer son droit d'appel qu'à l'intérieur d'un pourvoi contre la sentence. Cette façon de faire compliquerait la situation tant pour l'accusé que pour la Cour d'appel, laquelle, à l'intérieur d'un pourvoi contre une sentence, serait appelée à déterminer la «culpabilité» de la conduite répréhensible alléguée par le juge.
[25] S'il est reconnu que les remords constituent un facteur atténuant qui, tout comme le plaidoyer de culpabilité, peut justifier une peine plus clémente, l'absence de remords est une question plus épineuse. L'auteur François Dadour écrit, dans De la détermination de la peine : principes et applications, LexisNexis Canada Inc., Markham, 2007,à la page 102 :
Si les remords et les regrets du contrevenant sont clairement un facteur atténuant, cela ne signifiera pas nécessairement que leur absence sera un facteur aggravant. Bien que l'on retrouve, dans la jurisprudence, diverses conclusions à l'effet que le contrevenant n'affiche aucun remords, il demeure généralement reconnu que l'absence de remords simpliciter n'est pas nécessairement un facteur aggravant.
[26] La plupart des auteurs et la jurisprudence majoritaire de cette Cour considèrent que l'absence de remords ne peut constituer, en soi, un facteur aggravant pouvant justifier une peine plus sévère. L'on peut consulter à cet égard, entre autres,(références omises). D'autres cours d'appel ont exprimé un avis similaire : (références omises). Il faut toutefois souligner que d'autres arrêts concluent différemment : (références omises).
[27] En réalité, quoique l'absence de remords puisse être retenue contre un accusé qui recherche une peine plus clémente ou une peine avec sursis : R. c. R.N.S., 2000 CSC 7 (CanLII), [2000] 1 R.C.S. 149; R. c. Deragon, REJB 2003-48226 (C.A.); R. c. Beaudry, précité, notamment parce que cela peut démontrer qu'il y a peu d'espoir de réhabilitation et donc laisser subsister un risque de récidive : R. c. Maheu, 1997 CanLII 10356 (QC C.A.), [1997] R.J.Q. 410 (C.A.), un tribunal ne peut reprocher à un accusé d'avoir exigé la tenue d'un procès ou de continuer à nier sa culpabilité, et encore moins lorsqu'un appel du verdict a été interjeté : (références omises).
[28] Il faut également mentionner que la manière de conduire la défense n'est généralement pas pertinente à la détermination de la peine et ne peut constituer une circonstance aggravante pouvant autoriser une peine plus sévère que celle qui est autrement appropriée, qu'il s'agisse de menaces proférées à des témoins de la poursuite [(références omises).
[29] Force est donc de conclure que, même si certains arrêts retiennent l'absence de remords à titre de circonstance aggravante, la tendance majoritaire consiste à la considérer comme un élément neutre qui ne doit aucunement entraîner une peine plus sévère que celle qui serait autrement appropriée. De même, la mauvaise conduite de la défense ne saurait justifier une peine plus sévère puisque cela consisterait à punir l'accusé pour une infraction dont il n'a pas été reconnu coupable. Comme l'écrit le juge Rowles, dans R. v. Zeek, précité :
[22] It is well settled that the misconduct of an accused at trial cannot be treated as an aggravating factor attracting an additional sentence. That follows from the basic proposition that an accused person should not be sentenced for a crime with which he has not been charged and convicted.
[30] C'est également l'opinion exprimée par le juge Beauregard dans R. c. Beauchamp, précité :
[97] […] En effet, même si le juge jouit d'un pouvoir discrétionnaire pour compter en double le temps de la détention provisoire, je suis d'avis que le moyen utilisé par le juge fait que, comme en l'espèce, l'accusé est puni, non pas pour le crime qu'il a commis, mais pour le crime qu'il a commis et sa conduite abusive lors de l'instruction. Désirant contester en appel la conclusion du juge selon laquelle il se serait mal comporté lors de l'instruction, l'accusé ne pourrait exercer son droit d'appel qu'à l'intérieur d'un pourvoi contre la sentence. Cette façon de faire compliquerait la situation tant pour l'accusé que pour la Cour d'appel, laquelle, à l'intérieur d'un pourvoi contre une sentence, serait appelée à déterminer la «culpabilité» de la conduite répréhensible alléguée par le juge.
Les facteurs atténuants ne peuvent atténuer l'importance et la gravité des gestes posés. Il faut se demander s'ils peuvent atténuer la peine
Roy c. R., 2010 QCCA 16 (CanLII)
[49] Par conséquent, selon le juge, les facteurs atténuants, qu'il a pourtant retenus, n'atténuent aucunement la gravité des gestes et, malgré leur nombre et leur importance, ils ne font pas le poids face à la violence exercée par l'appelant. Ce faisant, le juge de première instance punit uniquement le crime en ne tenant pas compte des caractéristiques de l'appelant et commet, à mon avis, les erreurs suivantes : une erreur de droit, en n'individualisant pas la peine (art. 718.1 et 718.2 (a) C.cr.), et une erreur de principe en omettant de considérer véritablement un facteur pertinent (les facteurs atténuants) et en insistant indûment sur d'autres facteurs, c'est-à-dire les circonstances de la perpétration de l'infraction et les objectifs de dénonciation et de dissuasion.
[52] Il est vrai que ces facteurs atténuants ne peuvent atténuer l'importance et la gravité des gestes posés : ce qui est fait est fait. Mais là n'est pas la question. Il faut plutôt se demander s'ils peuvent atténuer la peine. Implicitement, le juge répond non. J'estime qu'il devait davantage en tenir compte et leur accorder un poids plus élevé, sinon cela équivaudrait, ici, à nier leur existence. (...)
[49] Par conséquent, selon le juge, les facteurs atténuants, qu'il a pourtant retenus, n'atténuent aucunement la gravité des gestes et, malgré leur nombre et leur importance, ils ne font pas le poids face à la violence exercée par l'appelant. Ce faisant, le juge de première instance punit uniquement le crime en ne tenant pas compte des caractéristiques de l'appelant et commet, à mon avis, les erreurs suivantes : une erreur de droit, en n'individualisant pas la peine (art. 718.1 et 718.2 (a) C.cr.), et une erreur de principe en omettant de considérer véritablement un facteur pertinent (les facteurs atténuants) et en insistant indûment sur d'autres facteurs, c'est-à-dire les circonstances de la perpétration de l'infraction et les objectifs de dénonciation et de dissuasion.
[52] Il est vrai que ces facteurs atténuants ne peuvent atténuer l'importance et la gravité des gestes posés : ce qui est fait est fait. Mais là n'est pas la question. Il faut plutôt se demander s'ils peuvent atténuer la peine. Implicitement, le juge répond non. J'estime qu'il devait davantage en tenir compte et leur accorder un poids plus élevé, sinon cela équivaudrait, ici, à nier leur existence. (...)
mardi 10 août 2010
Le moment de l'infraction est-il un élément essentiel de l'infraction devant être spécifié dans le chef d'accusation?
R. c. B. (G.), [1990] 2 R.C.S. 30
À mon avis, les conclusions suivantes ressortent de la jurisprudence et de la doctrine:
1.Bien que le moment de l'infraction doive être précisé dans une dénonciation pour donner à un accusé des renseignements raisonnables sur les accusations portées contre lui et lui permettre de présenter une défense pleine et entière et d'avoir un procès équitable, le moment exact n'a pas à être précisé. Toutefois, les circonstances individuelles d'une affaire donnée peuvent rendre nécessaire une plus grande précision quant au moment de l'infraction, par exemple, s'il n'y a peu d'autres informations factuelles qui permettraient d'identifier l'acte reproché.
2.Si le moment précisé dans la dénonciation ne correspond pas à la preuve et que la date de l'infraction ne constitue pas un élément essentiel de l'infraction ou un élément crucial pour la défense, la divergence n'est pas importante et la dénonciation ne doit pas être annulée.
3.Si la preuve est contradictoire quant au moment de l'infraction ou que la date de l'infraction ne peut être établie avec précision, il n'est pas nécessaire d'annuler la dénonciation et une déclaration de culpabilité peut être prononcée, pourvu que le moment de l'infraction ne soit pas un élément essentiel de l'infraction ou un élément crucial pour la défense.
4.Si le moment de l'infraction ne peut être déterminé et qu'il constitue un élément essentiel de l'infraction ou un élément crucial pour la défense, une déclaration de culpabilité ne peut être maintenue.
À mon avis, les conclusions suivantes ressortent de la jurisprudence et de la doctrine:
1.Bien que le moment de l'infraction doive être précisé dans une dénonciation pour donner à un accusé des renseignements raisonnables sur les accusations portées contre lui et lui permettre de présenter une défense pleine et entière et d'avoir un procès équitable, le moment exact n'a pas à être précisé. Toutefois, les circonstances individuelles d'une affaire donnée peuvent rendre nécessaire une plus grande précision quant au moment de l'infraction, par exemple, s'il n'y a peu d'autres informations factuelles qui permettraient d'identifier l'acte reproché.
2.Si le moment précisé dans la dénonciation ne correspond pas à la preuve et que la date de l'infraction ne constitue pas un élément essentiel de l'infraction ou un élément crucial pour la défense, la divergence n'est pas importante et la dénonciation ne doit pas être annulée.
3.Si la preuve est contradictoire quant au moment de l'infraction ou que la date de l'infraction ne peut être établie avec précision, il n'est pas nécessaire d'annuler la dénonciation et une déclaration de culpabilité peut être prononcée, pourvu que le moment de l'infraction ne soit pas un élément essentiel de l'infraction ou un élément crucial pour la défense.
4.Si le moment de l'infraction ne peut être déterminé et qu'il constitue un élément essentiel de l'infraction ou un élément crucial pour la défense, une déclaration de culpabilité ne peut être maintenue.
lundi 9 août 2010
Exemple jurisprudentiel où la présomption de garde et contrôle prévue à l'article 258 (1)a) a été réfutée par l'accusé qui a démontré par prépondérance de preuve son absence d'intention de mettre le véhicule en mouvement
R. c. Farcy, 2010 QCCQ 5764 (CanLII)
[13] Après avoir observé l'accusée lors de son témoignage, le Tribunal estime que cette dernière s'est déchargée de son fardeau de repousser par la balance des probabilités la présomption prévue à l'article 258 (1)a) du Code criminel. En effet, le Tribunal croit l'accusée lorsqu'elle affirme qu'elle n'avait pas l'intention de conduire le véhicule à moteur puisqu'elle se trouvait chez elle et qu'elle ne connaît personne à Victoriaville. D'ailleurs, cette preuve n'est pas contredite.
[14] Quant à l'élément de garde ou de contrôle d'un véhicule à moteur, le Tribunal est d'avis qu'il n'y a pas dans la présente cause de risque réaliste que l'accusée mette le véhicule en mouvement de telle sorte qu'il puisse devenir dangereux. En ce sens, le Tribunal conclut que sa défense soulève un doute raisonnable.
[15] Dans l'arrêt Olivier, la Cour d'appel dit ceci:
« Même si, en toute théorie, l'intimé aurait pu, avant de s'endormir ou en se réveillant, décider plus ou moins consciemment de faire rouler la voiture, le juge Caron pouvait, sans commettre une erreur de droit, conclure qu'en réalité, dans l'espèce en cause, « il n'y avait aucun risque que l'intimé mette la voiture en marche ». La proposition de l'appelante suivant laquelle le fait pour un conducteur d'être assis derrière le volant d'une voiture, avec la clé dans le contact, entraîne nécessairement la conclusion que ce conducteur a le contrôle de la voiture est trop absolue: dans la très grande majorité des situations on pourra conclure que c'est le cas, mais, devant un jeu de circonstances donné, le tribunal pourra, sans errer en droit, conclure que ce n'est pas le cas. »
[16] Plusieurs décisions comportant des faits similaires à ceux que l'on retrouve en l'espèce ont été rendues postérieurement à cet arrêt de la Cour d'appel. Dans l'ensemble, ces autorités reconnaissent la nécessité pour la poursuite de démontrer un risque réaliste que le véhicule soit mis en mouvement de façon à constituer un danger pour le public et non un risque purement théorique.
[17] Ainsi, dans l'arrêt Decker, l'accusé avait l'habitude de garer sa voiture chez un ami, de se rendre en taxi au centre-ville de St-John puis de revenir en taxi passer la nuit chez ce même ami pour finalement retourner chez lui le lendemain. La nuit en question, au retour de sa sortie au centre-ville de St-John, son ami est absent de telle sorte qu'il ne peut entrer dans sa résidence. Il démarre le moteur de sa voiture avec un démarreur à distance sachant que celui-ci fonctionnera environ quinze minutes, met les clés dans le dispositif d'allumage sans tourner celle-ci à la position marche, met le frein à main et tente de joindre son ami. Après trois appels infructueux, il se couche sur le siège avant et s'endort. Il est en état d'ébriété avancé. Les policiers le trouvent ainsi dans sa voiture, le moteur étant toujours en marche.
[18] La Cour d'appel de Terre-Neuve a conclu que l'accusé n'avait pas l'intention de conduire le véhicule et qu'il n'y avait aucun risque que celui-ci soit mis en mouvement. La permission d'en appeler de cette décision fut refusée par la Cour suprême.
[19] Dans l'arrêt Marcotte, l'accusé revient chez lui alors qu'il est en état d'ébriété. Sa conjointe lui intime l'ordre, comme elle l'avait déjà fait dans le passé, d'aller dormir dans son automobile pour retrouver sa sobriété et ensuite retourner à son domicile. L'accusé se couche sur la banquette avant et quelque temps après, il fait démarrer son véhicule pour ne pas avoir froid. La Cour supérieure a prononcé un acquittement annulant ainsi le verdict de culpabilité prononcé en première instance.
[20] Au paragraphe 16, le juge Béliveau dit ceci :
« En fait, si on devait conclure que l'appelant avait la garde et le contrôle de son véhicule dans la présente affaire, cela impliquerait qu'il en serait ainsi à toutes les fois qu'un accusé est sur la banquette avant d'une automobile et qu'il en a allumé le contact, sans examiner davantage les circonstances. Cela serait contraire à l'enseignement de notre Cour d'appel. »
[21] Dans la décision R c. Beaupré, l'accusée gare en pleine nuit son véhicule non loin d'un centre de thérapie dans le but d'y être admise en cure fermée le lendemain matin. Elle consomme des boissons alcooliques puis s'endort au volant de sa voiture. Les clés sont dans le dispositif d'allumage. C'est dans cette position que les policiers la trouvent quelques heures plus tard. Après avoir constaté que l'accusée avait l'intention bien arrêtée d'être admise le lendemain en thérapie, le tribunal a conclu qu'elle avait repoussé la présomption prévue à l'article 258(1)a) et que la poursuite ne s'était pas déchargée de son fardeau de démontrer hors de tout doute raisonnable qu'elle avait la garde ou le contrôle du véhicule à moteur.
[22] Le Tribunal estime que l’attitude de l'accusée de même que l'intervention des policiers durant la soirée démontrent que cette dernière s’est servie de son automobile dans le but de se réfugier puisqu'elle avait été expulsée de sa résidence et que si le moteur était en marche, c'est qu’elle voulait se réchauffer. Il n'y avait aucun risque qu'elle mette le véhicule en mouvement. Dans les circonstances, la situation n'était pas susceptible de devenir dangereuse.
[23] De plus, il faut rappeler que l'accusée n'a pas conduit sa voiture au préalable, ce qui aurait pu évidemment démontrer un élément de contrôle ou une intention quelconque de mettre éventuellement le véhicule en mouvement.
[24] Également, l'accusée, à la différence de plusieurs décisions rendues en pareille matière, était chez elle. Elle ne pouvait aller nulle part ailleurs. Sa version selon laquelle elle ne projetait pas de partir pour Drummondville en pleine nuit est crédible. Du reste, s'il faut reconnaître qu'il y avait un risque qu'elle change d'idée à ce sujet, celui-ci est très hypothétique.
[25] Par surcroît, pour mettre le véhicule en mouvement, l'accusée devait désengager le frein à main et réussir à sortir de l'abri d'auto sans être vue par Labonté dont elle se cachait. Il n'est pas contredit qu'elle avait des raisons de le craindre ce soir-là compte tenu de la violence dont elle a été victime par le passé.
[26] Enfin, si l'accusée avait voulu quitter les lieux avec la voiture, elle l'aurait sûrement fait avant de s'endormir. De toute évidence, elle ne savait pas que Labonté l'avait vue et encore moins que ce dernier avait contacté les policiers. Elle se croyait en sécurité dans sa voiture. Elle ne représentait pas un danger pour le public.
[27] Conséquemment, le Tribunal estime que la poursuite ne s'est pas déchargée de son fardeau de démontrer hors de tout doute raisonnable la culpabilité de l'accusée.
[13] Après avoir observé l'accusée lors de son témoignage, le Tribunal estime que cette dernière s'est déchargée de son fardeau de repousser par la balance des probabilités la présomption prévue à l'article 258 (1)a) du Code criminel. En effet, le Tribunal croit l'accusée lorsqu'elle affirme qu'elle n'avait pas l'intention de conduire le véhicule à moteur puisqu'elle se trouvait chez elle et qu'elle ne connaît personne à Victoriaville. D'ailleurs, cette preuve n'est pas contredite.
[14] Quant à l'élément de garde ou de contrôle d'un véhicule à moteur, le Tribunal est d'avis qu'il n'y a pas dans la présente cause de risque réaliste que l'accusée mette le véhicule en mouvement de telle sorte qu'il puisse devenir dangereux. En ce sens, le Tribunal conclut que sa défense soulève un doute raisonnable.
[15] Dans l'arrêt Olivier, la Cour d'appel dit ceci:
« Même si, en toute théorie, l'intimé aurait pu, avant de s'endormir ou en se réveillant, décider plus ou moins consciemment de faire rouler la voiture, le juge Caron pouvait, sans commettre une erreur de droit, conclure qu'en réalité, dans l'espèce en cause, « il n'y avait aucun risque que l'intimé mette la voiture en marche ». La proposition de l'appelante suivant laquelle le fait pour un conducteur d'être assis derrière le volant d'une voiture, avec la clé dans le contact, entraîne nécessairement la conclusion que ce conducteur a le contrôle de la voiture est trop absolue: dans la très grande majorité des situations on pourra conclure que c'est le cas, mais, devant un jeu de circonstances donné, le tribunal pourra, sans errer en droit, conclure que ce n'est pas le cas. »
[16] Plusieurs décisions comportant des faits similaires à ceux que l'on retrouve en l'espèce ont été rendues postérieurement à cet arrêt de la Cour d'appel. Dans l'ensemble, ces autorités reconnaissent la nécessité pour la poursuite de démontrer un risque réaliste que le véhicule soit mis en mouvement de façon à constituer un danger pour le public et non un risque purement théorique.
[17] Ainsi, dans l'arrêt Decker, l'accusé avait l'habitude de garer sa voiture chez un ami, de se rendre en taxi au centre-ville de St-John puis de revenir en taxi passer la nuit chez ce même ami pour finalement retourner chez lui le lendemain. La nuit en question, au retour de sa sortie au centre-ville de St-John, son ami est absent de telle sorte qu'il ne peut entrer dans sa résidence. Il démarre le moteur de sa voiture avec un démarreur à distance sachant que celui-ci fonctionnera environ quinze minutes, met les clés dans le dispositif d'allumage sans tourner celle-ci à la position marche, met le frein à main et tente de joindre son ami. Après trois appels infructueux, il se couche sur le siège avant et s'endort. Il est en état d'ébriété avancé. Les policiers le trouvent ainsi dans sa voiture, le moteur étant toujours en marche.
[18] La Cour d'appel de Terre-Neuve a conclu que l'accusé n'avait pas l'intention de conduire le véhicule et qu'il n'y avait aucun risque que celui-ci soit mis en mouvement. La permission d'en appeler de cette décision fut refusée par la Cour suprême.
[19] Dans l'arrêt Marcotte, l'accusé revient chez lui alors qu'il est en état d'ébriété. Sa conjointe lui intime l'ordre, comme elle l'avait déjà fait dans le passé, d'aller dormir dans son automobile pour retrouver sa sobriété et ensuite retourner à son domicile. L'accusé se couche sur la banquette avant et quelque temps après, il fait démarrer son véhicule pour ne pas avoir froid. La Cour supérieure a prononcé un acquittement annulant ainsi le verdict de culpabilité prononcé en première instance.
[20] Au paragraphe 16, le juge Béliveau dit ceci :
« En fait, si on devait conclure que l'appelant avait la garde et le contrôle de son véhicule dans la présente affaire, cela impliquerait qu'il en serait ainsi à toutes les fois qu'un accusé est sur la banquette avant d'une automobile et qu'il en a allumé le contact, sans examiner davantage les circonstances. Cela serait contraire à l'enseignement de notre Cour d'appel. »
[21] Dans la décision R c. Beaupré, l'accusée gare en pleine nuit son véhicule non loin d'un centre de thérapie dans le but d'y être admise en cure fermée le lendemain matin. Elle consomme des boissons alcooliques puis s'endort au volant de sa voiture. Les clés sont dans le dispositif d'allumage. C'est dans cette position que les policiers la trouvent quelques heures plus tard. Après avoir constaté que l'accusée avait l'intention bien arrêtée d'être admise le lendemain en thérapie, le tribunal a conclu qu'elle avait repoussé la présomption prévue à l'article 258(1)a) et que la poursuite ne s'était pas déchargée de son fardeau de démontrer hors de tout doute raisonnable qu'elle avait la garde ou le contrôle du véhicule à moteur.
[22] Le Tribunal estime que l’attitude de l'accusée de même que l'intervention des policiers durant la soirée démontrent que cette dernière s’est servie de son automobile dans le but de se réfugier puisqu'elle avait été expulsée de sa résidence et que si le moteur était en marche, c'est qu’elle voulait se réchauffer. Il n'y avait aucun risque qu'elle mette le véhicule en mouvement. Dans les circonstances, la situation n'était pas susceptible de devenir dangereuse.
[23] De plus, il faut rappeler que l'accusée n'a pas conduit sa voiture au préalable, ce qui aurait pu évidemment démontrer un élément de contrôle ou une intention quelconque de mettre éventuellement le véhicule en mouvement.
[24] Également, l'accusée, à la différence de plusieurs décisions rendues en pareille matière, était chez elle. Elle ne pouvait aller nulle part ailleurs. Sa version selon laquelle elle ne projetait pas de partir pour Drummondville en pleine nuit est crédible. Du reste, s'il faut reconnaître qu'il y avait un risque qu'elle change d'idée à ce sujet, celui-ci est très hypothétique.
[25] Par surcroît, pour mettre le véhicule en mouvement, l'accusée devait désengager le frein à main et réussir à sortir de l'abri d'auto sans être vue par Labonté dont elle se cachait. Il n'est pas contredit qu'elle avait des raisons de le craindre ce soir-là compte tenu de la violence dont elle a été victime par le passé.
[26] Enfin, si l'accusée avait voulu quitter les lieux avec la voiture, elle l'aurait sûrement fait avant de s'endormir. De toute évidence, elle ne savait pas que Labonté l'avait vue et encore moins que ce dernier avait contacté les policiers. Elle se croyait en sécurité dans sa voiture. Elle ne représentait pas un danger pour le public.
[27] Conséquemment, le Tribunal estime que la poursuite ne s'est pas déchargée de son fardeau de démontrer hors de tout doute raisonnable la culpabilité de l'accusée.
La parité des sentences et son examen par une Cour d'appel / la parité ne signifie pas une identité de peines
R. c. Deng, 2003 CanLII 32942 (QC C.A.)
[25] Dans son traité The Law of Sentencing, l’auteur Allan Manson s’est penché sur la question de la parité des sentences et son examen par une Cour d'appel:
Section 718.2 (b), one of the recently entrenched principles of sentencing, requires a court to take into consideration the principle that
a sentence should be similar to sentences imposed on similar offenders for similar offences committed in similar circumstances.
[…]
Punishments cannot be identical but only approximately the same given sentencing discretion, individualization, and recognition that cases are rarely identical
[…]
When one considers not only the individualized nature of decision making, but also the recently imposed standard of deference that appellate courts owe to the trial judge’s sentencing decisions, it is clear that a “considerable latitude for disparity” (As was observed by Vancise J.A. in R. v. Laliberte 2000 SKCA 27 (CanLII), (2000), 143 C.C.C. (3d) 503 at 538 (Sask.C.A.)) is expected and condoned across the system. The legitimate concern is about unwarranted disparity, meaning variations of a substantial degree which cannot be justified by reference to differences in individual circumstances.
[26] L'auteur ajoute que même entre coaccusés, la parité ne signifie pas une identité de peines:
At the simplest level, there should not be disparity between co-accused with similar backgrounds because the offence will be empirically identical. However, co-accused are not always dealt with at the same time by the same judge. By itself, the difference between a guilty plea and a trial may create a distinction depending on timing, effect on witnesses, and sincerity of remorse. More importantly, when co-accused are tried separately, the factual basis of sentencing may differ depending on such things as what facts formed the basis of a guilty plea, evidentiary rulings, or findings of fact. Accordingly, it is not always easy to achieve parity between co-accused.
[25] Dans son traité The Law of Sentencing, l’auteur Allan Manson s’est penché sur la question de la parité des sentences et son examen par une Cour d'appel:
Section 718.2 (b), one of the recently entrenched principles of sentencing, requires a court to take into consideration the principle that
a sentence should be similar to sentences imposed on similar offenders for similar offences committed in similar circumstances.
[…]
Punishments cannot be identical but only approximately the same given sentencing discretion, individualization, and recognition that cases are rarely identical
[…]
When one considers not only the individualized nature of decision making, but also the recently imposed standard of deference that appellate courts owe to the trial judge’s sentencing decisions, it is clear that a “considerable latitude for disparity” (As was observed by Vancise J.A. in R. v. Laliberte 2000 SKCA 27 (CanLII), (2000), 143 C.C.C. (3d) 503 at 538 (Sask.C.A.)) is expected and condoned across the system. The legitimate concern is about unwarranted disparity, meaning variations of a substantial degree which cannot be justified by reference to differences in individual circumstances.
[26] L'auteur ajoute que même entre coaccusés, la parité ne signifie pas une identité de peines:
At the simplest level, there should not be disparity between co-accused with similar backgrounds because the offence will be empirically identical. However, co-accused are not always dealt with at the same time by the same judge. By itself, the difference between a guilty plea and a trial may create a distinction depending on timing, effect on witnesses, and sincerity of remorse. More importantly, when co-accused are tried separately, the factual basis of sentencing may differ depending on such things as what facts formed the basis of a guilty plea, evidentiary rulings, or findings of fact. Accordingly, it is not always easy to achieve parity between co-accused.
Comment les tribunaux interprètent un plaidoyer de culpabilité lors de la détermination de la peine
R. c. Deng, 2003 CanLII 32942 (QC C.A.)
[27] Les appelants ne doivent surtout pas être «punis» pour s'être prévalus de leur droit indéniable à un procès. Par contre, ils sont mal venus de réclamer une identité de traitement avec ceux qui ont pu bénéficier de la clémence du tribunal pour avoir plaidé coupable. Les accusés auxquels les appelants se comparent ont tous enregistré un plaidoyer de culpabilité.
[28] Le professeur Hélène Dumont voit, dans le plaidoyer de culpabilité, un acte de collaboration à l'administration de la justice. Elle écrit ce qui suit:
C. Les facteurs d'appréciation liés à l'administration de la justice
a) Le plaidoyer de culpabilité
Les tribunaux ne sont pas très clairs quant aux raisons pour lesquelles ils attribuent un effet de mitigation au plaidoyer de culpabilité. La première raison qui s'impose, c'est de voir dans le plaidoyer de culpabilité l'expression du remords de l'accusé. On suggère aussi que le plaidoyer permet à la victime d'un crime de ne pas subir les affres d'un procès. On sait également que les plaidoyers de culpabilité épargnent les frais d'un procès et favorisent l'administration efficace de la justice. Les juges sont tout de même réticents à énoncer un principe de sentencing au sujet de l'effet de mitigation du plaidoyer de culpabilité. On peut plutôt suggérer que leurs sentences, de façon pragmatique, peuvent être interprétées comme un encouragement à plaider coupable.
[29] Elle poursuit comme suit:
L'accusé qui plaide coupable épargne temps et argent à la société puisqu'il évite à la Couronne la tenue d'un procès public. Tel serait la véritable raison d'être de la clémence des tribunaux envers les contrevenants qui plaident coupables, quels que soient le criminel et son crime.
Par exemple, dans l'arrêt Fish and MacDonald, le tribunal mentionne que le plaidoyer de culpabilité à une accusation d'homicide dispensait la poursuite de faire témoigner cent trente-neuf (139) témoins. La Cour d'appel de l'Ontario, dans une autre affaire, et s'appuyant sur la jurisprudence anglaise, révise à la baisse une peine de quatorze (14) ans imposée en première instance relativement à une importante importation de stupéfiants parce que le tribunal n'avait pas accordé d'effet atténuant significatif au plaidoyer de culpabilité:
Believing as we do that 14 years might well be regarded as a maximum sentence for the offenses involved, it is obvious, that little, if any, consideration was given by the trial judge to the fact that these two men pleaded guilty and thus saved the community a great deal of expense.
[30] L'auteur Manson exprime une opinion semblable dans son ouvrage précité:
4) Guilty Plea and Remorse
The reason that a guilty plea is usually considered to be a mitigating factor is because it implies remorse and an acknowledgement of responsibility by the offender. The extent of the mitigating value is affected by the timing of the guilty plea: the earlier, the better. This is especially true if one intends to include consideration for the victims as an added element. Avoiding the need to have a victim testify is a legitimate dimension of remorse but gets little credence if a guilty plea is entered only after hearing the witness at the preliminary hearing. Convenience to the court by saving its time is not a reason for mitigation. While this is a systemic benefit, it would be wrong to give the impression that foregoing the constitutional right to plead not guilty will garner credit simply because it makes the judge's life easier. The court is a public institution exercising an important public function and a guilty plea must reflect more that time-saving to support mitigation. In this sense, it ought to be communicated as an acceptance of responsibility.
Of course, a guilty plea is not the only way to show remorse. Sincere apologies and other efforts at reparation can convey a stronger message that simply the guilty plea. Moreover, remorse can be indicated even after a trial. The right to compel the Crown to prove its case does not entirely remove the opportunity to show remorse although it may diminish it.
[31] Dans une décision toute récente, notre Cour a appliqué le principe de la parité dans le contexte où l'une des peines comparées survenait après un plaidoyer de culpabilité. L'arrêt de la Cour énonce ce qui suit:
[178] L'appelant soutient que sa peine est alors disproportionnée à celle imposée à Cloutier, une absolution inconditionnelle, et viole ainsi le principe de la parité. Avec égards, il a tort. En effet, il faut souligner que Cloutier a collaboré en plaidant coupable alors que la condamnation de l'appelant a requis un procès par jury qui a duré onze mois. De plus, Cloutier s'est rendu compte que son comportement était illégal et il a produit par la suite des rapports conformes à la réalité. En somme, après avoir initialement entravé le cours de la justice, il s'est repris et a joué son rôle d'agent de la paix sans tenter de favoriser Sophie Brodeur. Sa situation n'est alors en rien comparable à celle de l'appelant qui lui décide en mai 1997 de produire un document qu'il sait faux alors que des accusations ont été déposées contre Sophie Brodeur. Si Cloutier a été pris de remords et s'est amendé, tel n'est pas le cas de l'appelant qui lors des représentations sur sentence prétend toujours s'être comporté conformément à la loi, ne manifestant aucun remords.
[32] Or, dans le cas présent, le juge n'a pu déceler aucun remords ni aucun acte de collaboration à l'administration de la justice de la part des appelants. Au contraire, le juge souligne, exemples à l'appui, le manque total de respect des appelants à l'égard de notre système judiciaire.
[27] Les appelants ne doivent surtout pas être «punis» pour s'être prévalus de leur droit indéniable à un procès. Par contre, ils sont mal venus de réclamer une identité de traitement avec ceux qui ont pu bénéficier de la clémence du tribunal pour avoir plaidé coupable. Les accusés auxquels les appelants se comparent ont tous enregistré un plaidoyer de culpabilité.
[28] Le professeur Hélène Dumont voit, dans le plaidoyer de culpabilité, un acte de collaboration à l'administration de la justice. Elle écrit ce qui suit:
C. Les facteurs d'appréciation liés à l'administration de la justice
a) Le plaidoyer de culpabilité
Les tribunaux ne sont pas très clairs quant aux raisons pour lesquelles ils attribuent un effet de mitigation au plaidoyer de culpabilité. La première raison qui s'impose, c'est de voir dans le plaidoyer de culpabilité l'expression du remords de l'accusé. On suggère aussi que le plaidoyer permet à la victime d'un crime de ne pas subir les affres d'un procès. On sait également que les plaidoyers de culpabilité épargnent les frais d'un procès et favorisent l'administration efficace de la justice. Les juges sont tout de même réticents à énoncer un principe de sentencing au sujet de l'effet de mitigation du plaidoyer de culpabilité. On peut plutôt suggérer que leurs sentences, de façon pragmatique, peuvent être interprétées comme un encouragement à plaider coupable.
[29] Elle poursuit comme suit:
L'accusé qui plaide coupable épargne temps et argent à la société puisqu'il évite à la Couronne la tenue d'un procès public. Tel serait la véritable raison d'être de la clémence des tribunaux envers les contrevenants qui plaident coupables, quels que soient le criminel et son crime.
Par exemple, dans l'arrêt Fish and MacDonald, le tribunal mentionne que le plaidoyer de culpabilité à une accusation d'homicide dispensait la poursuite de faire témoigner cent trente-neuf (139) témoins. La Cour d'appel de l'Ontario, dans une autre affaire, et s'appuyant sur la jurisprudence anglaise, révise à la baisse une peine de quatorze (14) ans imposée en première instance relativement à une importante importation de stupéfiants parce que le tribunal n'avait pas accordé d'effet atténuant significatif au plaidoyer de culpabilité:
Believing as we do that 14 years might well be regarded as a maximum sentence for the offenses involved, it is obvious, that little, if any, consideration was given by the trial judge to the fact that these two men pleaded guilty and thus saved the community a great deal of expense.
[30] L'auteur Manson exprime une opinion semblable dans son ouvrage précité:
4) Guilty Plea and Remorse
The reason that a guilty plea is usually considered to be a mitigating factor is because it implies remorse and an acknowledgement of responsibility by the offender. The extent of the mitigating value is affected by the timing of the guilty plea: the earlier, the better. This is especially true if one intends to include consideration for the victims as an added element. Avoiding the need to have a victim testify is a legitimate dimension of remorse but gets little credence if a guilty plea is entered only after hearing the witness at the preliminary hearing. Convenience to the court by saving its time is not a reason for mitigation. While this is a systemic benefit, it would be wrong to give the impression that foregoing the constitutional right to plead not guilty will garner credit simply because it makes the judge's life easier. The court is a public institution exercising an important public function and a guilty plea must reflect more that time-saving to support mitigation. In this sense, it ought to be communicated as an acceptance of responsibility.
Of course, a guilty plea is not the only way to show remorse. Sincere apologies and other efforts at reparation can convey a stronger message that simply the guilty plea. Moreover, remorse can be indicated even after a trial. The right to compel the Crown to prove its case does not entirely remove the opportunity to show remorse although it may diminish it.
[31] Dans une décision toute récente, notre Cour a appliqué le principe de la parité dans le contexte où l'une des peines comparées survenait après un plaidoyer de culpabilité. L'arrêt de la Cour énonce ce qui suit:
[178] L'appelant soutient que sa peine est alors disproportionnée à celle imposée à Cloutier, une absolution inconditionnelle, et viole ainsi le principe de la parité. Avec égards, il a tort. En effet, il faut souligner que Cloutier a collaboré en plaidant coupable alors que la condamnation de l'appelant a requis un procès par jury qui a duré onze mois. De plus, Cloutier s'est rendu compte que son comportement était illégal et il a produit par la suite des rapports conformes à la réalité. En somme, après avoir initialement entravé le cours de la justice, il s'est repris et a joué son rôle d'agent de la paix sans tenter de favoriser Sophie Brodeur. Sa situation n'est alors en rien comparable à celle de l'appelant qui lui décide en mai 1997 de produire un document qu'il sait faux alors que des accusations ont été déposées contre Sophie Brodeur. Si Cloutier a été pris de remords et s'est amendé, tel n'est pas le cas de l'appelant qui lors des représentations sur sentence prétend toujours s'être comporté conformément à la loi, ne manifestant aucun remords.
[32] Or, dans le cas présent, le juge n'a pu déceler aucun remords ni aucun acte de collaboration à l'administration de la justice de la part des appelants. Au contraire, le juge souligne, exemples à l'appui, le manque total de respect des appelants à l'égard de notre système judiciaire.
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