Rechercher sur ce blogue

mardi 11 septembre 2012

Les principes sur lesquels un juge doit se baser pour déterminer s’il accepte une preuve de faits similaires et la valeur probante qu'il peut lui accorder

R. c. Larrivée, 2012 QCCQ 3609 (CanLII)

Lien vers la décision

[283] La Cour suprême du Canada dans l’arrêt R. c. Arp. [1998] 3 R.C.S. p. 339 et suivantes, établit les principes sur lesquels un juge doit se baser pour déterminer s’il accepte une preuve de faits similaires et quelle valeur probante il peut lui accorder.

[284] La Cour suprême émet d’abord la mise en garde suivante au juge du procès :

[52] in fine « L’appréciation d’une preuve de faits similaires et la détermination de sa valeur probante et de son admissibilité imposent au juge du procès une lourde tâche, tâche qui doit être accomplie avec beaucoup de soin. »

[285] Elle énumère les critères qui doivent guider le juge pour décider de l’admissibilité de cette preuve :

« La meilleure façon de définir la règle autorisant l’admission d’une preuve de faits similaires serait peut-être de dire qu’il s’agit d’une ‘’exception à une exception’’ à la règle fondamentale suivant laquelle tout élément de preuve pertinent est admissible. La pertinence dépend directement des faits en litige dans une affaire donnée. Pour leur part, les faits en litige sont déterminés par l’infraction reprochée dans l’acte d’accusation et par les moyens de défense, s’il en est, qui sont invoqués par l’accusé. Voir Koufis c. The King [1941] R.C.S. 481, à la page 490. Pour qu’un élément de preuve soit logiquement pertinent, il n’est pas nécessaire qu’il établisse fermement, selon quelque norme que ce soit, la véracité ou la fausseté d’un fait en litige. La preuve doit simplement tendre à [traduction] « accroître ou diminuer la probabilité de l’existence d’un fait en litige ». Voir Sir Richard Eggleston, Evidence, Proof and Probability (2e éd. 1978) à la page 83. En conséquence, aucune valeur probante minimale n’est requise pour qu’un élément de preuve soit pertinent. Voir R. c. Morris 1983 CanLII 28 (CSC), [1983] 2 R.C.S. 190 aux pp. 199 et 200. »

[286] Lorsque la question de l’identité de l’auteur des délits est en jeu comme dans notre dossier, nous devons tenir compte des éléments suivants :

[43] « Il s’ensuit que, lorsque l’identité est un point litigieux dans une affaire criminelle et qu’il est démontré que l’accusé a commis des actes présentant des similitudes frappantes avec le crime reproché, le jury n’est pas invité à inférer des habitudes ou de la disposition de l’accusé qu’il est le genre de personne qui commettrait ce crime. Au contraire, le jury est plutôt invité à inférer du degré de particularité ou de singularité qui existe entre le crime perpétré et l’acte similaire que l’accusé est la personne même qui a commis le crime. Cette inférence n’est possible que si le haut degré de similitude entre les actes rend une coïncidence objectivement improbable. Voir Hoch c. The Queen (1988), 165 C.L.R. 292 (H.C.Aust.). En d’autres termes, il est toujours que, par le jeu d’une coïncidence, l’auteur du crime et l’accusé partagent certaines prédilections, ou encore que l’accusé puisse devenir impliqué dans des crimes dont il n’est pas responsable. Toutefois, lorsque la preuve révèle une manière distincte de commettre les actes en question, la possibilité que, par pure coïncidence, l’accusé soit à plusieurs reprises impliqué dans des infractions très similaires s’en trouve de beaucoup réduite. Ce point a été clairement exprimé par le juge Sopinka, dans Morin, précité, où une preuve de faits similaires avait été utilisée pour établir l’identité (à la page 367) :

« Dans les affaires de faits similaires, il ne suffit pas d’établir que l’accusé fait partie d’un groupe anormal qui a les mêmes propensions que l’auteur du crime. Il doit y avoir d’autres caractéristiques distinctives. Par conséquent, si le crime a été commis par quelqu’un qui a des tendances homosexuelles, il ne suffit pas d’établir que l’accusé est un homosexuel actif ni même qu’il a pratiqué de nombreux actes homosexuels. La preuve offerte doit tendre à démontrer qu’il y a des similitudes frappantes entre la manière dont l’auteur du crime a commis l’acte criminel et cette preuve. »

[45] « Au lieu de cela, l’application d’une approche fondée sur des principes pour statuer sur l’admissibilité d’une preuve de faits similaires reposera dans tous les cas sur la conclusion qu’il est improbable que l’implication de l’accusé dans les faits similaires ou chefs d’accusation reprochés soit le fruit d’une coïncidence. Une telle conclusion assure que la preuve a une valeur probante suffisante pour être admise, et elle fera intervenir différentes considérations dans différents contextes. Lorsque, comme c’est le cas en l’espèce, une preuve de faits similaires est produite à l’égard de la question de l’identité, il doit exister un haut degré de similitude entre les faits pour que la preuve soit admise. Par exemple, la présence d’une marque ou signature singulière donnera automatiquement aux faits reprochés une « similitude frappante » et les rendra, par conséquent, extrêmement probants et admissibles. De même, il est possible que, considérées ensemble, un certain nombre de similitudes importantes soient telles que leur effet cumulatif justifie l’admission de la preuve. Ordinairement, lorsque la question de l’identité est en litige, le juge du procès devrait examiner la façon dont les actes similaires ont été commis – c’est-à-dire examiner si ces actes laissent voir une marque singulière ou révèlent un certain nombre de similitudes importantes. Cet examen lui permettra de déterminer si les faits similaires reprochés ont tous été commis par la même personne. Cette constatation préliminaire établit l’improbabilité objective que l’implication de l’accusé dans les actes reprochés soit le fruit d’une coïncidence et confère ainsi à la preuve la force probante requise. En conséquence, lorsqu’une preuve de faits similaires est produite pour établir l’identité, une fois cette constatation préliminaire faite, les éléments de preuve relatifs à l’acte similaire (ou au chef d’accusation, dans un acte d’accusation comportant plusieurs chefs) peuvent être admis pour prouver la perpétration d’un autre acte (ou chef d’accusation). » (Le souligné est du sous-signé)

[48] « En conséquence, lorsqu’une preuve de faits similaires est produite pour prouver un fait en litige, pour décider de son admissibilité le juge du procès doit apprécier le degré de similitude des faits reprochés et déterminer si l’improbabilité objective d’une coïncidence a été établie. Ce n’est que dans ce cas que la preuve aura une valeur probante suffisante pour être admissible. Lorsque le fait en litige est l’identité de l’auteur du crime, alors, dans le cours normal des choses, le juge du procès doit apprécier le degré de similitude qui ressort de la façon dont les actes en cause ont été commis pour déterminer s’il est probable que les actes similaires reprochés ont été commis par la même personne. Une fois qu’il a été établi, selon la prépondérance des probabilités, que les actes similaires reprochés ont été commis par la même personne, la preuve des faits similaires peut être admise pour établir que l’accusé a commis l’infraction ou les infractions en question. » (Le souligné est du sous-signé)

[49] « Afin de décider si une preuve de faits similaires doit être admise pour établir l’identité, le juge du procès doit tenir compte de la manière dont les actes similaires allégués ont été commis. En général, la preuve qui lie l’accusé à chaque acte similaire reproché ne devrait pas faire partie de cette évaluation. Comme le dit Peter K. McWilliams dans Canadian Criminal Evidence (3e éd. 1988 (feuilles mobiles)), à la p. 11-26.1, [traduction] « [1]e lien [avec l’accusé] […] est distinct du lien ou de la connexion […] qui touche à la nature de l’acte et se rapporte à sa similitude ou à sa pertinence qui doit être telle qu’elle écarte la règle générale d’exclusion » (en italique dans l’original). Cette distinction est clairement indiquée dans Case and Comment on R. c. Brown, Wilson, McMillan and McClean, [1997] Crim. L. Rev. 502, à la p. 503 (sommaire de Richard Percival) :

[Traduction]… La preuve révélait des similitudes frappantes entre les deux groupes d’infractions, et il existait une signature ou autre caractéristique spéciale. […] Une fois établi ce lien entre les groupes d’infractions, alors la preuve qui liait un défendeur à chaque groupe d’infractions était admissible contre lui relativement à l’autre groupe. [Je souligne.]

Voir aussi R. c. Barnes, [1995] 2 Cr. App. R. 491 (C.A.), aux pp. 496 à 498. Autrement dit, la similitude des actes indique si une seule et même personne a commis les crimes; dans la plupart des cas, la preuve relative au lien entre l’accusé et chaque acte similaire indique si l’accusé a commis les crimes. Ce n’est qu’après que le juge du procès a examiné la façon dont les actes similaires ont été commis et qu’il est convaincu de l’existence d’éléments de preuve qui pourraient amener le jury a conclure que tous les actes ont été commis par une seule et même personne qu’il doit admettre la preuve se rapportant à chaque acte et la soumettre au jury, y compris la preuve de la participation de l’accusé à la perpétration de chaque acte similaire. »

[50] « En résumé, dans l’examen de la question de l’admissibilité d’une preuve de faits similaires, la règle fondamentale est que le juge du procès doit d’abord décider si la valeur probante de cette preuve l’emporte sur son effet préjudiciable. Dans la plupart des cas où une preuve de faits similaires est produite pour établir l’identité, il pourrait être utile au juge du procès de prendre ne considération les suggestions suivantes lorsqu’il décide si la preuve doit être admise :

(1) En règle générale lorsqu’une preuve de faits similaires est produite pour prouver l’identité, un degré élevé de similitude doit exister entre les actes pour faire en sorte que cette preuve ait une valeur probante qui l’emporte sur son effet préjudiciable, conformément à ce qui est requis pour qu’elle soit admissible. La similitude entre les actes peut consister en une marque ou signature singulière caractérisant une série de similitudes importantes.

(2) Dans l’appréciation de la similitude des actes, le juge du procès devrait uniquement examiner la façon dont les actes ont été commis et non la preuve relative à la participation de l’accusé à chaque acte.

(3) Il est bien possible qu’il y ait des exceptions, mais en règle générale s’il existe entre les actes un degré de similitude tel qu’il est probable que ces derniers ont été commis par la même personne, la preuve de faits similaires aura ordinairement une force probante suffisante pour l’emporter sur son effet préjudiciable et elle peut être admise.

(4) Le jury sera alors en mesure d’examiner toute la preuve relative aux faits qui, prétend-on, sont similaires pour déterminer si l’accusé est coupable d’avoir commis l’un ou l’autre des actes.

Les observations qui précèdent sont faites, répétons-le, non pas en tant que règles rigides, mais simplement en tant que suggestions susceptibles d’aider les juges qui président des procès dans leur façon d’aborder une preuve de faits similaires. »

[51] « Le critère d’admissibilité d’une preuve de faits similaires produite pour prouver l’identité est le même, que les actes similaires allégués soient définitivement attribués à l’accusé ou qu’ils fassent l’objet d’un acte d’accusation reprochant plusieurs chefs d’accusation à l’accusé. Voir Boardman, précité, à la p. 896, lord Wilberforce. »

jeudi 30 août 2012

La notion de la connaissance de la fausseté et celle de l'intention de tromper sont intimement liées relativement à l'infraction de parjure

R. c. Morissette, 2011 QCCQ 1692 (CanLII)

Lien vers la décision

[93] La notion de la connaissance de la fausseté et celle de l'intention de tromper sont intimement liées. En effet, en venant à la conclusion que l'accusé a menti délibérément, on peut présumer qu'il l'a fait dans l'intention de tromper la Cour.

[94] Sauf exceptionnellement, cette présomption pourra difficilement être renversée.

[95] Au contraire, si la preuve soulève un doute raisonnable à l'effet que le mensonge est intentionnel et établit qu'il s'agit d'une erreur, l'inférence à une intention de tromper ne saurait être retenue

lundi 27 août 2012

La distinction entre le témoignage du témoin ordinaire & celui de l'expert

R. c. Abbey, [1982] 2 RCS 24

Lien vers la décision

Les témoins déposent quant aux faits. Le juge ou le jury tire des conclusions à partir des faits. [TRADUCTION] «Dans le droit de la preuve, «opinion» s'entend de toute conclusion qu'on tire d'un fait observé, et le droit dans ce domaine dérive de la règle générale selon laquelle les témoins doivent uniquement parler de ce qu'ils ont observé directement» (Cross on Evidence, précité, à la p. 442). Lorsqu'il est possible de séparer les faits des conclusions tirées de ces faits, le témoin ne peut témoigner que sur les faits. Toutefois, cela n'est pas toujours possible et [TRADUCTION] «le droit fait preuve de souplesse dans ces cas limites en permettant aux témoins d'exprimer leur opinion relativement à des questions qui n'exigent pas de connaissances particulières, chaque fois qu'il leur serait virtuellement impossible de séparer leurs conclusions des faits sur lesquels celles-ci se fondent» (ibid.).

Quant aux questions qui exigent des connaissances particulières, un expert dans le domaine peut tirer des conclusions et exprimer son avis. Le rôle d'un expert est précisément de fournir au juge et au jury une conclusion toute faite que ces derniers, en raison de la technicité des faits, sont incapables de formuler. [TRADUCTION] «L'opinion d'un expert est recevable pour donner à la cour des renseignements scientifiques qui, selon toute vraisemblance, dépassent l'expérience et la connaissance d'un juge ou d'un jury. Si, à partir des faits établis par la preuve, un juge ou un jury peut à lui seul tirer ses propres conclusions, alors l'opinion de l'expert n'est pas nécessaire» (Turner (1974), 60 Crim. App. R. 80, à la p. 83, le lord juge Lawton).

Un témoin expert, comme tout autre témoin, peut témoigner quant à l'exactitude des faits dont il a une expérience directe, mais ce n'est pas là l'objet principal de son témoignage. L'expert est là pour exprimer une opinion et cette opinion est le plus souvent fondée sur un ouï-dire. Cela est particulièrement vrai en ce qui concerne les opinions de psychiatres.

jeudi 2 août 2012

Les objections au dépôt d'une preuve et les conséquences de l'absence d'objection

Québec (Ville) c. 9113-6440 Québec inc., 2009 CanLII 34855 (QC CM)

Lien vers la décision

[130] À titre de gardien de l'équité du procès, le juge doit s'assurer, entre autres, de l'admissibilité des éléments de preuve présentés {Kissick v. The King, 1952 CanLII 27 (SCC), [1952] 1 S.C.R. 343, opinion du juge Fauteux, p. 374 et 375; Bourque c. La Reine, 1991 CanLII 2607 (NS CA), (1991) 66 C.C.C. (3d) 548, 555 à 557 (C.A. N.-É.); R. c. Valley, reflex, (1986) 26 C.C.C. (3d) 207, 230 (C.A. Ont.}.

[131] Cela ne signifie pas pour autant que le juge doit intervenir dans chaque cas et interférer avec les décisions d'une partie, d'autant plus lorsque celle-ci est représentée par un avocat expérimenté (Kissick, précitée, opinion du juge Locke, p. 369 et opinion du juge Fauteux, p. 374). Plus particulièrement, une partie peut décider de renoncer à certaines formalités ou exigences en matière de preuve et être satisfaite de la forme de la preuve documentaire présentée (Kissick, précité, opinion du juge Fauteux, p. 373 et 374; Bourque, précité, p. 555 à 557). Les faits que tend à établir la preuve peuvent de plus ne pas faire l'objet d'une contestation.

[132] Il existe des situations où le juge doit intervenir en raison de la nature de la preuve, d'une atteinte évidente aux droits d'une partie ou d'un risque élevé de préjudice que comporte la preuve qu'on entend introduire. Dans ces cas, l'absence d’objection ne dispense pas le juge de son devoir de s'assurer que la preuve soit admissible (Sopinka, Lederman and Bryant, précité, par. 2.91). Cependant, il en est d'autres où le silence de la partie pourra être interprété comme une renonciation à faire valoir une objection ou comme un acquiescement à la façon de procéder de la partie adverse.

[133] En principe, une objection à la recevabilité d'un élément de preuve doit être soulevée au moment où la partie adverse veut l'introduire (Sopinka, Lederman and Bryant, précité, par. 2.90; Kissick, précitée, opinion du jugement Locke, p. 369 et opinion du juge Fauteux, p. 374; Bourque, précitée, p. 555 à 557). L'objection permet alors à la partie adverse de faire valoir son point de vue ou de corriger la situation quant à cet élément de preuve. Elle lui évite d'être prise au dépourvu par un argument tardif. Elle permet au juge de se prononcer sur l'admissibilité de la preuve. Elle favorise l'équité du procès (Bourque, précitée, p. 553 à 556).

[134] Cependant, tant que la décision n'est pas rendue, une partie peut exceptionnellement soulever tardivement l'inadmissibilité d'une preuve.

[135] Si le défaut de s'objecter n'est pas toujours fatal, cela ne veut pas dire qu'il ne l'est jamais. L'absence d’objection peut être perçue comme un acquiescement au moyen de preuve ou comme un indice d'absence de préjudice (Sopinka, Lederman and Bryant, précité, par. 2.91 et 2.92; Béliveau et Vauclair, précité, par. 718; Fortin, précité, par. 368; Kissick, précitée, opinion du juge Tachereau, p. 356, opinion du juge Estey, p. 359, opinion du juge Locke, p. 368 et 369 et opinion juge Fauteux, p. 374 et 375). Ceci est particulièrement manifeste en matière de preuve documentaire.

[136] En l'absence d'objection, la partie adverse est en droit de présumer que la preuve est acceptée comme telle et qu'on consent à ce qu'elle soit introduite (Burke, précitée, p. 553 à 556)

mardi 31 juillet 2012

Deux éléments sont essentiels à la commission de l'infraction de distraction de fonds détenus en vertu d’instructions

R. c. Martin, 1992 CanLII 3189 (QC CA)

Lien vers la décision

Avant d'analyser la preuve relative à chacun des cinq chefs, il importe de revoir à ce sujet les exigences posées par l'article 292(1) du Code criminel (maintenant l'article 332).

Dépouillé du texte qui n'a ici aucune pertinence l'article 292(1) se lit:

Commet un vol quiconque, ayant reçu .... de l'argent .... avec instructions d'affecter à une fin .... que spécifient les instructions la totalité ou une partie de cet argent .... frauduleusement et en violation des instructions reçues affecte à une autre fin ou verse à une autre personne l'argent .... ou toute partie de cet argent ....

Deux éléments sont essentiels à la commission de cette offense: des instructions spécifiques et une violation frauduleuse de ces instructions.

Au sujet de la spécificité des instructions le texte même de l'article paraît assez clair: «ayant reçu de l'argent avec instructions d'affecter à une fin que spécifient les instructions ....».

Il suit du texte même de la loi que l'existence d'instructions ne saurait découler de simples expectatives et ne saurait davantage être établie implicitement. L'exigence de la spécificité des instructions repousse l'idée que l'existence des instructions puisse être implicite.

Cette interprétation de l'article 292(1) me paraît conforme à l'arrêt unanime de la Cour suprême du Canada dans LOWDEN c. LA REINE 1982 CanLII 194 (CSC), [1982] 2 R.C.S. 60, 68 C.C.C.(2d) 531, 139 D.L.R.(3d)257. Au nom de la Cour le juge Lamer (alors puîné) s'exprime comme suit (page 67):

Le juge Moir énonce très clairement et précisément le principe de l'art. 292 de la façon suivante:

[TRADUCTION] Je crois devoir expliquer comment, à mon avis, s'applique l'art. 292. S'il y a, dans les circonstances de l'espèce, un lien de débiteur à créancier entre les parties à l'opération, il faut des instructions écrites pour qu'il puisse y avoir une déclaration de culpabilité. S'il n'y a pas de lien de débiteur à créancier, il incombe à la poursuite de faire la preuve des instructions. Ces instructions doivent être établies hors de tout doute raisonnable.

En l'espèce, on dit qu'il n'y a pas de lien de débiteur à créancier entre l'agence de voyages et le client. Cela n'élimine pas la nécessité des instructions, seule la nécessité d'instructions écrites disparaît. Suivant ses termes, l'art. 292 exige des «instructions d'affecter à une fin ou de verser à une personne que spécifient les instructions la totalité ou une partie de cet argent».

La conclusion à laquelle j'en viens est entièrement conforté par l'arrêt de la Cour d'appel de l'Ontario R. v. Brown (1956) 116 C.C.C. 112 et sur de nombreuses autres décisions canadiennes.

Avec égards, je suis d'avis que pour invoquer l'art. 292, du Code criminel, la preuve doit établir que l'agence avait reçu les instructions de conserver l'argent et de l'appliquer uniquement aux fins énoncées dans les instructions. Cette preuve n'a pas été faite et la poursuite échoue à cause de l'absence de preuve des instructions requises.

En parlant des clients de l'agence, il avait déjà mentionné:

[TRADUCTION] En l'espèce, on dit que les clients de l'agence de voyages s'attendaient à ce que l'argent soit employé à l'achat de billets et à aucune autre fin. Rien dans la preuve n'appuie un accord ou des instructions en ce sens entre l'appelant et les clients. C'est une conclusion qu'on prétend implicite dans le lien entre les parties.

. . .

Il est évident qu'il est nécessaire de trouver ... les instructions prévues à l'art. 292 pour que cet article s'applique. Les attentes des clients ne sont pas pertinentes. Pour que l'accusé soit criminellement responsable, l'argent doit avoir été payé selon des instructions et accepté selon ces instructions. C'est une question de contrat ou d'instructions, et non d'attente.

Je souscris à cette interprétation du droit exprimée par le juge Moir.

Avec égards, cependant, je ne puis être d'accord avec la proposition qu'il n'y a pas de preuve permettant de conclure à l'existence d'instructions, pas plus que je n'estime que les attentes des clients ne sont pas pertinentes, même si je dois ajouter que les attentes, envisagées isolément, n'équivalent pas à des instructions.

Le juge Moir est d'avis que, selon la majorité, les attentes des clients, lorsqu'on examine ce qui était implicite dans leurs rapports avec l'agence, suffisaient à créer des «instructions» de la nature de celles qu'envisage l'art. 292. Si c'était là la conclusion de la Cour, je serais d'accord avec le juge Moir que de simples «attentes» chez des personnes, si l'on n'a pas fait la preuve que la personne qui reçoit les biens connaît cette attente et qu'elle reconnaît que la remise de ces biens vise uniquement à combler ces attentes, ne peuvent, en droit, constituer des «instructions»; une conclusion de la Cour d'appel en ce sens constituerait une erreur de droit sur laquelle il serait dissident. Mais, comme je l'ai dit, ce n'est pas le cas. Le juge en chef McGillivray, aux motifs duquel a souscrit le juge Brennant (juge ad hoc), a dit:

[TRADUCTION] À mon avis, le paiement d'une somme d'argent à une agence de voyages pour un voyage déterminé, à une date précise, sur un vol régulier, ou le paiement d'une somme d'argent pour une réservation précise dans un hôtel déterminé pour une époque donnée crée plus qu'une simple relation de débiteur à créancier. À mon avis, il est implicite qu'on s'attend à ce que l'agent obtienne le billet ou qu'il rende l'argent. J'estime que ce n'est pas un cas où, si un vol aérien était annulé, l'agent serait responsable en dommages. Il me paraît évident que le public comprendra que l'agent allait affecter l'argent à la réservation. Si le vol est annulé, l'agent n'en est pas responsable. Il s'est acquitté pleinement de son obligation envers le client, et on doit s'attendre à ce que la société aérienne rende l'argent.

Le Juge en chef, en parlant de ce qui est «implicite» traitait du fait qu'il y avait plus qu'une simple relation de débiteur à créancier. Il n'a nullement suggéré que ce que le client attendait implicitement de la relation constituait des «instructions». Pour appuyer sa conclusion qu'il existait des instructions, on ne peut passer sous silence, outre la constatation de ces attentes, qu'en fait, l'appelant a reçu et a «accepté» l'argent qui lui était confié dans le but évident de combler ces attentes, en toute connaissance de ces attentes qui lui ont été communiquées de façon «expresse», et que par ses agissements, il a employé l'argent de façon contraire à la fin à laquelle il était destiné.
À la lecture de ces propos il ne semble faire aucun doute que de simples attentes ne peuvent faire présumer de l'existence d'instructions au sens de l'article du code.

On peut, comme élément de preuve servant à établir l'existence d'instructions spécifiques, tenir compte des attentes ou expectatives mais les instructions ne peuvent s'inférer de ces attentes seules.

C'est à la lumière de ces enseignements que je me propose de revoir la preuve sur laquelle le juge de première instance s'appuie pour affirmer que dans chaque cas la victime a remis à l'appelant une somme d'argent «avec la mention explicite» que cette somme serve à payer le terrain.

mardi 24 juillet 2012

Les éléments constitutifs de l'infraction d'abus de confiance criminel

R v Solar, 2012 SKQB 113 (CanLII)

Lien vers la décision

[10] For the accused to be found guilty of a breach of trust, Crown counsel must prove each of the following essential elements beyond a reasonable doubt:

(1) that the accused was a trustee of some thing;

(2) that the accused converted the thing to an unauthorized use; and

(3) that the accused intended to defraud.

The first two elements are the actus reus of the offence of breach of trust, and the third is the mens rea. I will deal with each separately.

[11] In respect to the actus reus, s. 2 of the Criminal Code defines a “trustee” as follows”

“trustee” means a person who is declared by any Act to be a trustee or is, by the law of a province, a trustee, and, without restricting the generality of the foregoing, includes a trustee on an express trust created by deed, will or instrument in writing, or by parol;

L'identification d'une signature / Les paramètres à considérer par la Cour

R. v. Cunsolo, 2011 ONSC 1349 (CanLII)

Lien vers la décision
 
[242] Proof that an accused authored certain writing may afford circumstantial evidence that not only was he or she acquainted with the subject matter to which the writing is connected, but also, depending on the context, that the accused was actively engaged in participating in any described transaction.

[243] The prosecution may establish that a writing was made by an accused on the basis of an admission or agreement or, where disputed, by:

(1) a witness acquainted with the accused’s writing

(2) expert evidence

(3) comparative evaluation by the trier of fact without the testimony of a witness.

[244] These proof processes, particularly the latter two described above, inevitably involve a comparison of unknown or disputed writing to a handwriting sample authenticated at trial to be genuine in the sense of a proved exemplar of the accused’s writing, whether by admission or other persuasive proof.

[245] Introduction of the opinion of a handwriting expert subjects the expert’s conclusions to the scrutiny generally applicable to expert evidence. The opinion of a properly qualified expert, based upon an appropriate foundation, amounts to a piece of evidence which a trier of fact evaluates for acceptance or rejection and, where accepted, the assignment of what weight it properly deserves. On occasion, as in the present case, where the expert’s report concludes one writer authored certain documents without identifying the writer, it is accepted for the truth of its contents with minimal defence submissions as to weight as the defence submits that the prosecution has failed to establish that the accused is that writer. This approach is entirely consistent with the approach advocated in R. v. Coburn reflex, (1982), 66 C.C.C. (2d) 463 (Ont. C.A.) of avoiding a credibility contest between documentary and viva voce evidence.

[246] A trier of fact is entitled, and indeed not precluded, as a matter of common law, to undertake a comparative analysis of handwriting specimens without the intervention of witnesses interpreting or identifying the relevant writing – a deliberative and fact-finding process which is not ousted by s. 8 of the Canada Evidence Act which provides:

Comparison of a disputed writing with any writing proved to the satisfaction of the court to be genuine shall be permitted to be made by witnesses, and such writings, and the evidence of witnesses respecting those writings, may be submitted to the court and jury as proof of the genuineness or otherwise of the writing in dispute.

See R. v. Abdi 1997 CanLII 4448 (ON CA), (1997), 116 C.C.C. (3d) 385 (Ont. C.A.), at paras. 13-23, 25; R. v. Malvoisin (2006), 36 M.V.R. (5th) 187 (Ont. C.A.), at para. 4.

[247] It is important as an aspect of the accused knowing the case to be met, that he or she be on notice that the trier of fact may engage in comparative handwriting identification analysis: R. v. Flynn, 2010 ONCA 424 (CanLII), 2010 ONCA 424, at para. 20; R. v. Anderson, 2005 BCCA 143 (CanLII), 2005 BCCA 143, at paras. 11-14.

[248] “Handwriting is an acquired skill that becomes ingrained; it is habitual as well as individualized”: S.H. James & J.J. Nordby (eds.), Forensic Science – An Introduction to Scientific and Investigative Techniques (2nd ed.) (CRC Press), at p. 359. Handwriting identification comparison is based on a number of assumptions including:

(1) the underlying axiom of handwriting comparison is that no two individuals write in the same way

(2) over time, a person develops personal and distinctive characteristics or features in his or her handwriting, effectively yielding a unique individual pattern which can be discerned by observation of sufficient samples of handwriting.

See G.M. Chayko & E.D. Gulliver, Forensic Evidence in Canada (2nd ed.) (Aurora: Canada Law Book, 1999), at p. 509; K.M. Matthews, J.E. Pink, A.D. Tupper, A.E. Wells, The Expert – A Practitioner’s Guide (Scarborough, Thomson Canada Limited, 1995), at pp. 13-5; D.M. Risinger & M.J. Saks, “Science and Nonscience in the Courts: Daubert Meets Handwriting Identification Expertise” (1996), 82 Iowa Law Rev. 21, at p. 67.

[249] “The recognition, correct interpretation, and complete comparison of all of its qualities, elements, and characteristics, are the essential phases of a scientific handwriting examination” and “[t]he process of comparison...is reasoning regarding similarities and differences”: A.S. Osborn, Questioned Documents (2nd ed.) (Toronto: The Carswell Company, Limited, 1929), at pp. 97, 237.

[250] Accordingly, a trier of fact is entitled to use his or her “own eyes and...common sense” in making “an educated and reasonable comparison” of handwriting properly tendered in evidence (Abdi, at paras. 26, 29). The notion of writing undoubtedly includes printing and other text: National Research Council, Strengthening Forensic Science in the United States: A Path Forward (The National Academics Press, 2009), at p. 164 (“handwriting includes cursive or script stroke writing, printing by hand, signatures, numerals, or other written marks or signs”); J. Levinson, Questioned Documents: A Lawyer’s Handbook (San Diego, Academic Press, 2001), at p. 41 (query whether writer uses special signs or marks or “certain abbreviations or pictographic techniques in writing”).

[251] The trier should be encouraged to proceed by the use of objective criteria as the foundation for any opinion should one prove possible. The dependability or reliability of the trier’s conclusion and the weight to be attributed to such conclusion are case-specific issues. It is expected that the trier will focus on “the distinctiveness of the writings in issue” (Abdi, at para. 25), for example the manner in which particular letters are written: Flynn, at paras. 17-18. In some instances, the trier may be invited to look at the similarity of the misspelling of certain words and the irregular spacing of others: R. v . G.D.C., 2010 ONCA 381 (CanLII), 2010 ONCA 381, at para. 4.

[252] Handwriting comparison, even by experts, is no easy task. As a general rule, it is recognized that there is a potential danger in making unassisted handwriting comparisons in the absence of expert or other evidence relating to the writings: Abdi, at paras. 27, 29; Malvoisin, at para. 4. This cautionary theme is hardly surprising given the scope of examination which might be undertaken by an expert as described at p. 510 of the Chayko and Gulliver text:

The characteristics which are assessed include: line quality; writing fluency and legibility; rhythm of movements; pen pressure; slope of handwriting; spacing between characters, words and lines of information; alignment of characters, words and lines of handwriting; direction of strokes; manner of connecting and disconnecting characters and words; initial and terminal movements; size of writing; character design; internal consistency of movements; proportions within characters and one of character to another; arrangement of writing; presence or absence of pen lifts, hesitations and hiatuses; and the design and positioning of punctuation marks, diacritics, accents and other symbols.

See also Risinger & Saks, “Science and Nonscience in the Courts...”, at pp. 67-73; Matthews et al., The Expert..., at p. 13-3; Osborn, Questioned Documents, chs. IX, X.

[253] The trier of fact must therefore exercise caution in performing comparative handwriting analysis for any number of reasons including:

(1) weakness of proof respecting the “known” sample of the accused’s writing

(2) the lack of expertise and experience in performing the task

(3) lack of access to special equipment utilized by experts and laboratories

(4) the quality of the handwriting exemplar, including consideration of length and clarity: Abdi, at para. 27; Risinger/Saks, at p. 35; Chayko/Gulliver, at p. 510; I. Freckelton & H. Selby, Expert Evidence in Criminal Law (Ontario; Carswell, 1999), at pp. 126-7


(5) the deficits occasioned to the process by photocopies: Chayko/Gulliver, at pp. 520-1; Matthews et al., at p. 13-8

(6) the natural variation in everyone’s handwriting (“intrasource variation”): Chayko/Gulliver, at p. 510; Matthews et al., at p. 13-5

(7) given that different individuals may well have similar handwriting: (A. Gold, Expert Evidence in Criminal Law: The Scientific Approach (2nd ed.) (Toronto: Irwin Law Inc., 2009), at p. 143), the necessity of separating out class master patterns from identifying significant individuality of features and habitual repetition of same supporting the view that the samples are the product of a single writer

(8) deciding how many features or attributes of similarity are required to move beyond resemblance to identification of a writer: Chayko/Gulliver, at p. 512; Matthews et al., at p. 13-9

(9) identification of not superficial, but persistent and fundamental, differences in the relevant samples detracting from the probative force of discerned similarities: Matthews et al., at p. 13-9; Osborn, at p. 205.

[254] On the latter point, at pp. 245, 262, 381-2, 383 and 385 of his text, Osborn very persuasively discusses the significance of not only material and repeated similarities but also the role of relevant differences:

...if the conclusion of identity is reached, either in a person or a handwriting, there must not remain significant differences that cannot reasonably be explained. This ignoring of the differences, or the failure properly to account for them, is the cause of most of the errors in handwriting identification.

. . .

It also needs to be emphasized that two writings are identified as being by the same writer by the absence of fundamental divergences as well as by a combination of a sufficient number of similarities. The process is always a double operation, positive and negative, and if error is to be avoided neither part of the process should be overlooked. In order to reach the conclusion of identity of two sets of writings there must not be present significant and unexplained divergences. These divergences must, however, be something more than mere trivial variations that can be found in almost any handwriting.

. . .

It should be clearly understood that a correct conclusion in any case, as stated in other connections, is based only upon a combination of common qualities and individual characteristics in sufficient number so that it is reasonable to say that they would not all accidentally coincide in two writings by different writers.

. . .

Errors in identification of handwriting are mainly due to two causes. The first of these is the lack of knowledge regarding these common similarities in many handwritings, as already described, and the second is due to the overlooking, ignoring, or incorrect interpretation of the differences in two handwritings. Ignorance or inexperience may lead to wrong reasoning on any of these general or individual qualities or may omit reasoning.

. . .

Errors are also due to the fact that identity is inferred from mere superficial qualities that are not individual.

[255] After undertaking handwriting comparison, a trier will arrive at a determination on the comparative identification question. The Chayko and Gulliver text, at p. 511, describes the process in this way:

The conclusions expressed in handwriting comparisons range from certainty to probability to being inconclusive. The terminology and conclusion levels vary among laboratories. One frequently used scale of conclusions is:

1. Definitive – “The questioned handwriting was (or was not) executed by the writer of the specimens” or “The questioned handwriting has been identified (or eliminated) as having been executed by the writer of the specimens”.

2. Strong probability – “There is a strong probability that the questioned handwriting was (or was not) executed by the writer of the specimens” or “The similarities (or differences) found definitely indicate that the questioned handwriting was (or was not) executed by the writer of the specimen”.

3. Probability – “The similarities (or differences) found tend to indicate that the questioned handwriting was (or was not) executed by the writer of the specimens” or “The similarities (or differences) suggest that the questioned handwriting was (or was not) executed by the writer of the specimens”.

4. Neutral – “It was not possible to determine whether or not the questioned signature was executed by the writer of the specimens” or “The questioned handwriting has not been identified or eliminated as being executed by the writer of the specimens”.

[256] In their text, at p. 153, Freckelton and Selby refer to unqualified identification (no doubt existing, with opinion in absolute terms that document ‘X’ was written by the writer of document ‘Y’), inconclusive identification (“no useful opinion can be given”), and qualified identification described in this way:

This conclusion is expressed in terms of a degree of probability. While qualified opinion evidence in isolation may satisfy the civil standard of proof, it would not be sufficient to secure a criminal conviction. It may, however, provide corroboration of other evidence or be of value to the defence in raising a reasonable doubt.

See also National Research Council, Strengthening Forensic Evidence..., at p. 166 (discussion of 5 and 9-point scales for expressing subjective conclusions of handwriting comparison and identification).

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

Les déclarations d'un accusé à son complice ne sont pas du ouï-dire

R v Ballantyne, 2015 SKCA 107 Lien vers la décision [ 58 ]             At trial, Crown counsel attempted to tender evidence of a statement m...