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mercredi 11 novembre 2015

Le critère à appliquer en matière de crainte raisonnable de partialité



109.            Lorsqu’on allègue la partialité du décideur, le critère à appliquer consiste à se demander si la conduite particulière suscite une crainte raisonnable de partialité. Voir arrêt Idziak, précité, à la p. 660. On reconnaît depuis longtemps qu’il n’est pas nécessaire d’établir l’existence de la partialité dans les faits. Il est en effet habituellement impossible de déterminer si le décideur a abordé l’affaire avec des idées réellement préconçues. Voir arrêt Newfoundland Telephone, précité, à la p. 636.

110.            C’est dans ce contexte que le lord juge en chef Hewart a énoncé la célèbre maxime: [TRADUCTION] «[il] est essentiel que non seulement justice soit rendue, mais que justice paraisse manifestement et indubitablement être rendue»: The King c. Sussex Justices, Ex parte McCarthy[1924] 1 K.B. 256, à la p. 259. Le ministère public a avancé que cette maxime constituait un motif distinct d’examen de la décision du juge Sparks, laissant entendre que les cours d’appel interviennent plus volontiers dans les cas où l’«impression de justice» est en jeu que dans les cas où il s’agit d’«apparence de partialité». Cet argument est mal fondé. L’affaire Sussex Justices concernait une allégation de partialité. L’exigence que justice paraisse être rendue signifie simplement que la personne qui allègue la partialité n’est pas tenue de prouver l’existence de cette partialité dans les faits. Le ministère public ne peut avoir gain de cause que si les motifs du juge Sparks suscitent une crainte raisonnable de partialité.

111.            Dans ses motifs de dissidence dans l’arrêt Committee for Justice and Liberty c. Office national de l’énergie1976 CanLII 2 (CSC)[1978] 1 R.C.S. 369, à la p. 394, le juge de Grandpré a exposé avec beaucoup de clarté la façon dont il convient d’appliquer le critère de la partialité:

[L]a crainte de partialité doit être raisonnable et le fait d’une personne sensée et raisonnable qui se poserait elle-même la question et prendrait les renseignements nécessaires à ce sujet. [. . .] [C]e critère consiste à se demander «à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique. . .»

C’est ce critère qui a été adopté et appliqué au cours des deux dernières décennies. Il comporte un double élément objectif: la personne examinant l’allégation de partialité doit être raisonnable, et la crainte de partialité doit elle-même être raisonnable eu égard aux circonstances de l’affaire. Voir les décisions Bertram, précitée, aux pp. 54 et 55; Gushman, précitée, au par. 31. La personne raisonnable doit de plus être une personne bien renseignée, au courant de l’ensemble des circonstances pertinentes, y compris [TRADUCTION] «des traditions historiques d’intégrité et d’impartialité, et consciente aussi du fait que l’impartialité est l’une des obligations que les juges ont fait le serment de respecter»: R. c. Elrick[1983] O.J. No. 515 (H.C.), au par. 14. Voir aussi Stark, précité, au par. 74; R. c. Lin[1995] B.C.J. No. 982 (C.S.), au par. 34. À ceci j’ajouterais que la personne raisonnable est également censée connaître la réalité sociale sous-jacente à une affaire donnée, et être sensible par exemple à l’ampleur du racisme ou des préjugés fondés sur le sexe dans une collectivité donnée.

112.            L’appelant a fait valoir que le critère exige que soit démontrée une «réelle probabilité» de partialité, par opposition au «simple soupçon». Cet argument paraît inutile à la lumière des justes observations du juge de Grandpré dans l’arrêt Committee for Justice and Liberty, précité, aux pp. 394 et 395:

Je ne vois pas de différence véritable entre les expressions que l’on retrouve dans la jurisprudence, qu’il s’agisse de «crainte raisonnable de partialité», «de soupçon raisonnable de partialité», ou «de réelle probabilité de partialité». Toutefois, les motifs de crainte doivent être sérieuxet je suis complètement d’accord avec la Cour d’appel fédérale qui refuse d’admettre que le critère doit être celui d’«une personne de nature scrupuleuse ou tatillonne». [Je souligne.]

Néanmoins, la jurisprudence anglaise et canadienne appuie avec raison la prétention de l’appelant selon laquelle il faut établir une réelle probabilité de partialité car un simple soupçon est insuffisant. Voir R. c. Camborne Justices, Ex parte Pearce[1954] 2 All E.R. 850 (Q.B.D.)Metropolitan Properties Co. c. Lannon[1969] 1 Q.B. 577 (C.A.)R. c. Gough[1993] 2 W.L.R. 883 (H.L.)Bertram, précité, à la p. 53; Stark, précité, au par. 74; Gushman, précité, au par. 30.

113.            Peu importe les mots précis utilisés pour définir le critère, ses diverses formulations visent à souligner la rigueur dont il faut faire preuve pour conclure à la partialité, réelle ou apparente. C’est une conclusion qu’il faut examiner soigneusement car elle met en cause un aspect de l’intégrité judiciaire. De fait, l’allégation de crainte raisonnable de partialité met en cause non seulement l’intégrité personnelle du juge, mais celle de l’administration de la justice toute entière. Voir la décision Stark, précitée, aux par. 19 et 20. Lorsqu’existent des motifs raisonnables de formuler une telle allégation, les avocats ne doivent pas redouter d’agir. C’est toutefois une décision sérieuse qu’on ne doit pas prendre à la légère.

114.            La charge d’établir la partialité incombe à la personne qui en allègue l’existence: Bertram, précité, à la p. 28; Lin, précité, au par. 30. De plus, la crainte raisonnable de partialité sera entièrement fonction des faits de l’espèce.

115.            Enfin, dans le contexte du présent pourvoi, il est vital de ne pas perdre de vue que le critère de la crainte raisonnable de partialité s’applique également à tous les juges, indépendamment de leur formation, leur sexe, leur race, leur origine ethnique et toute autre caractéristique. Il n’est pas plus probable que le juge noir soit prévenu en faveurs des justiciables noirs que le juge blanc ne le soit en faveur des justiciables blancs. Tous les juges de toute race, couleur, religion ou origine nationale jouissent de la même présomption d’intégrité judiciaire et ont droit à l’application du même critère rigoureux dans l’examen de la partialité. De façon semblable, tous les juges sont assujettis aux mêmes obligations fondamentales d’être impartiaux et de paraître impartiaux.

Les principes majeurs en matière de divulgation de la preuve

R. v. Trang, 2002 ABQB 744 (CanLII)


[402]         The most significant of the above noted principles and propositions which I find applicable to the Applicants’ allegations can be conveniently summarized as follows:




1

The Crown has a continuous duty to disclose the fruits of all investigations in its possession leading to the charges facing the Applicants, unless clearly irrelevant or privileged;     





2

It is reasonable for the Crown to expect that Defence counsel will be diligent in pursuing disclosure, and that requests for additional production, particularly in massive investigation cases, will be responsibly focussed;  





3

In the event of a dispute, the information in dispute may be reviewed by the court. If the court finds a breach of the Crown’s duty to disclose, the court may order production;          





4

In assessing whether the Crown has met its disclosure obligation, the Court must measure the reasonableness of the Crown’s performance in terms of the size and complexity of the case, and the volume of disclosure; a standard of perfection, or even a guarantee of effective disclosure, whatever the circumstances, is too high a standard;





5

There is, as yet, no recognized manner of application of the disclosure principles to the “big case” investigation file; but particularly in those cases where the Crown has made extensive disclosure, additional production requests by the defence should be responsibly focussed;





6

In complex and considerably large prosecutions, particularly where the disclosure is voluminous and the investigations massive, the Crown necessarily is required to rely on the police to make determinations as to the relevance of the disclosure and to fulfil their duty by providing the Crown with summaries of such disclosure. The Crown is also entitled to rely on information provided by the police regarding the contents of documents considered to be irrelevant. The Crown has an obligation to take reasonable steps to ascertain the existence of such information in the possession of the police, and the police have a concurrent obligation to assist and provide to the Crown such information;





7

Notwithstanding 4, 5 and 6 above, the Crown must accept responsibility for suppression by the police of the fruits of their investigation

Le rôle de l'avocat de la défense en matière de divulgation de la preuve

R. v. Trang, 2002 ABQB 744 (CanLII)


[395]         The fair and efficient functioning of the criminal justice system requires that defence counsel exercise due diligence in actively seeking and pursuing Crown disclosure:  Dixon at 265. Defence counsel is not entitled to assume at any point that all relevant information has been disclosed to the defence; just as the Crown's disclosure obligations are ongoing and persist throughout the trial process, so too does defence counsel's obligation to be duly diligent in pursuing disclosure:  Dixon at 276. Counsel for the accused must bring to the attention of the trial judge, at the earliest opportunity, any failure of the Crown to comply with its duties to disclose of which counsel becomes aware. Failure to do so will be an important factor in determining on appeal whether a new trial should be ordered:  Stinchcombe at 341;

[396]         In all cases where an accused alleges a s. 7 non-disclosure breach, the accused must provide some evidence or basis that there is a reasonable possibility that non-disclosure will affect the accused’s right to make full answer and defence. The request for disclosure should be specific rather than general and far-reaching; disclosure demands which seek everything short of the kitchen sink undermine good faith and candour:  Girimonte. Fishing expeditions and conjecture must be separated from legitimate requests for disclosure

Duty of Crown to Disclose

R. v. Trang, 2002 ABQB 744 (CanLII)


[390]         The right to disclosure of material which meets the Stinchcombe threshold is one of the components of the right to make full answer and defence, which in turn is a principle of fundamental justice embraced by s. 7 of the Charter. The duty of the Crown to disclose is triggered whenever there is a reasonable possibility of information being useful to an accused in making full answer and defence. This includes material which may have only marginal value to the ultimate issue at trial. Full answer and defence encompasses the right to meet the case presented by the prosecution, advance a case for the defence, and make informed decisions on procedural and other matters which affect the conduct of the defence:  Stinchcombe at 338-341; Egger at 466; Chaplin at 739-740. The threshold is quite low:  Dixon at 257. The duty to disclose is a continuing one and disclosure must be made when additional information is received:  Stinchcombe at 343;

[391]         The Crown must disclose statements obtained from persons who have provided relevant information to the authorities, whether or not they are proposed to be called as Crown witnesses. Where there is no statement but there are notes taken by an investigator, those notes should be produced. Where there are no notes then in addition to the name, address and occupation of the witness, all information in the possession of the prosecution relating to any relevant evidence that the person could give should be supplied:  Stinchcombe at 344-345;

[392]         The Crown is not required to disclose evidence that is beyond the control of the prosecution, clearly irrelevant, privileged or subject to a right of privacy: O’ConnorTrang (19)McKay at para. 36. Thus, the obligation to disclose is subject to the discretion of Crown counsel, which extends both to the withholding of information and to the timing of disclosure. The initial obligation to separate “the wheat from the chaff” rests with Crown counsel. There may also be situations in which early disclosure may impede completion of an investigation. Delayed disclosure on this account is not to be encouraged and should be rare. Completion of the investigation before proceeding with the prosecution of a charge or charges is very much within the control of the Crown. Nevertheless, it is not always possible to predict events which may require an investigation to be re-opened and the Crown must have some discretion to delay disclosure in these circumstances. The discretion of Crown counsel is, however, reviewable by the trial Judge. Counsel for the defence can initiate a review when an issue arises with respect to the exercise of the Crown’s discretion. On a review, the Crown must justify its refusal to disclose. Inasmuch as disclosure of all relevant information is a general rule, the Crown must bring itself within an exception to that rule:  Stinchcombe at 340;


[393]         Disclosure is a duty of the prosecution, which includes counsel, police and other state investigative agencies:  C.(M.H.). In wiretap and other cases, the Crown may rely on other agencies to make determinations as to relevance of information and provide the Crown with summaries of information gathered in the course of an investigation:  Siemens. The Crown has a duty to take reasonable steps to obtain from the police the information which must be disclosed to the defence and the police have the corresponding duty of providing the Crown with this information:  GregantiGagneV. (W.J.)T. (L.A.)Trang (1091) at para. 19. The disclosure obligation requires that if the police become aware of relevant and material information, they are obliged to follow up in a timely way to obtain that information and to provide it to the Crown: J.W.S. at para. 11. Suppression of evidence by the police constitutes an abuse of process, for which the Crown must accept responsibility. This is especially so when the Crown has delegated the responsibility of disclosure preparation to the police: GagneL.A.T.Greganti and authorities therein referred to therein;

[394]         Breach of the disclosure obligation is a breach of the accused’s constitutional rights without the requirement of an additional showing of prejudice:  Carosella at 107; Dixon at 257. Transgressions with respect to this duty constitute a very serious breach of legal ethics:  Stinchcombe at 339. In assessing Crown’s fulfilment of its disclosure obligation, one must look at the reasonableness of its performance; a standard of perfection, or even a guarantee of effective disclosure, whatever the circumstances, would reduce prosecutions to a game of chance:  Biscette.

Une analyse policière de la preuve n'a pas à être divulguée, considérant qu'elle n'est pas un fruit de l'enquête

R. v. Brennan Paving and Construction Ltd., 1998 CanLII 926 (ON CA)
[17]            After the investigator completed his investigation, he prepared a memorandum summarizing the evidence he had gathered. His purpose in doing so was to obtain a legal opinion from Ministry counsel as to whether charges should be laid. This procedure accorded with Ministry of Labour policy.
[18]            There is no indication that the memorandum in question contained material inconsistencies or additional facts not already disclosed to Brennan pursuant to the Crown’s disclosure obligations. As such, the investigator’s memorandum did not constitute the fruits of his investigation. Rather, it was a summary of information which Brennan already possessed. Properly characterized, the memorandum was work product which the Crown would not ordinarily be obliged to disclose.
[19]            Apart from Brennan’s unfounded submission that the memorandum constituted the fruits of the investigation, no other head of relevance was suggested. Accordingly, the Crown was not obliged to disclose the memorandum and the Justice of the Peace and Judge Laing erred in concluding otherwise.
[20]            With respect to the second memorandum, namely, the legal response prepared by Ministry counsel, on appeal, counsel for the respondent conceded that the Justice of the Peace erred in ordering its production. We agree. There was no basis in fact or law warranting the production of this document.

C'est à l'inculpé qu'incombe le fardeau d'établir qu'il existe un motif de conclure que sans la divulgation de preuve demandée, son «innocence» sera en jeu lorsque le privilège de l'informateur est invoqué

R. c. Turcotte, 2003 CanLII 9262 (QC CA)


[6]               Le Tribunal a statué…:
… la Défense ne peut pas demander à monsieur Bergeron s'il a donné une information contre monsieur Bujold, vu que je n'ai absolument rien devant moi qui indique que, si la Défense ne peut pas poser cette question, ça mettrait l'innocence de l'accusé en jeu et je suis satisfait qu'en ne permettant pas aux accusés de poser cette question à monsieur Bergeron, ceci ne porterait pas atteinte aux droits des accusés de présenter une défense pleine et entière.
[7]               Le privilège n'existe pas uniquement pour un motif de sécurité, mais également pour des motifs d'intérêt public.  Une fois son privilège reconnu, Bergeron n'avait pas à  en justifier le maintien;
[8]               Nous sommes unanimement d'avis que l'appelant devait démontrer que son innocence était en jeu;
[9]                Après avoir lu le rapport scellé et entendu les arguments invoqués au soutien de la demande, le juge du procès a conclu qu'une telle atteinte n'avait pas été démontrée;
[10]           La défense n'a d'ailleurs pas été en mesure d'expliquer à cette Cour en quoi le fait que Bergeron ait ou non donné des informations à la police au sujet de Bujold établissait l'innocence de l'appelant;
[11]           À bon droit, le premier juge a respecté les étapes récemment formulées par notre Cour dans R. c. D'Aragon:
(1)       C'est à l'inculpé qu'incombe le fardeau d'établir qu'il existe un motif de conclure que sans la divulgation demandée, son «innocence» sera en jeu.
(2)       Si l'existence de ce motif est établie, le tribunal pourra alors examiner l'information en cause pour déterminer si elle est effectivement nécessaire pour l'inculpé: cet examen se tient ex parte.
(3)       Si le tribunal conclut que la divulgation est nécessaire, il ne devra révéler que les renseignements essentiels pour assurer une défense pleine et entière.
(4)            Avant de divulguer les renseignements à l'inculpé, le tribunal doit donner au ministère public l'opportunité de décider s'il entend ou non permettre que de fait ces renseignements soient divulgués; ce n'est que si le ministère public y consent que les renseignements pourront être communiqués conformément à l'ordonnance.  Dans le cas contraire, le tribunal décide du remède approprié.
(soulignement ajouté)

samedi 7 novembre 2015

La communication de la preuve et le privilège de l'informateur

R. c. Tshiamala, 2011 QCCA 439 (CanLII)


[107]      De plus, l'impact sur la crédibilité du témoin n'est pas à négliger, puisque la poursuite cherchait à convaincre le jury qu'il mentait en témoignant et que la vérité se trouvait donc dans sa déclaration antérieure. En somme, tout ce qui affaiblissait la crédibilité du témoin pouvait rehausser la valeur probante de sa déclaration antérieure et, par le fait même, la force de la preuve à charge. Ainsi, en décidant d'utiliser la lettre P-27, sachant qu'elle ne pourrait communiquer la preuve contradictoire, et en n'avisant pas la défense de l'existence d'une telle preuve (sans en divulguer bien entendu le sens exact), elle a brimé les droits des accusés à une défense pleine et entière.
[108]      Cette interprétation du droit est d'ailleurs confirmée par la directive PRE-1, publiée par le Directeur des poursuites criminelles et pénales du Québec à l'intention des procureurs de la poursuite, qui prévoit ceci :
[Obligation de communication] Dans toute poursuite relative à une infraction criminelle ou pénale, le procureur a le devoir constitutionnel de communiquer à une personne accusée ou à son avocat tous les renseignements qu'il détient et qu'il considère pertinents, sous réserve des renseignements qu'il a l'obligation de protéger.
[Pertinence des renseignements] Un renseignement est pertinent s'il tombe dans l'une des catégories suivantes :
b) il permet directement ou indirectement de réfuter la preuve et les arguments présentés par la poursuite;
[Confidentialité et privilèges] Le procureur doit protéger tout renseignement confidentiel ou privilégié.
Notamment, il doit protéger :
a) tout renseignement permettant de connaître ou de déduire l'identité d'un informateur de police;
[…]
h) tout autre renseignement faisant l'objet d'un privilège ou d'une interdiction de communication en vertu de la loi ou de la common law.
[…]

Afin de protéger les renseignements visés par le présent paragraphe, le procureur doit adopter la méthode qui aura pour effet à la fois de protéger les renseignements et de porter le moins possible atteinte au droit de l'accusé à une défense pleine et entière.
À cet effet, il pourra notamment :
i) expurger d’un document les parties de renseignements qui risquent de porter atteinte à la confidentialité ou au privilège tout en communiquant les renseignements périphériques contenus dans ce document qui n'ont pas cet effet;
ii) retarder la communication, notamment lorsqu'il est nécessaire de protéger la vie ou la sécurité des personnes jusqu'à ce que ce danger soit écarté;
iii) refuser de communiquer les renseignements.
Quelle que soit la méthode utilisée par le procureur pour préserver la confidentialité ou le privilège, ce dernier doit toujours donner à l'accusé l'information minimale permettant à ce dernier de savoir que certains renseignements ne lui ont pas été communiqués
[Je souligne.]
[109]      Ainsi, ce n'est pas parce que l'information doit être protégée que la poursuite ne doit pas informer la défense de l'existence d'une preuve pertinente. Au contraire, elle doit l'en informer, sans en préciser la teneur, pour que celle-ci puisse agir en conséquence, notamment en présentant les requêtes nécessaires. En l'espèce, l'avocat de la poursuite n'a pas respecté cette règle.
[110]      Le guide du service fédéral des poursuites va dans le même sens :
      18.5 Éléments de preuve exclus
      L'obligation de communiquer imposée à la Couronne n'est pas absolue : seuls les éléments de preuve pertinents doivent être communiqués et l'existence d'un privilège légal peut justifier un refus de communiquer des renseignements pertinents pour la défense.
Lorsque le procureur de la Couronne décide de ne pas communiquer des renseignements, il doit aviser la défense du refus, du motif de celui-ci (c.-à-d., le type de privilège invoqué) et, dans la mesure du possible, de la nature générale des renseignements non communiqués. Cependant, dans certaines circonstances, la simple reconnaissance de l'existence de l'information (c.-à-d., dans le cas où celle-ci se rapporte aux relations internationales, à la défense ou à la sécurité nationales, à un indicateur de police ou à une enquête policière en cours) porterait préjudice aux renseignements que l'on tente de protéger. Dans ces cas, on attend du procureur qu'il fasse preuve de discernement et consulte les avocats directeurs principaux pour évaluer le mode d'action à adopter selon chaque dossier.
Lorsqu'il retarde la communication d'éléments de preuve pour assurer la sécurité de témoins, selon les dispositions énoncées précédemment à la s. 18.4.2, ou pour permettre qu'une enquête soit menée à terme, dans les conditions prévues à la s. 18.5.3, le procureur de la Couronne doit communiquer les renseignements dès que disparaît la justification du report. Il doit aviser la défense du fait qu'une partie de la communication est retardée sans que cela porte atteinte au motif du report. 
[Je souligne.]
[111]      On comprend qu'il pourrait arriver que l'avocat de la poursuite ne puisse pas dévoiler même la simple existence d'une autre preuve. Il devrait alors faire preuve de discernement, ce qui signifie, dans certains cas, ne pas présenter la preuve partielle. C'était clairement le cas ici.
[112]      Il ne saurait être question, comme le soutient l'appelante, de considérer, par analogie, la preuve contradictoire comme une preuve non disponible, parce que perdue ou détruite. Cette preuve existait et la poursuite n'était donc pas confrontée à l'impossibilité de la communiquer parce qu'elle serait disparue ou détruite. La possibilité demeurait et l'avocat devait agir en conséquence.
[113]      Bref, même si la poursuite ne pouvait ici divulguer l'essence de la preuve contradictoire sans, ce faisant, divulguer l'identité de l'informateur, il n'en reste pas moins qu'elle devait faire un choix. Soit elle n'utilisait pas la lettre P-27, ce qui lui permettait de ne pas divulguer la preuve contradictoire puisque non pertinente, soit elle l'utilisait et elle devait alors informer la juge et lui demander des directives sur la marche à suivre, à huis clos et ex parte, conformément à la common law ou à l'article 37 de la Loi sur la preuve. De cette façon, la juge aurait pu assurer le respect des droits des accusés, soit en interdisant l'utilisation de la preuve, en toute connaissance de cause (ce qui aurait sûrement permis d'éviter l'incident de la lecture de la lettre), soit en fixant des conditions à son utilisation.
[114]      De plus, l'avocat de la poursuite, pendant de longues journées, a tenté de procéder à la présentation de sa preuve en cachant l'existence de la preuve contradictoire et ensuite de convaincre la juge de l'à-propos de sa décision de ne pas en parler. Dans l'un ou l'autre cas, cette conduite devait être prise en compte par la juge, comme elle l'a fait.
[115]      L'appelante reproche aussi à la juge de première instance de ne pas avoir indiqué en quoi le droit à une défense pleine et entière aurait été enfreint ni en quoi il y aurait eu atteinte à l'équité du procès. Ce reproche n'est pas fondé. Les paragraphes 102 à 115 du jugement, qui demeurent confidentiels, mais dont l'appelante a pu prendre connaissance, expliquent amplement pourquoi l'utilisation de la lettre, tout en sachant qu'une autre preuve pouvait la contredire ou en diminuer substantiellement la valeur probante, enfreignait la protection accordée par la Charte aux accusés et portait atteinte à l'intégrité du système de justice.

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

Le droit applicable à la preuve de la conduite postérieure à l’infraction

R. c. Cardinal, 2018 QCCS 2441 Lien vers la décision [ 33 ]             L’essentiel du droit applicable à la preuve de la conduite postérieu...