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jeudi 14 mars 2024

Certains mythes et stéréotypes à l’endroit des plaignantes dans les affaires d’agression sexuelle

R. c. Kruk, 2024 CSC 7

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[36]                        À maintes reprises, notre Cour a reconnu la prédominance des mythes et stéréotypes à l’endroit des plaignantes dans les affaires d’agression sexuelle, notamment les suivants :

           Les véritables agressions sexuelles sont perpétrées par des individus qui ne connaissent pas la victime (Seaboyer, p. 659, la juge L’Heureux‑Dubé, dissidente en partie; R. c. Friesen2020 CSC 9, [2020] 1 R.C.S. 424, par. 130, le juge en chef Wagner et le juge Rowe).

           Les fausses allégations d’agression sexuelle fondées sur des motifs inavoués sont plus fréquentes que les fausses allégations relatives aux autres infractions (Seaboyer, p. 669, la juge L’Heureux‑Dubé, dissidente en partie; R. c. Osolin1993 CanLII 54 (CSC), [1993] 4 R.C.S. 595, p. 625, la juge L’Heureux‑Dubé, dissidente; R. c. A.G.2000 CSC 17, [2000] 1 R.C.S. 439, par. 3, la juge L’Heureux‑Dubé, motifs concordants).

           Les véritables victimes d’agression sexuelle devraient avoir des lésions corporelles visibles (Seaboyer, p. 650 et 660, la juge L’Heureux‑Dubé, dissidente en partie; R. c. McCraw1991 CanLII 29 (CSC), [1991] 3 R.C.S. 72, p. 83‑84, le juge Cory au nom de la Cour).

           Une plaignante qui a dit « non » ne voulait pas nécessairement dire « non » et peut avoir voulu dire « oui » (Seaboyer, p. 659, la juge L’Heureux‑Dubé, dissidente en partie; R. c. Esau1997 CanLII 312 (CSC), [1997] 2 R.C.S. 777, par. 82, la juge McLachlin (plus tard juge en chef), dissidente; R. c. Ewanchuk1999 CanLII 711 (CSC), [1999] 1 R.C.S. 330, par. 87 et 89, la juge L’Heureux‑Dubé, motifs concordants; R. c. Cinous2002 CSC 29, [2002] 2 R.C.S. 3, par. 167, la juge Arbour, dissidente; R. c. Kirkpatrick2022 CSC 33, par. 54, la juge Martin, pour les juges majoritaires; R. c. Goldfinch2019 CSC 38, [2019] 3 R.C.S. 3, par. 44 et 74, la juge Karakatsanis pour les juges majoritaires).

           Si la plaignante est restée passive ou n’a pas résisté aux avances de l’accusé, que ce soit physiquement ou verbalement en disant « non », elle était forcément consentante — un mythe qui a historiquement déformé la définition du consentement et fait du viol [traduction] « le seul crime qui exige que la victime ait résisté physiquement comme preuve de l’absence de consentement » (Ewanchuk, par. 93, 97 et 99, la juge L’Heureux‑Dubé, motifs concordants, citant S. Estrich, « Rape » (1986), 95 Yale L.J. 1087, p. 1090; voir aussi le par. 103, la juge McLachlin, motifs concordants, et le par. 51, le juge Major pour les juges majoritaires; voir en outre R. c. M. (M.L.)1994 CanLII 77 (CSC), [1994] 2 R.C.S. 3, p. 4, le juge Sopinka au nom de la Cour; R. c. Find2001 CSC 32, [2001] 1 R.C.S. 863, par. 101, la juge en chef McLachlin au nom de la Cour; Cinous, par. 167, la juge Arbour, dissidente; R. c. Barton2019 CSC 33, [2019] 2 R.C.S. 579, par. 98, 105, 107, 109 et 118, le juge Moldaver pour les juges majoritaires; Friesen, par. 151, le juge en chef Wagner et le juge Rowe au nom de la Cour).

           Une femme active sexuellement (1) est plus susceptible d’avoir consenti à l’activité sexuelle qui fait l’objet de l’accusation et (2) est moins crédible — aussi appelés les « deux mythes », qui permettaient que le comportement sexuel antérieur de la plaignante soit analysé de façon approfondie lors du procès, sans égard pour sa pertinence, ce qui écartait le débat de la conduite alléguée de l’accusé et le dirigeait vers la valeur morale perçue de la plaignante (SeaboyerEwanchuk).

[37]                        Les mythes et stéréotypes à l’endroit des plaignantes dans les affaires d’agression sexuelle englobent des idées et des croyances très répandues qui ne sont pas vraies empiriquement — comme les notions désormais discréditées que les infractions sexuelles sont généralement commises par des personnes que la victime ne connaît pas, ou que les crimes de ce type sont plus susceptibles que les autres infractions de faire l’objet de fausses allégations. Les mythes, en particulier, véhiculent des histoires et des visions du monde traditionnelles concernant ce qui, aux yeux de certains, constitue de la « véritable » violence sexuelle et ce qui n’en constitue pas. Certains mythes impliquent le discrédit en bloc de la véracité des propos des femmes et de leur fiabilité, tandis que d’autres conceptualisent une victime idéalisée ainsi que ses caractéristiques et ses actions avant, pendant et après l’agression. Par le passé, tous les mythes et stéréotypes de ce genre se reflétaient dans les règles de preuve qui ne régissaient que le témoignage des plaignantes dans les affaires d’agression sexuelle et avaient invariablement pour effet de dévaluer et de rabaisser leur statut en cour.

dimanche 3 mars 2024

L'absence de consentement & l'ébriété de la victime

R. c. G.F., 2021 CSC 20

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[25]                          L’actus reus de l’agression sexuelle exige que la Couronne établisse trois éléments : i) les attouchements; ii) d’une nature objectivement sexuelle; iii) auxquels la plaignante n’a pas consenti : Ewanchuk, par. 25R. c. Chase1987 CanLII 23 (CSC), [1987] 2 R.C.S. 293. Les deux premiers éléments sont établis objectivement, tandis que le troisième est subjectif et déterminé par rapport à l’état d’esprit dans lequel se trouvait en son for intérieur la plaignante à l’égard des attouchements : Ewanchuk, par. 25‑26. À l’étape de la mens rea, la Couronne doit prouver que i) l’accusé avait l’intention de se livrer à des attouchements sur la plaignante; et ii) l’accusé savait que la plaignante ne consentait pas, ou il ne se souciait pas de savoir si elle consentait ou non, ou a fait preuve d’aveuglement volontaire à cet égard : Ewanchuk, par. 42. La perception qu’avait l’accusé du consentement est examinée dans le cadre de la mens rea, notamment la défense de la croyance sincère mais erronée au consentement communiqué : R. c. Barton2019 CSC 33, [2019] 2 R.C.S. 579, par. 90.

[29]                          En ce qui concerne tout d’abord le par. 273.1(1), le consentement s’entend de « l’accord volontaire du plaignant à l’activité sexuelle ». Selon la jurisprudence de la Cour, l’analyse de la question de savoir si la plaignante a consenti ou non est purement subjective, et déterminée par rapport à l’état d’esprit dans lequel se trouvait en son for intérieur la plaignante à l’égard des attouchements, lorsqu’ils ont eu lieu : Ewanchuk, par. 26‑27; R. c. J.A., 2011 CSC 28, [2011] 2 R.C.S. 440, par. 34 et 43‑44. À l’étape de l’actus reus, le consentement signifie que, dans son esprit, la plaignante a accepté que les attouchements sexuels aient lieu : Ewanchuk, par. 48; J.A., par. 23; R. c. Park, 1995 CanLII 104 (CSC), [1995] 2 R.C.S. 836, par. 16, la juge L’Heureux‑Dubé; Barton, par. 89; R. c. Goldfinch, 2019 CSC 38, [2019] 3 R.C.S. 3, par. 44. Le consentement nécessite « l’accord volontaire du plaignant à chacun des actes sexuels accomplis à une occasion précise » : J.A., par. 31; voir aussi par. 34. De plus, le consentement n’est pas examiné dans l’abstrait; il doit plutôt se rattacher à l’activité sexuelle. Dans l’arrêt Hutchinson, la Cour a expliqué que « l’activité sexuelle » ne vise que l’acte sexuel, la nature sexuelle de cet acte et l’identité précise du ou des partenaires de la plaignante : par. 54‑57. Par conséquent, pour qu’il y ait consentement, la plaignante doit subjectivement consentir à l’acte, à sa nature sexuelle et à l’identité précise de son ou de ses partenaires : Barton, par. 88.

[56]                          Il existe une autre exigence. Parce que le consentement subjectif exige un « accord volontaire », la plaignante doit être capable de comprendre qu’elle a le choix de se livrer ou non à l’activité sexuelle : Code criminel, par. 273.1(1). À tout le moins, l’accord volontaire exigerait que la plaignante exerce le choix de se livrer à l’activité sexuelle. Dans ce sens précis, afin de donner son accord volontaire à l’activité sexuelle, la plaignante doit comprendre qu’elle peut dire « non ». Dans l’arrêt J.A., la Cour a conclu que le consentement exige que la plaignante soit « lucide » au moment des attouchements, qu’elle soit en mesure d’évaluer chaque acte sexuel et de choisir d’y consentir ou non : par. 36 et 43‑44. Par conséquent, une plaignante inconsciente ne peut pas donner de consentement concomitant. Il s’ensuit que lorsque la plaignante est incapable de comprendre qu’elle a le choix de se livrer à l’activité ou de refuser de s’y livrer, elle est incapable de consentir. En conséquence, la plaignante qui est incapable de dire non, ou qui croit qu’elle n’a pas le choix, n’est pas capable de formuler un consentement subjectif : voir R. c. Al‑Rawi2018 NSCA 10, 359 C.C.C. (3d) 237, par. 60, citant R. c. Daigle (1997), 1997 CanLII 9934 (QC CA), 127 C.C.C. (3d) 130 (C.A. Qc), conf. par 1998 CanLII 786 (CSC), [1998] 1 R.C.S. 1220.

[57]                          En résumé, pour que la plaignante soit capable de donner un consentement subjectif à l’activité sexuelle, elle doit être capable de comprendre quatre choses :

1.      l’acte physique;

2.      le fait que l’acte est de nature sexuelle;

3.      l’identité précise de son ou ses partenaires; et

4.      le fait qu’elle peut refuser de participer à l’activité sexuelle.

[58]                          La plaignante ne sera en mesure de donner un consentement subjectif que si elle est capable de comprendre ces quatre facteurs. Si la Couronne prouve l’absence d’un seul facteur hors de tout doute raisonnable, alors la plaignante est incapable de donner un consentement subjectif et l’absence de consentement est établie à l’étape de l’actus reus. Il ne serait pas nécessaire d’examiner la question de la validité du consentement en droit, puisqu’il n’y aurait aucun consentement subjectif pouvant être vicié.

[86]                          Les mentions de l’ébriété par le juge du procès doivent être interprétées à la lumière des questions en litige au procès. Il a reconnu que l’ébriété pouvait mener à l’incapacité de consentir. Toutefois, « tout degré d’ivresse » n’était pas en cause — c’était plutôt le degré extrême d’ébriété que la plaignante a invoqué lors de son témoignage qui était en cause. Elle n’a pas parlé d’un degré d’ébriété léger ou abstrait. Selon son témoignage, elle était dans un état d’ébriété tellement avancé qu’elle a vomi plusieurs fois et perdu connaissance, elle sentait qu’elle n’avait « plus aucun contrôle sur elle‑même » pendant l’activité sexuelle, elle avait l’impression qu’elle n’avait pas le choix et ne pouvait rien faire pour mettre fin à la situation. Toutes les parties ont reconnu au procès que ce témoignage, s’il était accepté, établissait l’incapacité à consentir. C’est ce degré d’ébriété extrême dont parlait le juge du procès lorsqu’il analysait la question de savoir si la plaignante était en état d’ébriété au point d’être incapable de consentir. Dans le contexte du présent procès, les motifs du juge du procès ne devraient pas être interprétés comme assimilant tout degré d’ébriété à l’incapacité.

La résistance à un agent de la paix requiert plus qu'une simple non-coopération

R. v. Kennedy, 2016 ONCA 879

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[36]      In my view, the offence of resisting a peace officer requires more than being uncooperative: it requires active physical resistance. While this case is at the very low end of the scale of acts of resistance, there was evidence upon which a properly instructed jury could find Mr. Kennedy guilty of the offence. The evidence suggested that he repeatedly turned his body during his arrest. There was also evidence from one officer that he had pulled away. In my view, the jury was entitled to conclude that these acts amounted to active resistance.

mercredi 28 février 2024

Le témoin doit avoir l'opportunité de donner une explication à savoir pourquoi sa version n'est pas acceptée

R v. S.C.D.Y., 2020 ABCA 134 

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[63]           Counsel complies with the Browne v. Dunn rule if he or she challenges the witness called by a party adverse in interest on “matters of substance on which the party seeks to impeach the witness’ credibility and on which the witness has not had an opportunity of giving an explanation because there has been no suggestion whatsoever that the witness’ story is not accepted”.[58]

[58] The Queen v. Quansah2015 ONCA 237, ¶ 81; 323 C.C.C. 3d 191, 207 (emphasis in original). See also The Queen v. Fenlon71 Cr. App. R. 307, 313 (1980) per Lord Lane, C.J. (“It is the duty of counsel who intends to suggest that a witness is not telling the truth to make it clear to the witness in cross-examination that he challenges his veracity and to give the witness an opportunity of replying. It need not be done in minute detail, but it is the duty of counsel to make it plain to the witness ... that his evidence is not accepted and in what respects it is not accepted”); McDonagh v. Sunday Newspapers Ltd., [2017] IESC 46, ¶ 59 (“what the rule is truly focused on and what it seeks to achieve is to ensure that evidence intended to be impugned is put in issue in a manner or way, whatever that might be, which conveys to all parties and the relevant witnesses that such evidence is being challenged. Is it in dispute or contention? Is it being contradicted? Simply put, is it in controversy? If so, and if in a manner obvious or known to all, then such is sufficient to ‘put it in issue’. This therefore is the yardstick. How it is done is not the test: the basis for the rule does not demand more”) & D. Paciocco & L. Stuesser, The Law of Evidence 438 (6th ed. 2011) (“In order to comply with the [Browne v. Dunn] rule, counsel is not required to slog though every single detail to be contradicted. The necessary unfairness that triggers the rule only arises when there is a failure to cross-examine on central features or significant matters”).

Pour déterminer si le témoin a pu répondre à l'attaque contre sa crédibilité, il faut tenir compte du contexte

Demontigny c. R., 2022 QCCA 2 

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[53]      Toutefois, pour déterminer si le témoin a pu répondre à l'attaque contre sa crédibilité, et le bémol est à la fois important et essentiel, il faut tenir compte du contexte. Cette « décision relève du pouvoir discrétionnaire du juge du procès, eu égard à toutes les circonstances de l’affaire » : R. c. Lyttle2004 CSC 5 (CanLII), [2004] 1 R.C.S. 193, par. 65. Comme le rappelait la Cour suprême, « l'effet à donner à l'absence de contre-interrogatoire ou à sa brièveté dépend des circonstances de chaque affaire. Il ne peut y avoir de règle générale ou absolue » : R. c. Palmer1979 CanLII 8 (CSC), [1980] 1 R.C.S. 759, 781. En écrivant ainsi, le juge McIntyre, pour la Cour, approuvait sans réserve la citation tirée de l’arrêt Browne v. Dunn, à la p. 79 où Lord Morris expliquait :

I therefore wish it to be understood that I would not concur in ruling that it was necessary, in order to impeach a witness’s credit, that you should take him through the story which he had told, giving him notice by the questions that you impeached his credit.


[56]      La vraie question est de savoir si la manière de procéder avec le témoin autorise ensuite l'attaque de sa crédibilité sur la base d'un ou des points importants alors que ce témoin ne pouvait s'attendre à cette attaque, n'ayant jamais eu raison de croire que ce ou ces points étaient importants pour soutenir sa crédibilité : Browne v. Dunn, p. 71 ; R. c. Chandroo2018 QCCA 1429 ; R. v. Quansah2015 ONCA 237.

[57]      Évidemment, s'il connaît les embûches susceptibles d'affecter sa crédibilité, cela fait partie du contexte et permet de conclure à l'absence d'iniquité : à titre d’exemples, voir R v. Malou2013 ABCA 167, par. 20 ; R. c. Shephard2019 NBCA 76, par. 78 ; R. v. Dieckmann2017 ONCA 575, par. 62.

Un élément testimonial contesté doit être raisonnablement prévisible pour ne pas entraîner l'application de la règle établie dans l’arrêt Browne c. Dunn

Shephard c. R., 2019 NBCA 76

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[75]                                                           Dans l’arrêt R. c. Lyttle2004 CSC 5[2004] 1 R.C.R. 193, la Cour suprême du Canada a défini la règle, quoiqu’elle l’ait fait en obiter dictum, comme obligeant la partie qui mène le contre‑interrogatoire à donner avis au témoin du fait qu’elle a l’intention de mettre en doute son témoignage (par. 64). Soyons clairs : la Cour n’a pas limité la possibilité de mettre en doute le témoignage en question à la présentation « ultérieure » d’une preuve contraire. Voici ce qu’a dit la Cour :

 

[…] La règle établie dans Browne c. Dunn oblige l’avocat à prévenir les témoins dont il entend mettre en doute la crédibilité ultérieurement. La justification de cette règle a été expliquée ainsi par lord Herschell, aux p. 70-71 :

 

[traduction] […] Bien, vos Seigneuries, je ne peux m’empêcher d’affirmer qu’il m’apparaît absolument essentiel au déroulement régulier d’une instance, lorsqu’un avocat entend suggérer qu’un témoin ne dit pas la vérité sur un point en particulier, d’attirer l’attention de ce témoin sur ce fait en lui posant en contre-interrogatoire certaines questions indiquant qu’on fera cette imputation, et non d’accepter son témoignage et d’en faire abstraction comme s’il était absolument incontesté puis, lorsqu’il lui est impossible d’expliquer – ce qu’il aurait peut-être pu faire si ces questions lui avaient été posées – les circonstances qui, prétend‑on, montrent que sa version des faits ne doit pas être retenue, de soutenir qu’il n’est pas un témoin digne de foi. Vos Seigneuries, il m’a toujours semblé que l’avocat qui entend mettre en doute le témoignage d’une personne doit, lorsque cette personne se trouve à la barre des témoins, lui donner l’occasion d’offrir toute explication qu’elle est en mesure de présenter. De plus, il me semble qu’il ne s’agit pas seulement d’une règle de pratique professionnelle dans la conduite d’une affaire, mais également d’une attitude essentielle pour agir de façon loyale envers les témoins. On souligne parfois le caractère excessif du contre‑interrogatoire auquel un témoin est soumis, reprochant à ce contre‑interrogatoire d’être abusif. Toutefois, il me semble qu’un contre-interrogatoire mené par un avocat péchant par excès de zèle peut se révéler beaucoup plus équitable pour le témoin que le fait de ne pas le contre-interroger puis de suggérer qu’il ne dit pas la vérité, je veux dire sur un point à l’égard duquel il n’est par ailleurs pas clair qu’il a été pleinement informé au préalable qu’on entendait mettre en doute la crédibilité de sa version des faits.

 

Bien qu’elle vise à faire en sorte que les témoins et les parties soient traités équitablement, cette règle n’a pas un caractère absolu. La mesure dans laquelle elle est appliquée est une décision qui relève du pouvoir discrétionnaire du juge du procès, eu égard à toutes les circonstances de l’affaire. Voir Palmer c. La Reine, [1980] 1 R.C.R. 759, p. 781-782; J. Sopinka, S. N. Lederman et A. W. Bryant, The Law of Evidence in Canada (2e éd. 1999), p. 954 et 957. Quoi qu’il en soit, la règle susmentionnée établie dans l’arrêt Browne c. Dunn demeure un principe valable d’application générale, bien qu’elle ne soit pas pertinente pour la question dont était saisi le juge du procès en l’espèce. [Par. 64 et 65]

[Le soulignement est de nous.]

 

[76]                                                           Dans l’ouvrage intitulé McWilliams’ Canadian Criminal Evidence, 5éd. (Toronto : Thomson Reuters, 2019), le champ d’application de la règle établie dans l’arrêt Browne c. Dunn est décrit comme étant large :

 

[TRADUCTION]
Une partie qui entend attaquer la crédibilité d’un témoin, soit au moyen d’une preuve contraire, soit simplement dans son exposé final au juge des faits, devrait en règle générale offrir au témoin la possibilité de traiter ou d’expliquer la question au sujet de laquelle sa crédibilité est attaquée.
 En termes simples, le témoin devrait être confronté en contre‑interrogatoire sur toute question importante au sujet de laquelle sa crédibilité sera attaquée. L’omission de le faire peut réduire la valeur probante de la preuve de cette partie et donner un recours à la partie adverse qui a appelé le témoin. [P. 21‑109]

[Le soulignement est de nous.]

 

Cette description de la règle concorde avec notre interprétation de celle‑ci.

 

[77]                                                           Il n’y a pas de doute que la règle établie dans l’arrêt Browne c. Dunn s’applique aux cas où la partie qui mène le contre‑interrogatoire entend présenter une preuve contraire. Toutefois, avec égards, nous sommes d’avis que sa portée est plus large que cela. La raison d’être de cette règle est de prévenir toute injustice envers le témoin, envers la partie adverse et, certains diraient, envers le juge des faits. Son application serait déclenchée chaque fois que la partie qui mène le contre‑interrogatoire entend demander au juge des faits de ne pas ajouter foi à des témoins sur un point au sujet duquel leur témoignage n’a pas été contesté, mais sur lequel elle se fonde pour mettre en doute leur crédibilité, ce que la partie qui a appelé ces témoins n’aurait pas pu raisonnablement prévoir (voir Gillis c. R., 2014 NBCA 58426 R.N.‑B. (2e) 1, par. 92 à 96, autorisation de pourvoi refusée à [2014] C.S.C.R. no 496 (QL); Crowley c. R., 2015 NBCA 61441 R.N.‑B. (2e) 146Mockler c. Nouveau‑Brunswick et autres2019 NBCA 50[2019] A.N.‑B. no 170 (QL), par. 76; et R. c. Hart (1932), 23 Cr. App. R. 202 (C.A.), à la p. 207). Comme il est expliqué dans l’arrêt Lyttle, le juge du procès a un large pouvoir discrétionnaire pour apprécier l’équité et déterminer si la règle entre en jeu et, dans l’affirmative, pour établir la réparation appropriée en cas d’atteinte.

L'opportunité exclusive peut justifier à elle seule la condamnation d'un accusé

R. v. Doodnaught, 2017 ONCA 781

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[70]      Evidence of mere opportunity to commit an offence is one thing, evidence of exclusive opportunity to commit an offence quite another. Indeed, evidence of exclusive opportunity, on its own, may be sufficient to prove the guilt of an accused beyond a reasonable doubt: See, R. v. Imrich1977 CanLII 27 (SCC), [1978] 1 S.C.R. 622, affirming (1974), 1974 CanLII 42 (ON CA), 21 C.C.C. (2d) 99 (Ont. C.A.).

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

Les déclarations d'un accusé à son complice ne sont pas du ouï-dire

R v Ballantyne, 2015 SKCA 107 Lien vers la décision [ 58 ]             At trial, Crown counsel attempted to tender evidence of a statement m...