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dimanche 8 septembre 2024

Comment définir la norme du doute raisonnable à un jury

R. c. Starr, 2000 CSC 40

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242                           J’estime qu’une manière efficace de définir la norme du doute raisonnable à un jury consiste à expliquer qu’elle se rapproche davantage de la certitude absolue que de la preuve selon la prépondérance des probabilités.  Comme l’arrêt Lifchus l’a précisé, le juge du procès est tenu d’expliquer qu’il faut moins que la certitude absolue et plus que la culpabilité probable pour que le jury prononce une déclaration de culpabilité.  Ces deux normes subsidiaires se comprennent assez facilement.  Il sera très utile au jury que le juge du procès situe la norme du doute raisonnable de la bonne façon entre ces deux normes.  Les directives supplémentaires au jury qui ont été énoncées dans Lifchus, quant au sens du doute raisonnable et à la façon d’en déterminer l’existence, servent à définir ce qui sépare la certitude absolue de la preuve hors de tout doute raisonnable.  À cet égard, je suis d’accord avec le juge Twaddle de la Cour d’appel lorsqu’il dit, à la p. 177:

 

[traduction]  Si les normes de preuve étaient inscrites sur un étalon de mesure, la preuve «hors de tout doute raisonnable» se situerait beaucoup plus près de la «certitude absolue» que de la «prépondérance des probabilités».  De la même manière que le juge est tenu de dire au jury que la certitude absolue n’est pas requise, il lui incombe, à mon avis, de lui dire que la norme en matière criminelle est plus qu’une probabilité.  Les mots qu’il utilise pour transmettre cette idée n’ont pas d’importance, mais l’idée elle‑même doit être transmise. . .

Quelle est l'essence du droit à l'avocat?

R. c. Dussault, 2022 CSC 16

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[56]                        Dans R. c. Rover2018 ONCA 745, 143 O.R. (3d) 135, le juge Doherty a décrit le droit à l’assistance d’un avocat comme un [traduction] « canal de communication » grâce auquel les personnes détenues obtiennent des conseils juridiques et « ont aussi le sentiment qu’elles ne sont pas entièrement à la merci des policiers pendant leur détention » : par. 45; voir aussi R. c. Tremblay2021 QCCA 24, 69 C.R. (7th) 28, par. 40. Je suis d’accord. En l’espèce, la conduite policière a eu pour effet de miner et de dénaturer les conseils que M. Dussault avait reçus. Les policiers auraient dû offrir à ce dernier une seconde possibilité de rétablir son « canal de communication », mais ils ne l’ont pas fait. En ne le faisant pas, ils ont violé les droits que l’al. 10b) garantit à M. Dussault.

L’arrêt Sinclair et le droit à une seconde consultation

R. c. Dussault, 2022 CSC 16

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[30]                        L’alinéa 10b) de la Charte précise que chacun a le droit, en cas d’arrestation ou de détention, « d’avoir recours sans délai à l’assistance d’un avocat et d’être informé de ce droit ». Exprimé de la manière la plus large possible, l’objet du droit à l’assistance d’un avocat consiste à « fournir au détenu l’occasion d’obtenir des conseils juridiques propres à sa situation juridique » : Sinclair, par. 24.

[31]                        L’alinéa 10b) impose des obligations correspondantes à l’État. Les policiers doivent informer les détenus de leur droit d’avoir recours à l’assistance d’un avocat (l’obligation d’information), et ils doivent fournir aux détenus qui invoquent ce droit une possibilité raisonnable de l’exercer (l’obligation de mise en application). L’inobservation de l’une ou l’autre de ces obligations entraîne une violation de l’al. 10b) : Sinclair, par. 27, citant R. c. Manninen1987 CanLII 67 (CSC), [1987] 1 R.C.S. 1233.

[32]                        Les policiers peuvent normalement s’acquitter de leur obligation de mise en application en facilitant « une seule consultation, au moment de la mise en détention ou peu après celle‑ci » : Sinclair, par. 47. Dans ce contexte, la consultation vise à faire en sorte que « la décision du détenu de coopérer ou non à l’enquête soit à la fois libre et éclairée » : par. 26. Quelques minutes au téléphone avec un avocat peuvent suffire, même si les accusations sont très graves : voir, p. ex., R. c. Willier2010 CSC 37, [2010] 2 R.C.S. 429.

[33]                        Sur ce point, il convient de réitérer ce que les juges majoritaires ont clairement énoncé dans Sinclair : les détenus n’ont pas le droit d’obtenir l’assistance continue d’un avocat, et les policiers n’ont pas l’obligation de faciliter une telle assistance. Bien que d’autres pays reconnaissent le droit à la présence d’un avocat pendant toute la durée d’un interrogatoire policier, ce n’est pas le cas au Canada. Les tribunaux et les législateurs canadiens ont adopté une approche différente afin de concilier les droits individuels des détenus et l’intérêt du public à ce que les lois soient appliquées de manière efficace : Sinclair, par. 37‑39.

[34]                        Une fois qu’un détenu a consulté un avocat, les policiers ont le droit de commencer à recueillir des éléments de preuve, et c’est uniquement de façon exceptionnelle qu’il sont obligés de lui offrir une possibilité additionnelle de recevoir des conseils juridiques. Dans l’arrêt Sinclair, la juge en chef McLachlin et la juge Charron, qui ont rédigé les motifs de la majorité, ont expliqué que le droit a jusqu’ici reconnu trois catégories de « changement[s] de circonstances » pouvant faire renaître le droit d’un détenu à l’assistance d’un avocat : « . . . le détenu est soumis à des mesures additionnelles; un changement est survenu dans les risques courus par le détenu; il existe des raisons de croire que les renseignements fournis initialement comportent des lacunes » (par. 2). Bien entendu, pour que l’un ou l’autre de ces « changement[s] de circonstances » donne naissance au droit de consulter de nouveau, il doit être « objectivement observable ».

[35]                        À titre d’exemple précis de la troisième catégorie énumérée ci‑dessus, les juges majoritaires ont expliqué, au par. 52, que le droit de la personne détenue d’avoir recours à l’assistance d’un avocat peut renaître si la police « mine » les conseils juridiques qu’elle a reçus :

      De même, si la police mine les conseils juridiques reçus par le détenu, cela peut avoir pour effet de les dénaturer ou de les réduire à néant, ce qui entrave la réalisation de l’objet de l’al. 10b). Pour faire contrepoids à cet effet, on a estimé nécessaire d’accorder de nouveau au détenu le droit de consulter un avocat. Voir [R. c.Burlingham[, 1995 CanLII 88 (CSC), [1995] 2 R.C.S. 206].


Dans quelles circonstances l'utilisation d'une arme en direction de quelqu'un peut constituer des voies de fait?

Bouchard-Sasseville c. R., 2020 QCCS 5009 

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[20]        Dans le contexte de cette affaire, l’exhibition par Bouchard-Sasseville de ce qui ressemble à une arme à feu, et de ce qu’il sous-entend être une vraie arme à feu, est manifestement assimilable en droit à une menace actualisable d’employer la force au sens de l’al 265(1)b); au port, à l’utilisation ou à la menace d’utilisation d’une arme au sens de l’al. 267a) C.cr.; et à l’utilisation d’une arme à feu ou d’une fausse arme lors de la commission de voies de fait, au sens de l’art 85 C.cr.

[21]        Pour s’en convaincre, le Tribunal réfère à certains précédents disposant directement des arguments mis de l’avant par Bouchard-Sasseville:

R. v. Horner2018 ONCA 971, par. 13 à 16, où la Cour d’appel de l’Ontario confirme qu’en s’avançant avec un couteau en direction d’une personne qui lui a demandé de quitter les lieux, l’inculpé a commis des voies de fait au sens de l’al 265(1)b), et au surplus des voies de fait armées au sens de l’al. 267a) C.cr;

R. v. Steele2007 CSC 36 (CanLII), 2007 3 RCS 3, par. 13 à 16, où la Cour suprême retient que celui qui, à l’occasion d’une introduction par effraction, mentionne aux occupants du lieu qu’il a une arme à feu, et qui tient en main quelque chose qui ressemble à une arme à feu, utilise une arme ou fausse arme à feu au sens de l’art. 85 C.cr.

[22]        De plus, l’opinion exprimée dans l’obiter de Colburne lie d’autant moins le Tribunal que la proposition qu’on y pose (par. 86 : braquer une arme en direction de quelqu'un peut constituer des voies de fait, mais pas des voies de fait armées), et le résultat auquel elle conduit, ont été mis de côté dans l’arrêt R. c. Thibault2015 QCCA 400 (par. 8 : pointer une arme à bout touchant sur la victime constitue des voies de fait armées). Dans Thibault, la Cour d’appel casse l’acquittement prononcé sur un chef de voies de fait armées et la condamnation prononcée sur l’infraction moindre de voies de fait, et y substitue une déclaration de culpabilité pour des voies de fait armées.

[23]        Enfin, le Tribunal est d’avis que, dans les cas où il y a totale redondance entre les éléments constitutifs des voies de fait, tels que définis à l’art. 265, et les éléments constitutifs de l’infraction de voies de fait armées, et donc absence d’élément additionnel pour cette forme aggravée de voies de fait, l’approche à adopter est celle retenue par le juge Healy, alors qu’à la Cour du Québec, dans R. v. Mancini2008 QCCQ 2006, par 38-43 : « A court does not have a choice between the greater and lesser offence in these circumstances » (par. 43).

jeudi 5 septembre 2024

Un juge peut tenir compte du comportement d’un témoin, de sa façon de témoigner, malgré qu'iI ne doit pas se laisser indûment influencer par un tel examen

L.L. c. R., 2016 QCCA 1367

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[88]      On peut certes s’interroger sur l’évaluation fondée sur le comportement ou l’attitude de l’appelant en témoignant et sur l’à-propos des mots « l'accusé cherche ses mots, hésite, bafouille et joue constamment avec ses mains ». Un juge peut évidemment tenir compte du comportement d’un témoin, de sa façon de témoigner : R. c. N.S., [2012] 3 R.C.S. 728. Il ne faut toutefois pas se laisser indûment influencer par un tel examen et, entre autres, il ne faut pas se baser sur ce seul constat : R. v. Rhayel2015 ONCA 377R. c. Z.Z., 2013 QCCA 1498, paragr. 79-71R. c. R.P., 2010 QCCA 2237R. c. R. (J.), 2006 QCCA 719R. c. Chantal[1998] A.Q. no 3376 (C.A.)R. c. Norman, (1993) 1993 CanLII 3387 (ON CA), 26 C.R. (4th) 256 (C.A. Ont.), d’autant qu’il est de plus en plus reconnu qu’un tel exercice peut être déficient, comme le rappellent les auteurs Roach, Brown, Shaffer et Renaud :

[…] There is also considerable research which shows that the cues which are most widely believed to be correlated with deception such as gaze aversion, smiling and fidgeting are in fact not associated at all. […][1]

[89]      Comme le rappelle Vincent Denault dans un récent ouvrage, par ailleurs fort intéressant, « l’observation passive du comportement non verbal d’un témoin lors d’un procès, sans intervenir, sans poser d’autres questions, sans demander de clarification, pour distinguer les menteurs des personnes qui disent la vérité est injustifiée […][2] ».

[90]      En d’autres mots, c’est plutôt comme point de départ à un examen plus approfondi en cours d’interrogatoire que le comportement du témoin devrait être pris en compte par le juge.

La preuve de faits similaires & la collusion

R. v. Wilkinson, 2017 ONCA 756

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[37]      In fairness to the trial judge, there is a lack of precision in the case law concerning the treatment of unconscious collusion at the admissibility stage. In Handy and Shearing, the Court addressed collusion in its most literal sense. In both cases, it was alleged that the allegations were fabricated, and that two or more witnesses had agreed to proceed with a false story. In its treatment of this issue, the Court used different terminology to describe the same thing. Handy employs the terms “collusion”, “actual collusion” and “concoct.” Shearing refers to “collusion”, “concoction” and “concoct.” Neither case directly discusses “unconscious” or “inadvertent” collusion or tainting of similar fact witnesses.[1]

[38]      However, decisions from this court support the view that actual collusion and unconscious collusion ought to be treated the same way at the admissibility stage. In R. v. F. (J.) (2003), 2003 CanLII 52166 (ON CA), 177 C.C.C. (3d) 1 (Ont. C.A.), Feldman J.A. discusses both types of collusion, at para. 77:

The trial judge's finding that B.H. was sincere, a "straight shooter", and not influenced by E.T. and the others, fails to take into account that collusion and discussion among witnesses can have the effect of tainting a witness's evidence and perception of events innocently or accidentally and unknowingly, as well as deliberately and intentionally. The reliability of a witness's account can be undermined not only by deliberate collusion for the purpose of concocting evidence, but also by the influence of hearing other people's stories, which can tend to colour one's interpretation of personal events or reinforce a perception about which one had doubts or concerns. [Emphasis added.]

[39]       R. v. B. (C.) (2003), 2003 CanLII 32894 (ON CA), 171 C.C.C. (3d) 159 (Ont. C.A.) fosters the same approach. As the court said at paras. 40-41:

Collusion can arise both from a deliberate agreement to concoct evidence as well as from communication among witnesses that can have the effect, whether consciously or unconsciously, of colouring and tailoring their descriptions of the impugned events. In this case there was evidence of, or at least the opportunity for collusion in the various discussions regarding the incidents reported by the complainants. Furthermore, taken together with the anger regarding the dismissal and pay issues between one complainant and the appellant and the joint lawsuit by the complainants for damages, there was clearly an air of reality to the possibility of collusion in this case.

It was therefore incumbent on the trial judge, in considering the admissibility of the similar fact evidence, to determine whether he was satisfied on a balance of probabilities that the evidence was not tainted by collusion. In his ruling admitting the similar fact evidence, the trial judge did specifically refer to the fact that the witnesses had discussed some of the evidence with each other. [Emphasis added.]

Ultimately, the case was decided on the basis of inadequacies in the trial judge’s instructions to the jury. Nevertheless, this passage supports the conclusion that, when there is an air of reality to conscious or unconscious collusion, the similar fact evidence will not be admissible unless the Crown proves on a balance of probabilities that conscious or unconscious collusion has not tainted the testimony.  

[40]      Further support for the appellant’s position is found in the cases that require trial judges to instruct juries on the possibility of collusion, both actual and unconscious. As Feldman J.A. wrote in F. (J.), at para. 86:

Once admitted, the jury must still be warned to assess the evidence carefully and to consider whether it can be considered reliable given the possibility of deliberate or accidental tainting by collusion among the witnesses.

See also R. v. M.B.2011 ONCA 76, 267 C.C.C. (3d) 72: and David Watt, Watt’s Manual of Criminal Jury Instructions, 2nd ed. (Toronto: Carswell, 2015), pp. 367-368 (Final 28-E – Collusion Amongst Similar Act Witnesses).


mercredi 4 septembre 2024

Le comportement d'un témoin lors de son témoignage est une considération légitime dans l'appréciation de sa crédibilité

R v Giroux, 2017 ABCA 270

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[25]           Reasons for credibility findings should be read as a whole, in their entirety and in context, and with a view to determining whether the decision is legally sustainable. See: R. v. T.R.2016 ABCA 355 at para. 10R. v. Gagnon2006 SCC 17 at para. 19; and R. v. R.E.M.2008 SCC 51 at para. 56.

[26]           Demeanour during testimony is a legitimate consideration when assessing credibility. Over-reliance is an error of law. Both verbal and non-verbal communication are relevant. As did Renke, J. in R. v. J.A.B.2016 ABQB 362 at para. 20, I endorse the following summary of the proper approach to credibility assessment on the basis of demeanour as set out by Ferguson, J. at para. 78 in R. v. Storey2010 NBQB 86:

No longer are judges encouraged to consider demeanour evidence to be a determining or even central tool in credibility assessment.  R. v. R.G.L. 2004 CanLII 32143 (ON CA), [2004] O.J. No. 1944 (O.C.A.); R. v. F. (S.) (2007), 2007 PESCAD 17 (CanLII), 223 C.C.C. (3d) 1 (P.E.I.S.C.A.D.) and also R. v. T.E. 2007 ONCA 891 (CanLII), [2007] O.J. No. 4952 (O.C.A.). Rather, the proper approach is to consider the evidence of a particular witness against the backdrop of the rest of the evidence led or other evidence tendered, searching for connectors that may not necessarily rise to the level of legal corroboration between witnesses, the other evidence tendered or a combination of the two in deciding what worth should be attributed to it. In the final analysis it becomes a matter of determining the veracity of the evidence utilizing the age old tools of logic, reason and common sense in measuring the probability, if it is deducible from the evidence, that the witness or witnesses’ honesty on the central issue or issues is assailable.

[27]           Because the trier of fact enjoys the advantage of observing witness demeanour at trial, such credibility assessments are generally entitled to deference upon appellate review. In R. v. Zaritec Industries Limited1975 CanLII 941 (AB CA), the Court stated, and I accept, that the greatest weight is to be accorded to the finding by the lower Court which has seen and heard the witnesses.

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

Il incombe à la défense de préciser ses demandes de communication de la preuve supplémentaires et cela doit être fait en temps opportun

R. v. Atwell, 2022 NSSC 304 Lien vers la décision [ 8 ]              The Crown has a duty to make disclosure of all relevant information to ...