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vendredi 6 juin 2025

Le principe de modération dans le recours à l’emprisonnement

Bachou c. R., 2022 QCCA 1145


[37]      En 1996, le droit de la détermination de la peine fait l’objet d’une réforme substantielle. Dans l’arrêt Proulx, le juge en chef Lamer résume la teneur de celle-ci :

15        Comme l’ont expliqué mes collègues les juges Cory et Iacobucci dans R. c. Gladue, 1999 CanLII 679 (CSC), [1999] 1 R.C.S. 688, au par. 39, «[l]’adoption de la nouvelle partie XXIII a marqué une étape majeure, soit la première codification et la première réforme substantielle des principes de détermination de la peine dans l’histoire du droit criminel canadien».  Ils ont signalé deux des principaux objectifs que visait le législateur en édictant ces nouvelles mesures législatives: (i) réduire le recours à l’emprisonnement comme sanction, (ii) élargir l’application des principes de justice corrective au moment du prononcé de la peine (au par. 48).

[38]      Afin de bien signaler sa volonté de réduire le recours à l’emprisonnement, le Parlement adopte l’alinéa 718.2d) C.crqui impose au tribunal « l’obligation, avant d’envisager la privation de liberté, d’examiner la possibilité de sanctions moins contraignantes lorsque les circonstances le justifient ».

[39]      Ce principe de modération n’était pas entièrement nouveau.

[40]      Dans l’arrêt Biron[15], le juge Rothman explique que l’emprisonnement ne doit être envisagé pour un délinquant primaire que si aucune peine n’est appropriée :

It is now, I think, accepted as a general principle of sentencing that before imposing a custodial sentence on a first offender, a sentencing court should carefully explore the other dispositions available. A custodial sentence should only be imposed in cases where the circumstances are such or the gravity of the offence is such that no other sentence is appropriate. (R. v. Stein (1974), 1974 CanLII 1615 (ON CA), 15 C.C.C.(2d) 376 (Ont. C.A.); R. v. Bates (1977), 1977 CanLII 2054 (ON CA), 32 C.C.C. (2d) 493 (Ont. C.A.))[16].

[Le soulignement est ajouté]

[41]      Toutefois, l’alinéa 718.2d) consacrait législativement le principe de modération dans l’utilisation de l’emprisonnement « pour la première fois au Canada »[17] et il marque un pas en établissant que ce principe doit être envisagé à l’égard de tous les délinquants. Ce faisant, le législateur a « positionné l’emprisonnement comme une mesure de dernier recours »[18].

[42]      Tout récemment, dans l’arrêt Parranto, la juge Martin rappelle l’importance du principe de la modération dans le recours à l’emprisonnement et le fait que les réformes de 1996 en matière de détermination de la peine visaient à s’attaquer au problème de la surincarcération au Canada :

[45]      Les points de départ ne dispensent pas non plus les juges chargés de déterminer la peine de tenir compte de tous les principes applicables en la matière. Les principes de la dénonciation et de la dissuasion sont généralement des objectifs intrinsèques des points de départ et sont reflétés dans les fourchettes de peines, mais [traduction] « on ne saurait permettre à ces objectifs de réduire à néant et de rendre inopérants ou inefficaces d’autres objectifs pertinents de la détermination de la peine » (R. c. Okimaw2016 ABCA 246, 340 C.C.C. (3d) 225, par. 90). On s’attend à ce que les juges chargés de déterminer la peine tiennent compte des autres objectifs pertinents relatifs à la détermination de la peine, y compris la réinsertion sociale et la modération quant au recours à l’emprisonnement, lorsqu’ils procèdent à une analyse individualisée. D’ailleurs, notre Cour a jugé que les réformes de 1996 en matière de détermination de la peine visaient à la fois à faire en sorte que les tribunaux tiennent compte des principes de justice réparatrice et à s’attaquer au problème de la surincarcération au Canada (Gladue, par. 57Proulx, par. 16‑20). Les juges chargés de déterminer la peine jouissent du pouvoir discrétionnaire de décider à quels objectifs il faut accorder la priorité (Nasogaluak, par. 43Lacasse, par. 54), et ils peuvent choisir d’attribuer plus de poids à la réinsertion sociale et à d’autres objectifs que des objectifs intrinsèques telles la dénonciation et la dissuasion. Les cours d’appel ne devraient pas perdre de vue ces principes — ni la norme de contrôle les obligeant à faire preuve de déférence — lorsqu’elles se penchent sur des peines qui s’écartent d’un point de départ ou d’une fourchette de peines[19].

[Les soulignements sont ajoutés]

[43]      Cela dit, « la réalisation de l’important objectif de modération dans le recours à l’incarcération »[20] ne doit pas se faire « à n’importe quel prix »[21]. Comme l’explique le juge Lamer dans l’arrêt Proulx : « pour décider si les circonstances ‘‘justifient’’ des sanctions moins contraignantes ou si des sanctions substitutives sont ‘‘justifiées’’, il faut prendre en compte les autres principes de détermination de la peine visés aux art. 718 à 718.2 »[22].

[44]      Même si on peut inférer qu’en imposant une peine d’emprisonnement le juge a écarté l’infliction d’une peine moins privative de liberté, il ne considère pas la possibilité de surseoir au prononcé de la peine et d’imposer une probation de trois ans assortie d’une obligation de faire des travaux communautaires, comme le suggérait l’appelant. 

[90]      L’appelant ayant déjà purgé 41 jours de détention, je n’ajouterais pas maintenant l’accomplissement de travaux communautaires à la probation, bien qu’il s’agisse d’une mesure de nature à responsabiliser un délinquant[67].

jeudi 5 juin 2025

Le juge agissant en révision d'une autorisation judiciaire peut tirer des inférences de l'affidavit

Laguerre c. R. 2022 QCCA 1548

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[24]      La juge réviseure devait plutôt s’en tenir à décider si l’autorisation recherchée pouvait être délivrée sur la base des renseignements présentés par la dénonciatrice. La révision ne consiste pas à « évaluer l’affidavit à la lumière de la vérité ultime »[15] ou « à faire le procès de chaque affirmation dans l’affidavit »[16], mais plutôt d'examiner « la croyance raisonnable du déposant »[17] et les inférences qui pouvaient en être tirées.

L'intoxication d'un contrevenant peut être un facteur atténuant, neutre ou aggravant selon les circonstances d'une affaire

R. c. L.P., 2020 QCCA 123

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[110]     A high degree of intoxication may, in some circumstances, reduce the moral blameworthiness of an accused and have an impact on sentencing as part of the contextual factors to be considered to render a just sentence.[61] However, that will depend on the circumstances. For example, “some persons become more dangerous while under the influence of intoxicants, and the penalty may reflect that dangerousness”.[62]

[111]     In Régimballe c. R., our Court wrote that intoxication may be treated as a mitigating or aggravating factor in sentencing, depending on the circumstances, but generally, for violent crimes, alcohol intoxication will be considered an aggravating factor, or in the best case scenario, a neutral factor.[63] The consideration of substance or alcohol intoxication in sentencing may thus be considered a mixed factor – aggravating or mitigating, with the emphasis depending on the circumstances.[64]

[112]     The circumstances may include whether the accused knew that, while intoxicated, he may become aggressive or violent but nonetheless kept drinking of failed to meaningfully address an addiction. In such a context, the accused’s blameworthiness is higher and the consumption of alcohol may become an aggravating factor.[65]

Comment la Cour doit traiter la demande d'arrêt des procédures d'un accusé qui allègue que son état de santé (physique ou mental) l'empêche de subir son procès

R v Magomadova, 2015 ABCA 26

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[48]           When an accused raises claims of physical and/or mental impairment, any claim for a stay of proceedings could in principle fall under either or both categories depending on the specific facts. Where an accused claims that the process of being subjected to a trial would significantly threaten their life or health, the most obvious category is the residual one. That is, while the trial itself may be procedurally fair (the accused can adequately instruct counsel, etc.), it would nonetheless be unconscionable for state action in the form of a trial to be responsible for threatening a person’s life.

mardi 3 juin 2025

L’interventionnisme d'un juge peut interférer avec le droit à une défense pleine et entière de l’accusé ou laissé naître une crainte raisonnable de partialité

A.P. c. R., 2022 QCCA 1494

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[113]   L’appelant fait valoir que la juge est intervenue à plusieurs reprises en l’absence d’objection par la poursuite, principalement en lien avec l’utilisation de la règle du ouï-dire. Cela aurait eu un effet dévastateur chez l’accusé qui a ainsi été privé d’exprimer ce qu’il avait à dire pour sa défense et n’a pas pu mener celle-ci comme il l’entendait, ce qui soulève une crainte raisonnable de partialité.

[114]   Il ajoute qu’aucun témoin n’a subi le même interventionnisme lorsqu’il ou elle relatait les paroles d’autrui. Par ailleurs, les raccourcis intellectuels de la juge ainsi que le jugement moral et ses préjugés envers la culture haïtienne laissaient naître une crainte raisonnable de partialité.

[115]   L’intimé est plutôt d’avis que les interventions de la juge étaient tout à fait justifiées, que l’appelant exagère la portée de ces interventions de la juge et qu’il ne relève pas le lourd fardeau qui est le sien en ce qui concerne son grief relativement à la partialité de la juge.

[116]   Ce moyen d’appel est intimement lié à la question du droit à un procès équitable devant un juge impartial, tel que reconnu par l’article 11d) de la Charte canadienne[114]. L’impartialité est définie comme « l’état d’esprit de l’arbitre désintéressé eu égard au résultat et susceptible d’être persuadé par la preuve et les arguments soumis »[115].

[117]   Dans Bande indienne de Wewaykum, la juge en chef McLachlin pour la Cour suprême écrivait notamment :

59        Considérée sous cet éclairage, « [l]’impartialité est la qualité fondamentale des juges et l’attribut central de la fonction judiciaire ». Elle est la clé de notre processus judiciaire et son existence doit être présumée. Comme l’ont signalé les juges L’HeureuxDubé et McLachlin (maintenant Juge en chef) dans l’arrêt S. (R.D.), précité, par. 32, cette présomption d’impartialité a une importance considérable, et le droit ne devrait pas imprudemment évoquer la possibilité de partialité du juge, dont l’autorité dépend de cette présomption. Par conséquent, bien que l’impartialité judiciaire soit une exigence stricte, c’est à la partie qui plaide l’inhabilité qu’incombe le fardeau d’établir que les circonstances permettent de conclure que le juge doit être récusé.[116]

[Renvoi omis]

[118]   Ainsi, les juges bénéficient d’une importante présomption d’impartialité[117], laquelle impose une preuve convaincante afin d’être réfutée[118]. Il convient par ailleurs de souligner que la crainte raisonnable de partialité doit être fondée sur des motifs sérieux[119]; de simples conjectures ne sont donc pas suffisantes[120].

[119]   Selon la Cour suprême dans Committee for Justice and Liberty c. Office national de l’énergie :

[L]a crainte de partialité doit être raisonnable et le fait d’une personne sensée et raisonnable qui se poserait elle-même la question et prendrait les renseignements nécessaires à ce sujet. Selon les termes de la Cour d’appel, ce critère consiste à se demander «à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique. Croirait-elle que, selon toute vraisemblance, [le juge], consciemment ou non, ne rendra pas une décision juste? »[121]

[120]   Puisque l’analyse de la crainte raisonnable de partialité est tributaire des circonstances propres à chaque affaire, « l’évaluation des reproches formulés à l’égard du juge doit se faire de manière globale et les propos doivent être analysés dans leur contexte »[122].

[121]   Cela dit, les interventions d’un juge en elles-mêmes n’entraînent pas nécessairement sa partialité[123]. Dans Brouillard c. La Reine, la Cour suprême rappelle l’évolution de la façon de faire d’un juge :

D'abord, il est clair que l'on n'exige plus du juge la passivité d'antan; d'être ce que, moi, j'appelle un juge sphinx. Non seulement acceptonsnous aujourd'hui que le juge intervienne dans le débat adversaire, mais croyonsnous aussi qu'il est parfois essentiel qu'il le fasse pour que justice soit effectivement rendue. Ainsi un juge peut et, parfois, doit poser des questions aux témoins, les interrompre dans leur témoignage, et au besoin les rappeler à l'ordre.

[…]

En conclusion, si le juge peut et doit intervenir pour que justice soit rendue il doit quand même le faire de telle sorte que justice paraisse être rendue. Tout est dans la façon.[124]

[Soulignements ajoutés; italiques dans l’original]

[122]   De plus, la jurisprudence de notre Cour indique que la « quantité des interventions importe moins que la manière d'y procéder »[125].

[123]   Le rôle du juge consiste à arbitrer les débats. Il ne doit donc pas prendre activement part aux procédures[126]. Une participation trop active du juge au débat constitue d’ailleurs un motif pour ordonner un nouveau procès[127].

[124]   Les auteurs Tristan Desjardins et Martin Vauclair résument en ces termes les balises encadrant les interventions d’un juge lors d’un témoignage :

Son rôle exige donc qu’il se limite à poser des questions permettant de clarifier des ambiguïtés, d’explorer des réponses vagues ou d’obtenir la réponse du témoin sur un fait pertinent au litige, mais omis par les avocats, tout en prenant soin de ne pas introduire une preuve non pertinente ou autrement inadmissible. Cela ne l’autorise pas à faire le travail d’une partie et notamment d’interroger un accusé avec des questions touchant principalement sa crédibilité. Dans tous les cas, le juge devrait attendre la fin du témoignage pour poser ses questions.[128]

[125]   Ainsi, les pouvoirs d’intervention du juge se trouvent limités par son devoir d’impartialité; sa conduite ne doit pas « laisser transparaître un parti pris, donner l’impression qu’il usurpe le rôle des avocats en prenant le contrôle de l’enquête, laisser entrevoir qu’il assiste l’avocat d’une partie, entraver le témoin dans la narration de son récit ou perturber la présentation d’une défense »[129].

La motivation du jugement rendu oralement séance tenante et l’expérience personnelle du juge

J.L. c. R., 2017 QCCA 398 

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[63]        L’appelant s’en prend au manque de motivation de la décision. Je ne ferai à cet égard que quelques observations, mais je propose de rejeter ce moyen.

[64]         Le jugement est rendu oralement séance tenante. La motivation des jugements est un élément important du processus pénal pour les parties, pour l’examen en appel et pour que le public comprenne l’exercice du pouvoir judiciaire. Il ne fait plus de doute que la partie perdante doit savoir pourquoi elle a perdu : R. c. Sheppard2002 CSC 26 (CanLII), [2002] 1 R.C.S. 869, par. 24, 27, 55, et plus particulièrement, l’accusé déclaré coupable doit savoir pourquoi le juge écarte le doute raisonnable : R. c. Gagnon2006 CSC 17 (CanLII), [2006] 1 R.C.S. 621, par. 20-21R. c. Casavant, 2016 QCCA 1340, par. 44-47LSJPA — 1522015 QCCA 39, par. 3R. c. Aksoy2012 QCCA 610, par. 38-39. Cela est tout aussi vrai pour les questions difficiles reliées à la crédibilité : R. c. Dinardo2008 CSC 24 (CanLII), [2008] 1 R.C.S. 788, par. 25-27.

[65]        Le jugement rendu séance tenante ne peut avoir le même niveau de précision que celui rendu après l’exigeant exercice de l’écriture. Sans aucun doute, le jugement doit être analysé avec ce principe à l’esprit : R. c. L. (J.)2011 QCCA 1848, par. 25. Il faut, bien sûr, tenir compte des contraintes de temps et du volume des cours criminelles de première instance : R. c. R.E.M., 2008 CSC 51 (CanLII), [2008] 3 R.C.S. 3, par. 13R. c. Sheppard2002 CSC 26 (CanLII), [2002] 1 R.C.S. 869, par. 55.

[66]        En retour, en plus de permettre d’organiser la pensée, l’écriture impose un moment de recul, par opposition à une certaine précipitation à élaborer une décision, et cela oblige à prendre une distance avec la forte impression que laissent parfois les faits. Dans l’arrêt R. c. R.E.M.2008 CSC 51 (CanLII), [2008] 3 R.C.S. 3, la Cour suprême écrit, par. 12 :

… la tâche d’énoncer les motifs attire l’attention du juge sur les points saillants et diminue le risque qu’il laisse de côté des questions de fait ou de droit importantes ou ne leur accorde pas l’importance qu’elles méritent. Un juge a déjà dit : [traduction] « Souvent, la forte impression que les faits sont clairs, selon la preuve, s’estompe lorsque vient le temps d’exprimer cette impression sur papier » (United States c. Forness125 F.2d 928 (2d Cir. 1942), p. 942). …

[67]        Ou encore comme l’écrivait le juge Laskin de la Cour d’appel de l’Ontario dans l’arrêt R. c. Maharaj (2004), 2004 CanLII 39045 (ON CA), 186 C.C.C. (3d) 247 (C.A.O.):

[22] To these rationales I add that giving reasoned reasons is an important self-discipline for a judge. The well-known phrase “sometimes it just won’t write” signals that occasionally a judge’s instincts about a case do not stand up to reasoned analysis. The process of putting pen to paper — of articulating the “path” to one’s conclusion — may disclose a flaw in one’s reasoning. As L’Heureux Dubé J. sensibly observed in Baker v. Canada (Minister of Citizenship and Immigration)1999 CanLII 699 (CSC), [1999] 2 S.C.R. 817, at para. 39: “The process of writing reasons for decision by itself may be a guarantee of a better decision.

[71]        La décision aurait-elle pu profiter davantage du recul dont il est question plus haut? Sans doute. Si la motivation de la décision n’est pas parfaite, les références à la preuve illégale qu’on y trouve demeurent le véritable problème.

[72]        Il y a d’abord l’allusion à l’expérience personnelle du juge avec ses enfants. Le ministère public concède qu’une telle référence était inappropriée. J’estime pour ma part que le juge erre en droit en faisant reposer l’évaluation de la crédibilité de l’appelant en partie sur des faits extrinsèques à la preuve, qu’il importe lui-même dans sa réflexion.

[73]        On comprendra aisément que, à la limite, la question n’a jamais été de savoir si les enfants du juge étaient plus chatouilleux sous les bras, mais si la victime l’était. La preuve ne permettait pas au juge d’évaluer ou de comprendre la tolérance de la jeune fille à se faire chatouiller. Il est donc incorrect de dénigrer l’explication de l’appelant qui affirmait atteindre l’objectif du jeu, soit faire rire l’enfant, en s’arrêtant au genou. Le juge franchit un pas que la preuve ne lui permettait d’aucune façon de franchir et, puisque la crédibilité était au cœur de l’affaire, l’erreur n’est pas aussi banale que le plaide le ministère public, d’autant que le jugement comporte d’autres erreurs.

Le contre-interrogatoire mené par un juge peut rompre l'équité du procès

J.L. c. R., 2017 QCCA 398

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[90]        L’argument n’a pas été spécifiquement soulevé par l’appelant. À l’audience, le ministère public convient de la règle qui permet à un juge de poser lui-même des questions afin de clarifier des ambiguïtés, d’explorer des réponses vagues ou d’obtenir la réponse du témoin sur un fait pertinent au litige, mais omis par les avocats : R. c. Valley (1986), 1986 CanLII 4609 (ON CA), 26 C.C.C. (3d) 207, 230 (C.A.O.). Le ministère public est donc d’avis que les questions étaient légitimes et que l’exercice n’a pas eu d’influence dans la décision du juge.

[91]        Si la règle est exacte, le juge ne peut s’en autoriser pour faire le travail d’une partie. Dans l’arrêt R. c. Stucky2009 ONCA 151, par. 65, qui a été repris encore récemment dans l’arrêt R. c. Churchill2016 NLCA 29,, par. 36, la Cour écrit :

The third situation in which a trial judge is permitted to intervene, namely, to ask questions that should have been asked by counsel, is not an open-ended invitation to the trial judge to usurp the role of Crown counsel. The judge cannot leave his or her position of neutrality as a fact-finder and become the cross-examiner: R. v. W.(A.) (1994), 1994 CanLII 218 (ON CA), 94 C.C.C. (3d) 441 (Ont. C.A.) Brooke J.A. in dissent, reversed for the reasons given by Brooke J.A., 1995 CanLII 83 (SCC), [1995] 4 S.C.R. 51.

[93]        Ces interventions considérées dans leur ensemble et dans le contexte d’un procès où la crédibilité est importante, j’estime pour ma part que le juge est allé trop loin. Il s’agit de questions portant sur des éléments qui, pour la plupart, visent directement la crédibilité de l’appelant, un terrain qu’il vaut mieux laisser aux avocats. Je ne suis pas d’accord avec la position du ministère public que cet exercice n’a pas eu d’impact. Le juge rejette toute crédibilité de l’appelant et utilise certaines réponses fournies pour le faire.

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

Les déclarations d'un accusé à son complice ne sont pas du ouï-dire

R v Ballantyne, 2015 SKCA 107 Lien vers la décision [ 58 ]             At trial, Crown counsel attempted to tender evidence of a statement m...