Rechercher sur ce blogue

lundi 9 juin 2025

Le seul fait de regarder au moyen d’un navigateur Web une image stockée sur un site hébergé dans l’Internet ne permet pas d’établir le degré de contrôle nécessaire pour conclure à la possession

R. c. Morelli, 2010 CSC 8


[14] À mon avis, le seul fait de regarder au moyen d’un navigateur Web une image stockée sur un site hébergé dans l’Internet ne permet pas d’établir le degré de contrôle nécessaire pour conclure à la possession.  La possession d’images illicites exige qu’il y ait possession, d’une façon ou d’une autre, des fichiers de données sous‑jacents.  La simple visualisation d’images en ligne constitue le crime distinct d’accès à de la pornographie juvénile, créé par le législateur au par. 163.1(4.1) du Code criminel.

 

[15] Pour l’application du Code criminel, la « possession » définie au par. 4(3) s’entend de la possession personnelle, de la possession imputée et de la possession commune. Seules les deux premières de ces trois formes de possession fautive sont pertinentes en l’espèce.  Nul ne conteste que la connaissance et le contrôle constituent des éléments essentiels de ces deux types d’infraction.

 

[16] Dans le cas d’une allégation de possession personnelle, le critère de la connaissance est formé des deux éléments suivants : l’accusé doit savoir qu’il a la garde physique de la chose donnée et il doit connaître la nature de cette dernière. Il faut en outre que ces deux éléments soient conjugués à un acte de contrôle (qui ne procède pas d’un devoir civique) : Beaver c. The Queen1957 CanLII 14 (SCC), [1957] R.C.S. 531, p. 541‑542.

 


[17] Il y a possession imputée lorsque l’accusé n’a pas la garde physique de l’objet en question, mais qu’il l’a « en la possession ou garde réelle d’une autre personne » ou « en un lieu qui lui appartient ou non ou qu’[il] occupe ou non, pour son propre usage ou avantage ou celui d’une autre personne » (Code criminel, al. 4(3)a)).  Il y a donc possession imputée quand l’accusé : (1) a connaissance de la nature de l’objet, (2) met ou garde volontairement l’objet dans un lieu donné, que ce lieu lui appartienne ou non, et (3) a l’intention d’avoir l’objet dans ce lieu pour son « propre usage ou avantage » ou celui d’une autre personne.

[36] Selon moi, la mise en cache automatique d’un fichier sur le disque dur, sans plus, n’emporte pas la possession.  Bien que le fichier mis en cache soit en un « lieu » sous le contrôle de l’utilisateur, il faut aussi, pour prouver la possession, satisfaire aux exigences concernant la mens rea ou la faute.  Par conséquent, il faut démontrer que l’utilisateur a sciemment stocké et conservé le fichier dans la mémoire cache.

 


[37] En l’espèce, l’accusation ne repose pas sur la possession de pornographie juvénile dans la mémoire cache que l’accusé aurait utilisée à cette fin. Cela n’est guère surprenant, car la plupart des utilisateurs ne connaissent ni le contenu de la mémoire cache de leur ordinateur, ni son fonctionnement, ni même son existence.  Sans cette connaissance, ils n’ont pas l’élément mental ou fautif requis pour être reconnus coupables de la possession des images se trouvant dans la mémoire cache.  Cela dit, dans de rares cas, la mémoire cache pourrait être utilisée sciemment pour stocker des copies de fichiers images dans l’intention d’en conserver la possession.

 

[38] La juge Deschamps a présenté une conception plus large de la possession, selon laquelle il suffit, dans certains cas du moins, de regarder une image pour en avoir la possession. Comme je vais maintenant l’expliquer, même si l’on adoptait le point de vue de ma collègue, la dénonciation en l’espèce n’établit pas l’existence de motifs raisonnables et probables pouvant étayer la fouille contestée de l’ordinateur de l’appelant.

[64] La présence des deux liens intitulés « Lolita » dans les favoris permet certainement l’inférence raisonnable que l’accusé a visité un site Web présentant des images à caractère sexuel explicite d’adolescentes de moins de 18 ans.  De plus, en l’absence de preuve contraire, il n’est pas déraisonnable de conclure de leur simple présence dans l’ordinateur de l’appelant que ces liens ont été ajoutés sciemment par lui.

 

[65] Une telle conclusion ne suffit toutefois pas à établir la possession.  Premièrement, comme je l’ai déjà expliqué, le simple fait de visiter un site Web ou de visualiser des images à l’écran n’emporte pas possession. De même, le fait de placer un signet dans l’ordinateur ne permet pas d’établir la possession du matériel contenu dans le site Web : les signets ne font que permettre un accès facile et rapide aux sites Web indiqués.  En effet, un clic sur un signet peut présenter du matériel ajouté ou ne rien donner d’autre qu’un message annonçant que le matériel précédemment affiché dans le site Web a été supprimé, que l’adresse du site Web n’est plus valide — ou que le site Web n’existe plus.

 

[66] Ainsi, pour être coupable de l’infraction de possession (contrairement à l’infraction d’accès), la personne doit sciemment acquérir les fichiers de données sous‑jacents et les garder dans un lieu sous son contrôle.  La présence des icônes est susceptible d’éveiller des soupçons quant à la possession, mais elle ne peut à elle seule étayer raisonnablement l’inférence selon laquelle l’appelant n’a pas seulement accédé au site Web et sciemment regardé des images illicites qui s’y trouvaient, mais a également pris le contrôle des fichiers de données sous‑jacents, notamment en les sauvegardant sur le disque dur de son ordinateur.

dimanche 8 juin 2025

Les heures de travaux communautaires et la peine d'emprisonnement ne sont pas des peines de même nature et se prêtent difficilement au jeu de la compensation

R. c. Pelletier, 1991 CanLII 3385 (QC CA)

Lien vers la décision


Ce serait d'ailleurs un exercice douteux que d'essayer de compenser les heures de travaux communautaires exécutées en réduisant la peine d'emprisonnement que nous pourrions croire justifiée.  Ces deux peines ne sont pas de même nature et se prêtent difficilement au jeu de la compensation.

Une peine d'emprisonnement ne peut être compensée par des travaux communautaires, car la nature des peines est différente

R. c. Quirion, 1993 CanLII 3603 (QC CA)

Lien vers la décision


Je crois que le premier juge n'avait pas à choisir entre les travaux communautaires et l'emprisonnement.  S'il est clair que la prison n'est pas "le lieu privilégié pour permettre le rétablissement des personnes", il demeure que, dans l'imposition d'une sentence qui doit tenir compte non seulement de facteurs subjectifs, mais aussi de facteurs objectifs, l'emprisonnement est souvent la seule ressource à la disposition des tribunaux.  Quoique les travaux communautaires soient souvent ordonnés en remplacement d'une courte peine d'emprisonnement, il n'y a aucune incompatibilité légale entre les travaux communautaires et un terme d'emprisonnement.  Ils constituent plutôt une condition à une ordonnance de probation[1] qui est l'accessoire d'une absolution conditionnelle (art. 736(1) C.cr.), d'une sentence suspendue ou qui peut être ajoutée à une peine d'emprisonnement continu ou discontinu (article 737(1) C.cr.).

 

Notre Cour a déjà statué qu'une peine d'emprisonnement ne peut être compensée par des travaux communautaires[2].  La nature des peines est différente: l'une constitue une peine qui peut être autonome et qui est susceptible de satisfaire tant aux critères objectifs qu'aux critères subjectifs, alors que l'autre n'est qu'une des conditions qui peut, dans certaines circonstances, être incorporée à une ordonnance de probation.  Les travaux communautaires ne servent pas la même fin que l'emprisonnement.  Les premiers peuvent avoir un effet dissuasif sur la personne mais leur effet exemplaire à l'égard du public est plus que douteux.

 

Je crois donc que c'est à tort que le juge de première instance s'est cru forcé d'opter entre une probation incorporant des travaux communautaire et une peine d'emprisonnement.

La seule présence d'une image de pornographie juvénile dans un ordinateur d'un accusé ne permet pas en soi de conclure à sa possession

R. v. Garbett, 2008 ONCJ 97 

Lien vers la décision


[24]     Accordingly, the mere fact that an image was found on a computer’s hard drive does not lead inexorably to an inference that the user knew of its existence, or that the user had ever viewed it, intended to view it, intended to save it, or did anything to cause it to be saved. Constable Lancaster’s evidence makes clear that to support any of those inferences, there must be something more.

Commentaires de la Cour d'appel de l'Alberta sur les mandats pan-canadiens

R. v. Cardinal, 1985 ABCA 157

Lien vers la décision


[8]                           We are told that this case has great significance for police procedure. It is, apparently, common practice for the police to label arrest warrants and not to execute them except within the labelled geographical limits. It is not necessary for us to pass on this general practice because the learned chambers judge decided the case, as I have noted, on much narrower grounds. I will say, however, that I am inclined to the view that if the people of Canada want to put somebody on charge in a criminal case, their Charter does not permit them to do so at their convenience. I presume that so-called “Canada-wide” warrants are so labelled every time that the law enforcement agencies consider the case to be “serious”. Does the Charter permit delays for “non-serious” criminal cases? There is also the question of abuse: do these unexecuted warrants permit a sort of internal passport control in Canada? The Criminal Code does not sanction labelled warrants. It merely provides, in s. 456.3 C.C.C., that a warrant may be executed in the geographical jurisdiction of the signing judge. S. 461 C.C.C. provides that judges elsewhere may validate warrants for other jurisdictions. Thus all warrants can be “Canada-wide”

L'appréciation de la crédibilité du témoin policier qui n'a pas pris de notes sur un aspect de son intervention

 R. v. Machado, 2010 ONSC 277

Lien vers la décision


[120]        Third, is whether the absence of more fulsome notes from the scene and throughout the preparation of the report diminished the weight to be attached to his opinion.  Included in that question is another issue, whether the notes are intended to be disclosure or whether the notes are only to be prepared to assist the officer in refreshing his or her memory and happen to be disclosed to defence counsel.

[121]        While officers’ notes are provided as part of disclosure, there is no law that I am aware of that an officer must record everything he or she did or saw in their notebook to comply with the Crown’s disclosure obligation.  While some (note Mr. Brauti) have attempted to elevate the judgment in R. v Zack, [1999] O.J. No. 5747 (O.C.J.) to a statement that if an event or observation is not in the notes, that it did not occur, that is not what the judgment says.  Indeed, there are numerous authorities where events or observations that are not noted have been accepted:  R. v. Thompson (2000), 2001 CanLII 24186 (ON CA)151 C.C.C. (3d) 339 (Ont. C.A.)R. v. Bennett [2005] O.J. No.  4035 (S.C.J.).

[122]        I agree with the following comments of Garton J. in R. v. Antoniak, [2007] O.J. No.  4816:

24     It should be remembered that an officer's notes are not evidence, but are merely a testimonial aid. Trial judges routinely tell officers on the witness stand that they may use their notes to refresh their memory, but that they must also have an independent recollection of the events. To elevate the absence of a notation to a mandatory finding that the event did not occur would eliminate the officer's independent recollection from the equation. The notes would become the evidence.

25     The significance of an omission in an officer's notebook, just like the significance of an inconsistency in a witness's testimony, must be determined by the trier of fact on a case-by-case basis.

[123]         The question is whether the absence of more fulsome notes impacted on P.C. Wright’s evidence. 

[124]        As regards the submission that the absence of notes amounts to an offence under the Police Services Act, on this record I am not persuaded that any offence has been committed.  It may be that it would be covered by a general duty, but I have no evidence on that issue and am not prepared to make any finding of fact on that assertion.  Indeed, even if I was, the impact on the officer’s credibility would have to be determined as described by Garton J.  I am unable to see any ulterior motive for the absence of notes, nor do I find that it impacted on the credibility or reliability of the evidence.

Cadre analytique visant à déterminer si l'exercice du droit à l'avocat d'un détenu a été violé

R. v. Luong, 2000 ABCA 301

Lien vers la décision


[12]           For the assistance of trial judges charged with the onerous task of adjudicating such issues, we offer the following guidance:

 

1.       The onus is upon the person asserting a violation of his or her Charter right to establish that the right as guaranteed by the Charter has been infringed or denied.

 

2.       Section 10(b) imposes both informational and implementational duties on state authorities who arrest or detain a person.

 

3.       The informational duty is to inform the detainee of his or her right to retain and instruct counsel without  delay and of the existence and availability of Legal Aid and duty counsel.

 

4.       The implementational duties are two-fold and arise upon the detainee indicating a desire to exercise his or her right to counsel.

 

5.       The first implementational duty is “to provide the detainee with a reasonable opportunity to exercise the right (except in urgent and dangerous circumstances)”. R. v. Bartle (1994), 1994 CanLII 64 (SCC), 92 C.C.C. (3d) 289 (S.C.C.) at 301.

 


6.       The second implementational duty is “to refrain from eliciting evidence from the detainee until he or she has had that reasonable opportunity (again, except in cases of urgency or danger)”.  R. v. Bartlesupra, at 301.

 

7.       A trial judge must first determine whether or not, in all of the circumstances, the police provided the detainee with a reasonable opportunity to exercise the right to counsel; the Crown has the burden of establishing that the detainee who invoked the right to counsel was provided with a reasonable opportunity to exercise the right. 

 

8.       If the trial judge concludes that the first implementation duty was breached, an infringement is made out.

 

9.       If the trial judge is persuaded that the first implementation duty has been satisfied, only then will the trial judge consider whether the detainee, who has invoked the right to counsel, has been reasonably diligent in exercising it; the detainee has the burden of establishing that he was reasonably diligent in the exercise of his rights. R. v. Smith, (1989), 1989 CanLII 27 (SCC), 50 C.C.C. (3d) 308 (S.C.C.) at 315-16 and 323.

 

10.    If the detainee, who has invoked the right to counsel, is found not to have been reasonably diligent in exercising it, the implementation duties either do not arise in the first place or will be suspended. R. v. Tremblay (1987), 1987 CanLII 28 (SCC), 37 C.C.C. (3d) 565 (S.C.C.) at 568; R. v. Ross (1989), 1989 CanLII 134 (SCC), 46 C.C.C. (3d) 129 (S.C.C.) at 135; R. v. Black (1989), 1989 CanLII 75 (SCC), 50 C.C.C. (3d) 1 (S.C.C.) at 13; R. v. Smithsupra, at 314; R. v. Bartlesupra, at 301 and R. v. Prosper (1994), 1994 CanLII 65 (SCC), 92 C.C.C. (3d) 353 (S.C.C.) at 375-381 and 400-401. In such circumstances, no infringement is made out.

 


11.    Once a detainee asserts his or her right to counsel and is duly diligent in exercising it, (having been afforded a reasonable opportunity to exercise it), if the detainee indicates that he or she has changed his or her mind and no longer wants legal advice, the Crown is required to prove a valid waiver of the right to counsel. In such a case, state authorities have an additional informational obligation to “tell the detainee of his or her right to a reasonable opportunity to contact a lawyer and of the obligation on the part of the police during this time not to take any statements or require the detainee to participate in any potentially incriminating process until he or she has had that reasonable opportunity” (sometimes referred to as a “Prosper warning”). R. v. Prospersupra, at 378-79. Absent such a warning, an infringement is made out.

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

Les déclarations d'un accusé à son complice ne sont pas du ouï-dire

R v Ballantyne, 2015 SKCA 107 Lien vers la décision [ 58 ]             At trial, Crown counsel attempted to tender evidence of a statement m...