vendredi 27 février 2009

Ouï-dire

L'arrêt R. c. O'Brien [1978] 1 R.C.S. 591 a établi ce que serait la définition du ouï-dire :
Il est bien établi en droit que la preuve d'une déclaration faite à un témoin par une personne qui n'est pas elle-même assignée comme témoin est une preuve par ouï-dire qui est irrecevable lorsqu'elle cherche à établir la véracité de la déclaration; toutefois, cette preuve n'est pas du ouï-dire, et elle est donc recevable, lorsqu'elle cherche à établir non pas la véracité de la déclaration, mais simplement que celle-ci a été faite.

Hubert Reid, dans son dictionnaire de droit, donne la définition suivante du ouï-dire: « Déclaration faite par une personne entendue comme témoin, lors d'un procès et qui, dans le but d'établir la véracité d'un fait, rapporte non pas ce qu'elle connaît personnellement mais ce qui a été déclaré extrajudiciairement par autrui »

Définition du ouï-dire pris dans l'ouvrage Droit de la preuve :
o Communication orale, écrite ou par geste, faite devant le tribunal par un
témoin qui n’en est pas l’auteur (preuve de « seconde main »)
o Admise pour prouver la véracité du contenu de la déclaration

Dans l'arrêt R. c. Starr [2000] 2 R.C.S. 144, «il ressort clairement de ces formulations de la règle du ouï-dire que la preuve par ouï-dire se définit en fonction non pas de la nature de la preuve elle-même, mais de l'utilisation que l'on cherche à en faire, à savoir, établir la véracité de ce qui est affirmé. Lorsqu'on invoque une déclaration extrajudiciaire pour en démontrer la véracité, l'impossibilité de contre-interroger la source de cette preuve en cour, sous la foi du serment ou d'une affirmation solennelle, en vue de « vérifier » la véracité de l'affirmation qui est faite en mine la fiabilité».

Dans LSJPA - 0723, 2007 QCCA 48 (CanLII), il a été reconnu que «toute preuve de ouï-dire, qu'elle soit visée ou non par les exceptions traditionnelles à la règle du ouï-dire, est assujettie aux exigences de nécessité et de fiabilité énoncées dans R. c. Khan»

Dans l'ouvrage Droit de la preuve, il est avancé que ''le droit présume que tous les témoignages oraux ne sont pas fiables – a donc élaboré des mesures visant à assurer la fiabilité des témoignages oraux :
o Serment
o Contre-interrogatoire
o Crime de parjure
• La preuve de ouï-dire n’est soumise à aucune de ces mesures de garantie de la
fiabilité : elle est donc dangereuse''

Fiabilité
Dans R. c. Khan, 1990 CanLII 77 (C.S.C.), la Cour a jugé que «plusieurs considérations comme le moment où la déclaration est faite, le comportement, la personnalité de l'enfant, son intelligence et sa compréhension des choses et l'absence de toute raison de croire que la déclaration est le produit de l'imagination peuvent être pertinentes à l'égard de la question de la fiabilité. Les questions relatives à la fiabilité vont varier avec l'enfant et les circonstances et relèvent davantage du juge du procès».

Voici un extrait de l'arrêt R. c. Finta, [1994] 1 R.C.S. 701 - Le témoignage pourra être jugé fiable lorsque l'auteur de la déclaration est désintéressé et que la déclaration est faite avant que toute poursuite soit engagée. Le témoignage est également utile si l'auteur de la déclaration possède une connaissance particulière ou spéciale des événements.

Nécessité
Dans R. c. Hawkins, [1996] 3 R.C.S. 1043, la cour suprême a énoncé ce qui suit relativement à la nécessité: il sera nécessaire de se servir d’une preuve par ouï‑dire lorsque l’auteur de la déclaration ne peut témoigner au procès et que la partie n'est pas en mesure d'obtenir une preuve de qualité similaire d'une autre source.

R. c. Smith, [1992] 2 R.C.S. 915 a reconnu que ''La question de savoir s'il y a une nécessité de ce genre est une question de droit qui doit être tranchée par le juge du procès''.

Voici un extrait de l'arrêt R. c. Finta, [1994] 1 R.C.S. 701 - Elle peut s'avérer nécessaire lorsqu'il n'existe aucune autre preuve.

Voici un un résumé relativement bien fait exposant les règles de base sur cette notion (tiré de RÈGLES DE PREUVE - http://www.rcmp-learning.org/french/mei/ppci1021.htm#annexb2)

PREUVE DE OUÏ-DIRE ET EXCEPTIONS

Définition: Le «ouï-dire» est simplement ce qui a été dit à un témoin par une autre personne, ou ce que le témoin a entendu quelqu'un dire.

Admissibilité: Le témoignage d'une personne au sujet de propos tenus par une tierce partie n'est pas admissible aux fins de prouver la véracité des propos tenus par cette tierce partie.

Motif de la règle du ouï-dire

1. La déclaration n'est pas faite sous serment de sorte que celui qui la fait n'est pas tenu de dire la vérité.
2. Celui qui fait la déclaration ne peut être contre-interrogé au sujet de cette déclaration, de sorte que le tribunal n'a pas l'occasion d'évaluer la véracité de l'affirmation.
3. La personne qui fait l'affirmation n'étant pas présente, le tribunal ne peut évaluer la possibilité que l'affirmation soit faussée ou qu'elle repose sur des préjugés.

Exceptions à la règle

Il existe de nombreuses circonstances dans lesquelles la preuve de ouï-dire peut être reçue. Voici les plus courantes.

1. Déclaration du mourant


Les déclarations faites par un mourant sont habituellement acceptées comme étant véridiques, en se fondant sur la théorie selon laquelle une personne souhaite mourir la conscience tranquille. Pour être admissible, la déclaration doit satisfaire aux conditions suivantes.

1. Le procès doit porter sur le meurtre ou l'homicide involontaire coupable du mourant.
2. La déclaration doit porter sur la cause du décès.

3. La personne qui fait la déclaration doit avoir su qu'elle était sur le point de mourir.
4. Si cette personne avait vécu, elle aurait été habile à témoigner.

2. Déclarations faites en présence de l'accusé

Selon la règle de droit, toute déclaration compromettante faite en présence de l'accusé peut être utilisée en preuve contre lui si on peut montrer que, par ses paroles, réactions ou comportements, il a accepté la déclaration.

3. Res gestae (Déclarations spontanées)

On peut interpréter cette expression comme signifiant «partie de la chose en soi». La «chose» étant l'acte criminel. Quant à son admissibilité, la règle est la suivante :

Une affirmation, déclaration ou exclamation est admissible lorsqu'elle accompagne et explique l'acte criminel dont la personne est accusée

1. S'il s'agit d'une exclamation involontaire faite sans avoir eu le temps de réfléchir ou de fabuler;
2. Si elle a été faite pendant, immédiatement avant ou immédiatement après l'incident.

La déclaration doit être spontanée et effectuée sous le coup de l'émotion qui accompagne l'événement. Elle peut être faite par l'accusé, la victime ou un témoin. Voir l'exemple suivant.

jeudi 26 février 2009

Proférer des menaces

R. c. McCraw, [1991] 3 R.C.S. 72

Résumé des faits
L'appelant a écrit des lettres anonymes à trois jeunes femmes. Dans ces lettres, il décrivait en détail divers actes sexuels qu'il désirait accomplir avec elles et concluait en disant qu'il allait avoir des rapports sexuels avec elles même s'il devait les violer.

Analyse
Aux fins de l'al. 264.1(1)a) du Code, l'expression "blessures graves" signifie toute blessure ou lésion, physique ou psychologique qui nuit d'une manière importante à l'intégrité, à la santé ou au bien‑être d'une victime. Pour déterminer si des termes écrits ou prononcés constituent une menace de causer des blessures graves ‑‑ une question de droit et non de fait ‑‑ ils doivent être examinés dans le contexte dans lequel ils ont été prononcés ou écrits, compte tenu de la personne à qui ils s'adressaient et des circonstances dans lesquelles ils ont été proférés. Ils doivent être examinés d'une manière objective et la signification attribuée aux termes devrait être celle que leur donnerait une personne raisonnable. Une menace de viol peut, selon le contexte et les circonstances, constituer une menace de commettre des blessures graves. Le viol est un acte de violence, pas simplement un acte sexuel. C'est un crime susceptible d'avoir des conséquences psychologiques graves et d'avoir, également, des effets physiques graves.

L'expression "blessures graves" signifie aux fins de l'article toute blessure physique ou psychologique qui nuit d'une manière importante à l'intégrité, à la santé ou au bien‑être physique ou psychologique du plaignant.

L'acte de menacer permet à la personne qui profère la menace d'utiliser l'intimidation pour atteindre son but. Il n'est pas nécessaire que la menace soit exécutée; l'infraction est complète lorsque la menace est proférée.

Une menace est un moyen d'intimidation visant à susciter un sentiment de crainte chez son destinataire. Le but et l'objet de l'article sont d'assurer une protection contre la crainte et l'intimidation.

Le ministère public est donc tenu d'établir que l'accusé avait l'intention de menacer la victime de blessures graves. Toutefois, pour déterminer si une telle intention subjective est présente, il faudra souvent se fonder dans une large mesure sur un examen des mots employés par l'accusé. Lorsque l'accusé ne témoigne pas et ne produit pas de preuve, la détermination doit se fonder sur les mots employés. Cependant, si on apporte la preuve, par exemple, que l'accusé a simplement copié des mots qu'il ne comprenait pas, à la demande d'une autre personne, des considérations différentes entrent en jeu. La prochaine étape est l'examen des mots contestés.

La question de savoir si les termes écrits ou prononcés en question constituent une menace de causer des blessures graves est une question de droit et non de fait.

La nature de la menace doit être examinée de façon objective; c'est‑à‑dire, comme le ferait une personne raisonnable ordinaire. Les termes qui constitueraient une menace doivent être examinés en fonction de divers facteurs. Ils doivent être examinés de façon objective et dans le contexte de l'ensemble du texte ou de la conversation dans lesquels ils s'inscrivent. De même, il faut tenir compte de la situation dans laquelle se trouve le destinataire de la menace.

Considérés de façon objective, dans le contexte de tous les mots écrits ou énoncés et compte tenu de la personne à qui ils s'adressent, les termes visés constituent‑ils une menace de blessures graves pour une personne raisonnable?

samedi 21 février 2009

Droit de garder le silence / Portée du droit de garder le silence / Renonciation à ce droit

R. c. Hebert, [1990] 2 R.C.S. 151

Résumé des faits
Après avoir consulté un avocat et avisé les policiers qu'il ne voulait pas faire de déclaration, l'accusé, par suite d'un artifice pratiqué par un agent de police banalisé placé dans la même cellule que lui, a fini par faire une déclaration.

Analyse
L'article 7 de la Charte confère à une personne détenue le droit de garder le silence avant le procès et la portée de ce droit s'étend au‑delà de la formulation étroite de la règle des confessions. Les règles applicables au droit de garder le silence, adoptées dans notre système juridique, comme la règle des confessions en common law et le privilège de ne pas s'incriminer, indiquent que la portée du droit pendant la détention avant le procès doit être fondée sur la notion fondamentale du droit du suspect de choisir de parler aux autorités ou de garder le silence.

Cette disposition restreint le pouvoir de l'État sur la personne détenue et tente d'établir un équilibre entre leurs intérêts respectifs. En vertu de l'art. 7, l'État ne peut utiliser son pouvoir supérieur pour faire fi de la volonté du suspect et nier son choix de parler aux autorités ou de garder le silence. Les tribunaux doivent donc adopter à l'égard des interrogatoires qui précèdent le procès une démarche qui insiste sur le droit de la personne détenue de faire un choix utile et qui permette d'écarter les déclarations qui ont été obtenues de façon inéquitable dans des circonstances qui violent ce droit de choisir. Le critère permettant de déterminer si le choix du suspect a été violé est essentiellement objectif. Il faut, en vertu de la Charte, se concentrer sur la conduite des autorités vis‑à‑vis du suspect.

La norme de l'arrêt Clarkson relative à la renonciation à un droit conféré par la Charte ne s'applique pas au droit de garder le silence.

La portée du droit de garder le silence ne va pas cependant jusqu'à interdire à la police d'obtenir des confessions, dans toutes les circonstances. L'interprétation préconisée du droit de garder le silence, en vertu de l'art. 7, retient la conception objective de la règle des confessions et permettrait d'assujettir la règle aux limites suivantes.

Premièrement, rien n'interdit aux policiers d'interroger l'accusé ou le suspect en l'absence de l'avocat après que l'accusé a eu recours à ses services. La persuasion policière qui ne prive pas le suspect de son droit de choisir ni de son état d'esprit conscient ne viole pas le droit de garder le silence.

Deuxièmement, le droit ne s'applique qu'après la détention. Les opérations secrètes qui ont lieu avant la détention ne soulèvent pas les mêmes considérations.

Troisièmement, le droit ne porte pas atteinte aux déclarations faites volontairement à des compagnons de cellule. Il n'y a violation des droits du suspect que lorsque le ministère public agit de façon à miner le droit constitutionnel du suspect de choisir de ne pas faire de déclaration aux autorités.

Quatrièmement, il faut faire une distinction entre le recours à des agents banalisés pour observer le suspect et le recours à des agents banalisés pour obtenir de façon active des renseignements contrairement au choix du suspect de garder le silence.

Enfin, même lorsqu'une violation des droits du suspect est établie, la preuve obtenue peut, dans les circonstances appropriées, être utilisée. Ce n'est que si le tribunal est convaincu que sa réception est susceptible de déconsidérer l'administration de la justice que cette preuve peut être écartée en vertu du par. 24(2) de la Charte. Lorsque les policiers ont agi en respectant dûment les droits du suspect, il est peu probable que les déclarations obtenues soient déclarées irrecevables.

L'article premier de la Charte ne s'applique pas parce que la conduite policière n'est pas une limite prescrite par une règle de droit au sens de cet article.

Le droit de garder le silence conféré par l'art. 7 reflète ces valeurs. Bien qu'assujetti au pouvoir supérieur de l'État au moment de la détention, le suspect conserve le droit de choisir de faire ou non une déclaration aux policiers. À cette fin, la Charte exige que le suspect soit avisé de son droit à l'assistance d'un avocat et qu'il puisse y avoir recours sans délai. Si le suspect choisit de faire une déclaration, il peut le faire. Mais si le suspect choisit de ne pas en faire, l'État ne peut utiliser son pouvoir supérieur pour faire fi de la volonté du suspect et nier son choix.

Les dispositions de la Charte qui se rapportent au droit d'une personne détenue de garder le silence en vertu de l'art. 7 semble indiquer que ce droit doit être interprété de manière à garantir à la personne détenue le droit de faire un choix libre et utile quant à la décision de parler aux autorités ou de garder le silence.

Les règles de common law qui se rapportent au droit de garder le silence indiquent que la portée du droit pendant la détention avant le procès doit être fondée sur la notion fondamentale du droit du suspect de choisir de parler aux autorités ou de garder le silence.

Conformément à la méthode instaurée par la Charte, nos tribunaux doivent adopter à l'égard des interrogatoires qui précèdent le procès une démarche qui insiste sur le droit de la personne détenue de faire un choix utile et qui permette d'écarter les déclarations qui ont été obtenues de façon inéquitable dans des circonstances qui violent ce droit de choisir

Le droit de choisir de parler ou non aux autorités est défini de façon objective plutôt que subjective. L'exigence fondamentale que le suspect possède un état d'esprit conscient comporte un élément subjectif. Mais cela étant dit, il faut, en vertu de la Charte, se concentrer sur la conduite des autorités vis‑à‑vis du suspect. A‑t‑on accordé au suspect le droit à l'assistance d'un avocat? La conduite des policiers a‑t‑elle effectivement et inéquitablement privé le suspect du droit de choisir de parler ou non aux autorités?

Le droit de garder le silence, qui a pour but de protéger un accusé du pouvoir inégal de la poursuite, prend naissance lorsque le pouvoir coercitif de l'État vient à être exercé contre l'individu, soit formellement (par l'arrestation ou l'inculpation) soit de façon informelle (par la détention ou l'accusation). C'est à ce moment qu'un rapport contradictoire naît entre l'État et l'individu. Cependant les particuliers ne peuvent invoquer le droit entre eux.

Définition de la détention

R. c. Therens, [1985] 1 R.C.S. 613

Résumé des faits
L'intimé a perdu la maîtrise de son véhicule à moteur qui a percuté un arbre. Un policier a sommé l'intimé de fournir des échantillons de son haleine à des fins d'analyse conformément au par. 235(1) du Code criminel. L'intimé a suivi le policier jusqu'au poste de police où il a obtempéré à la sommation et il a été accusé, par la suite, d'avoir conduit un véhicule à moteur alors que son taux d'alcoolémie dépassait la limite permise, contrairement au par. 236(1) du Code. Au cours du procès, l'avocat de l'intimé s'est opposé à l'admission du certificat d'analyse et, se fondant sur l'art. 24 de la Charte, a demandé qu'il soit écarté pour le motif qu'il y a eu atteinte au droit de l'intimé, garanti par l'al. 10b) de la Charte, d'être informé, en cas d'arrestation ou de détention, de son droit d'avoir recours sans délai à l'assistance d'un avocat.

Analyse
Il y a eu violation des droits que garantit à l'intimé l'al. 10b) de la Charte. La personne qui obtempère à la sommation qui lui a été faite, conformément au par. 235(1) du Code criminel, de suivre un policier jusqu'au poste de police pour y subir un alcootest, est "détenue" au sens de l'art. 10 de la Charte et elle a, par conséquent, le droit d'être informée de son droit d'avoir recours sans délai à l'assistance d'un avocat.

Le mot "détention" employé à l'art. 10 vise une entrave à la liberté d'une durée variable, autre qu'une arrestation par suite de laquelle une personne peut raisonnablement avoir besoin de l'assistance d'un avocat, mais pourrait, en l'absence de cette garantie constitutionnelle, être empêchée d'y avoir recours sans délai.

Outre le cas où il y a privation de liberté par contrainte physique, il y a également "détention" au sens de l'art. 10 lorsqu'un policier restreint la liberté d'action d'une personne au moyen d'une sommation ou d'un ordre qui peut avoir des conséquences sérieuses sur le plan juridique et qui a pour effet d'empêcher l'accès à un avocat. Il doit cependant y avoir une certaine forme de contrainte ou de coercition. Toute responsabilité criminelle découlant du refus d'obtempérer à une sommation ou à un ordre d'un policier suffit pour rendre l'obéissance involontaire.

La Cour ne s'intéresse pas à l'art. 1 de la Charte puisque le Parlement n'a pas voulu, au par. 235(1) du Code, restreindre le droit que garantit à l'intimé l'al. 10b) de la Charte. Selon l'article 1, tous les droits garantis par la Charte, y compris ceux prévus par l'art. 10, ne peuvent être restreints «que par une règle de droit, dans des limites qui soient raisonnables...» En l'espèce, la restriction du droit de l'intimé de consulter son avocat a été imposée par la conduite des policiers et non par le Parlement.

La condition relative au délai de deux heures imposée par le sous‑al. 237(1)b)(ii) n'empêche pas de communiquer avec un avocat avant de subir l'alcootest. Lorsqu'une personne est détenue par suite d'une sommation faite en vertu du par. 235(1), le droit d'être informée de son droit d'avoir recours sans délai à l'assistance d'un avocat n'est donc pas assujetti à une restriction prescrite par une règle de droit au sens de l'art. 1 de la Charte.

mercredi 18 février 2009

Droit au silence / Quand ce droit doit céder le pas

R. c. Turcotte, [2005] 2 R.C.S. 519, 2005 CSC

Il arrive que le droit de garder le silence doive céder le pas. Dans R. c. Crawford, [1995] 1 R.C.S. 858, par exemple, la Cour se trouvait en présence d’un conflit entre le droit de garder le silence et le droit à une défense pleine et entière. Deux hommes avaient été accusés de meurtre au deuxième degré après qu’un homme eut été battu à mort. À leur procès conjoint, chacun blâmait l’autre. M. Crawford, l’un des accusés, n’avait fait aucune déclaration à la police, mais avait choisi de témoigner au procès pour sa propre défense. L’avocat de son coaccusé l’avait contre‑interrogé sur son omission de faire une déclaration à la police. Cette omission avait été négativement mise en contraste avec le fait que son coaccusé avait fait une déclaration complète à la police à la première occasion. Au nom de la majorité, le juge Sopinka a statué qu’il était possible d’établir un équilibre entre les deux droits opposés en admettant la preuve relative au silence, mais en ne l’utilisant que pour apprécier la crédibilité, et non pour conclure à la culpabilité. Étant donné que le jury avait été invité à inférer la culpabilité du silence de M. Crawford, la Cour a ordonné la tenue d’un nouveau procès.

La preuve relative au silence peut également être admissible lorsque la défense soulève une question qui démontre la pertinence du silence de l’accusé. Citons, par exemple, le cas où la défense cherche à attirer l’attention sur la collaboration de l’accusé avec les autorités (R. c. Lavallee, [1980] O.J. No. 540 (QL) (C.A.)); le cas où l’accusé témoigne avoir nié les accusations portées contre lui au moment de son arrestation (R. c. Ouellette (1997), 200 A.R. 363 (C.A.)); le cas où le silence est utile à la thèse de la défense fondée sur une erreur sur la personne et une enquête policière bâclée (R. c. M.C.W. (2002), 169 B.C.A.C. 128, 2002 BCCA 341).

De même, les affaires dans lesquelles l’accusé a omis de divulguer son alibi en temps utile ou de manière appropriée constituent des exceptions bien établies à l’interdiction de se servir du silence avant le procès contre un accusé : R. c. Cleghorn, [1995] 3 R.C.S. 175. Le silence pourrait également être admissible s’il est inextricablement lié à l’exposé des faits ou à tout autre élément de preuve et ne peut être facilement extrait.

Comportement postérieur à l’infraction

R. c. White, [1998] 2 R.C.S. 72

Résumé des faits
Les présents pourvois portent essentiellement sur le comportement des appelants après l’assassinat de Chiu. Les appelants sont demeurés à Ottawa le 27 août, mais n’ont pas regagné leur domicile ce soir‑là et n’ont pas été vus dans les environs pendant près de deux semaines. On ignore la date précise de leur départ d’Ottawa. Mais le matin du 29 août, ils ont commis un vol qualifié dans une banque à Mississauga, en Ontario, soit à quelque 500 kilomètres de la capitale nationale. Une semaine plus tard, le 5 septembre, ils ont commis un second vol qualifié dans la même banque. Chaque fois, Côté a tiré des coups de feu à l’aide d’un fusil de chasse de calibre 12 et d’un revolver de calibre .22, laissant derrière lui des cartouches et des douilles de cartouche qui correspondaient à celles trouvées sur les lieux du meurtre de Chiu. Les appelants ont reconnu l’exactitude des faits allégués relativement aux deux vols qualifiés.

Analyse
Dans certaines circonstances, le comportement de l’accusé après la perpétration d’un crime peut constituer une preuve circonstancielle de sa culpabilité. Par exemple, la culpabilité peut s’inférer du fait que l’accusé s’est enfui des lieux du crime ou a quitté la circonscription dans laquelle celui‑ci a été commis, qu’il a tenté de se soustraire à l’arrestation ou qu’il n’a pas comparu au procès. Une telle conclusion peut aussi reposer sur des actes de dissimulation, par exemple lorsque l’accusé a menti, a employé un faux nom, a modifié son apparence ou a tenté de dissimuler ou de supprimer un élément de preuve incriminant. La preuve relative au comportement après le fait est admise d’ordinaire pour établir que l’accusé a agi d’une manière jugée compatible, selon l’expérience humaine et la logique, avec la conduite d’une personne coupable et non avec celle d’une personne innocente. (par 19)

Il faut appeler l’attention du jury sur les éléments de preuve précis qui sont présentés ‑‑ la fuite, les déclarations mensongères, selon le cas ‑‑ et sur leur pertinence quant à la question ultime à trancher, soit celle de la culpabilité ou de l’innocence (par 20)

La preuve relative au comportement postérieur à l’infraction ne diffère pas fondamentalement des autres types de preuve circonstancielle. Comme tout élément de preuve circonstancielle, la fuite ou la dissimulation peut se prêter à des interprétations divergentes et doit être appréciée par le jury à la lumière de l’ensemble de la preuve pour déterminer si elle est compatible avec la culpabilité de l’accusé et incompatible avec toute autre conclusion rationnelle. (par 21)

Notre Cour a statué également que lorsqu’est présenté au jury un élément de preuve relatif au comportement de l’accusé après l’infraction, des «directives appropriées» doivent lui être données afin que cet élément ne soit pas mal utilisé: Arcangioli, à la p. 143, et Gudmondson c. The King (1933), 60 C.C.C. 332 (C.S.C.), aux pp. 332 et 333.

L’arrêt Arcangioli établit qu’un élément de preuve ne doit être présenté au jury que s’il est pertinent aux fins de trancher un point litigieux dans l’affaire. La question de savoir s’il faut autoriser le jury à tenir compte du comportement de l’accusé après l’infraction dépend des faits de chaque espèce. Il faut tout d’abord se demander ce qui suit: que tente d’établir le ministère public grâce à cet élément de preuve? Lorsque, en raison d’un aveu, le comportement de l’accusé ne peut être imputé à l’infraction faisant l’objet du procès, plutôt qu’à une autre, le jury doit recevoir des directives en ce sens. La preuve relative au comportement après l’infraction peut néanmoins servir à d’autres fins, dans les cas qui s’y prêtent, notamment pour relier l’accusé aux lieux du crime ou à un élément de preuve matérielle, ou encore, pour miner la crédibilité de l’accusé en général.(par 26)

En règle générale, il appartient au jury de déterminer, eu égard à l’ensemble de la preuve, si le comportement de l’accusé après l’infraction est lié au crime qui lui est reproché, plutôt qu’à un autre acte coupable. Il est également du ressort du jury de déterminer le poids qu’il convient d’accorder à cette preuve aux fins de rendre ultimement un verdict de culpabilité ou de non‑culpabilité.

Droit de garder le silence

R. c. Turcotte, [2005] 2 R.C.S. 519, 2005 CSC

Résumé
Le présent pourvoi est fondé sur le comportement de M. Turcotte le matin où il s’est rendu de son plein gré au poste de police et a demandé qu’une voiture soit envoyée au ranch. Malgré les questions répétées de la police, il a refusé d’expliquer pourquoi une voiture était nécessaire ou ce qu’on allait trouver au ranch.

Analyse
Le « comportement postérieur à l’infraction » est un terme (...)désignant seulement le comportement probant quant à la culpabilité. Par sa nature, ce comportement constitue une preuve circonstancielle (par 37)

Seuls les éléments de preuve postérieurs à un crime qui sont probants quant à la culpabilité peuvent être invoqués comme preuve relative au « comportement postérieur à l’infraction » (par 39)

Selon les règles traditionnelles de common law, en l’absence d’une contrainte légale, chacun a le droit de garder le silence face à l’interrogatoire de la police. (par 41)

La juge McLachlin a fondé le droit de garder le silence prévu par l’art. 7 sur deux doctrines de common law : la règle des confessions et le privilège de ne pas s’incriminer, expliquant qu’elles découlent toutes deux du thème unificateur suivant : L’idée qu’une personne assujettie au pouvoir de l’État en matière criminelle a le droit de décider de parler aux policiers ou de garder le silence. (par 43)

Ce serait un droit illusoire si la décision de ne pas parler à la police pouvait être utilisée par le ministère public comme preuve de culpabilité. Il a été reconnu en outre que, comme il y a un droit de garder le silence, ce serait tendre un piège que de prévenir l’accusé qu’il n’est pas tenu de répondre aux questions du policier, pour ensuite soumettre en preuve que l’accusé s’est manifestement prévalu de son droit en gardant le silence face à une question tendant à établir sa culpabilité (par 44)

Ce serait également « tendre un piège » que de permettre qu’un exercice valide du droit soit utilisé comme preuve de culpabilité (par 45)

Puisque, dans la plupart des cas, les personnes ne sont pas tenues d’aider la police, leur silence ne peut, en soi, être probant quant à la culpabilité :
[traduction] . . . le refus d’aider n’est rien d’autre que l’exercice d’une liberté reconnue et n’apporte aucun éclairage, en soi, sur la culpabilité de cette personne. (par 46)

La preuve relative au silence est cependant admissible dans des cas limités. Comme le juge Cory l’a statué dans Chambers, p. 1318, si « le ministère public [peut] établir une pertinence réelle et une justification légitime », la preuve relative au silence peut être admise à condition d’être accompagnée d’une mise en garde appropriée au jury. (par 47)

En général, en l’absence d’une exigence légale contraire, les personnes ont le droit de choisir de parler à la police ou non, même si elles ne sont pas détenues ou en état d’arrestation. Le droit de garder le silence reconnu en common law existe en tout temps contre l’État, peu importe que la personne qui le revendique soit ou non assujettie au pouvoir ou contrôle de ce dernier. Comme c’est le cas pour la règle des confessions, le droit de l’accusé de garder le silence s’applique chaque fois qu’il interagit avec une personne en situation d’autorité, qu’il soit détenu ou non. Ces considérations de principe existent tant avant qu’après l’arrestation ou la détention. Il n’y a, par conséquent, aucune raison fondée sur des principes de ne pas étendre l’application du droit de garder le silence reconnu en common law aux deux périodes. (par 51)

La volonté de communiquer certains renseignements à la police ne fait pas complètement disparaître le droit d’une personne de ne pas répondre aux questions de la police. Elle n’a pas à rester muette pour manifester son intention de l’invoquer. Une personne peut fournir certains, aucun ou la totalité des renseignements qu’elle possède. L’interaction volontaire avec la police, même si elle est engagée par l’intéressé, ne constitue pas une renonciation au droit de garder le silence. Le droit de choisir de parler ou de garder le silence demeure entier tout au long de l’interaction. (par 52)

Le comportement postérieur à un crime n’est admissible comme preuve relative au « comportement postérieur à l’infraction » que s’il fournit une preuve circonstancielle de la culpabilité. La pertinence nécessaire n’existe plus s’il n’y a aucun lien entre le comportement et la culpabilité. La loi n’impose aucune obligation de parler à la police ou de collaborer avec elle. Ce fait, à lui seul, rompt tout lien pouvant exister entre le silence et la culpabilité. Le silence face à l’interrogatoire de la police est donc rarement admissible comme preuve relative au comportement postérieur à l’infraction parce qu’il est rarement probant quant à la culpabilité. Refuser de faire ce qu’on a le droit de refuser de faire ne révèle rien. (par 55)

mardi 17 février 2009

Obligation du policier d'avoir des motifs raisonnables pour procéder à une arrestation

R. c. Storrey, 1990 CanLII 125 (C.S.C.)

Résumé des faits
Trois Américains qui retournaient au Michigan se sont fait barrer la route par un autre véhicule alors qu'ils s'approchaient de la frontière près de Windsor et ont été forcés d'arrêter. Le conducteur et le passager sont sortis de ce véhicule et se sont dirigés vers la voiture des Américains. Le conducteur a asséné un coup de poing à l'un de ces derniers tandis que son passager les a tous tailladés avec un couteau. Les victimes ont donné à la police une description générale des agresseurs et de leur véhicule -- une Ford bleue, peut-être une Thunderbird fabriquée entre 1973 et 1975. Deux des victimes ont par la suite été amenées au poste de police où, après avoir examiné quelque 800 photographies, elles en ont choisi 4 ou 5 d'hommes "ressemblant" à l'agresseur armé du couteau. Fait révélateur, elles ont toutes les deux choisi la photo d'un nommé Darryl Cameron. À la suite d'une enquête, la police a écarté Cameron comme suspect.

Toutefois, les recherches du policier enquêteur ont révélé que l'appelant avait été arrêté à maintes reprises au volant d'une Thunderbird bleue de l'année 1973, qu'il ressemblait beaucoup à Cameron et qu'il avait un casier judiciaire faisant état notamment de crimes violents. La police a lancé un bulletin requérant son arrestation relativement à l'accusation de voies de fait graves. L'appelant a été trouvé six jours plus tard et arrêté à 19 h 25. L'accusation a été portée contre lui le lendemain à 13 h 44. Le policier a dit que, si l'on avait attendu 18 heures pour porter l'accusation officiellement, cela découlait de la nécessité de faire venir les victimes à Windsor pour procéder à la séance d'identification qui était la seule méthode d'identification dont on disposait.

Analyse
Le paragraphe 495(1) exige que l'agent de police qui effectue une arrestation ait subjectivement des motifs raisonnables et probables d'y procéder. Ces motifs doivent en outre être objectivement justifiables, c'est-à-dire qu'une personne raisonnable se trouvant à la place de l'agent de police doit pouvoir conclure qu'il y avait effectivement des motifs raisonnables et probables de procéder à l'arrestation. Par ailleurs, la police n'a pas à démontrer davantage que l'existence de motifs raisonnables et probables. Plus précisément, elle n'est pas tenue, pour procéder à l'arrestation, d'établir une preuve suffisante à première vue pour justifier une déclaration de culpabilité.

Une arrestation effectuée légalement ne devient pas illégale du simple fait que la police entend poursuivre son enquête après l'arrestation. Le rôle de la police consiste essentiellement à faire enquête sur les crimes. C'est là une fonction qu'elle peut et devrait continuer à exercer après avoir effectué une arrestation légale.

La détention de l'appelant pendant 18 heures avant que l'accusation ne soit portée, principalement pour permettre à la police de poursuivre son enquête, n'était pas arbitraire. La séance d'identification représentait la méthode d'identification la plus juste et la seule pratique.

Afin de sauvegarder la liberté des citoyens, le Code criminel exige que la police, lorsqu'elle tente d'obtenir un mandat d'arrestation, démontre à un officier de justice qu'elle a des motifs raisonnables et probables de croire que la personne à arrêter a perpétré l'infraction. Dans le cas d'une arrestation sans mandat, il importe encore davantage que la police établisse l'existence de ces mêmes motifs raisonnables et probables justifiant l'arrestation.

Obligation du juge du procès de motiver sa décision en matière criminelle

R. c. Sheppard, [2002] 1 R.C.S. 869, 2002 CSC 26

Lien vers la décision

L’obligation de donner des motifs est liée à leur fin, qui varie selon le contexte. L’état actuel du droit en ce qui concerne l’obligation du juge de première instance de donner des motifs, dans le contexte de l’intervention d’une cour d’appel en matière criminelle, peut se résumer par les propositions suivantes :

1. Prononcer des décisions motivées fait partie intégrante du rôle du juge. Cette fonction est une composante de son obligation de rendre compte de la façon dont il s’acquitte de sa charge. Dans son sens le plus général, c’est en faveur du public qu’est établie l’obligation de motiver une décision.

2. Il ne faut pas laisser l’accusé dans le doute quant à la raison pour laquelle il a été déclaré coupable. Il peut être important d’exprimer les motifs du jugement pour clarifier le fondement de la déclaration de culpabilité, mais il se peut que ce fondement ressorte clairement du dossier. Il s’agit de savoir si, eu égard à l’ensemble des circonstances, le besoin fonctionnel d’être informé a été comblé.

3. Il se peut que les motifs s’avèrent essentiels aux avocats des parties pour les aider à évaluer l’opportunité d’interjeter appel et à conseiller leurs clients à cet égard. Par contre, il est possible que les autres éléments du dossier leur apprennent tout ce qu’ils doivent savoir à cette fin.

4. Comme le droit d’appel conféré par la loi s’applique à la déclaration de culpabilité (ou, dans le cas du ministère public, au jugement ou au verdict d’acquittement) plutôt qu’aux motifs, chaque omission ou lacune dans l’exposé des motifs ne constituera pas nécessairement un moyen d’appel.

5. L’exposé des motifs joue un rôle important dans le processus d’appel. Lorsque les besoins fonctionnels ne sont pas comblés, la cour d’appel peut conclure qu’il s’agit d’un cas de verdict déraisonnable, d’une erreur de droit ou d’une erreur judiciaire qui relèvent de l’al. 686(1)a) du Code criminel, suivant les circonstances de l’affaire, et suivant la nature et l’importance de la décision rendue en première instance.

6. Les motifs revêtent une importance particulière lorsque le juge doit se prononcer sur des principes de droit qui posent problème et ne sont pas encore bien établis, ou démêler des éléments de preuve embrouillés et contradictoires sur une question clé, à moins que le fondement de la conclusion du juge de première instance ressorte du dossier, même sans être précisé.

7. Il faut tenir compte des délais et du volume des affaires à traiter dans les cours criminelles. Le juge du procès n’est pas tenu à une quelconque norme abstraite de perfection. On ne s’attend pas et il n’est pas nécessaire que les motifs du juge du procès soient aussi précis que les directives adressées à un jury.

8. Le juge de première instance s’acquitte de son obligation lorsque ses motifs sont suffisants pour atteindre l’objectif visé par cette obligation, c’est‑à‑dire lorsque, compte tenu des circonstances de l’espèce, sa décision est raisonnablement intelligible pour les parties et fournit matière à un examen valable en appel de la justesse de la décision de première instance.

9. Les juges sont certes censés connaître le droit qu’ils appliquent tous les jours et trancher les questions de fait avec compétence, mais cette présomption a une portée limitée. Même les juges très savants peuvent commettre des erreurs dans une affaire en particulier, et c’est la justesse de la décision rendue dans une affaire en particulier que les parties peuvent faire examiner par un tribunal d’appel.

10. Lorsque la décision du juge de première instance ne suffit pas à expliquer le résultat aux parties, et que la cour d’appel s’estime en mesure de l’expliquer, l’explication que cette dernière donne dans ses propres motifs est suffisante. Un nouveau procès n’est alors pas nécessaire. L’erreur de droit décelée, le cas échéant, est corrigée au sens du sous‑al. 686(1)b)(iii).

Arrestation sans mandat dans un domicile / perquisition accessoire à une arrestation

R. c. Feeney, [1997] 2 R.C.S. 13

Résumé des faits
Au cours d’une enquête sur un meurtre en 1991, les policiers sont entrés sans permission chez l’accusé qui demeurait dans une remorque d’entreposage. Ne recevant pas de réponse, ils sont entrés, ont réveillé l’accusé, lui ont touché la jambe et lui ont ordonné de se lever, puis l’ont amené à l’avant de la remorque où il y avait plus de lumière. Les policiers l’ont arrêté après avoir vu du sang sur sa chemise.

Après avoir informé l’accusé de son droit à l’assistance d’un avocat, mais non de son droit de consulter immédiatement un avocat, les policiers lui ont posé quelques questions auxquelles il a répondu. Sa chemise a été saisie et il a été amené au détachement de la police où d’autres déclarations et ses empreintes digitales ont été recueillies avant qu’il ait consulté un avocat.

Les policiers ont saisi de l’argent, des cigarettes et des chaussures en vertu d’un mandat obtenu sur la foi de la perquisition initiale dans la remorque (la chemise et les chaussures), de l’interrogatoire initial (les chaussures) et de l’interrogatoire effectué par la suite au détachement (l’argent sous le matelas).

Analyse
Le critère objectif est de savoir si une personne raisonnable, mise à la place du policier, aurait cru à l’existence de motifs raisonnables et probables d’effectuer une arrestation. Toute conclusion qu’on ne satisfait pas au critère subjectif implique généralement qu’on ne satisfait pas au critère objectif, sauf si l’on juge que la norme appliquée par le policier est excessivement élevée.

En général, le droit à la vie privée l’emporte désormais sur le droit de la police et les arrestations sans mandat dans une maison d’habitation sont interdites.

En général, un mandat est requis pour effectuer une arrestation dans une maison d’habitation. Il y a des exceptions en ce qui concerne le caractère abusif des perquisitions sans mandat visant à trouver des choses. Une perquisition sans mandat respecte l’art. 8 si elle est autorisée par la loi, et si la loi et la manière dont la perquisition est effectuée sont raisonnables. Dans le cas d’une prise en chasse, le droit à la vie privée doit céder le pas à l’intérêt qu’a la société à garantir une protection policière suffisante.

Les droits à la vie privée garantis par la Charte exigent que la police obtienne généralement une autorisation judiciaire préalable d’entrer dans une maison d’habitation pour y arrêter la personne recherchée.

La création d’une procédure d’obtention d’une telle autorisation préalable permet de dissiper la crainte qu’un suspect puisse se réfugier de façon permanente dans une maison d’habitation.

Les arrestations sans mandat dans une maison d’habitation sont généralement interdites. Avant de procéder à une telle arrestation, le policier doit obtenir l’autorisation judiciaire de l’effectuer au moyen d’un mandat l’autorisant à entrer, à cette fin, dans la maison d’habitation. Un tel mandat ne sera décerné que s’il existe des motifs raisonnables d’effectuer une arrestation et des motifs raisonnables de croire que la personne sera à l’adresse indiquée, assurant ainsi aux droits à la vie privée du particulier, en cas d’arrestation, la protection requise par notre Cour à l’égard des fouilles, perquisitions et saisies.

Le mandat n’est pas la seule condition pour assurer la protection de la vie privée; l’entrée par la force dans une maison d’habitation, pour y effectuer une arrestation en vertu d’un mandat relatif à un acte criminel, doit être précédée d’une annonce régulière. Il y a exception dans le cas d’une prise en chasse.

L’exigence qu’une personne soit informée des droits que lui garantit l’al. 10b) s’applique dès sa mise en détention ou en état d’arrestation. Il y a détention au sens de l’art. 10 de la Charte lorsqu’un agent de la paix restreint la liberté d’action d’une personne au moyen d’une sommation ou d’un ordre.

La police a découvert l’existence de la somme d’argent, des cigarettes et des chaussures par suite de la violation de l’art. 8 et de l’al. 10b) de la Charte, et, sans ces violations, elle n’aurait eu aucune raison d’obtenir un mandat l’autorisant à procéder à la seconde perquisition.

Il a été jugé que la prise d’empreintes digitales accessoire à une arrestation légale ne viole pas la Charte. En l’espèce, toutefois, l’arrestation était illégale et comportait diverses violations de la Charte. Obliger l’accusé à fournir des empreintes digitales dans le présent contexte violait l’art. 8 de la Charte, du fait que cela impliquait une fouille et une saisie relatives au corps de l’accusé, à l’égard duquel, tout au moins quand l’arrestation n’est pas légale, les attentes en matière de vie privée sont nettement élevées. Les procédures accessoires et consécutives à une arrestation illégale, qui empiètent sur les attentes raisonnables en matière de vie privée qu’a la personne arrêtée, violent l’art. 8.

Le fait que la violation de la Charte a été commise sans autorisation légale est un indice de mauvaise foi.

Nous reproduisons ci-dessous l'analyse trouvée dans le CONDENSÉ DE JURISPRUDENCE VISANT LA POLICE de la GRC de cet arrêt
La Cour a établi le critère suivant pour l'obtention d'un mandat autorisant à procéder à une arrestation dans une maison d'habitation : il doit y avoir des motifs raisonnables et probables non seulement pour effectuer l'arrestation, mais également des motifs raisonnables de croire que la personne sera à l'adresse indiquée. La Cour a ajouté que, même avec un mandat, l'entrée doit être précédée d'une annonce régulière.

La Cour a également conclu que les droits de l'accusé garantis par l'alinéa 10b) avaient été violés, parce que a) l'accusé n'a pas été informé de ses droits assez rapidement, la Cour étant d'avis que la détention avait commencé dès que le policier lui avait touché la jambe et lui avait ordonné de sortir du lit; b) l'accusé n'a pas été bien informé de son droit à l'assistance d'un avocat; c) la police a entrepris de le questionner et l'a forcé à faire des déclarations incriminantes avant de lui avoir donné la possibilité de consulter un avocat.

lundi 16 février 2009

Ce qu'est une tentative au sens du droit criminel

Tentatives
24. (1) Quiconque, ayant l’intention de commettre une infraction, fait ou omet de faire quelque chose pour arriver à son but est coupable d’une tentative de commettre l’infraction, qu’il fût possible ou non, dans les circonstances, de la commettre.

Question de droit
(2) Est une question de droit la question de savoir si un acte ou une omission par une personne qui a l’intention de commettre une infraction est ou n’est pas une simple préparation à la perpétration de l’infraction, et trop lointaine pour constituer une tentative de commettre l’infraction.

Deutsch c. La Reine, [1986] 2 R.C.S. 2
La distinction entre préparation et une étape de perpétration qui est la tentative est qualitative. Les circonstances constituent un facteur déterminant : la proximité sous l’angle du temps, du lieu, des actes sous le contrôle de l’accusé qui restent à être accomplis. L’acte ne doit pas être trop éloigné de la perpétration ou doit avoir une imminence relative. (par 27)

Comme dans le cas de tout autre crime, le ministère public doit prouver la mens rea, c'est‑à‑dire l'intention de commettre l'infraction en question, et l'actus reus, c'est‑à‑dire une mesure quelconque en vue de commettre l'infraction, autre que les simples actes de préparation. Le plus important de ces deux éléments est la mens rea.

La perpétration d'un crime comprend habituellement une série d'actes qui débute par l'idée d'accomplir un acte criminel; l'idée se transforme en décision d'accomplir cet acte; un projet peut être élaboré pour mettre cette décision à exécution; l'étape suivante peut être la préparation seulement en vue de mettre en oeuvre l'intention et le projet; mais lorsque cette préparation est en fait entièrement terminée, l'étape suivante dans la série d'actes accomplis par l'accusé dans le but et l'intention de commettre le crime projeté ne peut, à mon avis, être considérée comme éloignée dans son rapport avec ce crime. Le rapport est en fait rapproché. (par 28)

L'actus reus doit être plus qu'une simple préparation en vue de commettre un crime. Mais lorsque la préparation en vue de commettre un crime est en fait entièrement terminée, la démarche suivante faite par l'accusé dans le but et l'intention de commettre un crime précis constitue un actus reus suffisant en droit pour établir la tentative criminelle de commettre ce crime. (par 28)

L'imminence relative peut conférer la qualité de tentative à un acte qui autrement pourrait sembler constituer une simple préparation. Toutefois, un acte, qui à première vue est un acte de perpétration, ne perd pas sa qualité d'actus reus de la tentative parce que d'autres actes étaient nécessaires ou parce qu'un délai important peut s'être écoulé avant la perpétration de l'infraction. (par 31)

Moyens de défense imposant un fardeau de persuasion à l’accusé

1)Sans excuse légitime dont la preuve lui incombe (349 (1), 351 (1) Ccr)

2)Défense de troubles mentaux (16 Ccr)

3)Défense d’intoxication extrême (Arrêt Daviault, [1994])

4)Défense d’automatisme (Arrêt Stone, [1999])

5)Défense de consentement (ex : art 284 « s’il démontre)

6)Erreur de fait pour des motifs raisonnables ou diligence raisonnable : infraction de responsabilité stricte pour les infractions réglementaire (Wholesale Travel Group, [1991]

7)Défense de provocation policière : moyen de défense procédural (Mack, Barnes, [1990]

vendredi 13 février 2009

L'abus de confiance de la part d'un fonctionnaire en droit criminel

La gravité de l'affaire n'est pas tant son aspect purement lucratif que l'abus du pouvoir confié au défenseur de l'intérêt public à son propre profit. Pour donner l'exemple, il faut infliger une punition lorsque quelqu'un se rend coupable d'un tel abus de la confiance du public
Tiré de http://www.justice.gc.ca/fr/ps/inter/imp_use_pub/page10.html

Article du code criminel applicable
122. Est coupable d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de cinq ans tout fonctionnaire qui, relativement aux fonctions de sa charge, commet une fraude ou un abus de confiance, que la fraude ou l’abus de confiance constitue ou non une infraction s’il est commis à l’égard d’un particulier.

Un arrêt relativement récent de la Cour Suprême, l'arrêt Boulanger ([2006] 2 R.C.S. 49, 2006 CSC), est venu clarifier l'état du droit relativement à cette infraction d'intention générale. Au paragraphe 58 de cette décision, la Cour a clairement énoncé qu'il doit y avoir preuve hors de tout raisonnable de la poursuite des 5 points suivants pour qu'il y ait culpabilité de l'accusé. Les 5 points sont:

1) l’accusé est un fonctionnaire;

- Le fonctionnaire est définit à l'article 118 C.c.r. La Cour d'Appel du Québec, dans l'arrêt Lafrance, a formulé son interprétation de la définition de fonctionnaire et a répertorié des illustrations jurisprudentielles que tel corps de métier correspond à la définition de fonctionnaire au sens du Code criminel

2) l’accusé agissait dans l’exercice de ses fonctions;

- L'accusé doit utiliser les pouvoirs ou le prestige reliés à sa charge
- L'accusé a des responsabilités et une autorité qui le placent dans un poste de confiance

3) l’accusé a manqué aux normes de responsabilité et de conduite que lui impose la nature de sa charge ou de son emploi ;

- Identification du comportement reproché

4) la conduite de l’accusé représente un écart grave et marqué par rapport aux normes que serait censé observer quiconque occuperait le poste de confiance de l’accusé;
- Qualification du comportement reproché. Une faute admisnistrative et/ou une contravention à une politique administrative ou code de déontologie n'amène pas automatiquement une responsabilité criminelle. Il faut qu'il y ait une analyse objective dudit comportement.
- l'abus de confiance est une infraction d'intention générale dont la commission doit être analysée objectivement: une personne raisonnable en pleine connaissance de tous les faits considérerait-elle les actes reprochés répréhensibles? On doit ensuite se demander naturellement si l'accusé a posé ces actes en toute connaissance de cause (arrêt R. c. Power, 1993 CanLII 3223 (NS C.A.))

5) l’accusé a agi dans l’intention d’user de sa charge ou de son emploi publics à des fins autres que l’intérêt public, par exemple dans un objectif de malhonnêteté, de partialité, de corruption ou d’abus.

- Il ne s’agit pas d’inconduite lorsque l’intéressé rend une décision sachant qu’elle favorise ses intérêts personnels, s’il a pris la décision honnêtement en croyant sincèrement qu’il exerce correctement le pouvoir que lui confère sa charge ou son emploi publics (par 64 Boulanger)
- L'insouciance peut suffire à prouver la mens rea (R. c. Carré, 1989 CanLII 946 (QC C.A.))

Je tiens à souligner que "l’infraction prévue a 122 Ccr n’exige pas que l’accusé ait agit malhonnêtement ou de façon corrompue. Si la confiance manifestée par l’État est trahie par des actes ou des omissions qui vont au-dela de la simple incompétence ou négligence, il y a abus de confiance" (tiré de Hébert c. La Reine, (1986) RJQ 236 (CA))

Voici différentes illustrations jurisprudentielles tiré d'une décision que j'ai consulté qui a répertorié des situations où il fut reconnu que le comportement posé par le fonctionnaire était un abus de confiance

Dans R. c. McMorran l'accusé a préféré dans l'attribution de certains contrats, sa propriété à d'autres. Il y a là abus de confiance, abus du pouvoir que sa charge lui confère.

Dans Leblanc c. R. le trésorier de la municipalité a reçu 1,125.00$ d'un urbaniste à titre de cadeau pour son bon travail. Même si on ne lui a demandé aucune faveur en échange, c'est une inconduite inacceptable d'un fonctionnaire.

Dans R. c. Lessard c'est le cas du maire d'une ville qui fait un profit sur la vente d'un immeuble à sa propre municipalité par l'intermédiaire d'un prête-nom; la fraude est évidente.

Dans R. c. Curzi l'accusé a reçu une somme d'argent pour accepter de recommander aux autorités municipales la candidature d'une firme.

Dans R. c. Hébert l'accusé a fait exécuter par des employés les travaux à sa résidence personnelle; en ce sens l'accord tacite de ses supérieurs ne change rien à l'abus.

Dans R. c. Chrétien il y abus de confiance et usage impropre de son poste public lorsqu'il accepte l'asphaltage gratuit de l'entrée de sa résidence.

Dans Carré c. R., la Cour d'appel du Québec a maintenu la culpabilité d'un fonctionnaire qui avait communiqué à deux de ses assistants un numéro de téléphone confidentiel à n'utiliser que pour le service gouvernemental.

Dans Flamand, c. R, un haut fonctionnaire a tenté d'influencer un autre fonctionnaire pour obtenir de lui la levée d'une hypothèque nuisant au financement d'une compagnie dans laquelle il avait des intérêts.

Dans Gagné c. R., il s'agit d'un maire intervenant auprès des fonctionnaires de la municipalité pour favoriser la délivrance d'un permis de construction sur un lot appartenant à son propre fils et à l'un de ses amis.

Limites imposées au consentement en matière de voies de fait

R. c. Jobidon, [1991] 2 R.C.S. 714

Résumé des faits
L'accusé a été inculpé d'homicide involontaire coupable en se livrant à des voies de fait, à la suite d'une bagarre à coups de poing. La bagarre a débuté dans un bar. La victime avait le dessus lorsque le propriétaire les a séparés et a demandé à l'accusé de quitter les lieux. Il est sorti et a attendu dehors, dans le stationnement. Lorsque la victime est sortie une foule de gens s'est rassemblée autour d'eux pour assister à la bagarre. Alors que les deux hommes se tenaient debout face à face, l'accusé a assené à la victime un coup de poing violent à la tête et l'a fait tomber à la renverse sur le capot d'une voiture. L'accusé a continué à s'avancer et, en une brève volée, il a de nouveau frappé plusieurs fois la victime à la tête. La victime a roulé par terre et est demeurée immobile. Elle a été transportée à l'hôpital où elle est morte.

Analyse
L'article 265 énonce une règle générale, à savoir qu'il ne peut pas y avoir voies de fait si l'autre personne consent à ce que la force soit utilisée.

La common law a engendré un ensemble de règles juridiques visant à faire la lumière sur le sens du consentement et à imposer certaines limites à son effet juridique en droit criminel.

La common law a persisté à limiter l'effet juridique du consentement dans le cas d'une bagarre à coups de poing et si l'on comprend que l'art. 265 a toujours fait état de cette persistance, la balance penche fortement contre la validité du consentement à se faire infliger des lésions corporelles au cours d'une bagarre. Ces activités peuvent aussi entraîner des troubles graves à la paix publique.

La limite que requiert l'application de l'art. 265 invalide le consentement entre adultes à l'utilisation intentionnelle de la force pour s'infliger mutuellement des blessures graves ou de sérieuses lésions corporelles au cours d'une rixe ou d'une bagarre à coups de poing (Ce critère signifie que le consentement apparent d'un mineur à ce qu'un adulte ait intentionnellement recours à la force dans une bagarre serait également invalidé.).

Telle est l'étendue de la limite prescrite par la common law en l'espèce. Cette formulation n'influera pas sur la validité ou l'effet du consentement donné librement à des activités sportives violentes menées selon les règles du jeu, à un traitement médical ou chirurgical, ou à des spectacles dangereux de cascadeurs qualifiés.

En énonçant au par. 265(3) du Code des facteurs susceptibles de vicier le consentement, le législateur n'avait pas l'intention de remplacer toute règle de common law susceptible d'invalider l'effet juridique du consentement à un acte qui constituerait par ailleurs des voies de fait.

En précisant, au par. 265(2), que l'art. 265 doit s'appliquer à toutes les espèces de voies de fait, le législateur n'a pas voulu éliminer les règles de common law concernant les objets ou formes de conduite auxquels il est impossible de donner un consentement ayant effet juridique.

S'il est vrai qu'en règle générale, toutes les espèces de voies de fait sont visées par les diverses dispositions de l'art. 265, ce dernier ne tente pas de définir les circonstances, ou les genres de conduite ou encore les conséquences éventuelles qui seront légalement reconnus comme étant des objets légitimes de consentement pour les fins de l'infraction. Cet article ne tente pas de définir les circonstances où le consentement aura ou n'aura pas un effet juridique.

Que le consentement soit formellement considéré comme faisant partie de l'actus reus de l'infraction, ou comme moyen de défense, sa fonction essentielle demeure inchangée ‑‑ si le consentement est prouvé, ou si l'absence de consentement n'est pas prouvée, une personne accusée de voies de fait pourra en général s'appuyer sur le consentement du plaignant pour empêcher sa condamnation. Elle pourra invoquer le consentement pour nier sa responsabilité. Cette réalité fondamentale est largement reconnue.

Le principe de common law n'influera pas sur la validité ou sur l'effet du consentement donné librement par une personne à participer à des activités sportives violentes, dans la mesure où l'utilisation intentionnelle de la force à laquelle elle consent respecte les normes et les règles habituelles du jeu. Contrairement aux bagarres à coups de poing, les activités sportives et les jeux ont habituellement une valeur sociale importante; ils sont utiles.

Refus initial de l’accusé de fournir un échantillon d’haleine (mais en fournit un ultérieurement)

R. c. Woods, [2005] 2 R.C.S. 205, 2005 CSC

Résumé des faits
Des agents de police ont arrêté un véhicule conduit par l’accusé. Ils ont senti une forte odeur d’alcool et ont ordonné le prélèvement d’un échantillon d’haleine à l’aide d’un appareil de détection approuvé (« ADA »). L’accusé a refusé d’obtempérer et a été arrêté en vertu du par. 254(5) du Code criminel. Au poste de police, environ une heure après son arrestation et après avoir parlé au téléphone avec un avocat, l’accusé a annoncé qu’il voudrait fournir un échantillon d’haleine

Analyse
Un échantillon d’haleine à l’aide d’un ADA est obtenu légalement s’il est fourni immédiatement à la suite d’un ordre validement donné en vertu du par. 254(2) ou s’il est fourni volontairement. Même si le mot « immédiatement », dans le contexte du par. 254(2) du Code, peut, dans des circonstances inhabituelles, recevoir une interprétation plus souple que celle que son sens ordinaire semble strictement lui réserver, l’exigence d’immédiateté évoque un ordre prompt de la part de l’agent de la paix et l’obéissance immédiate de la part de la personne visée par cet ordre. Par conséquent, les conducteurs à qui l’on ordonne de fournir un échantillon d’haleine dans un ADA sont tenus par le par. 254(2) d’obtempérer immédiatement — et non plus tard, au moment de leur choix.

L’on ne peut accepter comme étant le fait d’obtempérer « immédiatement » la fourniture d’un échantillon d’haleine plus d’une heure après l’arrestation pour défaut d’obtempérer, car cela constituerait un élargissement sémantique qui va au‑delà des frontières de la littéralité et des limites constitutionnelles du par. 254(2)

La poursuite dispose du pouvoir discrétionnaire de ne pas porter d’accusations pour refus d’obtempérer à l’ordre de fournir un échantillon d’haleine dans un ADA si, après le premier refus, le conducteur finit par se soumettre.

Il existe deux façons d’obtenir légalement un échantillon d’haleine à l’aide d’un ADA : premièrement, par ordre validement donné en vertu du par. 254(2) du Code criminel et, deuxièmement, sur fourniture volontaire.

À la première étape, le par. 254(2) autorise les agents de la paix qui ont des raisons de soupçonner la consommation d’alcool de demander aux conducteurs de fournir un échantillon d’haleine pour l’analyser à l’aide d’un ADA. Ces tests de détection, sur le bord de la route ou à proximité, permettent de déterminer s’il y a lieu de procéder à des analyses plus poussées. Ils portent nécessairement atteinte aux droits et libertés garantis par la Charte, mais seulement dans les limites raisonnables et nécessaires pour protéger l’intérêt du public à ce que les conducteurs avec facultés affaiblies ne puissent prendre la route.

À la deuxième étape du régime législatif, où les exigences de la Charte doivent être observées et appliquées, le par. 254(3) autorise les agents de la paix qui — comme le requiert la loi — ont des motifs raisonnables de le faire à ordonner aux conducteurs de fournir des échantillons d’haleine pour une analyse plus poussée d’alcootest. L’alcootest, en indiquant précisément la concentration d’alcool dans le sang du conducteur, permet aux agents de la paix de déterminer si l’alcoolémie du conducteur détenu excède la limite légale

L’exercice de ce pouvoir discrétionnaire ( Les policiers ont ensuite décidé de ne pas poursuivre l’intimé pour cette infraction) n’a pas — en fait ou en droit — transformé le défaut de l’intimé d’obtempérer immédiatement à un ordre valide de fournir un échantillon d’haleine dans un ADA, comme le prescrit le par. 254(2), en une option permanente d’obéir ultérieurement — en l’occurrence, plus d’une heure plus tard.

Droit d'être informé dans les plus brefs délais des motifs de son arrestation - Changement dans le but de l'interrogatoire mené par les enquêteurs

R. c. Evans, [1991] 1 R.C.S. 869

Résumé des faits
L'appelant Evans, un jeune déficient mental léger, a été déclaré coupable de meurtre au premier degré pour l'assassinat brutal de deux femmes. Au début, les policiers, croyant que son frère avait commis les meurtres, ont arrêté l'appelant sur une inculpation relative à de la marijuana dans l'espoir qu'il leur fournirait des éléments de preuve contre son frère. Les policiers ont informé Evans de son droit à l'assistance d'un avocat, mais quand on lui a demandé s'il comprenait son droit, il a répondu que non. Pendant l'interrogatoire qui a suivi, Evans est devenu le suspect principal des deux meurtres.

Analyse
Le droit d'être informé dans les plus brefs délais des motifs de son arrestation énoncé à l'al. 10a) de la Charte découle fondamentalement de la notion que personne n'est tenu de se soumettre à une arrestation dont il ne connaît pas le motif

Une personne ne peut valablement exercer le droit que lui garantit l'al. 10b) que si elle connaît l'ampleur du risque qu'elle court

Au moment de déterminer s'il y a eu violation de l'al. 10a) de la Charte, c'est la substance de qu'on peut raisonnablement supposer que l'appelant a compris qui est déterminante plutôt que le formalisme des mots exacts utilisés. Ce qui a été dit à l'accusé, considéré raisonnablement en fonction de toutes les circonstances de l'affaire doit être suffisant pour lui permettre de prendre une décision raisonnée de refuser de se soumettre à l'arrestation ou, subsidiairement, pour porter atteinte à son droit à l'assistance d'un avocat prévu à l'art. 10b).

Une personne qui ne comprend pas son droit n'est pas en mesure de l'exercer. L'objet de l'al. 10b) est d'exiger des policiers qu'ils fassent connaître à la personne détenue son droit à l'assistance d'un avocat.

Dans la plupart des cas, il est possible de conclure, d'après les circonstances, que l'accusé comprend ce qui lui est dit. Mais lorsque, comme en l'espèce, il y a des signes concrets que l'accusé ne comprend pas son droit à l'assistance d'un avocat, les policiers ne peuvent se contenter de la récitation rituelle de la mise en garde relative à ce droit de l'accusé; ils doivent prendre des mesures pour faciliter cette compréhension.

Les policiers ont le devoir d'informer à nouveau l'accusé de son droit à l'assistance d'un avocat quand un changement de circonstances fait que l'accusé est soupçonné d'une infraction différente et plus grave que celle dont il était soupçonné au moment de la première mise en garde. La décision de l'accusé d'exercer ou non son droit à l'assistance d'un avocat peut bien dépendre de la gravité de l'inculpation à laquelle il est exposé. Les nouvelles circonstances peuvent exiger de l'accusé qu'il reconsidère la renonciation première à l'assistance d'un avocat. Dans le cours d'une enquête exploratoire, les policiers ne sont toutefois pas tenus de renouveler la mise en garde au sujet de droit à l'assistance d'un avocat chaque fois que l'infraction visée par l'enquête change.

Bien qu'ils aient connu l'état de déficience mentale de l'accusé et malgré la déclaration qu'il leur a faite qu'il ne comprenait pas son droit à l'assistance d'un avocat, les policiers ont continué de le soumettre à plusieurs interrogatoires et à d'autres formes d'enquête. En plus, ils lui ont menti en lui laissant entendre que ses empreintes digitales avaient été trouvées. Les pressions que subissaient les policiers de trouver un suspect ne les autorisaient pas à mener des interrogatoires malhonnêtes et répétés contre une personne vulnérable, en violation des droits que lui garantissait la Charte. La gravité de la violation de la Charte n'est pas atténuée par ce que l'appelant savait de ses droits. Cette compréhension se limitait à des connaissances confuses apprises à la télévision américaine. De plus, l'appelant avait d'abord affirmé aux policiers qu'il ne comprenait pas ce que son droit signifiait.

mercredi 11 février 2009

Fouille accessoire lors d'une détention aux fins d’enquête

R. c. Clayton, 2007 CSC 32, [2007] 2 R.C.S. 725

Résumé des faits
Quelques minutes après un appel au 9‑1‑1 signalant la présence de personnes armées dans le stationnement d’un club de danseuses nues, des policiers ont intercepté le premier véhicule à quitter les lieux par l’issue arrière du stationnement. Ses deux occupants, Wendell Clayton et Troy Farmer, ont été fouillés. Chacun d’eux était en possession d’une arme de poing semi‑automatique chargée,

Analyse
La fouille accessoire à une détention aux fins d’enquête peut être justifiée lorsque le policier croit, pour des motifs raisonnables, que sa propre sécurité ou celle d’autrui est menacée

L’examen tiendra compte de la nature de la situation, y compris la gravité de l’infraction, des renseignements sur le suspect ou sur le crime dont disposaient les policiers et de la mesure dans laquelle la détention était raisonnablement adaptée à ces éléments, notamment en ce qui a trait à l’emplacement et au moment.

L’interception initiale constituait un exercice justifiable des pouvoirs policiers liés à l’obligation d’enquêter relativement aux infractions signalées au 9‑1‑1. Les policiers avaient des motifs raisonnables de croire à la présence de plusieurs armes de poing dans un lieu public, ce qui constituait une infraction grave et créait un risque réel de préjudice corporel grave pour le public. Compte tenu de la gravité de la situation, il aurait été irréaliste et incompatible avec leur devoir d’agir avec célérité que les policiers interceptent uniquement les véhicules décrits au 9‑1‑1

Il faut se demander ce que l’agent faisait en réalité et notamment si sa conduite constitue de prime abord une atteinte illégale à la liberté personnelle ou à la propriété. Si tel est le cas, il y a lieu de rechercher a) si cette conduite entre dans le cadre général d’un devoir imposé par une loi ou reconnu par la common law et b) si cette conduite, bien que dans le cadre général d’un tel devoir, a comporté un emploi injustifiable du pouvoir découlant de ce devoir.

Le pouvoir de détention aux fins d’enquête, applicable dans certaines circonstances et le pouvoir de fouille accessoire à l’arrestation sont les deux exercices les plus connus des pouvoirs accessoires de la police en common law : R. c. Mann, précité; R. c. Caslake (1998), 121 C.C.C. (3d) 97 (C.S.C.), p. 107‑108.

Lorsque la poursuite invoque la doctrine des pouvoirs accessoires pour justifier une atteinte policière aux libertés individuelles, une analyse en deux étapes fondée sur les faits s’impose. Premièrement, la poursuite doit démontrer que le policier a agi dans l’exercice d’une fonction légitime. Deuxièmement, après avoir démontré que le policier a agi dans l’exercice de sa fonction, la poursuite doit établir que l’acte reproché équivaut à un exercice justifiable du pouvoir policier lié à cette fonction

Un lot de facteurs doivent être pris en considération pour déterminer si la conduite d’un agent de police est justifiée, notamment le devoir dont il s’acquitte, la mesure dans laquelle il est nécessaire de porter atteinte à la liberté individuelle afin d’accomplir ce devoir, l’importance que présente l’exécution de ce devoir pour l’intérêt public, la liberté à laquelle on porte atteinte ainsi que la nature et l’étendue de l’atteinte.

La détention doit être jugée raisonnablement nécessaire suivant une considération objective de l’ensemble des circonstances qui sont à la base de la conviction du policier qu’il existe un lien clair entre l’individu qui sera détenu et une infraction criminelle récente ou en cours.

La fouille accessoire à la détention aux fins d’enquête peut être justifiée lorsque le policier croit, « pour des motifs raisonnables, que sa propre sécurité ou celle d’autrui est menacée » :

La décision du policier de procéder à une fouille doit également être raisonnablement nécessaire eu égard à l’ensemble des circonstances. Des inquiétudes — vagues ou inexistantes — en matière de sécurité ne sauraient justifier une telle décision, et la fouille ne peut reposer sur l’instinct ou une simple intuition.

Si après avoir intercepté le véhicule, les policiers avaient constaté que ses occupants ne correspondaient pas au signalement, ils n’auraient pas eu de motifs raisonnables de maintenir ces derniers en détention.

Imposition de menottes

En tant qu'avocat sur le service de garde, je suis un observateur privilégié du comportement qu'ont certains policiers dans leurs interventions auprès des accusés. Il semble habituel pour les agents de la paix de menotter les accusés. Je me suis questionné relativement à la légalité de cette pratique.

Voici les informations que j'ai trouvé sur le site du Code de déontologie des policiers du Québec appliqué

Article 6 : Le policier doit éviter toute forme d'abus d'autorité dans ses rapports avec le public.

Notamment, le policier ne doit pas :


1. avoir recours à une force plus grande que celle nécessaire pour accomplir ce qui lui est enjoint ou permis de faire;

2. faire des menaces, de l'intimidation ou du harcèlement;

3. porter sciemment une accusation contre une personne sans justification;

4. abuser de son autorité en vue d'obtenir une déclaration;

5. détenir, aux fins de l'interroger, une personne qui n'est pas en état d'arrestation.

L'imposition des menottes est balisée par le premier paragraphe de cet article

C.D.P. c. Wilkie, Johnson, Royal et al, 19 janvier 2004 C-2003-3127-3 à C-2003-3129-3 / 01-0770
À maintes reprises, le Comité a statué que la mise des menottes à une personne arrêtée ou sous garde policière n'était pas une procédure automatique mais qu'elle devait plutôt relever du jugement du policier, compte tenu de toutes les circonstances de la situation en cause". Le Comité de déontologie considère que les policiers cités ont enfreint leur Code de déontologie en menottant une personne alors que la preuve a démontré qu'elle ne présentait aucun risque significatif pour la sécurité des personnes présentes.

C.D.P. c. Labelle et Demers, 22 août 1997 / C-96-1923-2, C-96-1924-2, 96-0382

L'usage automatique des menottes n'est pas la règle et l'agent doit exercer son jugement pour évaluer le degré de dangerosité d'un individu et pour décider si l'usage des menottes est nécessaire.

Les décisions sont tirées de:
http://www.deontologie-policiere.gouv.qc.ca/index.php?id=146

Renseignements généraux à l'intention des personnes détenues en vertu de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés

Aide de la communauté
Les membres d'organismes non gouvernementaux, comme les organismes communautaires ou religieux locaux, peuvent vous rendre visite et vous offrir leur aide. Ces personnes peuvent vous fournir des renseignements utiles et, si vous le souhaitez, elles peuvent tenter de vous mettre en contact avec une personne originaire de votre pays ou qui parle votre langue. Ces services ne sont pas nécessairement disponibles dans tous les établissements. Vous pouvez vous adresser aux agents des services frontaliers qui pourront vous fournir une liste des organismes locaux.

Aide médicale
Si vous avez besoin des services d'un médecin, veuillez en aviser immédiatement le personnel de l'établissement. Vous pouvez recevoir des soins médicaux d'urgence à tout moment.

Si vous prenez des médicaments, veuillez en aviser le personnel de l'établissement dès votre arrivée. Un médecin examinera les médicaments que vous devez prendre et ces derniers vous seront donnés selon les instructions données par le médecin.

Bagages et effets personnels
Les objets dangereux, comme les couteaux et les autres objets pouvant servir d'arme pour mettre en danger la sécurité d'une personne, vous seront confisqués et ne vous seront pas remis.

Repas
Vous aurez droit à trois repas par jour. Veuillez aviser immédiatement un agent des services frontaliers, un garde ou un autre employé de l'établissement si vous suivez une diète pour des raisons médicales ou si vous avez des besoins spéciaux en matière de nourriture. Des mesures spéciales peuvent être prises pour répondre aux besoins liés à la diète que vous suivez pour des raisons médicales.

Visiteurs
* Les règles concernant les visites et le nombre de visiteurs permis peuvent varier d'un établissement à l'autre.
* Les visites ont lieu dans la section réservée à cette fin seulement.
* Des mesures spéciales seront prises dans les établissements où il n'y a pas de section réservée pour les visites, et ce, afin que vous puissiez rencontrer votre conseil ou un représentant du consulat de votre pays seulement.
* Votre conseil pourra venir vous rencontrer pendant les heures habituelles de visite en vigueur dans l'établissement où vous êtes détenu. Les visites en dehors de l'horaire habituel seront permises seulement si le directeur ou le gestionnaire de l'établissement donne son approbation. Cette approbation sera accordée au cas par cas.


Appels téléphoniques

Vous pouvez faire des appels téléphoniques locaux gratuitement aux heures et aux endroits permis. Le temps qui vous sera alloué pourrait être limité si plusieurs personnes veulent utiliser le téléphone. Si vous avez besoin d'aide pour utiliser le téléphone, veuillez vous adresser au personnel de l'établissement.

Courrier
* Certains établissements permettent aux personnes détenues d'envoyer et de recevoir du courrier.
* Tout le courrier que vous enverrez et recevrez pourra être ouvert et examiné.
* Le personnel de l'établissement pourra ouvrir et examiner le courrier que vous enverrez aux tribunaux ou à votre conseil ainsi que le courrier que vous recevrez des tribunaux et de votre conseil, mais seulement en votre présence.

Plaintes
Si vous désirez parler à un agent des services frontaliers relativement à n'importe quel aspect de votre détention, veuillez en faire part à un garde ou à un autre membre du personnel de l'établissement où vous êtes détenu. Un agent des services frontaliers examinera votre plainte dès que possible.

Déplacements
La politique de l'ASFC stipule que toute personne devant être transportée ou devant participer à des procédures se déroulant à l'intérieur ou à l'extérieur des installations doit être fouillée et menottée. Les personnes avec un handicap, les personnes âgées, les enfants d'âge mineur et les femmes enceintes pourraient être dispensés de cette procédure.

Renseignements additionnels
Les règles en vigueur dans chaque établissement ont été adoptées pour la sécurité de tous. Vous devez respecter ces règles. Les comportements perturbateurs, comme les dommages matériels, ne seront pas tolérés. Vous pourriez être isolé ou transféré dans un établissement de détention plus sécuritaire si vous adoptez ce genre de comportement.

De plus, les agents des services frontaliers pourraient demander votre collaboration pour faciliter le traitement de votre cas, et ce, en vous demandant directement de confirmer certains renseignements. Le cas échéant, vous avez le droit de demander que votre conseil soit présent.

Si vous avez des questions, n'hésitez pas à les poser aux membres du personnel de l'établissement où vous êtes détenu ou à un agent des services frontaliers.

Ce texte est tiré de:
http://www.asfc.gc.ca/publications/pub/bsf5012-fra.html

mardi 10 février 2009

Statut de la personne qui est invitée à se rendre au poste de police pour y subir un interrogatoire

R. v. Moran, 1987 CanLII 124 (ON C.A.), en date du 1987-08-27

Les facteurs suivants sont pertinents pour déterminer le statut de la personne (détenue ou non) si cette dernière est invitée à se rendre au poste de police afin d'être interrogée:

(Cette traduction est tirée du livre Psychologie des entrevues d'enquêtes, du chapitre '' Les aspects juridiques de la confession'', à la page 379)

1. Le vocabulaire utilisé par les policiers qui demandent à la personne qui qui sera accusé de se présenter à un poste de police: cette personne avait-elle le choix ou a-t-elle exprimé une préférence pour que l'entrevue se déroule au poste de police plutôt qu'à son domicile?

2. L'accusé a-t-il été escorté au poste de police ou s'est-il présenté de lui-même à la suite d'une demande par les policiers?

3. L'accusé a-t-il quitté à la fin de l'interview ou a-t-il été arrêté?

4. À quelle étape en est rendue l'enquête? Est-ce que l'entrevue faisait partie d'une enquête générale sur la perpétration d'un crime ou est-ce que les policiers avaient déjà décidé qu'un crime avait été commis et que l'accusé était le responsable ou qu'il était impliqué dans l'infraction? L'entrevue avait-elle pour but d'obtenir des déclarations incriminantes de l'accusé?

5. Les policiers avaient-ils des motifs raisonnables de croire que l'accusé avait commis le crime qui était l'objet de l'enquête

6. La nature des questions posées: s'agissait-il de questions de nature générale pour obtenir de l'information ou l'accusé a-t-il été confronté à des éléments de preuves établissant sa culpabilité?

7. La croyance subjective de l'accusé, même si elle est pertinente, n'est pas déterminante, parce que la question est de savoir l'accusé croyait raisonnablement être détenu qu'il était détenu. Les caractéristiques personnelles de l'accusé, comme une faible intelligence, l'instabilité émotive, la jeunesse ou la faible sophistication sont des éléments qui doivent être considérer afin de déterminer si l'accusé croyait subjectivement qu'il était détenu.

L'avocat doit aviser l'accusé comment exercer son droit au silence

R. v. Osmond, 2007 BCCA 470 (CanLII)

Résumé des faits
L'accusé a fait face a une accusation de meurtre au premier degré. Peu de temps après son arrestation, l'accusé a parlé avec les enquêteurs et au cours de deux longs interrogatoires, il a avoué le meurtre de la victime et d'avoir disposer de son corps dans la forêt derrière sa résidence.

L'accusé a eu droit aux conseils juridiques préliminaires selon 10 b) de la Charte. L'accusé a été rapidement pris en charge par l'avocat qui a traité son dossier comme s'il s'agissait d'un cas routinier. Cet avocat a informé l'accusé de son droit au silence, mais ne l'a pas avisé comment le droit de garder le silence devait être effectivement exercé. À la lumière des allégations, il semble qu'aucun effort pour obtenir des détails n'a été fait l'avocat n'aurait pas tenu compte de la personnalité du «client».

L'appelant n'avait pas eu accès à un annuaire téléphonique ou une liste d'avocats de l'aide juridique. La police n'a fait aucun effort pour l'aider à communiquer avec son ancien avocat. Il n'a pas été autorisé à contacter son père ou sa petite amie qui aurait pu trouver un avocat pour lui. Il a été isolé. Il devait, après une discussion téléphonique de deux minutes avec un avocat.

Analyse
Le traitement équitable de l'accusé exige que la police facilite les contacts avec l'avocat comme un devoir découlant de l'article 10 (b) de la Charte

Selon l'article 10 (b) de la Charte, l'accusé doit être informé de son droit au silence et comment l'exercer

Dans les arrêts Manninen, Brydges et Prosper, le juge en chef Lamer a précisé que le conseil juridique préliminaire doit inclure des directives sur la façon d'exercer le droit au silence.

Il faut considérer les caractéristiques de l'accusé sur la façon de lui dire d'exercer le droit au silence. Dans cet arrêt, l'accusé, qui avait 21 ans au moment de l'interrogatoire, n'avait pas terminé l'école secondaire, a travaillé comme ouvrier. Il était immature et trop confiant; il a sottement pensé qu'il pouvait se sortir de ce mauvais en parlant. Il n'avait pas le savoir-faire pour comprendre qu'il serait irrémédiablement surclassé par l'enquêteur de la GRC.

Un autre facteur a considéré était l'isolement de l'accusé. Ayant été arrêté en fin d'après-midi le vendredi, son accès à un avocat a été problématique. Il voulait parler à son père et sa petite amie. Cela a été refusé jusqu'à ce que les interrogatoires de police soient complétés. L'accusé était seul toute la fin de semaine

Une arrestation le vendredi signifie que l'appelant est resté dans les cellules durant la fin de semaine, permettant au policier un accès facile à l'accusé vu que ce dernier était sous leur contrôle, ce qui constitue un avantage que l'enquêteur a reconnu dans le voir-dire, plutôt que d'être dans un centre de détention où il aurait pu recevoir des visites de son père.

Dès l'arrivée de l,accusé au poste de la GRC, les policiers lui ont demandé s'il connaissait un avocat. Il a parlé d'un avocat, un Seamore (nom qui était incorrect), qui l'a représenté dans un dossier devant le tribunal de la jeunesse il y a plusieurs années.

À ce moment-là, l'accusé n'était pas certain s'il a besoin d'un avocat. L'un des policiers impliqués dans l'arrestation de l'accusé savait à quel avocat l'accusé faisait référence et où il exerçait, mais il n'a rien fait pour aider l'accusé à le localiser.

L'accusé a tenté d'obtenir des précisions avant de décider d'appeler un avocat.

L'avocat auquel l'accusé avait parlé considérait que, dans un sens, il n'y a pas de différence entre un meurtre et un vol à l'étalage. Selon cet avocat, la durée typique d'un appel pour conseil juridique préliminaire dure entre deux et quatre minutes

L'accusé a tenté de savoir quelle preuve la police avait contre lui et a tenté de convaicre l'enquêteur qu'il n'est pas coupable.

Un détenu a le droit au silence. Il a droit d'avoir sans délai recours au conseil d'un avocat avant de se faire interroger. Le droit à l'avocat comprend le droit de se faire aviser de garder le silence, mais aussi comment exercer ce droit

Parade d'identification

R. c. Ross, [1989] 1 R.C.S. 3

Bien qu'il puisse être souhaitable de tenir rapidement une séance d'identification, cette préoccupation doit généralement céder le pas au droit du suspect d'avoir recours à l'assistance d'un avocat, droit qui doit évidemment être exercé avec une diligence raisonnable.

Rien ne nous permet de penser qu'elle n'aurait pas pu avoir lieu quelques heures plus tard, après que les appelants auraient de nouveau tenté de rejoindre leurs avocats pendant les heures normales de bureau.

Même si leurs avocats ne pouvaient pas être présents au cours de la séance d'identification, cela ne signifie pas qu'un avocat n'est d'aucune utilité à un suspect. La preuve d'identification obtenue au moyen d'une séance d'identification est ordinairement un élément de preuve solide susceptible d'influencer les délibérations du procès. La question de savoir si un suspect a le droit effectif de refuser de participer à une séance d'identification n'a pas été tranchée dans notre droit et n'a pas été soulevée devant les cours d'instance inférieure ni devant cette Cour. Il ne conviendrait donc pas de trancher cette question ici. Cependant, il est clair qu'il n'y a aucune obligation juridique de participer à une séance d'identification.

Il n'y a certainement dans la loi aucune obligation de participer à une séance d'identification qui équivaille à l'art. 453.4 du Code criminel qui, conjugué à la Loi sur l'identification des criminels, S.R.C. 1970, chap. I-1, oblige un accusé à comparaître devant un agent de police pour la prise d'empreintes digitales.

Les tribunaux n'ont jamais imposé non plus d'obligation de participer à une séance d'identification. Puisque cette obligation juridique n'existe pas, il est évident que l'avocat joue un rôle important quand il donne des conseils à un client sur la participation volontaire à une séance d'identification

Dans Marcoux et Solomon c. La Reine, [1976] 1 R.C.S. 763, cette Cour a examiné le cas d'un accusé qui avait refusé de participer à une séance d'identification. La police avait plus tard confronté un témoin directement avec l'accusé et le témoin l'avait identifié positivement. On a admis la preuve que l'accusé avait refusé de participer à la séance d'identification pour répondre à la prétention que la police n'avait pas tenu de séance d'identification appropriée. Cette affaire montre que, bien qu'un accusé ou un détenu ne soit pas obligé de participer à une séance d'identification, le refus de le faire peut avoir des conséquences sur la preuve qui peut être admise au procès.

Dans la présente espèce, si les appelants avaient pu rejoindre leurs avocats, ils auraient pu apprendre que la loi ne les obligeait pas à participer à la séance d'identification mais que le refus de le faire pouvait avoir certaines conséquences préjudiciables. Les avocats auraient pu, par exemple, leur conseiller de ne pas participer sans obtenir d'abord une photo des personnes choisies pour la séance d'identification ou de ne pas participer si ces autres personnes étaient manifestement plus âgées qu'eux. Bref, même s'il n'existe aucun cadre législatif la régissant, on aurait pu leur dire comment se passe une séance d'identification bien menée. C'est de ces conseils, non de la présence de leurs avocats à la séance d'identification, que les appelants ont été privés.

En outre, l'acceptation des accusés de participer à la séance d'identification ne peut en elle-même équivaloir à une renonciation au droit à l'assistance d'un avocat. Le but même du droit à l'assistance d'un avocat est d'assurer que les personnes accusées ou détenues reçoivent des conseils sur leurs droits et la manière de les exercer quand elles traitent avec les autorités. Ce serait aller à l'encontre de ce but que de conclure qu'un détenu ou un accusé a renoncé au droit à l'assistance d'un avocat simplement parce que, avant d'avoir bénéficié des conseils d'un avocat, il s'est soumis aux tentatives d'obtenir la participation du détenu, tentatives dont la police devrait s'abstenir.

Droit à l'avocat de son choix

R. c. Ross, [1989] 1 R.C.S. 3

Résumé des faits
Les appelants L et R ont été accusés d'introduction par effraction et de vol. Au moment de leur arrestation, au milieu de la nuit, ils ont été informés de leur droit d'avoir recours sans délai à l'assistance d'un avocat. Ils ont essayé de téléphoner à leurs avocats respectifs mais n'ont reçu aucune réponse. Les policiers ont alors demandé à L s'il voulait appeler un autre avocat et il a répondu que non. Peu après les appelants ont été identifiés au cours d'une séance d'identification. Ni l'un ni l'autre appelant n'a été informé qu'il n'était pas tenu de participer à la séance d'identification.

Analyse
Les personnes accusées ou détenues ont le droit de choisir leur avocat et ce n'est que si l'avocat choisi ne peut être disponible dans un délai raisonnable qu'on doit s'attendre à ce qu'elles exercent leur droit d'appeler un autre avocat.

L'alinéa 10b) de la Charte impose au moins deux obligations aux policiers en plus de celle d'informer les détenus de leurs droits. En premier lieu, les policiers doivent donner au détenu qui le désire une possibilité raisonnable d'exercer sans délai le droit d'avoir recours à l'assistance d'un avocat; en second lieu, les policiers doivent s'abstenir de tenter de soutirer des éléments de preuve au détenu tant que celui-ci n'aura pas eu une possibilité raisonnable de recourir à l'assistance d'un avocat.

Dès qu'un détenu a fait valoir son droit à l'assistance d'un avocat, les policiers ne peuvent en aucune façon, jusqu'à ce qu'il ait eu une possibilité raisonnable d'exercer ce droit, le forcer à prendre une décision ou à participer à quelque chose qui pourrait finalement avoir un effet préjudiciable sur un éventuel procès.

L'utilisation de tout élément de preuve qu'on n'aurait pas pu obtenir sans la participation de l'accusé à la constitution de la preuve aux fins du procès est susceptible de rendre le procès inéquitable. Il est vrai qu'en règle générale, l'identité de l'accusé n'est pas un élément de preuve émanant de l'accusé ni un élément de preuve qui ne peut être obtenu sans sa participation. Cependant, quand il participe à une séance d'identification, l'accusé participe à la constitution d'une preuve incriminante crédible.

Le simple refus d'appeler un autre avocat ne peut honnêtement être considéré comme une renonciation à son droit d'avoir recours à l'assistance d'un avocat. Bien au contraire, il a simplement fait valoir son droit à l'assistance d'un avocat, et à l'avocat de son choix. Notons que comme l'a dit cette Cour dans l'arrêt R. c. Tremblay, [1987] 2 R.C.S. 435, un prévenu ou un détenu, bien qu'il ait le droit de choisir un avocat, doit faire preuve de diligence raisonnable dans l'exercice de ses droits, sinon les obligations corollaires qui, selon l'arrêt Manninen, sont imposées aux policiers, sont suspendues.

La diligence raisonnable dans l'exercice du droit de choisir son avocat dépend de la situation dans laquelle se trouve l'accusé ou le détenu. Au moment de son arrestation, par exemple, le détenu a un besoin immédiat de conseils juridiques et doit faire preuve de diligence raisonnable en conséquence.

Néanmoins, l'accusé ou le détenu a le droit de choisir son avocat et ce n'est que si l'avocat choisi ne peut être disponible dans un délai raisonnable qu'on doit s'attendre à ce que le détenu ou l'accusé exerce son droit à l'assistance d'un avocat en appelant un autre avocat.

lundi 9 février 2009

Le secret professionnel de l'avocat

Trois critères permettent d’établir l’existence du secret professionnel de l’avocat:
i) « une communication entre un avocat et son client ;
ii) qui comporte une consultation ou un avis juridiques ; et
iii) que les parties considèrent de nature confidentielle ».

Le secret professionnel de l’avocat s’applique à toute consultation juridique sur une question litigieuse ou non.

Le caractère constitutionnel du secret professionnel de l'avocat se trouve à l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés et plus particulièrement à l'article 9 de la Charte des droits et liberté de la personne. Tout prêtre ou autre ministre du culte est protégé par le secret professionnel prévu à l'article 9 de la Charte des droits et liberté de la personne.

Une exception au principe de la confidentialité des communications avocat‑client existe dans les cas où ces communications sont de nature criminelle ou qu’elles visent à obtenir un avis juridique pour faciliter la perpétration d’un crime.

Le privilège avocat-client a été élevé au rang de « droit civil fondamental » et jugé essentiel pour l’administration de la justice, comme le disait le juge en chef Lamer dans l’arrêt Gruenke:

La protection, à première vue, des communications entre l’avocat et son client est fondée sur le fait que les rapports et les communications entre l’avocat et son client sont essentiels au bon fonctionnement du système juridique.

Dans tous les autres cas, le critères pour déterminer si une communication est privilégiée, exige:
(1) que les communications aient été transmises confidentiellement avec l'assurance qu'elles ne seraient pas divulguées,
(2) que le caractère confidentiel soit un élément essentiel au maintien complet et satisfaisant des rapports entre les parties,
(3) que les rapports soient de la nature de ceux qui, selon l'opinion de la collectivité, doivent être entretenus assidûment, et
(4) que le préjudice permanent que subiraient les rapports par la divulgation des communications soit plus considérable que l'avantage à retirer d'une juste décision.

La Cour suprême a reconnu dans l’arrêt Campbell, l’existence d’une relation avocat-client entre les policiers et les avocats de la Couronne.

Ce texte est composé d'extraits tiré de:
R. c. Gruenke, [1991] 3 R.C.S. 263
R. c. Campbell, 1999 CanLII 676 (C.S.C.)
Les privilèges en droit criminel du point de vue du poursuivant, dans Développements récents en droit criminel
Le secret professionnel de l’avocat : ce que tout avocat doit savoir selon la Cour suprême du Canada, Développements récents en déontologie, droit professionnel et disciplinaire 2008

dimanche 8 février 2009

Admissibilité des déclarations de l'adolescent

R. c. L.T.H., 2008 CSC 49

Résumé des faits
L’adolescent inculpé était accusé de conduite dangereuse causant des lésions corporelles. Lors de son arrestation, les policiers lui ont lu un formulaire l’informant de son droit de recourir à l’assistance d’un avocat, de consulter ses père ou mère ou un parent adulte en privé, et de faire sa déclaration en présence de son avocat et d’un adulte. L’adolescent a dit avoir compris. Les policiers lui ont aussi lu un formulaire de renonciation à ses droits, qu’il a signé

Analyse
Dans les cas où le respect de l’obligation d’information est établi hors de tout doute raisonnable, le juge du procès est autorisé à conclure — et d’ailleurs censé conclure — en l’absence de preuve à l’effet contraire, que l’adolescent a effectivement compris les droits qui lui sont garantis par l’art. 146.

Le critère servant à déterminer si l’al. 146(2)b) a été respecté est de nature objective. Il n’exige pas que le ministère public prouve que l’adolescent a effectivement compris les droits et les choix qui lui ont été expliqués. Cela dit,le respect de cette disposition suppose une démarche personnalisée, qui tienne compte de l’âge et de la compréhension de l’adolescent interrogé.

Cela ne veut pas dire que les démêlés antérieurs d’un adolescent avec la justice ne sont pas pertinents pour déterminer son niveau de compréhension. Une démarche objective personnalisée doit tenir compte des connaissances de l’adolescent détenu et de ses autres caractéristiques personnelles susceptibles de fournir des indications sur son niveau de compréhension.

Avant de déterminer quels mots utiliser pour expliquer ses droits à un adolescent, les policiers doivent donc faire des efforts raisonnables pour déceler l’existence de facteurs importants, comme des troubles d’apprentissage et des démêlés antérieurs avec la justice

Le genre d’efforts raisonnables que doivent faire les policiers a été habilement résumé dans R. c. C.G., 1986 CarswellOnt 1556 (Cour prov. (Div. de la famille)) :

Les personnes en autorité qui recueillent les déclarations doivent se renseigner sur le niveau de scolarité de l’adolescent, ses capacités langagières et l’étendue de son vocabulaire, son niveau de compréhension et son état émotif au moment pertinent. Pour obtenir ces renseignements, il n’est pas nécessaire de faire intervenir un psychologue, de téléphoner à l’enseignant ni même de parler au père ou à la mère. Toutefois, l’agent doit s’entretenir avec l’adolescent assez longtemps pour pouvoir déterminer combien d’expressions il doit lui expliquer et s’il doit utiliser la langue courante, la langue familière ou même un jargon quelconque pour que l’adolescent puisse suivre la conversation.

L’article 146 de la LSJPA exige que la personne en autorité établisse pendant un voir‑dire le fondement raisonnable sur lequel reposait son opinion quant à l’âge et au niveau de compréhension de l’adolescent.

Le législateur a jugé opportun d’inclure tous les éléments énumérés au par. 146(2) comme conditions préalables à l’admissibilité d’une déclaration faite par un adolescent, et la preuve de chacun de ces éléments doit être faite hors de tout doute raisonnable

Dans les cas où le respect de l’obligation d’information est établi hors de tout doute raisonnable, le juge du procès est autorisé à conclure — et d’ailleurs censé conclure — en l’absence de preuve à l’effet contraire, que l’adolescent a effectivement compris les droits qui lui sont garantis par l’art. 146.

La lecture d’un formulaire type ne suffira habituellement pas en soi pour démontrer que l’adolescent a reçu une mise en garde adéquate conformément à l’al. 146(2)b). Les personnes en autorité doivent en outre se faire une idée du niveau de compréhension de l’adolescent, puisque l’explication obligatoire doit être adaptée à l’âge et à la compréhension de cet adolescent en particulier.

Lorsque le juge du procès n’est pas convaincu que l’adolescent a bien compris son droit de consulter un avocat et un parent et de faire une déclaration en leur présence, ou encore qu’il a bien saisi les conséquences de sa renonciation à ces droits, la déclaration de l’adolescent ne doit pas être admise en preuve.

Il convient d’appliquer aussi la norme du doute raisonnable à la preuve de la renonciation. Comme c’est le cas pour les adultes, la renonciation ne sera jugée valide que si le juge est convaincu qu’elle repose sur une véritable compréhension des droits visés et des conséquences de la décision d’y renoncer
Tout comme la détermination du caractère volontaire, les questions de savoir si l’adolescent détenu a obtenu des explications claires au sujet de ses droits et des choix qui lui sont offerts et s’il a suffisamment compris ces droits pour y renoncer valablement constituent essentiellement des questions de fait.