Rechercher sur ce blogue

dimanche 3 août 2025

Un accusé doit toujours prendre des mesures raisonnables pour s’assurer du consentement de la plaignante et le défaut de prendre de telles mesures écarte le moyen de défense prévu à l'article 273.2 Ccr

R. c. Cornejo, 2003 CanLII 26893 (ON CA)

Lien vers la décision


[12Dans R. c. Cinous[2002] 2 R.C.S. 32002 CSC 29 (CanLII), la Cour suprême du Canada a traité du critère de la vraisemblance, quoique pas dans le contexte d’une agression sexuelle. Ce jugement a confirmé que le juge de première instance a l’obligation de ne pas soumettre au jury tout moyen de défense qui ne ressort aucunement de la preuve ou qui n’a aucune vraisemblance. Comme l’a expliqué la juge en chef McLachlin à la p. 29 des R.C.S. : « Il s’agit de déterminer si la preuve versée au dossier permettrait à un jury ayant reçu des directives appropriées et agissant raisonnablement de prononcer l’acquittement ». De plus, le juge du procès doit examiner « l’ensemble de la preuve » et tenir pour véridiques les éléments de preuve produits par l’accusé.

[13Dans R. c. Livermore1995 CanLII 43 (CSC)[1995] 4 R.C.S. 123129 D.L.R. (4th) 676, à la p. 135 des R.C.S., la juge en chef McLachlin a expliqué que le moyen de défense fondé sur la croyance sincère au consentement « comporte deux éléments : (1) l’accusé doit avoir cru sincèrement au consentement de la plaignante, et (2) l’accusé doit avoir eu cette croyance erronément ». (Souligné dans l’original.)

[14Dans R. c. Ewanchuk1999 CanLII 711 (CSC)[1999] 1 R.C.S. 330169 D.L.R. (4th) 193, aux pp. 354-55 des R.C.S., le juge Major a déclaré ceci :

Pour que les actes de l’accusé soient empreints d’innocence morale, la preuve doit démontrer que ce dernier croyait que la plaignante avait communiqué son consentement à l’activité sexuelle en question. Le fait que l’accusé ait cru dans son esprit que le plaignant souhaitait qu’il la touche, sans toutefois avoir manifesté ce désir, ne constitue pas une défense… Ce qui importe, c’est de savoir si l’accusé croyait que le plaignant avait vraiment dit « oui » par ses paroles, par ses actes, ou les deux.

(Souligné dans l’original.)

Il a également fait remarquer, à la p. 356 des R.C.S., que « le fait de croire que le silence, la passivité ou le comportement ambigu de la plaignante valent consentement de sa part est une erreur de droit et ne constitue pas un moyen de défense ».

[15] Selon moi, d’après le témoignage de M. Cornejo lui-même, la preuve tend à démontrer qu’il y a eu absence de consentement de la part de la plaignante et une forte dose d’imagination de la part de l’accusé. Le soulèvement du bassin de la part d’une femme qui a bu, qui dormait et qui, comme le savait fort bien M. Cornejo, n’est aucunement intéressée à avoir quelque rapport intime que ce soit, ne peut permettre de présumer que la femme consent à une activité sexuelle. Dans ces circonstances, je ne puis, avec égards, voir aucune vraisemblance dans l’affirmation de M. Cornejo selon laquelle il croyait honnêtement que la plaignante consentait à sa présence dans l’appartement, et encore moins à l’activité sexuelle à laquelle il s’était livré chez elle.

[16] Dans ces circonstances, mis à part l’affirmation de M. Cornejo selon laquelle il croyait que la plaignante était consentante, et le mouvement de son bassin bien après qu’il eut déjà commencé à se livrer à l’activité sexuelle, il y avait une preuve abondante établissant soit qu’elle n’avait pas donné son consentement soit qu’elle était incapable de le donner. M. Cornejo a tiré profit d’une réponse passive et équivoque.

[17] Au cours de son témoignage, M. Cornejo a expliqué que les yeux de la plaignante étaient clos pendant qu’il l’embrassait et qu’il enlevait ses vêtements, et il a admis qu’elle dormait peut-être pendant l’incident. Il a témoigné que lorsqu’elle avait dit « non », elle avait soudainement semblé très éveillée et il y avait une grande différence dans sa façon de se comporter.

[19] Ces circonstances commandaient que M. Cornejo prenne des mesures raisonnables pour s’assurer du consentement de la plaignante et, étant donné qu’il n’a pris aucune mesure, l’al. 273.2b) écarte ce moyen de défense. Comme l’explique l’auteur Don Stuart dans Canadian Criminal Law, 4e éd. (Scarborough : Carswell, 2001), à la p. 295 :

[TRADUCTION] L’accusé doit encore satisfaire au critère de la vraisemblance pour invoquer la défense fondée sur l’erreur… Il ne pourra jamais invoquer cette défense lorsque sa croyance erronée provient de l’affaiblissement volontaire de ses facultés, de son insouciance ou d’un aveuglement volontaire, ou, surtout, lorsqu’il n’a pas pris les mesures raisonnables, dans les circonstances dont il avait alors connaissance, pour s’assurer du consentement de la personne plaignante.

Par conséquent, compte tenu de l’omission de M. Cornejo de prendre quelque mesure que ce soit, pour reprendre l’expression de la juge en chef McLachlin dans l’arrêt Cinous, à la p. 31 des R.C.S., il n’existait de « véritable question » devant être tranchée par le jury.

[21] L’objet de ces dispositions est de faire en sorte que les participants sachent clairement que l’autre partenaire consent à l’activité sexuelle. Le régime législatif remplace les présomptions traditionnellement, et de façon non appropriée, associées à la passivité et au silence. Une personne se trouvant dans la situation de M. Cornejo court un grave risque en fondant une présomption de consentement sur la passivité et sur des réponses non verbales comme justification du fait qu’il peut présumer qu’il y a consentement.

[22] Dans Criminal Law, 2e éd. (Toronto : Irwin Law, 2000) le professeur Kent Roach explique ce qu’est l’obligation de fournir la preuve que des demarches raisonnables sont faites (aux app. 157-58) :

[TRADUCTION] Le rejet de la défense fondée sur l’erreur de fait à l’alinéa 273.2b), sauf si l’accusé prend des mesures raisonnables dans les circonstances dont il a alors connaissance pour s’assurer du consentement du plaignant à l’activité en question, comporte des éléments de faute à la fois subjectifs et objectifs de façon novatrice et créative…  L’obligation de l’accusé de prendre des mesures raisonnables est uniquement fondée sur ce dont il a connaissance de manière subjective à ce moment-là. Par contre, l’alinéa 273.2b) exige que l’accusé agisse comme le ferait une personne raisonnable dans les circonstances en prenant des mesures raisonnables pour s’assurer que le plaignant était consentant. La réponse repose en grande partie sur ce que sont de l’avis de la Cour les mesures raisonnables qui doivent être prises pour s’assurer du consentement. Certains juges pourront estimer que des mesures positives doivent être prises dans la plupart, voire la totalité, des situations, indépendamment de la perception subjective que l’accusé a des circonstances. D’autres pourront exiger de telles mesures uniquement si le plaignant a fait montre de résistance ou communiqué son absence de consentement d’une quelconque façon dont l’accusé a subjectivement connaissance.

(Soulignement ajouté.)

[23] Le juge Wood a déclaré ceci dans R. v. G. (R.) (1994), 1994 CanLII 8752 (BCCA)38 C.R. (4th) 123[1994] B.C.J. no 3094 (QL) (C.A.) [à la p. 130 des C.R.] :

[TRADUCTION] [L’alinéa] 273.2 b) crée de toute évidence une relation proportionnelle entre les mesures raisonnables qui devront être prises par l’accusé pour s’assurer que le plaignant était consentant et les circonstances dont l’accusé avait alors connaissance.

Les critères pertinents dans l'appréciation de la gravité subjective de l'enlèvement lors de la détermination de la peine

R. v. Brar, 2014 BCCA 175

Lien vers la décision


[23]        Kidnappings do not fall into distinct categories. However, the jurisprudence identifies multiple criteria that are indicative of the gravity of the offence on a spectrum, including:

a)   the purpose of the kidnapping, specifically whether it is carried out for ransom or as a means of extorting a payment or repayment from the victim;

b)   the extent to which there is planning and premeditation;

c)   the length and conditions of the confinement;

d)   the extent to which there is violence, torture or significant physical injuries;

e)   whether third parties are threatened;

f)     whether guns are used;

g)   whether there is gang involvement;

h)   whether the kidnapping occurs in the course of the commission of another offence; and

i)     the circumstances in which the kidnapping ends.

See, for example, the discussion in R. v. Sookram1982 ABCA 364, referring, at para. 15 to R. Paul Nadin-Davis, Sentencing in Canada (Toronto: Carswell, 1982).

La défense des biens

R v Chaboyer, 2020 SKPC 6

Lien vers la décision


[41]           Defence of property has long been recognized as a limited defence in Canada. This defence is codified in s. 35 of the Criminal Code. The defence applies to a wide range of offences and to any type of property. The defence is triggered when a person subjectively believes that the actions of another person are threatening the peaceable possession of the subject’s property. See: Cormier v R2017 NBCA 10 at paras 37 & 47, 348 CCC (3d) 97 [Cormier].

 

[42]           Section 35 provides that a person is not guilty of an offense (including in this case - assault) if four essential elements are present: (1) the person must have peaceable possession of property or alternatively they reasonably believe they are entitled to such possession; (2) the person must have a reasonable belief that their property is threatened by trespass, theft or vandalism; (3) the person’s actions must be for the purpose of retaking or preserving that property; (4) the person’s actions must be reasonable under the circumstances.  See: Cormier at para 47. See also: Pankiw at para 34.

 

[43]           For the trier of fact, the subject’s belief in their entitlement to peaceable possession in certain property and their perception of a threat to that property is assessed on a subjective basis (from the subject’s perspective). However, the reasonableness of the subject’s response to that threat is measured on an objective basis (what would a reasonable person have done under the circumstances). See: Cormier at para 47.

 

[44]           Much like the defence of self-defence, “reasonableness” is the principle filter for the application of the defence of property to justify an action that would otherwise be an offence. Assuming the other elements are present, if the actions of the accused are objectively reasonable under the circumstances, they are justified at law and the subject is not guilty of the concomitant offense.

 

[45]           Finally, Mr. Chaboyer need not prove the application of this defence.  If I find there is an air of reality to the defence arising from the evidence, then s. 35 applies unless the Crown can prove beyond a reasonable doubt that at least one of the elements of the defence was not present. See: R v Caswell2013 SKPC 114 (CanLII), 421 Sask R 312.

Survol des règles de droit applicables en matière de légitime défense et de défense des biens

Cormier c. R., 2017 NBCA 10

Lien vers la décision


[40]                                                                       Le paragraphe 34(1) énumère trois critères, qui doivent tous être remplis pour que ce moyen de défense puisse intervenir. Autrement dit, la légitime défense n’est pas applicable si le poursuivant prouve hors de tout doute raisonnable que l’on n’a pas satisfait à un de ces critères. Ces critères sont les suivants :

 

1.                  La croyance raisonnable : l’accusé doit avoir cru, pour des motifs raisonnables, que la force était employée ou qu’on menaçait de l’employer contre lui ou une autre personne (la perception subjective est objectivement vérifiée);

2.                  L’objectif défensif : il doit avoir réagi à la menace dans le but subjectif de se protéger ou de protéger une autre personne (il s’agit d’un état d’esprit subjectif);

3.                  La réaction raisonnable : il doit avoir agi de façon raisonnable dans les circonstances (cela est évalué de façon objective).

 

Voir l’arrêt R. c. Bengy2015 ONCA 397[2015] O.J. No. 2958 (QL), au par. 28.

 

[41]                                                                       L’amendement est venu codifier deux éléments de la légitime défense qui découlent de la décision de la Cour suprême dans l’arrêt R. c. Lavallee1990 CanLII 95 (CSC)[1990] 1 R.C.S. 852[1990] A.C.S. no 36 (QL); l’un étant que l’imminence de l’attaque n’est pas une condition qui doit être strictement respectée pour que ce moyen de défense puisse être accueilli, mais seulement un facteur à considérer lorsque l’on évalue le caractère raisonnable de la réaction d’un accusé; l’autre étant que la nature de la relation de violence entre l’accusé et la victime est aussi un facteur à considérer lorsque l’on cherche à déterminer si l’accusé a agi de façon raisonnable.

 

[42]                                                                       La notion d’agression « illégale » comme condition d’application du moyen de défense au titre des dispositions maintenant abrogées a été éliminée. On y a substitué le concept de perception raisonnable de l’emploi ou de la menace d’emploi de la force. De plus, l’appréciation du caractère raisonnable de la réaction de l’accusé à une menace a changé. Dans l’arrêt R. c. Gunning2005 CSC 27[2005] 1 R.C.S. 627, la Cour suprême avait laissé entendre que le caractère raisonnable de la réaction pourrait être substitué au concept voulant qu’une personne ne doive faire « usage que de la force nécessaire » (par. 22). La question de savoir si une personne a agi de façon raisonnable est maintenant évaluée à la lumière des neuf facteurs non exhaustifs qui sont énoncés au par. 34(2).

 

[43]                                                                       Le professeur Kent Roach, dans un article intitulé A Preliminary Assessment of the New Self-Defence and Defence of Property Provisions (2012), 16 Rev. can. D.P. 275, commente ce qu’il qualifie [TRADUCTION] d’« élément essentiel des nouvelles dispositions sur la légitime défense et la défense des biens »; nous souscrivons à ses commentaires. Il y déclare ce qui suit :

 

[TRADUCTION]
L’élément essentiel des nouvelles dispositions sur la légitime défense et la défense des biens se trouve à l’alinéa 34(1)c) et à l’alinéa 35(1)d) qui prescrivent respectivement que la personne qui commet des actes dans le but de se défendre ou de défendre d’autres personnes ou des biens doit agir « de façon raisonnable dans les circonstances ». Cette exigence sera la question cruciale et sans doute la plus difficile à trancher dans la plupart des instances.  Les nouvelles dispositions, toutefois, n’apportent que fort peu de précisions en ce qui concerne la façon de trancher cette question. Dans le cas de la légitime défense, le nouveau paragraphe 34(2) enjoint simplement au juge des faits de prendre en considération les neufs facteurs énumérés mais non exhaustifs. Dans le cas de la défense des biens, le texte législatif ne donne aucune orientation en ce qui concerne la façon de déterminer ce qui peut être raisonnable dans les circonstances. On est tenté d’affirmer que le nouveau paragraphe 34(2) en dit trop en ce qui concerne les facteurs à considérer pour déterminer si l’accusé a agi de façon raisonnable alors que l’article 35 ne donne aucune précision à cet égard. Le résultat est toutefois le même dans les deux cas. Le caractère raisonnable d’une conduite ou d’un acte en particulier sera considéré comme un archétype de la question de jugement qui est associée aux décisions du jury, que le procès soit ou non un de ces rares procès tenus devant jury. Autrement dit, toute évaluation des nouvelles dispositions sera forcément préliminaire. Dans les instances à venir, les tribunaux devront étoffer le sens du mot « raisonnable » et préciser son rapport avec les anciennes dispositions sur la légitime défense et la défense des biens.

 

[44]                                                                       Dans un article intitulé The New Defence Against Force (2014), 18 Rev. Can. D.P. 269, le juge David Paciocco fait les observations suivantes sur les nouvelles dispositions relatives à la légitime défense :

 

[TRADUCTION]
Il ne fait aucun doute que ce nouveau moyen de défense contre l’emploi de la force est non seulement plus simple que les anciennes règles de droit sur la légitime défense et la défense d’autrui, mais également plus généreux. Il en est ainsi malgré le fait que les trois prérequis factuels maintenant énoncés à l’article 34 existaient également dans le cas de chacune des dispositions maintenant défuntes qui régissaient la légitime défense. Ce qui permet aux nouvelles dispositions d’avoir une application plus généreuse dans les cas de légitime défense est la souplesse de leurs facteurs d’évaluation. L’ancien texte législatif imposait, de diverses façons, des conditions fixes et strictes à la légitime défense, y compris l’absence de provocation, la proportionnalité (la force proportionnelle); la nécessité (la force requise); et même, dans certains cas, la tentative d’abandon ou de fuite. Bien que les décideurs doivent prendre en considération des facteurs semblables en application des nouvelles dispositions, ils possèdent maintenant un pouvoir discrétionnaire en ce qui concerne l’incidence que ces facteurs auront, ce qui les laisse libres d’accueillir le moyen de défense en leur absence, chose qui n’était pas possible en application des anciennes dispositions.

 

Bien que cette éventualité ait été qualifiée de plus théorique que réelle, il y a également des situations où les moyens de défense que sont la légitime défense et la défense d’une autre personne pourraient être rejetés en application des nouvelles dispositions alors qu’ils auraient pu être accueillis en application des anciennes dispositions. Pour en donner un exemple simple, certaines des dispositions existantes autorisaient l’emploi d’une force excessive, même si elle n’était pas proportionnelle à l’agression contre laquelle on se défendait. Les dispositions actuelles n’imposent aucune limite de cette nature et autorisent le décideur à déclarer l’accusé coupable parce que la force qu’il a employée pour se défendre a excédé la force que l’on menaçait d’employer contre lui. De même, les dispositions antérieures énonçaient un concept restreint de la provocation; la provocation ne pouvait être prise en compte que dans certains cas et ce n’est qu’alors que l’on déterminait les facteurs qui pouvaient être pris en compte. La provocation n’était pas, en soi, un facteur d’évaluation. Maintenant, le rôle joué par l’accusé lors de l’incident, y compris, notamment, la provocation, est un facteur d’évaluation que le décideur est libre d’utiliser dans tous les cas. Il s’ensuit qu’il est tout à fait possible que l’accusé se voie refuser ce moyen de défense parce qu’il a été l’artisan de son propre malheur alors même que les dispositions précédentes n’auraient pas permis que cela soit pris en compte.

 

[45]                                                                       Les premières décisions dans lesquelles les modifications ont été interprétées traduisent le sentiment que les nouvelles dispositions sur la légitime défense semblent plus faciles à appliquer que leurs prédécesseures. Voici ce qu’a dit le juge d’appel Beveridge dans l’arrêt R. c. Levy2016 NSCA 45[2016] N.S.J. No. 211 (QL) :

 

[TRADUCTION]
[…] À première vue, le moyen de défense est beaucoup plus simple. Un article s’applique à toutes les formes de légitime défense. Si la légitime défense a une apparence de vraisemblance, aucune infraction n’est commise à moins que le ministère public ne réfute l’existence d’au moins un des éléments suivants : 1) l’accusé croyait, pour des motifs raisonnables, que la force était employée ou qu’on menaçait de l’employer contre elle ou une autre personne; 2) l’accusé a commis les actes en question dans le but de se défendre ou de se protéger ou de défendre ou de protéger une autre personne; 3) l’accusé a agi de façon raisonnable dans les circonstances. En ce qui concerne le dernier élément, il est précisé que le juge des faits doit tenir compte des neufs facteurs non exclusifs qui sont énumérés au par. 34(2). [par. 107]

 

[46]                                                                       Dans un Guide technique à l’intention des praticiens publié par le ministère de la Justice et intitulé Réforme de la légitime défense et défense des biens : Guide technique à l’intention des praticiens, ministère de la Justice, Canada, mars 2013, les auteurs soulignent que l’intention du législateur était de simplifier le texte législatif; toutefois, l’amendement n’avait pas pour but de modifier substantiellement les principes de la légitime défense. En réalité, toutefois, les nouvelles dispositions ont substantiellement modifié les principes de la légitime défense. Dans l’arrêt R. c. Evans2015 BCCA 46[2015] B.C.J. No. 189 (QL), le juge d’appel Frankel a conclu que les nouvelles dispositions marquent une modification fondamentale du droit applicable qui entraîne une application plus généreuse susceptible de donner lieu à plus d’acquittements que l’ancien régime. Nous sommes du même avis.

 

(2)               La défense des biens

 

[47]                                                                       En ce qui concerne les dispositions sur la défense des biens, elles semblent avoir une portée très large. L’article 35 s’applique à une vaste gamme d’infractions et à tous les biens de quelque nature qu’ils soient. La disposition établit les genres d’obstruction à la « possession paisible » d’un bien qui peuvent susciter une réaction défensive. Ce moyen de défense s’applique lorsqu’une personne croit, pour des motifs raisonnables, qu’elle a la possession paisible d’un bien et qu’une autre personne est sur le point de commettre des actes précis relativement à ce bien, c’est-à-dire, selon le cas, qu’elle : (1) est sur le point ou est en train d’entrer dans ou sur ce bien ou y est entrée, sans en avoir légalement le droit; (2) est sur le point, est en train ou vient de le prendre; ou (3) est sur le point ou est en train de l’endommager, de le détruire ou de le rendre inopérant. Lorsque le moyen de défense s’applique, un acte commis pour empêcher l’événement déclencheur est justifié si son auteur agit « de façon raisonnable dans les circonstances ». La condition ressortissant à l’objectif défensif doit être évaluée de façon subjective. Par contre, le caractère raisonnable de la réaction est évalué objectivement. Toutefois, contrairement au par 34(2) qui énumère des facteurs susceptibles de faciliter cette évaluation en matière de légitime défense, l’art. 35 ne donne aucune orientation.

 

[48]                                                                       C’est la jurisprudence qui devra déterminer ce qui est raisonnable au sens de l’art. 35. Avant l’entrée en vigueur de la Loi sur l’arrestation par des citoyens et la légitime défense, la jurisprudence avait clairement établi qu’il n’était pas raisonnable de tuer quelqu’un pour empêcher un crime ne visant que des biens : R. c. Gee1982 CanLII 198 (CSC)[1982] 2 R.C.S. 286[1982] A.C.S. no 69 (QL), le juge Dickson (tel était alors son titre) qui citait l’ouvrage intitulé Halsbury’s Laws of England (4e éd.), vol. 11, à la p. 630. C’était là la règle de droit qui était en vigueur depuis longtemps, ainsi que le souligne l’arrêt Rossignol c. R.2005 NBCA 11[2005] A.N.-B. no 36 (QL), à propos du par. 41(1) du Code criminel, aujourd’hui abrogé, qui autorisait une personne ayant la possession paisible d’un bien réel à employer la force nécessaire pour empêcher une intrusion ou expulser un intrus :

 

Il est de jurisprudence constante que l’article 41 du Code criminel ne s’applique pas lorsque le geste posé par la personne en possession de l’immeuble occasionne le décès de l’intrus. Un tel geste ne peut être justifié que par l’application de l’article 34 : voir R. c. Price (1835), 7 Car. & P. 178, 173 E.R. 78R. c. Baxter (1975), 1975 CanLII 1510 (ON CA)27 C.C.C. (2d) 96 (Ont. C.A.), R. c. Scopelliti (1981), 1981 CanLII 1787 (ON CA)34 O.R. (2d) 524 (C.A.), R. c. Clark (1983), 1983 ABCA 65 (CanLII)44 A.R. 141 (C.A.) et R. c. Bacon[1999] A.Q. n19 (C.A.). [par. 12]

 

[49]                                                                       Le professeur Kent Roach, dans son article, se désole du fait que le législateur soit resté muet sur la question de la proportionnalité à l’art. 35 bien qu’il en ait fait une considération en matière de légitime défense en le mentionnant parmi les facteurs à prendre en compte en application du par. 34(2). On se rappellera que « la nature et la proportionnalité de la réaction de la personne à l’emploi ou à la menace d’emploi de la force » sont mentionnées à l’al. 34(2)g), comme facteur à considérer. Le professeur Roach se dit d’avis que [TRADUCTION] « les tribunaux devraient considérer qu’une obligation de proportionnalité fait implicitement partie de la disposition en l’absence d’un texte législatif clair écartant l’abondante jurisprudence sur la proportionnalité ». Dans le sommaire de son article, le professeur Roach souligne que l’absence de la proportionnalité parmi les critères énoncés à l’art. 35 pourrait permettre [TRADUCTION] « de façon troublante que le fait de tuer une personne intentionnellement afin de défendre ses biens puisse potentiellement mener à un acquittement ».

 

[50]                                                                       Franchement, il est difficile de concevoir comment un tribunal pourrait jamais conclure que le fait d’avoir tué une personne dans le seul but de défendre un bien constitue une réaction raisonnable dans les circonstances. Ce qui se produit habituellement, c’est que l’intrus oppose une résistance à la force employée pour l’empêcher de s’en prendre à un bien et du fait de l’agression commise par l’intrus, la situation devient un cas de légitime défense. Le professeur Roach fait valoir ce qui suit :

 

[TRADUCTION]
Les anciennes dispositions sur la défense des biens disposaient que l’intrus qui résistait à une tentative en vue de protéger des biens personnels ou réels serait réputé avoir commis des voies de fait. Ces dispositions complexes ne sont pas présentes dans le nouvel article 35. Néanmoins, cela n’empêche pas un chevauchement fréquent entre les dispositions sur la défense des biens et celles sur la légitime défense. Par exemple, une personne qui protège un bien pourrait aussi être fondée à invoquer la légitime défense si elle croit, pour des motifs raisonnables, que l’on emploie la force ou que l’on menace d’employer la force contre elle.

Le moyen de défense fondé sur l’article 35 du Code criminel

Jacob c. R., 2024 QCCA 651

Lien vers la décision


[50]      Selon l’appelant, la juge s’est méprise au sujet des conditions d’application de l’article 35 C.cr.

[51]      Comme cette Cour l’a reconnu dans Molley c. R.[33], cette défense permet d’expulser quelqu’un qui refuse de quitter, même si son entrée sur les lieux était de consentement. Pour être légitime, « la conduite défensive doit également se limiter à ce qui est nécessaire pour empêcher l’intrusion ou pour éloigner l’intrus »[34].

[52]      La Cour est d’avis qu’en l’espèce, la juge traite de ce moyen de défense, et même si elle n’écrit pas spécifiquement qu’un invité peut devenir un intrus dans certaines circonstances, une lecture de ses motifs convainc qu’elle a effectivement rejeté sa défense fondée sur l’article 35 C.cr., en raison de sa conclusion factuelle relative aux blessures qu’il a alors infligées à la plaignante, en tentant de la faire sortir de son domicile[35], estimant qu’il était invraisemblable que l’appelant ait usé du degré de raisonnabilité requis en vertu de l’art. 35(1)d) C.cr., dans ces circonstances.

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

Le droit applicable à la preuve de la conduite postérieure à l’infraction

R. c. Cardinal, 2018 QCCS 2441 Lien vers la décision [ 33 ]             L’essentiel du droit applicable à la preuve de la conduite postérieu...