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dimanche 9 novembre 2025

Ce ne sont pas tous les rapports sexuels nettement répréhensibles entre un médecin et sa patiente qui seront criminalisés; seulement ceux où il y a absence de consentement ou consentement vicié

Lapointe c. La Reine, 2001 CanLII 39803 (QC CA)

Lien vers la décision


11  L'actus reus de l'agression sexuelle consiste en des attouchements sexuels sur une personne qui n'y consent pas; la mens rea se rapporte à l'intention de se livrer à ces attouchements, tout en sachant que cette personne n'y consent pas, ou encore en faisant montre d'insouciance ou d'aveuglement volontaire à l'égard de cette absence de consentement: R. c. Ewanchuk 1999 CanLII 711 (CSC), [1999] 1 R.C.S. 330 , 346 et 347.

L'actus reus

12  En l'espèce, c'est la question du consentement de la plaignante qui, au niveau de l'actus reus, devenait déterminante.

13  Or, comme le premier juge pouvait facilement conclure à un consentement apparent de la plaignante pour la plupart des relations sexuelles reprochées, il devait se demander dans le contexte de cette cause si ce consentement était libre et éclairé ou si plutôt il n'avait pas été donné en raison de l'exercice de l'autorité. En effet, le par. 265(3) du Code criminel expose que ne constitue pas un consentement le fait pour le plaignant de se soumettre ou de ne pas résister en raison de l'exercice de l'autorité.

14  Un consentement tacite ne peut pas être invoqué comme moyen de défense: ou la plaignante consent ou elle ne consent pas ( R. c. Ewanchuk , précité, p. 349). Ce consentement doit être donné librement, ce qui signifie que le droit s'attache aux raisons qu'a la plaignante de décider de participer ou de consentir apparemment aux relations sexuelles: R. c. Ewanchuk , précité, p. 352: c'est l'état d'esprit de la plaignante qui est pris en compte pour décider de la validité du consentement.

15  Quant à savoir, comme en l'espèce, si le consentement est vicié en raison de l'exercice de l'autorité, le législateur n'a pas défini ce concept: il y a donc lieu de s'en remettre à l'interprétation qu'en propose la jurisprudence.

16  Des arrêts Norberg c. Wynrib 1992 CanLII 65 (CSC), [1992] 2 R.C.S. 226 , R. c. Litchfield 1993 CanLII 44 (CSC), [1993] 4 R.C.S. 333 , St-Laurent c. Hétu , (1994), 1993 CanLII 4380 (QC CA), R.J.Q. 69 (C.A.), se dégagent les principes suivants: le tribunal doit procéder à un examen attentif de la nature de la relation entre les parties afin de déterminer (1) l'existence d'une inégalité de rapport de force et de dépendance, (2) l'exploitation de cette inégalité, et (3) l'effet causal de cet exercice de l'autorité sur le consentement de la plaignante.

17  Ces principes ont été repris par le premier juge qui les expose comme suit:

Le Tribunal conclut de ces faits et de l'ensemble de la preuve hors de tout doute raisonnable, à l'existence d'une inégalité écrasante du rapport de force entre les parties.

Quant à l'exploitation de cette inégalité écrasante du rapport de force, le Tribunal retient, en plus des faits ci-avant énoncés, les éléments de preuve suivants:

1) L'accusé est celui qui a initié les contacts physiques avec la plaignante dès la première semaine d'hospitalisation.

2) L'accusé est celui qui a initié les contacts de nature sexuelle avec la plaignante.

3) La très grande majorité des activités sexuelles sont survenues à l'hôpital, au département de psychiatrie ou à la clinique externe, dans un bureau dont l'accusé avait le contrôle, à titre de médecin pratiquant sa profession à l'hôpital Charles-Lemoyne.

4) Les activités sexuelles sont survenues à l'occasion des rapports professionnels qu'entretenait l'accusé avec la plaignante. Il est important de considérer que les relations sexuelles se sont déroulées dans le cadre des consultations médicales et plus particulièrement en connexité étroite avec la partie psychothérapeutique du traitement prodigué par l'accusé.

De l'avis du Tribunal, cette confusion des rôles amant-médecin que l'accusé a volontairement entretenue à l'égard de la plaignante démontre qu'il cherchait à tirer profit et avantage de l'inégalité écrasante qui caractérisait sa relation avec elle.

Le Tribunal en conclut que la preuve démontre hors de tout doute raisonnable que l'accusé a exploité à son propre avantage l'inégalité écrasante de son rapport de force avec la plaignante.

Enfin, le Tribunal est convaincu hors de tout doute raisonnable, compte tenu des particularités de la maladie dont était affligée la plaignante qui comportait une vulnérabilité certaine en matière de relations interpersonnelles et de relations intimes que son consentement apparent aux activités sexuelles a été donné en raison de l'exercice abusif de l'autorité par l'accusé.

Avant de conclure, le Tribunal rejette l'argument de l'accusé à l'effet que sa propre vulnérabilité psychologique à l'endroit des femmes dépressives qui refusent son aide devrait soulever un doute raisonnable sur sa volonté d'exercer l'autorité sur la plaignante.

Cette vulnérabilité constitue assurément une caractéristique personnelle de l'accusé. Au plus, est-elle un facteur que le Tribunal doit considérer dans l'analyse du rapport de force qui existait entre les parties. Mais de l'avis du Tribunal, il ne s'agit pas d'un élément déterminant qui n'affecte en rien la conclusion précédemment tirée à l'effet qu'il existait une inégalité écrasante dans le rapport de force qui caractérisait sa relation avec la plaignante.

De plus, le Tribunal est incapable de voir en quoi, cette vulnérabilité psychologique spécifique puisse avoir un lien logique avec le fait que l'accusé ait tiré avantage et qu'il ait exploité indûment l'inégalité du rapport de force qu'il avait avec la plaignante en se livrant à des activités sexuelles avec elle.

Au contraire, il semble logique de croire que la sensibilité particulière de l'accusé à l'égard des femmes dans la même situation que la plaignante aurait dû l'amener à chercher à l'aider davantage, plutôt que de profiter de sa faiblesse pour servir ses intérêts personnels.

18  Le dispositif du jugement traite plus spécifiquement de la mens rea:

Pour tous ces motifs, le Tribunal conclut que la preuve démontre hors de tout doute raisonnable que durant la période s'étendant entre le mois de novembre 1983 et septembre 1985, l'accusé a eu des rapports sexuels avec la plaignante sachant qu'elle n'y consentait pas de façon libre, volontaire et éclairée.

La preuve démontre hors de tout doute raisonnable que l'accusé était, dans les faits de l'espèce, en situation d'autorité au sens légal du terme et qu'il a exercé cette autorité pour obtenir que la plaignante se soumette, ne résiste pas et même participe à des activités sexuelles avec lui.

Conséquemment, l'accusé, Pierre Lapointe est acquitté de l'accusation telle que portée mais déclaré coupable de l'infraction incluse qui se lit ainsi:

Entre le mois de novembre 1983 et le mois de septembre 1985, à Greenfield Park, district de Longueuil, a agressé sexuellement M.V. (53-03-19), commettant ainsi l'acte criminel prévu à l'article 271-1-A du Code criminel. (Je souligne)

19  En conclusion, j'estime que le premier juge s'est bien dirigé en droit sur les notions de consentement et de l'exercice de l'autorité qui peut vicier le consentement.

Moyen d'appel 4: l'erreur de fait ou la croyance sincère mais erronée au consentement

21  Ce moyen d'appel, contrairement aux moyens 1 et 2 qui s'attaquent à l'actus reus, concerne la mens rea. L'appelant reproche au premier juge d'avoir refusé de considérer le moyen de défense de l'erreur de fait ou la croyance sincère, erronée ou non, au consentement de la plaignante.

22  Il est acquis qu'à l'égard de la mens rea de l'agression sexuelle, l'inculpé peut invoquer, comme moyen de défense, son erreur de fait liée à sa croyance sincère, bien qu'erronée, au consentement de la plaignante: R. c. Ewanchuk , précité, p. 353. C'est donc une perception erronée des faits que l'inculpé fait valoir en plaidant qu'il a agi erronément: Pappajohn c. La Reine 1980 CanLII 13 (CSC), [1980] 2 R.C.S. 120 , p. 148 (propos repris dans R. c. Ewanchuk , précité, p. 354). Ce ne sont pas toutes les croyances invoquées qui peuvent disculper, comme celles qui sont imputables à l'aveuglement volontaire ou à l'insouciance: R. c. Ewanchuk , précité, p. 347.

23  Cela dit, la proposition de l'appelant surprend. Comment peut-il, à l'égard de sa mens rea, invoquer une perception viciée par son propre fait? ( R. c. Ewanchuk , précité, p. 361). Pour s'interroger sur sa mens rea, il faut d'abord être satisfait de l'actus reus. Or, à cet égard, il a été conclu que le consentement a été vicié par le fait de l'appelant: il m'apparaît impensable qu'il puisse faire valoir une défense d'erreur imputable à sa propre faute.

24  De deux choses l'une. Si, quant à l'actus reus, le premier juge conclut à un consentement valide, l'infraction n'est pas commise et l'examen de la mens rea n'est pas requis. Par ailleurs, dans un cas comme en l'espèce où pour décider de l'actus reus le premier juge conclut que le consentement est vicié par le fait de l'inculpé («l'exercice de l'autorité»), il serait à tout le moins contradictoire qu'il puisse faire bénéficier l'inculpé d'une défense invoquant une croyance sincère à un consentement vicié par son propre fait.

Le moyen 3: le verdict déraisonnable

25  J'aborde maintenant la seule difficulté qu'à mon avis ce pourvoi soulève: la conclusion de culpabilité du premier juge pour l'ensemble des relations sexuelles survenues au cours de l'hospitalisation de la plaignante s'appuie-t-elle sur la preuve?

26  Avec égards, je ne peux souscrire qu'en partie à la conclusion de culpabilité.

27  Tout au long de ce procès, l'appelant n'a jamais tenté de justifier, d'un point de vue médical ou de sa responsabilité professionnelle, les rapports sexuels dans cette relation médecin-patient. Il est difficile d'imaginer plus grave manquement à ses obligations déontologiques et d'ailleurs l'appelant a été l'objet d'une radiation très sévère infligée par un comité de discipline, après avoir d'ailleurs reconnu sa faute.

28  Cela dit, il ne s'ensuit pas que tous les rapports sexuels nettement répréhensibles entre un médecin et sa patiente seront criminalisés. Comme l'écrivait le juge Doyon de la Cour du Québec ( R. c. Blondin 1998 CanLII 10866 (QC CQ)REJB 1998-06070, 16 février 1998, Montréal), «ce n'est pas le fait d'avoir des rapports sexuels avec une personne vulnérable ou dans un état d'infériorité qui constitue l'infraction (d'agression sexuelle), mais bien d'avoir des rapports sexuels avec une personne qui ne consent pas ou dont le consentement est vicié, par exemple, par sa vulnérabilité et son incapacité de le former ou qui est incitée par l'accusé à l'activité sexuelle par l'exercice d'un abus de confiance ou de pouvoir. C'est dans ce contexte que la vulnérabilité ou l'abus de confiance et de pouvoir, de même que toutes les circonstances de l'espèce, dont l'inégalité du rapport de force, sont pertinentes à la détermination de l'existence ou de l'inexistence d'un consentement valide.» Cette proposition résume bien l'état du droit que j'ai exposé précédemment et se dégage notamment des arrêts Norberg c. Wynrib , précité, R. c. Audet 1996 CanLII 198 (CSC), [1996] 2 R.C.S. 171 et R. c. Matheson , [1999] 134 C.C.C. (3d) (C.A. Ont.), 289, p. 322, approuvant St-Laurent c. Hétu , précité.

29  Ainsi, dans R. c. Matheson , précité, la Cour d'appel a confirmé la conclusion du premier juge caractérisant l'exercice par le thérapeute de son autorité en ces termes:

There is overwhelming evidence in my view that the exercise of authority in each one of the charges incorporated a slow, gradual seduction, a conditioning, and a manipulation. It could be called a brainwashing of two extremely vulnerable women who were totally fenced in by an intentional exercise of power and authority which was calculated, intentional blatant, deceptive, persistent and consistent. Each of these women, Y and X, being seriously disturbed mentally, being under stress to a great extent, went to the accused for therapy and not for sex. Knowing that, the accused intentionally abused and exercised his superior position of power and authority, and he did that, I am satisfied it is proven, not for any aspect of professional therapy, but for sexual intercourse and to satisfy his own sexual lust. I find the accused guilty on both counts. (p. 302)

30  Dans le même sens, les situations évoquées dans Norberg c. Wynrib , précité, et W.(B.) c. Mellor , [1989] B.C.J. no 1393 (C.S.) cité dans Norberg, où la patiente consent à des relations sexuelles avec un médecin qui lui procure des médicaments en échange peuvent se traduire par l'exploitation du médecin d'un état de dépendance qui vicie le libre arbitre de la patiente prête à s'engager dans la relation: il s'agit du cas d'une domination d'une personne vulnérable pour assouvir ses besoins sexuels.

jeudi 6 novembre 2025

Mettre une emphase indue sur la situation personnelle du contrevenant lors de la détermination de la peine amène l'imposition d'une peine disproportionnée

R v Siwicki, 2019 MBCA 104

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[40]                     I also agree with my colleague that the sentencing judge was aware of the importance of deterrence and denunciation in sentencing the accused.  However, in my view, the sentencing judge erred when she focussed on the personal circumstances of the accused rather than the circumstances of the offence and this led her to significantly underemphasise these principles when determining a fit sentence (see R v McMillan (BW)2016 MBCA 12 at paras 12-14).  As I will explain, in light of my conclusion that the sentencing judge also erred in her analysis regarding proportionality, in my view, these were errors in principle that materially affected the sentence. 

Le droit d’un accusé à l’avocat de son choix vu par la Cour d'appel du Québec

Racine c. R., 2011 QCCA 2025


[31]        Le droit d’un accusé à l’avocat de son choix est fondé sur la Charte canadienne des droits et libertés. On cite généralement l’arrêt McCallen[4] sur ce point :

[31] Section 10 (b) of the Charter provides:

            10. Everyone has the right on arrest or detention

            …

            (b) to retain and instruct counsel without delay and to be informed of that right;…

[32] It is well established that s. 10 (b) includes not only the right to retain counsel but the right to retain the counsel of the accused’s choice and the right to be represented by that counsel throughout the proceedings.

[33] In Re Regina and Speid (1983), 1983 CanLII 1704 (ON CA), 8 C.C.C. (3d) 18 (Ont. C.A.), Dubin J.A. described this as a fundamental right. At p. 20, he said:

            The right of an accused to retain counsel of his choice has long been recognized at common law as a fundamental right. It has been carried forth as a singular feature of the Legal Aid Plan in this province and has been inferentially entrenched in the Charter of Rights which guarantees everyone upon arrest or detention the right to retain and instruct counsel without delay. However, although it is a fundamental right and one to be zealously protected by the court, it is not an absolute right and is subject to reasonable limitations.

[32]        Les derniers mots de cette citation font voir que la règle comporte une limite et que parfois un juge peut refuser de reporter une affaire et, par voie de conséquence, obliger un accusé à procéder avec un avocat qui ne serait pas son premier choix ou même, dans certains cas, à procéder sans avocat, si l’accusé ne veut plus être représenté par ce dernier.

[33]        Cette limite à la règle est explicitée dans ce même arrêt :

[45] The law is clear that the decision to fix a date for trial is discretionary and that in choosing a date the court must act judicially and balance a number of factors including the availability of an accused’s counsel of choice within a reasonable period of time.  Many of the same factors come into play in decisions whether to adjourn a trial date in order to permit an accused’s counsel of choice to be available. The emphasis is on the reasonableness of the delay involved in accommodating the accused’s choice; if the counsel of choice is not available within a reasonable time, then the rights of the accused must give way to other considerations and the accused will be required, if he or she chooses to be represented, to retain another counsel who is available within a reasonable period of time: see R. v. Lai, [1991] O.J. No. 725 (Gen. Div.);Barette v. The Queen (1976), 1976 CanLII 180 (CSC), 29 C.C.C. (2d) 189 (S.C.C.) and R.v. Smith reflex, (1989), 1989 CanLII 7222 (ON CA), 52 C.C.C. (3d) 90 (Ont. C.A.).

[46] In  determining what is a reasonable period  of  time,  the court  will balance many factors including the reason counsel  is not available sooner, the previous involvement of the  particular counsel in the case, the public interest in having criminal cases disposed of in an expeditious manner, the age and history of  the case, the availability of judicial resources and the best use  of courtroom  facilities, the availability of  the  complainant  and witnesses,  the  availability and use of Crown  counsel  and  law enforcement  officers and the potential impact of the  scheduling decisions  on  the rights of an accused under  s.  11(b)  of  the Charter guaranteeing a trial within a reasonable period of  time. See Smith, supra, at p. 93; Lai, supra.

[34]        Tous les facteurs ci-dessus mentionnés sont certes importants, mais celui de l’attention due aux témoins l’est particulièrement à mon avis.

[35]        C’est par ordre du tribunal que les témoins sont convoqués et contraints de se rendre au palais, « toute affaire cessante », selon la formule traditionnelle. La Charte des droits des témoins[5] commande à la Magistrature « d’éviter l’assignation répétée du témoin et de minimiser pour lui les inconvénients; ».

[36]        Selon l’Appelant le droit d’un accusé à l’avocat de son choix ne souffre toutefois pas d’exception. Il invoque à son soutien l’arrêt de la Cour suprême dans l’affaire Cunningham[6], où l’on peut lire, rédigé par le juge Rothstein :

[9] L’accusé a le droit absolu de révoquer à son gré le mandat accordé à son avocat.  Le tribunal ne peut intervenir dans ce choix et lui imposer un avocat dont il ne veut pas (voir Vescio c. The King1948 CanLII 53 (SCC), [1949] R.C.S. 139, p. 144; toutefois, à titre exceptionnel, un amicus curiae peut être nommé pour assister le tribunal).  Par contre, l’avocat n’a pas le droit absolu de cesser de représenter son client. La nature fiduciale du lien créé avec son client limite sa faculté de cesser d’occuper une fois qu’il a accepté le mandat. […]

[37]        À mon avis, l’Appelant donne à la sentence du début de cette citation une portée qu’elle n’a pas. On ne saurait extrapoler du « droit absolu » de révoquer son avocat, un « droit absolu » à l’avocat de son choix. Ce dernier « droit absolu » n’existe pas.

[38]        L’arrêt Cunningham ne traite pas du droit à l’avocat de son choix, mais plutôt du droit de l’avocat de cesser d’occuper pour un client. Il suffit de continuer la citation pour le constater :

[9] […] Les règles de déontologie des barreaux provinciaux ou territoriaux [références omises] énoncent en détail les limites applicables.  Le pourvoi soulève la question de savoir si le pouvoir du tribunal de faire respecter sa procédure impose une limite supplémentaire à la faculté de l’avocat de cesser d’occuper.

[39]        Le rapprochement fait par le rédacteur en début de paragraphe entre le droit du client de révoquer son avocat et celui de ce dernier de cesser de le représenter, ne vise, à mon avis, qu’à mettre en relief le caractère moins absolu du second par rapport au premier. D’ailleurs le rédacteur lui-même énonce une exception à l’absolu du premier, celle de l’amicus curiae, sans discuter qu’il puisse en exister d’autres puisque ce n’était pas l’objet du débat.

[40]        Par la suite, il va distinguer entre un motif fondé sur le délai entre la demande de retrait et le procès et un motif d’ « ordre déontologique » comme fondement de la demande. Deux éléments intéressants pour notre affaire.

[41]        Quant au délai, il retient que plus il est serré, plus le Tribunal doit être circonspect :

[46] Les principes suivants devraient présider à l’exercice du pouvoir discrétionnaire du tribunal de faire droit ou non à la demande présentée par un avocat pour cesser d’occuper.

[47] Le tribunal devrait faire droit à la demande qui est présentée suffisamment à l’avance pour que la procédure inscrite au rôle ne doive pas être reportée.  Il n’y a pas lieu alors d’examiner le fondement de la demande ni d’exiger que l’avocat continue de représenter son client.

48] Lorsque le délai est plus serré, le tribunal est justifié de pousser l’examen. […]

[42]        Enfin, quant au fondement de la demande, le juge Rothstein distingue si l’avocat invoque des motifs déontologiques ou si la véritable raison à l’origine est le non-paiement des honoraires de l’avocat. Dans ce dernier cas, le tribunal pourra rejeter la demande dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire.

Pour être condamnée pour l'infraction de proférer des menaces, la personne accusée de cette infraction doit avoir l’intention d’intimider, de susciter la crainte ou que la menace soit prise au sérieux

Dulac c. R., 2015 QCCA 1625



[3]           L’intention requise pour l’infraction de proférer des menaces est bien exposée par la Cour suprême dans l’arrêt R. c. Clemente :

            La question en litige porte sur la mens rea requise par l'al. 264.1(1)a). L'appelant allègue qu'il faut établir que les paroles ont été prononcées avec l'intention d'intimider ou de susciter la crainte. L'intimée soutient qu'il suffit de démontrer que la menace a été proférée avec l'intention qu'elle soit prise au sérieux. En Cour d'appel, tant les juges majoritaires que le juge minoritaire ont postulé que les paroles devaient être prononcées avec l'intention d'intimider ou de susciter la crainte. Les juges formant la majorité ont conclu que, de l'avis du juge du procès, la preuve de l'intention requise avait été établie. Selon le juge minoritaire en revanche, les constatations du juge du procès ne lui permettaient pas de conclure à la mens rea requise.

            L'intention requise peut être formulée de l'une ou l'autre façon. Le but de l'article est de prévenir les «menaces». Dans Le Nouveau Petit Robert, (1993), le mot «menace» est ainsi défini :

Manifestation par laquelle on marque à qqn sa colère, avec l'intention de lui faire craindre le mal qu'on lui prépare.[4]

[Soulignement ajouté]

[4]           Il faut donc que la personne accusée de cette infraction ait l’intention d’intimider, de susciter la crainte ou que la menace soit prise au sérieux. Il s’agit ici d’une intention spécifique par opposition à une intention générale[5].

[5]           L’exigence de la démonstration d’une intention spécifique implique une analyse subjective de la faute commise. Dans R. c. McRae, la Cour suprême explique comment procéder à cette évaluation :

[19]      L’élément de faute revêt ici un caractère subjectif; ce qui importe, c’est ce que l’accusé entendait effectivement faire. Toutefois, comme c’est généralement le cas, la décision quant à l’intention véritable de l’accusé peut dépendre de conclusions tirées de toutes les circonstances (voir, p. ex., McCraw, p. 82). Le fait de tirer ces conclusions ne revient pas à s’écarter de la norme subjective de faute. Dans R. c. Hundal, 1993 CanLII 120 (CSC)[1993] 1 R.C.S. 867, le juge Cory cite les propos suivants du professeur Stuart qui explique ce point :

[traduction]  Il est loisible au juge des faits qui cherche à déterminer ce qui se passait dans l’esprit de l’accusé, ainsi que le commande la méthode subjective, de tirer des conclusions raisonnables des gestes ou des paroles de l’accusé soit au moment de l’acte qui lui est reproché soit à la barre des témoins. On peut croire l’accusé ou ne pas le croire. Conclure, sur la foi de la totalité de la preuve, que le ministère public a prouvé hors de tout doute raisonnable que l’accusé a « dû » avoir l’état d’esprit entraînant la sanction ce n’est pas s’écarter de la norme fondamentale subjective. Le recours à une norme fondamentale objective n’a lieu que si on se dit que l’accusé « aurait dû s’en rendre compte s’il y avait réfléchi ». [Je souligne; p. 883.][6]

[Soulignement dans l’original]

[6]           Le professeur Rainville explique fort bien l’intention requise pour qu’une déclaration de culpabilité soit prononcée à l’égard de l’infraction de menaces. L’insouciance ne suffit pas :

Le degré de prise de conscience de l’accusé suppose quelques remarques supplémentaires. Sa perception du sens de ses paroles est déterminante. Il a droit à l’acquittement si l’idée ne lui effleure pas l’esprit que ses paroles puissent être prises au sérieux. Même l’insouciance possible du plaisantin quant aux conséquences de ses paroles ne saurait, selon nous, suffire à le faire condamner. L’insouciance suppose la réalisation par l’accusé du risque que ses paroles revêtent une signification intimidante. Cette prise de conscience est insuffisante. Le crime de menaces exige un dessein criminel. Cette infraction obéit au principe classique du droit pénal canadien selon lequel un crime d’intention spécifique ne saurait se satisfaire de l’insouciance du prévenu. Le crime de menaces exige l’intention spécifique d’intimider autrui. La Cour suprême préconise la définition suivante dans l’arrêt McCraw : « Une menace est un moyen d’intimidation visant à susciter un sentiment de crainte chez son destinataire ». Et la Cour de renchérir dans l’arrêt Clemente : « La menace est une manifestation par laquelle on marque à quelqu’un sa colère, avec l’intention de lui faire craindre le mal qu’on lui prépare ».

La finalité des propos du prévenu est donc déterminante. Il leur faut se vouer à l’intimidation d’autrui. La simple insouciance ne semble donc aucunement visée.[7]

[Soulignement ajouté – références omises]

[8]           Les termes « doit savoir », utilisés par le juge, réfèrent à de l’insouciance, ce qui fait appel à un critère moins rigoureux que celui de l’intention spécifique. Les auteurs Côté-Harper, Rainville et Turgeon expliquent ainsi la distinction :

            « L’insouciance présuppose la connaissance de la vraisemblance de la conséquence prohibée. L’intention spécifique fait appel à un critère plus rigoureux. Elle nécessite de savoir que la conséquence interdite surviendra certainement ou quasi certainement. »[12]

L'élément intentionnel de l'infraction de proférer des menaces

Fleury c. R., 2005 QCCA 436


[10]           Ces moyens concernent la mens rea. L’appelant reproche au juge de première instance d’avoir erré en droit dans ses directives concernant l’intention requise à l’article 264.1(1) du Code criminel :

264.1(1) [Proférer des menaces] Commet une infraction quiconque sciemment profère, transmet ou fait recevoir par une personne, de quelque façon, une menace :

a)         de causer la mort ou des lésions corporelles à quelqu’un;

b)         de brûler, détruire ou endommager des biens meubles ou immeubles;

  c)        de tuer, empoisonner ou blesser un animal ou un oiseau qui est la propriété de quelqu’un.

[11]           Dans l’arrêt R. c. Clemente[1], la Cour suprême a interprété cette disposition. Elle s’exprime ainsi au sujet de l’intention requise à l’article 264.1(1) a) :

« Aux termes de la disposition, il doit s’agir d’une menace de mort ou de blessures graves. Or, il est inconcevable qu’une personne qui proférerait des menaces de mort ou de blessures graves avec intention qu’elles soient prises au sérieux n’ait pas également l’intention d’intimider ou de susciter la crainte. En d’autres termes, une menace sérieuse de tuer ou d’infliger des blessures graves a dû être proférée avec l’intention d’intimider ou de susciter la crainte. Inversement, une menace proférée avec l’intention d’intimider ou de susciter la crainte a dû l’être avec l’intention qu’elle soit prise au sérieux. Ces deux formulations de la mens rea expriment l’intention de menacer et sont conformes au but visé par la disposition. »

Comment apprécier la légalité d'une arrestation sans mandat

R v S (WEQ), 2018 MBCA 106

Lien vers la décision


[14]                     When an accused challenges the validity of a warrantless arrest, the burden is on the Crown to show that the arrest was made in accordance with section 495(1) of the Code.

[15]                     Section 495(1) of the Code states as follows:

 

Arrest without warrant by peace officer

(1) A peace officer may arrest without warrant

 

(a) a person who has committed an indictable offence or who, on reasonable grounds, he believes has committed or is about to commit an indictable offence;

 

(b) a person whom he finds committing a criminal offence; or

 

(c) a person in respect of whom he has reasonable grounds to believe that a warrant of arrest or committal, in any form set out in Part XXVIII in relation thereto, is in force within the territorial jurisdiction in which the person is found.

 

[16]                     In The Queen v Biron1975 CanLII 13 (SCC)[1976] 2 SCR 56, Martland J, for the majority of the Supreme Court of Canada, considered sections 495(1)(a) and (b) (then sections 450(1)(a) and (b)), and stated (at pp 71-72):

 

Paragraph (a) of s. 450(1) permits a peace officer to arrest without a warrant:

 

(a)  a person who has committed an indictable offence or who, on reasonable and probable grounds, he believes has committed or is about to commit an indictable offence,

 

This paragraph, limited in its application to indictable offences, deals with the situation in which an offence has already been committed or is expected to be committed.  The peace officer is not present at its commission.  He may have to rely upon information received from others.  The paragraph therefore enables him to act on his belief, if based on reasonable and probable grounds.

 

Paragraph (b) applies in relation to any criminal offence and it deals with the situation in which the peace officer himself finds an offence being committed.  His power to arrest is based upon his own observation.  Because it is based on his own discovery of an offence actually being committed there is no reason to refer to a belief based upon reasonable and probable grounds.

 

[17]                     Subsequent appellate case law has added to and clarified the statements made in Biron.  For example, in Regina v Stevens (1976), 1976 CanLII 1411 (NS CA)33 CCC (2d) 429 (NSSC (AD)), MacDonald JA, for the Court, considered Biron and stated (at p 434):

 

The requirement of reasonable and probable grounds relates only to arrest without warrant in indictable offences (s. 450(1)(a)) [now s. 495(1)(a)] not to summary conviction offences such as creating a disturbance.  In order to arrest a person without a warrant for a summary conviction offence it is not sufficient for the arresting officer to show that he had reasonable and probable grounds to believe such offence had been, or was about to be, committed; rather, he must go further and show that he found a situation in which a person was apparently committing an offence.

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

Le droit applicable à la preuve de la conduite postérieure à l’infraction

R. c. Cardinal, 2018 QCCS 2441 Lien vers la décision [ 33 ]             L’essentiel du droit applicable à la preuve de la conduite postérieu...