Les délinquants reconnus coupables d’infractions multiples peuvent se voir imposer :
* des peines consécutives,
* des peines concurrentes (qui comprennent des peines accompagnées de directives claires des tribunaux précisant que la peine doit être purgée « concurremment » et lorsqu’il n’y a aucune directive donnée par les tribunaux, c.-à-d. sentence est « muette »), ou
* une combinaison des deux.
En général, les peines consécutives sont des peines distinctes, imposées pour deux infractions ou plus, qui doivent être purgées l’une après l’autre. La durée combinée des peines est la somme des peines individuelles. Il arrive à l’occasion qu’un juge impose une peine consécutive à certaines peines. Par exemple, un juge qui impose une peine de 12 mois et deux peines de 6 mois au cours de la même audience de détermination de la peine peut ordonner que toutes ces peines soient purgées consécutivement. Dans ce cas, le délinquant purgerait donc une peine totale de 24 mois. Par contre, le juge peut aussi ordonner que la peine de 12 mois soit purgée consécutivement à l’une des deux peines de 6 mois. Dans cet autre cas, le délinquant purgerait donc une peine totale de 18 mois, car les deux peines de 6 mois seraient concurrentes.
Les peines concurrentes sont des peines imposées pour des infractions distinctes qui sont purgées simultanément. Lorsque des peines concurrentes sont imposées au même moment, la durée totale de l’incarcération pour toutes les peines n’est pas supérieure à la plus longue peine imposée. Une peine concurrente commence à courir le jour où elle est imposée. Par exemple, un juge qui impose deux peines de 12 mois au cours de la même audience de détermination de la peine peut ordonner que les deux peines soient purgées concurremment, ou s’en abstenir. Dans les deux cas, le délinquant purgera une peine totale de 12 mois. De plus, si l’une des peines était de 18 mois et l’autre de 12 mois, la peine totale serait de 18 mois, soit la durée de la peine la plus longue.
Le Code criminel prévoit de façon implicite que toutes les peines doivent être purgées concurremment, sauf :
* lorsque la loi exige de façon spécifique qu’elle soit purgée consécutivement (p. ex. le paragraphe 85(2) du Code criminel pour les infractions relatives à l’usage d’armes à feu, l’article 467.14 pour les infractions relatives aux organisations criminelles et l’article 83.26 pour les infractions relatives au terrorisme);
* lorsque le juge qui prononce la sentence ordonne que la ou les peines soient purgées de façon consécutive.
Des peines consécutives ne peuvent être imposées que dans les circonstances suivantes :
* le délinquant purge déjà une peine d’emprisonnement;
* le délinquant est condamné à une peine d’emprisonnement et à une amende avec stipulation que, faute de paiement, il purgera une peine d’emprisonnement;
* le délinquant est reconnu coupable de plus d’une infraction devant le même tribunal et pendant la même session, et des peines d’incarcération multiples lui sont imposées.
Le mandat de dépôt et le Code criminel constituent la base sur laquelle se fondent les gestionnaires des peines pour établir les peines à purger consécutivement et concurremment avec d’autres. Par conséquent, il est extrêmement important que le mandat reflète de façon précise le rapport entre toutes les peines. Le fait de ne pas préciser qu’une peine donnée est consécutive ou concurrente, et par rapport à quelles peines, peut faire qu’une peine sera traitée comme concurrente à une ou à plusieurs des autres peines. Cela peut donner lieu à une peine totale anormale, qui ne correspond pas aux intentions du juge qui a prononcé la sentence.
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Le calcul des peines : Guide pour les juges, les avocats et les responsables correctionnels
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jeudi 21 mai 2009
La règle : deux ans ou plus c. deux ans moins un jour
La « règle des deux ans » se rapporte à une division générale, relevant des sphères de compétence, entre les peines de deux ans ou plus et celles de moins de deux ans. Les peines de deux ans ou plus sont purgées dans des pénitenciers fédéraux et administrées en vertu des dispositions de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (loi fédérale). Les peines de moins de deux ans sont purgées dans des prisons provinciales qui, elles, sont régies par la Loi sur les prisons et les maisons de correction (loi fédérale), certaines dispositions de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition et les lois provinciales pertinentes.
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Secret professionnel de l’avocat ‑‑ Exception relative à la sécurité publique
Smith c. Jones, [1999] 1 R.C.S. 455
Résumé des fait
L’accusé a été inculpé d’agression sexuelle grave à l’endroit d’une prostituée. Son avocat l’a renvoyé à un psychiatre, espérant que ce serait utile pour la préparation de la défense ou les observations relatives à la peine dans l’hypothèse d’un plaidoyer de culpabilité. L’avocat a informé l’accusé que cette consultation était protégée par le secret professionnel de la même façon qu’une consultation avec lui. Durant son entrevue avec le psychiatre, l’accusé a décrit avec un luxe de détails le plan qu’il avait élaboré pour enlever, violer et tuer des prostituées. Le psychiatre a fait savoir à l’avocat de la défense qu’à son avis, l’accusé était un individu dangereux qui commettrait probablement d’autres crimes s’il ne recevait pas un traitement approprié. Par la suite, l’accusé a plaidé coupable à une accusation incluse de voies de fait graves. Le psychiatre a téléphoné à l’avocat de la défense pour s’informer de l’état de l’instance et il a appris que ses inquiétudes au sujet de l’accusé ne seraient pas prises en compte à l’audience de détermination de la peine. Le psychiatre a intenté la présente action pour obtenir un jugement déclarant qu’il avait le droit de divulguer les renseignements qu’il avait en main dans l’intérêt de la sécurité publique.
Analyse
Les deux parties ont fondé leurs plaidoiries sur le fait que le rapport du psychiatre est protégé par le secret professionnel de l’avocat, et c’est sous cet angle qu’il doit être examiné. Le secret professionnel de l’avocat est un principe d’une importance fondamentale pour l’administration de la justice. Il s’agit du plus important privilège reconnu par les tribunaux. Cependant, malgré son importance, ce privilège n’est pas absolu et demeure assujetti à certaines exceptions limitées, dont l’exception relative à la sécurité publique. Bien que seul un intérêt public impérieux soit susceptible de justifier la mise à l’écart du secret professionnel de l’avocat, la mise en péril de la sécurité publique peut, lorsque les circonstances s’y prêtent, justifier cette mise à l’écart.
Il faut tenir compte de trois facteurs pour déterminer si la sécurité publique a préséance sur le privilège du secret professionnel de l’avocat:
(1) Une personne ou un groupe de personnes identifiables sont‑elles clairement exposées à un danger?
(2) Risquent‑elles d’être gravement blessées ou d’être tuées?
(3) Le danger est‑il imminent?
Ces facteurs doivent être définis selon le contexte de chaque affaire et chaque cas particulier dictera le poids qu’il faut attribuer dans une affaire donnée à chacun de ces facteurs et à chacun de leurs divers aspects. En ce qui concerne la «clarté», il importe de noter qu’en règle générale, il faut toujours pouvoir établir l’identité de la personne ou du groupe visé. Dans certains cas, une grande importance pourrait être accordée à l’identification précise de la victime choisie, que ce soit une personne ou un groupe, même si le groupe est nombreux. Tout comme il se pourrait qu’une menace générale de mort ou de violence proférée à l’endroit de l’ensemble des habitants d’une ville ou d’une collectivité ou dirigée contre tous ceux que la personne pourra croiser soit trop vague pour justifier la mise à l’écart du privilège. Cependant, si la menace de préjudice dirigée contre la masse de la population est particulièrement impérative, extrêmement grave et imminente, la mise à l’écart du privilège pourrait bien être justifiée.
Toutes les circonstances devront être prises en considération dans chaque affaire. La «gravité» renvoie à une menace telle que la victime visée risque d’être tuée ou de subir des blessures graves. En ce qui a trait à l’«imminence», la nature de la menace doit être telle qu’elle inspire un sentiment d’urgence. Ce sentiment d’urgence peut se rapporter à un moment quelconque dans l’avenir. Selon la gravité et la clarté de la menace, il ne sera pas toujours nécessaire qu’un délai précis soit fixé. Il suffit qu’il y ait une menace claire et imminente de blessures graves dirigée contre un groupe identifiable et que cette menace soit faite de manière à inspirer un sentiment d’urgence. Si, après examen de l’ensemble des facteurs pertinents, il est établi que la menace contre la sécurité publique l’emporte sur la nécessité de préserver le secret professionnel de l’avocat, ce dernier doit alors être écarté. Lorsque c’est le cas, la divulgation doit être limitée aux renseignements nécessaires à la protection de la sécurité publique.
Résumé des fait
L’accusé a été inculpé d’agression sexuelle grave à l’endroit d’une prostituée. Son avocat l’a renvoyé à un psychiatre, espérant que ce serait utile pour la préparation de la défense ou les observations relatives à la peine dans l’hypothèse d’un plaidoyer de culpabilité. L’avocat a informé l’accusé que cette consultation était protégée par le secret professionnel de la même façon qu’une consultation avec lui. Durant son entrevue avec le psychiatre, l’accusé a décrit avec un luxe de détails le plan qu’il avait élaboré pour enlever, violer et tuer des prostituées. Le psychiatre a fait savoir à l’avocat de la défense qu’à son avis, l’accusé était un individu dangereux qui commettrait probablement d’autres crimes s’il ne recevait pas un traitement approprié. Par la suite, l’accusé a plaidé coupable à une accusation incluse de voies de fait graves. Le psychiatre a téléphoné à l’avocat de la défense pour s’informer de l’état de l’instance et il a appris que ses inquiétudes au sujet de l’accusé ne seraient pas prises en compte à l’audience de détermination de la peine. Le psychiatre a intenté la présente action pour obtenir un jugement déclarant qu’il avait le droit de divulguer les renseignements qu’il avait en main dans l’intérêt de la sécurité publique.
Analyse
Les deux parties ont fondé leurs plaidoiries sur le fait que le rapport du psychiatre est protégé par le secret professionnel de l’avocat, et c’est sous cet angle qu’il doit être examiné. Le secret professionnel de l’avocat est un principe d’une importance fondamentale pour l’administration de la justice. Il s’agit du plus important privilège reconnu par les tribunaux. Cependant, malgré son importance, ce privilège n’est pas absolu et demeure assujetti à certaines exceptions limitées, dont l’exception relative à la sécurité publique. Bien que seul un intérêt public impérieux soit susceptible de justifier la mise à l’écart du secret professionnel de l’avocat, la mise en péril de la sécurité publique peut, lorsque les circonstances s’y prêtent, justifier cette mise à l’écart.
Il faut tenir compte de trois facteurs pour déterminer si la sécurité publique a préséance sur le privilège du secret professionnel de l’avocat:
(1) Une personne ou un groupe de personnes identifiables sont‑elles clairement exposées à un danger?
(2) Risquent‑elles d’être gravement blessées ou d’être tuées?
(3) Le danger est‑il imminent?
Ces facteurs doivent être définis selon le contexte de chaque affaire et chaque cas particulier dictera le poids qu’il faut attribuer dans une affaire donnée à chacun de ces facteurs et à chacun de leurs divers aspects. En ce qui concerne la «clarté», il importe de noter qu’en règle générale, il faut toujours pouvoir établir l’identité de la personne ou du groupe visé. Dans certains cas, une grande importance pourrait être accordée à l’identification précise de la victime choisie, que ce soit une personne ou un groupe, même si le groupe est nombreux. Tout comme il se pourrait qu’une menace générale de mort ou de violence proférée à l’endroit de l’ensemble des habitants d’une ville ou d’une collectivité ou dirigée contre tous ceux que la personne pourra croiser soit trop vague pour justifier la mise à l’écart du privilège. Cependant, si la menace de préjudice dirigée contre la masse de la population est particulièrement impérative, extrêmement grave et imminente, la mise à l’écart du privilège pourrait bien être justifiée.
Toutes les circonstances devront être prises en considération dans chaque affaire. La «gravité» renvoie à une menace telle que la victime visée risque d’être tuée ou de subir des blessures graves. En ce qui a trait à l’«imminence», la nature de la menace doit être telle qu’elle inspire un sentiment d’urgence. Ce sentiment d’urgence peut se rapporter à un moment quelconque dans l’avenir. Selon la gravité et la clarté de la menace, il ne sera pas toujours nécessaire qu’un délai précis soit fixé. Il suffit qu’il y ait une menace claire et imminente de blessures graves dirigée contre un groupe identifiable et que cette menace soit faite de manière à inspirer un sentiment d’urgence. Si, après examen de l’ensemble des facteurs pertinents, il est établi que la menace contre la sécurité publique l’emporte sur la nécessité de préserver le secret professionnel de l’avocat, ce dernier doit alors être écarté. Lorsque c’est le cas, la divulgation doit être limitée aux renseignements nécessaires à la protection de la sécurité publique.
mercredi 20 mai 2009
Possession d’une arme dans un dessein dangereux
R. c. Kerr, [2004] 2 R.C.S. 371, 2004 CSC 44
Résumé des faits
L’accusé, détenu dans un établissement à sécurité maximale, a reçu des menaces de mort de la victime, un codétenu membre d’un gang de criminels qui exerçait sa domination sur les autres détenus par l’intimidation et la violence. Le lendemain matin, comme presque tous les matins, l’accusé a caché deux armes dans son pantalon. Dans la salle à manger, la victime s’est approchée de l’accusé en brandissant un couteau de fabrication artisanale. Les deux en sont venus aux coups et la victime a été tuée d’un coup de couteau à la tête.
Analyse
Pour satisfaire les exigences du par. 88(1) du Code criminel, le ministère public doit établir (1) que l’accusé avait une arme en sa possession, et (2) que le dessein de cette possession était dangereux pour la paix publique. La seule question en litige en l’espèce concerne la question du dessein. Pour déterminer le dessein, l’application d’un critère à la fois subjectif et objectif est la démarche appropriée. Le juge des faits doit d’abord déterminer d’une manière subjective le dessein de l’accusé. Cette détermination peut comporter la prise en compte d’éléments objectifs.
Il faut se demander quel objet, à la connaissance de l’accusé, pouvait vraisemblablement découler de sa possession, que celui‑ci le désire ou non. Ensuite, le juge des faits doit décider d’une manière objective si, compte tenu de toutes les circonstances, ce dessein était dangereux pour la paix publique. Il n’y a pas de critère de dangerosité exhaustif étant donné la grande variété de situations et de circonstances dans lesquelles un danger peut survenir. À l’article 88, la notion de la « paix publique » renvoie généralement à l’ordre ou à l’état normal qui règne dans une société, mais la violence présente toujours, sans exception, un danger pour la paix publique. Il appartient au juge des faits de décider, à partir de tous les facteurs pertinents, si l’acte délibéré aurait, dans ce cas en particulier, mis en danger la paix publique.
Le fait qu’un accusé possédait une arme dans un but défensif n’est pas en soi déterminant de sa culpabilité ou de son innocence au regard de l’art. 88, et il est également clair que l’utilisation effective d’une arme d’une manière dangereuse pour la paix publique n’établit pas que la possession de l’arme visait un dessein dangereux pour la paix publique. Lorsque l’on conclut que l’accusé possédait une arme pour se défendre, ce n’est que lorsque l’attaque est absolument inéluctable que la possession d’une arme dans le but de faire échouer une attaque n’est pas une possession dans un dessein dangereux pour la paix publique.
Nombre d’indices seront pris en compte pour déterminer si l’attaque peut être évitée, y compris le lieu, l’ambiance, la nature de la menace, l’imminence du danger et l’utilisation effective de l’arme. Une conclusion selon laquelle l’accusé s’est effectivement servi de son arme d’une manière qui constitue un acte de légitime défense est pertinente eu égard à l’art. 88 mais n’est pas suffisante pour justifier un acquittement. Elle est pertinente dans la mesure où elle peut indiquer si l’intention subjective de l’accusé était vraiment de se défendre, et s’il lui était possible de se soustraire à l’attaque dans les circonstances.
Le jour de l’altercation, l’accusé était armé dans le but de se défendre face à une attaque imminente de la part de certaines personnes. Dans les circonstances, son dessein n’était pas dangereux pour la paix publique puisque l’attaque était manifestement inévitable. L’accusé avait reçu des menaces crédibles d’une attaque imminente, dans un milieu qui ne lui permettait aucunement d’y échapper et où il lui était futile de demander une protection.
Aux termes du par. 88(1), le dessein subjectif de l’accusé doit être un dessein dangereux pour la paix publique. Pour éviter d’introduire un élément objectif dans une démarche purement subjective, il faut donner un contenu concret au « dessein dangereux pour la paix publique ». Au sens du par. 88(1), il s’agit de la possession d’une arme dans l’intention de causer des lésions corporelles ou des dommages matériels, ou sans se soucier de causer des lésions corporelles ou des dommages matériels. Le paragraphe 88(1) n’exige pas que l’arme soit effectivement utilisée, mais il exige la possession ainsi qu’une intention additionnelle.
Je suis disposé à admettre, comme le propose le juge Binnie, que la « paix publique » renvoie généralement à l’ordre ou à l’état normal qui règne dans une société, mais je ne suis pas disposé à conclure, comme il le propose, que la violence présente toujours, sans exception, un danger pour la paix publique. Il appartient au juge des faits de décider, à partir de tous les facteurs pertinents, si l’acte délibéré aurait dans ce cas en particulier mis en danger la paix publique.
Résumé des faits
L’accusé, détenu dans un établissement à sécurité maximale, a reçu des menaces de mort de la victime, un codétenu membre d’un gang de criminels qui exerçait sa domination sur les autres détenus par l’intimidation et la violence. Le lendemain matin, comme presque tous les matins, l’accusé a caché deux armes dans son pantalon. Dans la salle à manger, la victime s’est approchée de l’accusé en brandissant un couteau de fabrication artisanale. Les deux en sont venus aux coups et la victime a été tuée d’un coup de couteau à la tête.
Analyse
Pour satisfaire les exigences du par. 88(1) du Code criminel, le ministère public doit établir (1) que l’accusé avait une arme en sa possession, et (2) que le dessein de cette possession était dangereux pour la paix publique. La seule question en litige en l’espèce concerne la question du dessein. Pour déterminer le dessein, l’application d’un critère à la fois subjectif et objectif est la démarche appropriée. Le juge des faits doit d’abord déterminer d’une manière subjective le dessein de l’accusé. Cette détermination peut comporter la prise en compte d’éléments objectifs.
Il faut se demander quel objet, à la connaissance de l’accusé, pouvait vraisemblablement découler de sa possession, que celui‑ci le désire ou non. Ensuite, le juge des faits doit décider d’une manière objective si, compte tenu de toutes les circonstances, ce dessein était dangereux pour la paix publique. Il n’y a pas de critère de dangerosité exhaustif étant donné la grande variété de situations et de circonstances dans lesquelles un danger peut survenir. À l’article 88, la notion de la « paix publique » renvoie généralement à l’ordre ou à l’état normal qui règne dans une société, mais la violence présente toujours, sans exception, un danger pour la paix publique. Il appartient au juge des faits de décider, à partir de tous les facteurs pertinents, si l’acte délibéré aurait, dans ce cas en particulier, mis en danger la paix publique.
Le fait qu’un accusé possédait une arme dans un but défensif n’est pas en soi déterminant de sa culpabilité ou de son innocence au regard de l’art. 88, et il est également clair que l’utilisation effective d’une arme d’une manière dangereuse pour la paix publique n’établit pas que la possession de l’arme visait un dessein dangereux pour la paix publique. Lorsque l’on conclut que l’accusé possédait une arme pour se défendre, ce n’est que lorsque l’attaque est absolument inéluctable que la possession d’une arme dans le but de faire échouer une attaque n’est pas une possession dans un dessein dangereux pour la paix publique.
Nombre d’indices seront pris en compte pour déterminer si l’attaque peut être évitée, y compris le lieu, l’ambiance, la nature de la menace, l’imminence du danger et l’utilisation effective de l’arme. Une conclusion selon laquelle l’accusé s’est effectivement servi de son arme d’une manière qui constitue un acte de légitime défense est pertinente eu égard à l’art. 88 mais n’est pas suffisante pour justifier un acquittement. Elle est pertinente dans la mesure où elle peut indiquer si l’intention subjective de l’accusé était vraiment de se défendre, et s’il lui était possible de se soustraire à l’attaque dans les circonstances.
Le jour de l’altercation, l’accusé était armé dans le but de se défendre face à une attaque imminente de la part de certaines personnes. Dans les circonstances, son dessein n’était pas dangereux pour la paix publique puisque l’attaque était manifestement inévitable. L’accusé avait reçu des menaces crédibles d’une attaque imminente, dans un milieu qui ne lui permettait aucunement d’y échapper et où il lui était futile de demander une protection.
Aux termes du par. 88(1), le dessein subjectif de l’accusé doit être un dessein dangereux pour la paix publique. Pour éviter d’introduire un élément objectif dans une démarche purement subjective, il faut donner un contenu concret au « dessein dangereux pour la paix publique ». Au sens du par. 88(1), il s’agit de la possession d’une arme dans l’intention de causer des lésions corporelles ou des dommages matériels, ou sans se soucier de causer des lésions corporelles ou des dommages matériels. Le paragraphe 88(1) n’exige pas que l’arme soit effectivement utilisée, mais il exige la possession ainsi qu’une intention additionnelle.
Je suis disposé à admettre, comme le propose le juge Binnie, que la « paix publique » renvoie généralement à l’ordre ou à l’état normal qui règne dans une société, mais je ne suis pas disposé à conclure, comme il le propose, que la violence présente toujours, sans exception, un danger pour la paix publique. Il appartient au juge des faits de décider, à partir de tous les facteurs pertinents, si l’acte délibéré aurait dans ce cas en particulier mis en danger la paix publique.
Intervention d'une cour d'appel relativement à l'imposition d'une sentence
R. c. L.M., 2008 CSC 31
Les tribunaux d’appel doivent faire preuve d’une grande retenue dans l’examen des décisions des juges de première instance à l’occasion d’un appel de la sentence et ne devraient intervenir pour modifier la peine infligée au procès que si elle n’est manifestement pas indiquée. En l’espèce, la majorité de la Cour d’appel n’a pas respecté cette exigence de retenue et de déférence. Elle s’est plutôt substituée au juge des faits et a révisé sans motif valable l’exercice de sa discrétion
[14] La jurisprudence de notre Cour a établi que les tribunaux d'appel doivent faire preuve d'une grande retenue dans l'examen des décisions des juges de première instance à l'occasion d'un appel de la sentence. En effet, une cour d'appel ne peut modifier une peine pour la seule raison qu'elle aurait prononcé une sentence différente. Elle doit être «convaincue qu'elle n'est pas indiquée», c'est-à-dire «que la peine est nettement déraisonnable»[…]
[17] Loin d’être une science exacte ou une procédure inflexiblement prédéterminée, la détermination de la peine relève d’abord de la compétence et de l’expertise du juge du procès. Ce dernier dispose d’un vaste pouvoir discrétionnaire en raison de la nature individualisée du processus (art. 718.1 C. cr.; R. c. Johnson, 2003 CSC 46 (CanLII), [2003] 2 R.C.S. 357, 2003 CSC 46, par. 22; R. c. Proulx, 2000 CSC 5 (CanLII), [2000] 1 R.C.S. 61, 2000 CSC 5, par. 82). Dans sa recherche d’une sentence adéquate, devant la complexité des facteurs relatifs à la nature de l’infraction commise et à la personnalité du contrevenant, le juge doit pondérer les principes normatifs prévus par le législateur dans le Code criminel :
- Les objectifs de dénonciation, de dissuasion, d’isolation des délinquants, leur réinsertion sociale, ainsi que la reconnaissance et la réparation des torts qu’ils ont causés (art. 718 C. cr.);
- le principe fondamental de la proportionnalité de la peine au regard de la gravité de l’infraction et du degré de responsabilité du délinquant (art. 718.1 C. cr.);
- les principes d’adaptation de la peine aux circonstances aggravantes et atténuantes, d’harmonisation des peines, d’identification des sanctions moins contraignantes et des sanctions substitutives applicables (art. 718.2 C. cr.).
[36] Des peines prononcées à l’égard des mêmes catégories d’infraction ne seront pas toujours parfaitement semblables, en raison de la nature même d’un processus de détermination de la peine axé sur l’individu. En effet, le principe de la parité n’interdit pas la disparité si les circonstances le justifient, en raison de l’existence de la règle de la proportionnalité (voir Dadour, p. 18). Comme notre Cour l’a rappelé dans M. (C.A.), par. 92, « il n’existe pas de peine uniforme pour un crime donné ». Dans un tel contexte, une cour d’appel n’est justifiée d’intervenir que si la peine qu’a infligée le juge du procès « s’écarte de façon marquée et substantielle des peines qui sont habituellement infligées à des délinquants similaires ayant commis des crimes similaires » (M. (C.A.), par. 92)
Les tribunaux d’appel doivent faire preuve d’une grande retenue dans l’examen des décisions des juges de première instance à l’occasion d’un appel de la sentence et ne devraient intervenir pour modifier la peine infligée au procès que si elle n’est manifestement pas indiquée. En l’espèce, la majorité de la Cour d’appel n’a pas respecté cette exigence de retenue et de déférence. Elle s’est plutôt substituée au juge des faits et a révisé sans motif valable l’exercice de sa discrétion
[14] La jurisprudence de notre Cour a établi que les tribunaux d'appel doivent faire preuve d'une grande retenue dans l'examen des décisions des juges de première instance à l'occasion d'un appel de la sentence. En effet, une cour d'appel ne peut modifier une peine pour la seule raison qu'elle aurait prononcé une sentence différente. Elle doit être «convaincue qu'elle n'est pas indiquée», c'est-à-dire «que la peine est nettement déraisonnable»[…]
[17] Loin d’être une science exacte ou une procédure inflexiblement prédéterminée, la détermination de la peine relève d’abord de la compétence et de l’expertise du juge du procès. Ce dernier dispose d’un vaste pouvoir discrétionnaire en raison de la nature individualisée du processus (art. 718.1 C. cr.; R. c. Johnson, 2003 CSC 46 (CanLII), [2003] 2 R.C.S. 357, 2003 CSC 46, par. 22; R. c. Proulx, 2000 CSC 5 (CanLII), [2000] 1 R.C.S. 61, 2000 CSC 5, par. 82). Dans sa recherche d’une sentence adéquate, devant la complexité des facteurs relatifs à la nature de l’infraction commise et à la personnalité du contrevenant, le juge doit pondérer les principes normatifs prévus par le législateur dans le Code criminel :
- Les objectifs de dénonciation, de dissuasion, d’isolation des délinquants, leur réinsertion sociale, ainsi que la reconnaissance et la réparation des torts qu’ils ont causés (art. 718 C. cr.);
- le principe fondamental de la proportionnalité de la peine au regard de la gravité de l’infraction et du degré de responsabilité du délinquant (art. 718.1 C. cr.);
- les principes d’adaptation de la peine aux circonstances aggravantes et atténuantes, d’harmonisation des peines, d’identification des sanctions moins contraignantes et des sanctions substitutives applicables (art. 718.2 C. cr.).
[36] Des peines prononcées à l’égard des mêmes catégories d’infraction ne seront pas toujours parfaitement semblables, en raison de la nature même d’un processus de détermination de la peine axé sur l’individu. En effet, le principe de la parité n’interdit pas la disparité si les circonstances le justifient, en raison de l’existence de la règle de la proportionnalité (voir Dadour, p. 18). Comme notre Cour l’a rappelé dans M. (C.A.), par. 92, « il n’existe pas de peine uniforme pour un crime donné ». Dans un tel contexte, une cour d’appel n’est justifiée d’intervenir que si la peine qu’a infligée le juge du procès « s’écarte de façon marquée et substantielle des peines qui sont habituellement infligées à des délinquants similaires ayant commis des crimes similaires » (M. (C.A.), par. 92)
L'état du droit en matière de suggestion commune
Sideris c. R., 2006 QCCA 1351 (CanLII)
[9] En matière de suggestion commune, l'état du droit est maintenant bien établi. Quoique le juge ne soit pas lié par une telle suggestion (notamment lorsqu'il y a plaidoyer de culpabilité, selon l'article 606, paragr. (1.1)b)(iii), C.cr.), il ne peut pas non plus l'écarter sans respecter les règles que résume le juge Fish, alors de la Cour, dans R. v. Douglas, reflex, (2002) 162 C.C.C. (3d) 37, J.E. 2002-249 (sub. nom. Verdi-Douglas c. R.), aux paragraphes 42-43 et 51-52 :
[38] I think it important to emphasize that the joint submission in this case was the object of lengthy and detailed negotiations over a considerable period of time by experienced and conscientious counsel on both sides, with the participation of the police officers in charge of the investigation, and clearly contingent on a plea of guilty by the appellant.
[…]
[42] Canadian appellate courts have expressed in different ways the standard for determining when trial judges may properly reject joint submissions on sentence accompanied by negotiated admissions of guilt.
[43] Whatever the language used, the standard is meant to be an exacting one. Appellate courts, increasingly in recent years, have stated time and again that trial judges should not reject jointly proposed sentences unless they are “unreasonable”, “contrary to the public interest”, “unfit”, or “would bring the administration of justice into disrepute”.
[Suit, aux paragr. 44-50, une revue de la jurisprudence canadienne et d'un rapport ontarien sur le sujet.]
[51] In my view, a reasonable joint submission cannot be said to “bring the administration of justice into disrepute”. An unreasonable joint submission, on the other hand, is surely “contrary to the public interest”. Accordingly, though it is purposively framed in striking and evocative terms, I do not believe that the Ontario standard departs substantially from the test of reasonableness articulated by other courts, including our own. Their shared conceptual foundation is that the interests of justice are well served by the acceptance of a joint submission on sentence accompanied by a negotiated plea of guilty – provided, of course, that the sentence jointly proposed falls within the acceptable range and the plea is warranted by the facts admitted.
[52] Moreover, I agree with the Martin Report, cited earlier, that the reasonableness of a sentence must necessarily be evaluated in the light of the evidence, submissions and reports placed on the record before the sentencing judge (subject, of course, to amplification of that record on appeal in accordance with the applicable statutory provisions and the governing case law). I believe as well that sentencing judges are bound to ensure, by putting the appropriate questions directly to the accused, that the negotiated guilty plea is voluntary and unambiguous. A full record in both respects will be essential to meaningful appellate review in those cases, fortunately rare, where an appeal is found to be warranted.
[10] Par ailleurs, dans Boucher-Gagnon c. R., 2006 QCCA 903 (CanLII), 2006 QCCA 903, J.E. 2006-1422, au paragr. 4, la Cour explique que lorsque le juge s'apprête à rejeter une suggestion commune en faveur d'une peine différente, il doit en principe donner aux parties l'occasion de lui faire part de leurs observations. Décrivant le comportement approprié, la Cour écrit que :
[4] Il est aussi reconnu que le juge doit aviser les parties et leur donner l'occasion de réagir. Il a enfin le devoir d'exposer les motifs qui le poussent à ne pas donner suite à la suggestion commune.
[5] Lorsque le juge se conforme en tous points à cette ligne de conduite, notre Cour doit à sa décision la déférence qui s'impose de façon générale en matière de détermination de la peine. C’est le cas en l’espèce.
[6] Après avoir entendu les représentations des avocats, le juge a fait état du scepticisme qui l'animait et il s'est accordé plusieurs heures de réflexion. Il a par la suite invité les parties à lui soumettre des observations supplémentaires et accordé à l'avocat de l'appelant un délai pour que celui-ci s'entretienne avec son client. Ce dernier s’est vu autorisé à ajouter à son témoignage et le juge a tenu compte des ajouts dans ses motifs.
[Renvois omis.]
[11] Dans cette affaire, la Cour renvoie notamment à R. v. Sinclair, 2004 MBCA 48 (CanLII), (2001) 185 C.C.C. (3d) 569, où la Cour d'appel du Manitoba explique que :
15 If, after being provided with that information and those submissions, the judge is still considering departing from the joint recommendation, he or she should advise counsel of that fact and provide them with an opportunity to make further submissions, if they so wish. Counsel may be able to respond to concerns the sentencing judge may have for departing from the recommended sentence. See R. v. Thomas (O.) reflex, (2000), 153 Man. R. (2d) 98, 2000 MBCA 148, at para. 7, Broekaert, at paras. 10-11, Booh, at para. 13, and R. v. Hatt 2002 PESCAD 4 (CanLII), (2002), 163 C.C.C. (3d) 552, 2002 PESCAD 4, at para. 15.
16 If, after those submissions, the sentencing judge remains of the view that the joint submission is unfit or unreasonable, the judge may impose a different sentence, but must give clear reasons for doing so.
[12] Dans le même sens, voir également : R. v. Tkachuk, 2001 ABCA 243 (CanLII), (2001) 159 C.C.C. (3d) 434 (Alb. C.A.); R. v. G.P., 2004 NSCA 154 (CanLII), (2004) 192 C.C.C. (3d) 432 (N.S. C.A.); R. v. McKenzie, 2006 SKCA 13 (CanLII), (2006) 206 C.C.C. (3d) 569 (Sask. C.A.). Dans ce dernier arrêt, la Cour d'appel de la Saskatchewan indique que :
[17] We agree entirely with those statements. In our opinion, the trial judge erred in rejecting the joint submission and in not accepting the joint recommendations of two experienced counsel. First, the record clearly indicates that counsel made joint submissions and briefly described the facts and rationale as outlined above. They were not given an opportunity to make further submissions to justify the approach taken by them to the sentencing recommendations. Once the sentencing judge had concluded that he might not accept the joint submission fairness dictates that counsel be given an opportunity to make further submissions addressing the concerns expressed by a sentencing judge. See: R. v. G.W.C. [renvoi omis] and R. v. McKerricher.
[9] En matière de suggestion commune, l'état du droit est maintenant bien établi. Quoique le juge ne soit pas lié par une telle suggestion (notamment lorsqu'il y a plaidoyer de culpabilité, selon l'article 606, paragr. (1.1)b)(iii), C.cr.), il ne peut pas non plus l'écarter sans respecter les règles que résume le juge Fish, alors de la Cour, dans R. v. Douglas, reflex, (2002) 162 C.C.C. (3d) 37, J.E. 2002-249 (sub. nom. Verdi-Douglas c. R.), aux paragraphes 42-43 et 51-52 :
[38] I think it important to emphasize that the joint submission in this case was the object of lengthy and detailed negotiations over a considerable period of time by experienced and conscientious counsel on both sides, with the participation of the police officers in charge of the investigation, and clearly contingent on a plea of guilty by the appellant.
[…]
[42] Canadian appellate courts have expressed in different ways the standard for determining when trial judges may properly reject joint submissions on sentence accompanied by negotiated admissions of guilt.
[43] Whatever the language used, the standard is meant to be an exacting one. Appellate courts, increasingly in recent years, have stated time and again that trial judges should not reject jointly proposed sentences unless they are “unreasonable”, “contrary to the public interest”, “unfit”, or “would bring the administration of justice into disrepute”.
[Suit, aux paragr. 44-50, une revue de la jurisprudence canadienne et d'un rapport ontarien sur le sujet.]
[51] In my view, a reasonable joint submission cannot be said to “bring the administration of justice into disrepute”. An unreasonable joint submission, on the other hand, is surely “contrary to the public interest”. Accordingly, though it is purposively framed in striking and evocative terms, I do not believe that the Ontario standard departs substantially from the test of reasonableness articulated by other courts, including our own. Their shared conceptual foundation is that the interests of justice are well served by the acceptance of a joint submission on sentence accompanied by a negotiated plea of guilty – provided, of course, that the sentence jointly proposed falls within the acceptable range and the plea is warranted by the facts admitted.
[52] Moreover, I agree with the Martin Report, cited earlier, that the reasonableness of a sentence must necessarily be evaluated in the light of the evidence, submissions and reports placed on the record before the sentencing judge (subject, of course, to amplification of that record on appeal in accordance with the applicable statutory provisions and the governing case law). I believe as well that sentencing judges are bound to ensure, by putting the appropriate questions directly to the accused, that the negotiated guilty plea is voluntary and unambiguous. A full record in both respects will be essential to meaningful appellate review in those cases, fortunately rare, where an appeal is found to be warranted.
[10] Par ailleurs, dans Boucher-Gagnon c. R., 2006 QCCA 903 (CanLII), 2006 QCCA 903, J.E. 2006-1422, au paragr. 4, la Cour explique que lorsque le juge s'apprête à rejeter une suggestion commune en faveur d'une peine différente, il doit en principe donner aux parties l'occasion de lui faire part de leurs observations. Décrivant le comportement approprié, la Cour écrit que :
[4] Il est aussi reconnu que le juge doit aviser les parties et leur donner l'occasion de réagir. Il a enfin le devoir d'exposer les motifs qui le poussent à ne pas donner suite à la suggestion commune.
[5] Lorsque le juge se conforme en tous points à cette ligne de conduite, notre Cour doit à sa décision la déférence qui s'impose de façon générale en matière de détermination de la peine. C’est le cas en l’espèce.
[6] Après avoir entendu les représentations des avocats, le juge a fait état du scepticisme qui l'animait et il s'est accordé plusieurs heures de réflexion. Il a par la suite invité les parties à lui soumettre des observations supplémentaires et accordé à l'avocat de l'appelant un délai pour que celui-ci s'entretienne avec son client. Ce dernier s’est vu autorisé à ajouter à son témoignage et le juge a tenu compte des ajouts dans ses motifs.
[Renvois omis.]
[11] Dans cette affaire, la Cour renvoie notamment à R. v. Sinclair, 2004 MBCA 48 (CanLII), (2001) 185 C.C.C. (3d) 569, où la Cour d'appel du Manitoba explique que :
15 If, after being provided with that information and those submissions, the judge is still considering departing from the joint recommendation, he or she should advise counsel of that fact and provide them with an opportunity to make further submissions, if they so wish. Counsel may be able to respond to concerns the sentencing judge may have for departing from the recommended sentence. See R. v. Thomas (O.) reflex, (2000), 153 Man. R. (2d) 98, 2000 MBCA 148, at para. 7, Broekaert, at paras. 10-11, Booh, at para. 13, and R. v. Hatt 2002 PESCAD 4 (CanLII), (2002), 163 C.C.C. (3d) 552, 2002 PESCAD 4, at para. 15.
16 If, after those submissions, the sentencing judge remains of the view that the joint submission is unfit or unreasonable, the judge may impose a different sentence, but must give clear reasons for doing so.
[12] Dans le même sens, voir également : R. v. Tkachuk, 2001 ABCA 243 (CanLII), (2001) 159 C.C.C. (3d) 434 (Alb. C.A.); R. v. G.P., 2004 NSCA 154 (CanLII), (2004) 192 C.C.C. (3d) 432 (N.S. C.A.); R. v. McKenzie, 2006 SKCA 13 (CanLII), (2006) 206 C.C.C. (3d) 569 (Sask. C.A.). Dans ce dernier arrêt, la Cour d'appel de la Saskatchewan indique que :
[17] We agree entirely with those statements. In our opinion, the trial judge erred in rejecting the joint submission and in not accepting the joint recommendations of two experienced counsel. First, the record clearly indicates that counsel made joint submissions and briefly described the facts and rationale as outlined above. They were not given an opportunity to make further submissions to justify the approach taken by them to the sentencing recommendations. Once the sentencing judge had concluded that he might not accept the joint submission fairness dictates that counsel be given an opportunity to make further submissions addressing the concerns expressed by a sentencing judge. See: R. v. G.W.C. [renvoi omis] and R. v. McKerricher.
jeudi 14 mai 2009
Aide et encouragement de la perpétration d'une infraction criminelle
Dunlop et Sylvester c. La Reine, [1979] 2 R.C.S. 881
Résumé des faits
Le viol collectif de la plaignante a en lieu tard la nuit dans un endroit isolé, l’emplacement d’un ancien dépotoir où des membres d’un club de motards s’étaient réunis pour fêter. Environ dix-huit hommes ont eu des rapports sexuels avec la plaignante pendant que deux autres membres du groupe la retenaient. Elle a identifié les accusés comme étant deux des hommes qui l’avaient agressée. Les accusés ont nié le tout. Ils ont témoigné qu’ils avaient assisté à une réunion du club au dépotoir tôt le soir en question, puis qu’ils s’étaient rendus dans un cabaret où se trouvaient la plaignante et une amie. Plus tard, les accusés ont livré une certaine quantité de bière au dépotoir. Dunlop a vu une personne de sexe féminin qui était en train d’avoir des rapports sexuels; il n’a pas pu dire avec qui mais il a cru que c’était un membre du club de motards. Trois minutes plus tard, lui et son co-accusé sont partis.
Analyse
La présence au moment de la perpétration d’une infraction peut constituer une preuve d’aide et d’encouragement si elle est accompagnée d’autres facteurs, comme la connaissance préalable de l’intention de l’auteur de perpétrer l’infraction ou si elle a pour but l’incitation.
La simple présence sur les lieux d’un crime n’est pas suffisante pour conclure à la culpabilité. Il faut faire quelque chose de plus: encourager l’auteur initial; faciliter la perpétration de l’infraction, comme monter la garde ou attirer la victime, ou accomplir un acte qui tend à faire disparaître les obstacles à la perpétration de l’acte criminel, comme par exemple empêcher la victime de s’échapper ou encore se tenir prêt à aider l’auteur principal
L’arrêt qui fait autorité, R. v. Coney a établi qu’une présence non accidentelle sur les lieux du crime n’équivaut pas à aide et encouragement.
Or, la règle générale applicable aux complices est qu’il doit y avoir participation à l’acte et que le témoin d’une félonie, s’il ne prend aucune part à sa perpétration et n’agit pas de concert avec son auteur, n’est pas complice pour la seule raison qu’il n’a pas tenté d’en empêcher la perpétration ou d’arrêter le félon.
et:
... Lorsque la présence est tout à fait accidentelle, elle n’est pas un élément de preuve susceptible d’établir l’aide et l’encouragement. Lorsque, prima facie, la présence n’est pas accidentelle, elle constitue pour le jury un élément de preuve et rien de plus.
Une personne ne peut être, à bon droit, déclarée coupable d’avoir aidé ou encouragé l’accomplissement d’actes répréhensibles alors qu’elle ne savait pas qu’on avait ou pouvait avoir l’intention de les commettre. On doit pouvoir déduire que les accusés avaient la connaissance préalable qu’une infraction du type de celle commise était projetée
Résumé des faits
Le viol collectif de la plaignante a en lieu tard la nuit dans un endroit isolé, l’emplacement d’un ancien dépotoir où des membres d’un club de motards s’étaient réunis pour fêter. Environ dix-huit hommes ont eu des rapports sexuels avec la plaignante pendant que deux autres membres du groupe la retenaient. Elle a identifié les accusés comme étant deux des hommes qui l’avaient agressée. Les accusés ont nié le tout. Ils ont témoigné qu’ils avaient assisté à une réunion du club au dépotoir tôt le soir en question, puis qu’ils s’étaient rendus dans un cabaret où se trouvaient la plaignante et une amie. Plus tard, les accusés ont livré une certaine quantité de bière au dépotoir. Dunlop a vu une personne de sexe féminin qui était en train d’avoir des rapports sexuels; il n’a pas pu dire avec qui mais il a cru que c’était un membre du club de motards. Trois minutes plus tard, lui et son co-accusé sont partis.
Analyse
La présence au moment de la perpétration d’une infraction peut constituer une preuve d’aide et d’encouragement si elle est accompagnée d’autres facteurs, comme la connaissance préalable de l’intention de l’auteur de perpétrer l’infraction ou si elle a pour but l’incitation.
La simple présence sur les lieux d’un crime n’est pas suffisante pour conclure à la culpabilité. Il faut faire quelque chose de plus: encourager l’auteur initial; faciliter la perpétration de l’infraction, comme monter la garde ou attirer la victime, ou accomplir un acte qui tend à faire disparaître les obstacles à la perpétration de l’acte criminel, comme par exemple empêcher la victime de s’échapper ou encore se tenir prêt à aider l’auteur principal
L’arrêt qui fait autorité, R. v. Coney a établi qu’une présence non accidentelle sur les lieux du crime n’équivaut pas à aide et encouragement.
Or, la règle générale applicable aux complices est qu’il doit y avoir participation à l’acte et que le témoin d’une félonie, s’il ne prend aucune part à sa perpétration et n’agit pas de concert avec son auteur, n’est pas complice pour la seule raison qu’il n’a pas tenté d’en empêcher la perpétration ou d’arrêter le félon.
et:
... Lorsque la présence est tout à fait accidentelle, elle n’est pas un élément de preuve susceptible d’établir l’aide et l’encouragement. Lorsque, prima facie, la présence n’est pas accidentelle, elle constitue pour le jury un élément de preuve et rien de plus.
Une personne ne peut être, à bon droit, déclarée coupable d’avoir aidé ou encouragé l’accomplissement d’actes répréhensibles alors qu’elle ne savait pas qu’on avait ou pouvait avoir l’intention de les commettre. On doit pouvoir déduire que les accusés avaient la connaissance préalable qu’une infraction du type de celle commise était projetée
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