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lundi 4 juin 2012

La règle de l'équité procédurale

R. c. Lyttle, 2004 CSC 5, [2004] 1 RCS 193


64                              Le juge du procès a aussi invoqué l’arrêt Browne c. Dunn (1893), 6 R. 67 (H.L.), pour étayer la proposition selon laquelle il est nécessaire de présenter un fondement de preuve à l’égard des questions posées en contre‑interrogatoire.  Il a fait erreur.  La règle établie dans Browne c. Dunn oblige l’avocat à prévenir les témoins dont il entend mettre en doute la crédibilité ultérieurement.  La justification de cette règle a été expliquée ainsi par lord Herschell, aux p. 70-71 :

[traduction]  Bien, vos Seigneuries, je ne peux m’empêcher d’affirmer qu’il m’apparaît absolument essentiel au déroulement régulier d’une instance, lorsqu’un avocat entend suggérer qu’un témoin ne dit pas la vérité sur un point en particulier, d’attirer l’attention de ce témoin sur ce fait en lui posant en contre-interrogatoire certaines questions indiquant qu’on fera cette imputation, et non d’accepter son témoignage et d’en faire abstraction comme s’il était absolument incontesté puis, lorsqu’il lui est impossible d’expliquer ce qu’il aurait peut‑être pu faire si ces questions lui avaient été posées les circonstances qui, prétend-on, montrent que sa version des faits ne doit pas être retenue, de soutenir qu’il n’est pas un témoin digne de foi.  Vos Seigneuries, il m’a toujours semblé que l’avocat qui entend mettre en doute le témoignage d’une personne doit, lorsque cette personne se trouve à la barre des témoins, lui donner l’occasion d’offrir toute explication qu’elle est en mesure de présenter.  De plus, il me semble qu’il ne s’agit pas seulement d’une règle de pratique professionnelle dans la conduite d’une affaire, mais également d’une attitude essentielle pour agir de façon loyale envers les témoins.  On souligne parfois le caractère excessif du contre‑interrogatoire auquel un témoin est soumis, reprochant à ce contre-interrogatoire d’être abusif.  Toutefois, il me semble qu’un contre‑interrogatoire mené par un avocat péchant par excès de zèle peut se révéler beaucoup plus équitable pour le témoin que le fait de ne pas le contre‑interroger puis de suggérer qu’il ne dit pas la vérité, je veux dire sur un point à l’égard duquel il n’est par ailleurs pas clair qu’il a été pleinement informé au préalable qu’on entendait mettre en doute la crédibilité de sa version des faits.

65                              Bien qu’elle vise à faire en sorte que les témoins et les parties soient traités équitablement, cette règle n’a pas un caractère  absolu.  La mesure dans laquelle elle est appliquée est une décision qui relève du pouvoir discrétionnaire du juge du procès, eu égard à toutes les circonstances de l’affaire.  Voir Palmer c. La Reine, 1979 CanLII 8 (CSC), [1980] 1 R.C.S. 759, p. 781-782; J. Sopinka, S. N. Lederman et A. W. Bryant, The Law of Evidence in Canada (2e éd. 1999), p. 954 et 957.  Quoi qu’il en soit, la règle susmentionnée établie dans l’arrêt Browne c. Dunndemeure un principe valable d’application générale, bien qu’elle ne soit pas pertinente pour la question dont était saisi le juge du procès en l’espèce.

Quels sont les pouvoirs d'une cour d'appel de réformer une peine

R. c. Michaud, 2012 QCCA 891 (CanLII)


[13]           Ainsi, en l'absence d'un écart marqué et substantiel entre les peines habituellement imposées en semblable matière pour des profils de délinquant similaires et celle imposée dans le dossier sous étude, la Cour ne saurait intervenir. Dans l'arrêt Quévillon, la Cour a rappelé que le pouvoir d'une cour d'appel de réformer une peine se limite aux cas suivants :
1.      Une erreur de principe;
2.      L'omission de prendre en considération un facteur pertinent ou une trop grande insistance sur les facteurs appropriés;
3.      Une erreur manifeste dans l'appréciation de la preuve;
4.      Lorsque la peine se situe hors des limites acceptables et devient nettement déraisonnable.

Le rôle du juge réviseur relativement l'émission d'un mandat de perquisition par un juge de paix magistrat

R. c. Gaudreault, 2012 QCCQ 3953 (CanLII)

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[102] Dans l'affaire Garofoli, la Cour suprême précise que le juge qui siège en révision ne substitue pas son opinion à celle du juge qui a accordé l'autorisation. Si, compte tenu du dossier dont disposait le juge qui a accordé l'autorisation, le juge siégeant en révision conclut que le juge qui a accordé l'autorisation pouvait le faire, il ne doit pas intervenir. La fraude, la non-divulgation, la déclaration trompeuse et les nouveaux éléments de preuve sont tous des aspects pertinents. Leur effet est d'aider à décider s'il existe un fondement quelconque à la décision du juge qui a accordé l'autorisation.

[103] Dans l'affaire Bisson, la Cour suprême mentionne que pour déterminer s'il existait des renseignements fiables à partir desquels le juge aurait pu accorder l'autorisation, il fallait simplement se demander s'il y avait au moins quelques éléments de preuve auxquels le juge aurait pu raisonnablement ajouter foi pour faire droit à la demande.

[104] Plus récemment, dans l'affaire Duchesneau, le juge Yves Tardif précisait le rôle du juge réviseur en mentionnant qu'il ne devait pas substituer son opinion à celle du juge émetteur, mais plutôt se demander si l'émission du mandat pouvait se justifier. La Cour doit donc se demander, si, avec les éléments qu'avait en sa possession le juge de paix magistrat, il avait des motifs raisonnables de croire qu'il y avait, à ce moment-là, au [...] à Albanel ainsi que dans ses dépendances et ses terres agricoles, du cannabis ou une chose qui pouvait servir de preuve relativement à une infraction commise en vertu de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances ou en vertu du Code criminel.

[105] Cela étant, le rôle du juge réviseur comporte des limites. Il doit se placer dans la situation où se trouvait le juge de paix magistrat lorsqu'il a émis le télémandat de perquisition afin de déterminer non pas s'il l'aurait émis, mais si le juge de paix pouvait considérer que la preuve révélait des motifs raisonnables de croire qu'il y avait des choses qui pouvaient servir de preuve relativement à une infraction commise au [...] à Albanel.

[106] La perquisition jouit d'une présomption de validité qui peut être attaquée par bref de certiorari ou au procès comme ce fut le cas.

[107] La défense a alors le fardeau de démontrer que soit l'émission ou l'exécution en a été déraisonnable, fardeau qu'elle a tenté de rencontrer.

[109] Le fardeau que doit rencontrer la défense dans sa démonstration en est un de probabilité.

[110] D'ailleurs, encore récemment, dans l'affaire Lee, il a été déterminé quant aux pouvoirs du juge réviseur qu'il ne s'agit pas de faire une nouvelle audition mais de vérifier que le juge ayant autorisé le mandat de perquisition avait des motifs suffisants pour l'émettre.

[111] Il n'y a pas lieu que le juge de paix ait eu la certitude lors de l'émission du télémandat de perquisition qu'à l'endroit requis, il y avait de la preuve mais plutôt que, compte tenu des informations qu'il détenait alors, il était probable qu'il y en ait.

jeudi 31 mai 2012

Conduite durant interdiction: comment déterminer la peine appropriée

Lambert c. R., 2011 QCCS 1963 (CanLII)

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[30] Ainsi, d'entrée de jeu, le juge impute une responsabilité plus grande à l'appelant parce qu'il a délibérément décidé d'utiliser sa voiture pour aller travailler.

[31] Il est vrai que la maladie subite de sa conjointe et l'attente des autres employés ne justifiaient pas l'appelant d'enfreindre l'ordonnance.

[32] L'appelant en était conscient puisque son épouse, jusqu'à ce jour, était toujours allée le reconduire et le chercher. Son plaidoyer de culpabilité démontre la conscience de ses actes.

[33] Toutefois, si l'explication de la maladie subite de son épouse ne peut servir d'excuse, en revanche, elle peut devenir un facteur atténuant au moment de l'imposition de la peine, en ce que l'appelant n'a pas été intercepté en état d'ébriété et n'a pas utilisé sa voiture pour aller dans un bar ou à des fins récréatives.

[34] Son absence d'antécédents judiciaires, outre celui pour lequel il était interdit de conduire, est un autre facteur atténuant que le juge aurait dû prendre en compte.

[35] De plus, le juge a erré en droit en appliquant les principes de la conduite d'un véhicule automobile avec les facultés affaiblies comme étant un fléau dans notre société, alors qu'il s'agit, en l'espèce, d'une conduite pendant l'interdiction, sans que les facultés de l'accusé ne soient concernées.

[36] Cela étant, il est certain que la conduite pendant interdiction est une infraction qui ne doit pas être prise à la légère.

[37] Cependant, le principe de l'individualisation des peines demeure, et c'est la raison pour laquelle le juge d'instance a erré en droit, en imposant 30 jours d'incarcération sans tenir compte des autres peines applicables.

[38] Même si le juge mentionne être d'accord avec le fait qu'une peine d'incarcération ne doit pas être le point de départ pour une infraction de cette nature, son jugement démontre le contraire.

[39] En effet, le juge, immédiatement après avoir mentionné au paragraphe 14 que la peine doit s'harmoniser avec celle infligée à d'autres délinquants pour des infractions semblables commises dans des circonstances semblables, souligne que les procureurs reconnaissent que les peines habituelles pour ce genre d'infraction se traduisent généralement par un emprisonnement de 30 jours.

[40] Même si par la suite il se dit d'accord avec le fait qu'une peine d'incarcération ne doit pas constituer le point de départ, sitôt après avoir rejeté l'idée d'une peine pécuniaire, il impose, de fait, la peine standard en vigueur dans le district de Drummond, soit 30 jours d'incarcération.

[41] La simple mention par le juge d'instance qu'il est d'accord qu'une peine d'incarcération ne doit pas constituer un point de départ, ne convainc pas le Tribunal qu'il n'a pas suivi la tradition.

[42] En l'espèce, tel que le mentionne le juge Buffoni, dans l'affaire Auger c. Directeur des poursuites criminelles et pénales, «…ce point de départ a occulté l'ensemble des autres peines possibles dans l'arsenal que le Code met à la disposition du Tribunal.»

[43] Enfin, en imposant une peine de 30 jours, le juge d'instance a imposé une lourde peine à l'appelant compte tenu de l'amende de 1 000 $ qu'il avait écopée pour avoir conduit son véhicule avec les facultés affaiblies.

[44] Le Tribunal considère, avec égards, que le juge d'instance n'a pas suivi les principes énoncés par la jurisprudence dans les arrêts R. c. Gladue, R. c. Proulx, R. c. Maheu et R. c. Camiré, en ce qu'il devait analyser les autres peines possibles à sa disposition.

Une peine d'incarcération ne doit pas être le point de départ pour une infraction de conduite durant interdiction

R. c. Pena, 2012 QCCQ 2643 (CanLII)

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[11] Conduire un véhicule pendant interdiction constitue un délit grave. Ce type d'infraction ne doit pas être banalisé, ce qui aurait pour conséquence de transmettre un message erroné, faible et dommageable. La société pourrait croire que les ordonnances de la cour peuvent être enfreintes sans conséquence grave.

[12] Certes, une peine de détention traduit un message clair, net et percutant, mais le Tribunal ne doit pas occulter les facteurs de détermination de la peine inscrits aux articles 718 et suivants du Code criminel. La Cour est tenue, avant de prononcer une peine privative de liberté, d'analyser toutes les autres sanctions possibles, en tenant compte de la gravité objective et subjective du délit.

[13] L'accusé n'a aucun antécédent judiciaire, sauf celui de conduite d'un véhicule, alors que la quantité d'alcool consommé dépassait la limite permise par la loi, lequel est la raison de l'ordonnance d'interdiction de conduire.

[14] La poursuite a intenté son recours par voie sommaire. Elle reconnaît donc que l'acte commis par l'accusé n'est pas d'une gravité objective élevée.

[15] Une peine d'incarcération ne doit pas être le point de départ pour une infraction de cette nature, tel que le rappelle la juge Charbonneau dans la décision précédemment mentionnée.

[16] L'idée d'une peine minimale communément appelée «peine plancher» a été rejetée par la Cour suprême dans R. c. McDonnell. Elle fut réitérée à trois occasions par la Cour d'appel du Québec dans les affaires R. c. Dupuis, R. c. Lafrance et Florestal c. R.

[17] Dans la présente affaire, si l'explication donnée par l'accusé ne peut servir d'excuse, elle peut être considérée comme un facteur atténuant. L'accusé n'était pas en état d'ébriété et rien dans la preuve ne permet de conclure qu'il conduisait imprudemment.

[18] Dans l'affaire Lambert, la juge Charbonneau a annulé la peine de trente jours d'incarcération et l'a substituée à une amende de $2,000.00 et une période de probation.

[19] Le 9 juin 2010, l'honorable Jean-François Buffoni, J.C.S., a modifié une peine d'incarcération de trente jours pour imposer une amende de $1,000.00 à un individu ayant commis le même type d'infraction que l'accusé dans le présent dossier.

lundi 28 mai 2012

Les différences entre la fraude et le faux semblant

Toronto-Dominion Bank v. Cushing, 2007 BCSC 1581 (CanLII)

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[41] As stated by M.B. Henderson in Commercial Crime in Canada (Toronto: Carswell, 1990) at 4-13, fraud is a broader concept than false pretences in two material aspects:

…In a false pretence, the false representation must relate to the past or present but not the future, whereas in fraud the dishonesty may relate to any point in time. In addition, the thing obtained by a false pretence must be capable of being stolen and the victim must part with it, but the victim of a fraud may be defrauded of any property, money, or valuable security merely by causing some deprivation of the victim. Fraud is a very broad offence that encompasses most other fraud-related offences, including false pretences. The phrase “whether or not it is a false pretence” in section 380 means simply that an accused who commits a false pretence in order to defraud the victim may be charged with either fraud or false pretences.

mercredi 23 mai 2012

La question de la juridiction VS la compétence concurrente

R. c. Edwards, 2008 NBCP 40 (CanLII)

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[12] Les tribunaux ont interprété cet article d’une façon telle que, indépendamment de la règle générale voulant qu’une infraction soit instruite dans la [TRADUCTION] « circonscription territoriale » où elle a été commise, lorsqu’une infraction est commencée dans une circonscription territoriale et consommée dans une autre, chacune de ces circonscriptions territoriales a [TRADUCTION] « compétence concurrente » pour instruire l’infraction étant donné que l’on peut dire que, dans certaines circonstances, des crimes ont été perpétrés dans plus d’un endroit ou dans plus d’une province. Voir Re Bigelow and the Queen reflex, (1982), 69 C.C.C. (2d) 204 (C.A. Ont.); R. c. Gelinas 1994 CanLII 5891 (QC CA), (1994), 94 C.C.C. (3d) 69 (C.A.Q.).

[13] Dans l’arrêt Libman c. La Reine, 1985 CanLII 51 (CSC), [1985] 2 R.C.S. 178, 21 C.C.C. (3d) 206, la Cour suprême du Canada a statué que la « circonscription territoriale » dans laquelle la « matière » ou l’« élément essentiel » de l’infraction s’est produit n’a pas compétence exclusive pour instruire l’infraction. Il peut y avoir plusieurs États ou circonscriptions territoriales dans l’État qui ont compétence pour instruire l’infraction pourvu qu’il existe « un lien réel et important » entre l’État et l’infraction.

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

Revue de l'infraction de devoir de fournir les choses nécessaires à l’existence

R. v. Peterson, 2005 CanLII 37972 (ON CA) Lien vers la décision [ 34 ]           Section 215(1)(c) differs from section s. 215(1)(a), which ...