Rechercher sur ce blogue

vendredi 12 octobre 2012

Le pouvoir de common law de la Cour de prononcer des ordonnances préventives en vertu de l'article 810 Ccr

Gouin c. R., 2012 QCCS 4457 (CanLII)

Lien vers la décision

[6] Les auteurs-juges Béliveau et Vauclair dans leur ouvrage Traité général de preuve et de Procédure pénales, 16e édition, nous enseigne que :

1464. Le Code criminel comporte des dispositions particulières qui autorisent l'intervention préventive du tribunal. En effet, les article 810 et suivants permettent, dans différents contextes, de rendre des ordonnances en vue de prévenir certaines infractions. Ces dispositions qui ne créent pas d'infraction sont néanmoins de nature pénale dans la mesure où elles visent la prévention du crime.

1465. L'article 810 du Code est la disposition générale qui permet à quiconque, ou à un tiers agissant en son nom, ayant des motifs raisonnables de craindre qu'une autre personne porte atteinte à sa sécurité, à celle de son conjoint, à celle de son enfant ou à ses biens, de déposer une dénonciation à cet effet devant un juge de paix en vue de forcer cette personne à signer un engagement de garder la paix et de se plier à certaines conditions…

1466. Pour trouver application, cette intervention de la cour doit être mise en œuvre par une dénonciation. Il ne s'agit donc pas d'une mesure de rechange offerte à un juge qui préside un procès ou d'une mesure que ce dernier peut invoquer proprio motu…

[…]

1474. Indépendamment des dispositions du Code, la common law semble reconnaître au juge le pouvoir de prononcer des ordonnances préventives. C'est ce qu'a évoqué le juge Lamer dans l'arrêt Parks…

1475. Toutefois, son opinion ne rallie pas la majorité de la Cour qui, néanmoins, nous indique que si ce pouvoir de common law n'a pas été codifié par l'article 810 du Code, il comporte plusieurs restrictions et, notamment, il devra respecter l'article 7 de la Charte. Entre autres, une telle ordonnance ne peut être prononcée sans une demande de la part de la poursuite et sans la tenue d'une audition. De même, elle doit être de durée déterminée et ne peut se fonder sur des spéculations. La preuve doit démontrer que les motifs de crainte sont raisonnables.

mardi 2 octobre 2012

L'État du droit concernant l'échantillon reçu directement & l'absence du mot directement

Lavoie c. R., 2012 QCCS 4456 (CanLII)

Lien vers la décision  

[9] L'honorable Richard Grenier dans R. c. Karl Tanguay, 2011 QCCS 4152 (CanLII), 2011 QCCS 4152 a écrit aux paragraphes 22 et 23 :

[22] Si la poursuite n'a pas produit un certificat du technicien qualifié indiquant que « chaque échantillon a été reçu directement de l'accusé dans un contenant approuvé ou dans un alcootest approuvé, manipulé par lui » cela ne met pas nécessairement fin au débat.

[23] Le témoignage du technicien qualifié, pourrait, par exemple, faire la preuve, hors de tout doute raisonnable, que des échantillons d'haleine ont été reçus directement de l'accusé, dans les circonstances prévues à l'article 258(1)(g)(iii) du Code criminel.

[10] L'honorable Martin Vauclair dans R. c. Durand, 2011 QCCS 2595 (CanLII), 2011 QCCS 2595 a écrit aux paragraphes 13 et 14 :

[13] Le premier grief attaque la décision du juge sur le non-lieu. Outre le certificat du technicien qualifié, le témoignage du policier Paterson pouvait supporter les inférences que les échantillons avaient été reçus directement de M. Durand…

[14] Dans les circonstances, il n'y avait pas absence de preuve et le juge devait rejeter la requête. Ce n'était pas un cas où le certificat est le seul élément de preuve administré par la poursuite. Le juge doit, à défaut d'un certificat clair, évaluer si l'ensemble de la preuve permet de conclure que les échantillons ont été reçus directement par l'accusé : …

mercredi 26 septembre 2012

Les principes qui régissent l'admissibilité d'une preuve recueillie par écoute électronique

Laflamme c. R., 2010 QCCS 5621 (CanLII)

Lien vers la décision

[20] L'interception d'une communication privée participative ou consensuelle est régie par les dispositions de l'article 184.2 du Code criminel. Un juge de la Cour du Québec ou un juge de la Cour supérieure peut l'autoriser, s'il est convaincu :

(3) a) qu’il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction à la présente loi ou à toute autre loi fédérale a été ou sera commise;

b) que l’auteur de la communication privée ou la personne à laquelle il la destine a consenti à l’interception;

c) qu’il existe des motifs raisonnables de croire que des renseignements relatifs à l’infraction seront obtenus grâce à l’interception.

[21] La Cour suprême du Canada, dans l'arrêt R. c. Pires; R. c. Lising enseigne les principes qui régissent l'admissibilité d'une preuve recueillie par écoute électronique :

« [8] L’admissibilité de la preuve recueillie par écoute électronique est donc régie par les principes suivants.

(1) L’écoute électronique constitue une perquisition ou une saisie au sens de l’art. 8 de la Charte (R. c. Duarte, 1990 CanLII 150 (CSC), [1990] 1 R.C.S. 30). En conséquence, les dispositions législatives en vertu desquelles elle est autorisée doivent respecter les exigences constitutionnelles minimales de l’art. 8.

(…)

(2) Si elle n’est pas conforme pour l’essentiel au régime établi par la loi, l’écoute électronique est illégale et, vu la correspondance entre les dispositions législatives et les exigences constitutionnelles, elle est également inconstitutionnelle.

Les conditions légales préalables à la délivrance d’une autorisation d’écoute électronique varient selon le libellé de la disposition pertinente. Les demandes d’autorisation sont présentées ex parte et par écrit à un juge, lequel doit être convaincu, sur la foi d’une preuve par affidavit, que les conditions prescrites par la loi sont remplies.

(3) Lorsque l’accusé soutient par la suite que l’écoute électronique a porté atteinte au droit que lui garantit l’art. 8 de la Charte, le juge siégeant en révision doit déterminer si l’interception constitue une perquisition ou une saisie abusive, ce qui implique de vérifier s’il y a eu respect des conditions légales préalables.

La révision porte sur les documents relatifs à l’autorisation (que la défense peut obtenir sur demande suivant le par. 187(1.4) du Code criminel) et les observations des avocats, ainsi que sur les éléments de preuve additionnels qui peuvent y être présentés. Si le juge qui préside l’audience estime que, vu les documents dont disposait le juge ayant accordé l’autorisation et le complément de preuve présenté, rien ne permettait d’établir la présence des conditions préalables à la délivrance de l’autorisation, il conclura que la fouille, perquisition ou saisie contrevenait à l’art. 8 de la Charte. La révision ne constitue pas une nouvelle audition de la demande. La norme de contrôle applicable a été expliquée comme suit dans l’arrêt Garofoli:

Le juge qui siège en révision ne substitue pas son opinion à celle du juge qui a accordé l’autorisation. Si, compte tenu du dossier dont disposait le juge qui a accordé l’autorisation et complété lors de la révision, le juge siégeant en révision, conclut que le juge qui a accordé l’autorisation pouvait le faire, il ne devrait pas intervenir. Dans ce processus, la fraude, la non-divulgation, la déclaration trompeuse et les nouveaux éléments de preuve sont tous des aspects pertinents, mais au lieu d’être nécessaires à la révision leur seul effet est d’aider à décider s’il existe encore un fondement quelconque à la décision du juge qui a accordé l’autorisation. [p. 1452]

(4) Dans les cas où il estime que l’écoute électronique contrevenait à l’art. 8 de la Charte, le juge siégeant en révision décide si la preuve doit être écartée en application du par. 24(2) de la Charte. »

[22] Notre Cour d'appel précise, dans l'arrêt Lepage :

« [33] D'autre part, l'autorisation en matière d'écoute électronique participative n'exige pas davantage que ce qui est énoncé à l'article 184.2 C.cr. Selon l'appelante, comme l'affidavit au soutien de la demande d'autorisation ne réfère qu'à l'espoir d'obtenir des aveux, sans plus, cela ne saurait constituer des motifs raisonnables de croire que des renseignements relatifs à l'infraction seront obtenus.

[34] En matière d'autorisation d'écoute consensuelle, l'agent de la paix doit énoncer qu'il existe des motifs raisonnables de croire qu'une infraction a été commise et le juge qui autorise l'écoute doit s'assurer qu'il existe des motifs raisonnables de croire que des renseignements relatifs à l'infraction visée seront obtenus. Le juge qui siège en révision de l'autorisation ne doit pas substituer son opinion à celle du juge qui l'a accordée, mais doit plutôt s'assurer qu'il existe des éléments de preuve auxquels le juge a ajouté foi pour faire droit à la demande. Le fait que l'affidavit réfère à l'opération d'infiltration, ayant pour but d'obtenir une admission de l'appelante de sa participation aux crimes commis en 1981, n'affecte en rien la conclusion de l'existence de motifs raisonnables de croire que des renseignements seront obtenus. Un aveu ou des informations relatives à la commission d'un crime constituent des renseignements à l'égard de ce crime. L'interception consensuelle avait donc pour objectif de recueillir des éléments de preuve. »

L'arrêt des procédures pour cause de délai préinculpatoire

Lepage c. R., 2008 QCCA 105 (CanLII)

Lien vers la décision

[21] Tout d'abord, le délai préinculpatoire, en lui-même, n'est pas suffisant pour justifier un arrêt des procédures, à moins que l'accusé n'établisse un préjudice réel dû à ce délai. Le seul écoulement du temps avant l'inculpation ne peut constituer une violation des droits d'un accusé puisque cela équivaudrait à imposer une prescription à l'égard des infractions criminelles. De plus, l'arrêt des procédures ne sera accordé que dans « les cas les plus manifestes » lorsqu'il serait impossible de remédier au préjudice causé au droit de l'accusé à une défense pleine et entière ou lorsque la continuation des procédures causerait un préjudice irréparable.

mardi 25 septembre 2012

Le fait que l'intimé n'a pas tenté de dissimuler ses activités n'est pas une défense recevable contre une accusation d'utilisation non autorisée d'ordinateur

R. c. Parent, 2012 QCCA 1653 (CanLII)

Lien vers la décision

[58] L'intimé soutient avoir agi en toute transparence, étant conscient que ses utilisations de l'ordinateur étaient facilement repérables. Il ajoute que, dans ces circonstances, il n'a pu avoir l'intention criminelle nécessaire à la commission des infractions reprochées ayant agi au vu et au su des autorités.

[59] Le fait que l'intimé n'a pas tenté de dissimuler ses activités ne tempère en rien le caractère malhonnête des actes qui lui sont reprochés. C'est ce qu'a décidé la Cour d'appel d'Alberta dans l'arrêt Neve avec lequel je suis d'accord :

29 We agree with this interpretation. The reality is that many thefts and robberies are committed openly, without deception or trickery. The fact that an offender openly and blatantly takes property from a victim makes little difference to the victim. Or to anyone else for that matter. The result is the same; the victim's property has been wrongly taken. And the person is a victim of theft whether that taking was accomplished through deceptive guile or physical force. Further s. 322(3) of the Code recognizes the common sense inherent in this approach, making it clear that the mere fact that something is done openly does not, by itself, make it any less fraudulent for purposes of proving theft:

A taking or conversion of anything may be fraudulent notwithstanding that it is effected without secrecy or attempt at concealment

L'actus reus & la mens rea de l'infraction d'utilisation non autorisée d'ordinateur

R. c. Parent, 2012 QCCA 1653 (CanLII)

Lien vers la décision

[28] Certaines des décisions auxquelles j'ai ci-dessus fait référence laissent entendre que l'intention malhonnête (moralement turpide) serait un élément essentiel de l'infraction contenue à l'article 342.1 (1) a) C.cr. C'est d'ailleurs l'idée à laquelle souscrit le juge de première instance. En matière de fraude, la jurisprudence a plutôt énoncé que le concept de la malhonnêteté se manifestait dans l'acte prohibé et non dans l'état d'esprit de son auteur.

[29] Je me permets ici de référer au crime de fraude (art. 380 C.cr.) puisque, à mon avis, il existe des ramifications suffisamment étroites entre cette infraction et celle de vol pour conclure qu'elles obéissent à des règles semblables ne serait-ce qu'en raison du fait que, dans les deux cas, l'acte reproché se distingue par son caractère malhonnête.

[30] C'est aussi l'avis des auteurs Manning, Mewett et Sankoff qui écrivent :

The decision [Théroux] approved of the obiter reasoning to the same effect in Lafrance, a theft case, and there is no logical reason to distinguish between instances of fraud and theft.

[31] En ce sens, les principes dégagés dans l'arrêt Théroux trouvent application en l'espèce.

[32] Or, la Cour suprême a décidé dans cet arrêt que l'actus reus du crime de fraude était établi par la preuve d'une supercherie, d'un mensonge ou d'un quelque autre acte frauduleux ayant entraîné une privation ou un risque de privation.

[33] Commentant les motifs de la juge McLachlin (qui n'était pas encore Juge en chef) dans Théroux, l'auteure Brenda L. Nightingale s'est dite d'avis que le caractère malhonnête inhérent au crime de fraude relevait au premier plan de l'actus reus de cette infraction et non de la mens rea :

In the review of the development of the law relating to the actus reus of the offence, McLachlin J. raised the problem which existed in Canadian cases with respect to whether the actus reus of the offence was to be determined by use of an objective test and, in particular, whether the issue of "dishonesty" was to be determined objectively as part of the actus reus of the offence. She held:

Olan marked a broadening of the law of fraud in two respects. First it overrules previous authority which suggest that deceit was an essential element of the offence. Instead, it posited the general concept of dishonesty, which might manifest itself in deceit, falsehood or some other form of dishonesty. Just as what constitutes a lie or a deceitful act for the purpose of the actus reus is judged on the objective facts, so the "other fraudulent means" in the third category is determined objectively, by reference to what a reasonable person would consider to be a dishonest act.

It therefore appears clear from this statement that "dishonesty", as an ingredient of the offence, is to be analysed as an element of the actus reus of fraud and not as an element relating to the mens rea of fraud. "Dishonesty" in Canadian law can be said to be characterized as an act rather than a state of mind.

[Référence omise. Je souligne.]

[34] Cela dit, l'acte reproché, pour être rangé parmi les actes dits malhonnêtes, n'a à satisfaire qu'au test de la personne raisonnable. La juge McLachlin, parlant de la troisième catégorie des conduites malhonnêtes mentionnées à l'article 380 C.cr. (les autres moyens dolosifs), écrit au nom de la majorité dans Théroux que :

Le caractère « malhonnête » du moyen est pertinent pour déterminer si la conduite est du genre de celle visée par l'infraction de fraude; ce qu'une personne raisonnable considère malhonnête aide à déterminer si l'actus reus de l'infraction peut être établi en fonction de certains faits.

[35] Rien en principe ne s'oppose à ce que ces enseignements se reflètent dans l'analyse des infractions à l'étude.

[36] Il ne fait aucun doute que l'utilisation non autorisée d'ordinateur s'apparente à un acte dolosif puisqu'un usage volontaire à des fins prohibées constitue à l'évidence un acte malhonnête.

[37] En l'espèce, aux fins de prouver l'actus reus de l'infraction mentionnée à l'article 342.1 (1) a) C.cr., l'appelante devait établir que l'intimé avait obtenu des services d'ordinateur, que cette utilisation était interdite et qu'une personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances aurait convenu qu'il s'agissait là d'une activité malhonnête. Elle devait aussi établir que ce détournement était fait « sans apparence de droit ». Ces éléments composent l'actus reus des infractions reprochées à l'intimé.

ii) La mens rea de l'infraction d'utilisation non autorisée d'ordinateur

[38] J'en viens maintenant à la mens rea de l'infraction d'utilisation illégale d'un ordinateur. Aux fins de déterminer qu'elle est l'intention coupable rattachée à cette infraction, il est inutile de considérer l'opinion que l'accusé entretient quant au caractère moral de son acte.

[39] S'engager dans cette voie serait une invitation à juger de la mens rea de l'accusé selon son propre schème de valeurs et le cas échéant de l'acquitter au motif qu'il estime n'avoir rien fait de mal.

[40] Certains ont vu dans le mot « frauduleusement » contenu à l'article 342.1 (1) C.cr. quelque chose de plus que la simple conscience subjective chez l'accusé d'avoir sciemment et volontairement posé un acte malhonnête. La jurisprudence en matière de vol et de fraude répond à cette prétention.

[41] Une première définition du terme « frauduleusement » nous vient de l'arrêt anglais R. v. Williams. Dans cette affaire, le mot « frauduleusement » avait été ainsi défini :

[…] We think that the word "fraudulently" in section 1 [of Larceny Act, 1916] must mean that the taking is done intentionally, under no mistake and with knowledge that the thing taken is property of another person

[42] La décision Williams a été reprise par la Cour suprême dans l'arrêt Lafrance. La Cour y énonce notamment les éléments constitutifs de l'infraction de vol en ces termes :

[…] tous les éléments du vol, définis à l’art. 269 [devenu 322], ont été établis en l’espèce. L’intention était présente, il n’y a pas eu de méprise et l’on savait que le véhicule à moteur appartenait à un tiers. À mon avis, en prenant la voiture dans ces circonstances, on a agi frauduleusement. (Voir R. v. Williams, [1953] 1 Q.B. 660 (C.A.) à la p. 666). L’appelant a pris le véhicule sans apparence de droit et en a temporairement privé son propriétaire.

[43] À la même époque, notre Cour, dans l'arrêt Boger, parvenait à une conclusion semblable :

Il semble donc que le terme frauduleusement se rattache à la prise délibérée de la chose par le prévenu, sachant qu'elle ne lui appartient pas, en toute connaissance d'un état de fait qui ne lui donne pas le droit de le prendre.

[44] En 1993, la Cour suprême confirmait dans l'arrêt Théroux l’autorité de l’arrêt Lafrance. Elle écrivait :

La perception de la mens rea proposée plus haut est conforme aux arrêts antérieurs de notre Cour où on a rejeté l'idée selon laquelle la conscience subjective de l'accusé de sa malhonnêteté est pertinente en ce qui concerne la mens rea de la fraude. Dans l'arrêt Lafrance c. La Reine, 1973 CanLII 35 (CSC), [1975] 2 R.C.S. 201, l'accusé s'était emparé d'une automobile dans l'intention de la ramener plus tard. Notre Cour devait décider si cela constituait un vol. À la page 214, le juge Martland (s'exprimant au nom de la majorité) a conclu que oui et qu'on avait agi frauduleusement en prenant la voiture : « L'intention était présente, il n'y a pas eu de méprise et l'on savait que le véhicule à moteur appartenait à un tiers. À mon avis, en prenant la voiture dans ces circonstances, on a agi frauduleusement. »

[45] Puis, dans l'arrêt Skalbania, la Cour suprême réaffirme son adhésion à la définition du mot « frauduleusement » telle qu'énoncée dans les arrêts Williams et Lafrance :

6 […] Nous sommes d’accord avec le juge Rowles de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique pour dire qu’un détournement intentionnel, et non par erreur, est suffisant pour établir la mens rea requise en vertu du par. 332(1) : voir Lafrance c. La Reine, 1973 CanLII 35 (CSC), [1975] 2 R.C.S. 201; R. c. Williams, [1953] 1 Q.B. 660 (C.A.). Le mot « frauduleusement » utilisé dans ce paragraphe ne connote rien de plus. La malhonnêteté inhérente à l’infraction réside dans l’affectation intentionnelle, et non par erreur, de fonds à une fin irrégulière.

[46] Notre Cour dans l'arrêt Investissements Contempra ltée a appliqué ces règles en affirmant que :

D'une part, l'actus reus du vol consiste dans la prise ou le détournement, acte qui doit être posé à la fois frauduleusement et sans apparence de droit. La mens rea du vol, d'autre part, se distingue par la volonté de poser l'acte constituant l'actus reus, mais en plus par l'intention spécifique ou additionnelle décrite à l'un des sous-paragraphes a), b), c) ou d) de cet article 322.

[Je souligne.]

[47] Il y a aussi la Cour d'appel de l'Alberta dans R. v. Neve qui a retenu la même interprétation de l'arrêt Skalbania :

30 […] we have concluded that for property to be taken "fraudulently", it is enough that the taking be done intentionally, under no mistake, and with knowledge that the thing taken is the property of another person. This will suffice to characterize the taking as fraudulent.

[48] Plusieurs auteurs se sont dits d'avis que l'arrêt Skalbania réglait définitivement la question de l’interprétation du mot « frauduleusement ». Par exemple, Annie-Claude Bergeron et Pierre Lapointe jugent que ce terme n’a pas pour effet de créer une intention supplémentaire. Ils indiquent que ce mot signifie seulement qu'il suffit pour le contrevenant de prendre quelque chose intentionnellement, sachant qu'il ne possède pas ce droit.

[49] Pour leur part, Manning, Mewett et Sankoff écrivent :

It follows that no special type of deceit or evil intent is required for a taking to be fraudulent; nor is secrecy or concealment necessary to prove the mens rea of this offence.

[Références omises.]

[50] La poursuite devait, aux fins de prouver l'infraction prévue à l'article 342.1 (1) a) C.cr., démontrer une obtention par l'intimé de manière consciente et volontaire des services d'ordinateur. Cela nécessitait la preuve de son intention de poser l'acte prohibé, sachant que son geste était interdit au regard des fins projetées par cet usage. Il s'agit à mon avis de la mens rea requise pour la commission des infractions visées par ce pourvoi.

vendredi 21 septembre 2012

Fourchette des peines établies par la Cour d'appel relativement aux fraudes importantes & au recyclage des produits de la criminalité

R. c. Chicoine, 2012 QCCA 1621 (CanLII)

Lien vers la décision

[75] Or, au moment de déterminer la peine à infliger, vu notamment les modifications législatives, une mise à jour des données disponibles s'imposait. Le principe codifié de l'harmonisation des peines requiert qu'un tel exercice soit fait de sorte que « les délits semblables commis dans des circonstances semblables entraînent des peines semblables ».

"Ranges" are not embedded in stone. Given their nature as guidelines only, I do not view them as being fixed in law, as is the case with binding legal principles. They may be altered deliberately, after careful consideration, by the courts. Or, they may be altered practically, as a consequence of a series of decisions made by the courts which have that effect. If a range moves by virtue of the application of individual cases over time, it is not necessary to overrule an earlier range that may once have been in vogue; it is only necessary to recognize that the courts have adapted and the guidelines have changed.

[76] En ce sens, l'examen de la jurisprudence canadienne récente révèle :

76.1. qu'en matière de fraudes importantes, les peines se situent souvent à l'intérieur d'une fourchette de 6 à 10 ans, et non de 3 à 5 ans, les cas les plus sérieux donnant même lieu à des peines supérieures;

76.2. que sur 54 cas de fraude recensés de plus d'un million de dollars entre 2004 et 2012, la peine est de 3 ans ou plus dans 44 cas, qu'elle est de 4 ans ou plus dans 31 cas, qu'elle est de 5 ans ou plus dans 25 cas et qu'elle est de 6 ans et plus dans 21 cas;

76.3. qu'en matière de recyclage des produits de la criminalité, lorsque le montant avoisine ou est supérieur à un million de dollars, une fourchette de 15 à 48 mois d'emprisonnement semble se dessiner

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

Les déclarations d'un accusé à son complice ne sont pas du ouï-dire

R v Ballantyne, 2015 SKCA 107 Lien vers la décision [ 58 ]             At trial, Crown counsel attempted to tender evidence of a statement m...