R. c. Briscoe, 2010 CSC 13 (CanLII)
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[13] Le droit criminel canadien ne fait pas de distinction entre l’auteur principal d’une infraction et les participants à l’infraction pour déterminer la responsabilité criminelle. Selon le par. 21(1) du Code criminel, les personnes qui commettent une infraction et celles qui les aident et les encouragent à la commettre sont également responsables :
(...)
La personne qui fournit l’arme peut donc être déclarée coupable de la même infraction que la personne qui a appuyé sur la gâchette. L’actus reus et la mens rea relatifs à l’aide ou à l’encouragement sont toutefois différents de ceux de l’infraction principale.
[14] L’actus reus de l’aide ou de l’encouragement consiste à accomplir (ou, dans certaines circonstances, à omettre d’accomplir) une chose qui aide ou encourage
l’auteur de l’infraction à commettre cette dernière. Bien qu’on ait l’habitude de considérer l’aide et l’encouragement ensemble, ce sont deux concepts distincts, et la responsabilité peut découler de l’un comme de l’autre. De façon générale, « [a]ider, au sens de l’al. 21(1)b), signifie assister la personne qui agit ou lui donner un coup de main. [. . .] Encourager, au sens de l’al. 21(1)c), signifie notamment inciter et instiguer à commettre un crime, ou en favoriser ou provoquer la perpétration » : R. c. Greyeyes, 1997 CanLII 313 (CSC), [1997] 2 R.C.S. 825, par. 26. L’actus reus n’est pas en cause dans le présent pourvoi. Comme je l’ai déjà souligné, le ministère public a fait valoir au procès que M. Briscoe avait aidé et encouragé à commettre les infractions. La conclusion du juge du procès selon laquelle M. Briscoe a posé les quatre actes d’assistance décrits précédemment n’est pas contestée.
[15] Évidemment, accomplir ou omettre d’accomplir une chose qui a pour effet d’aider une autre personne à commettre un crime ne suffit pas à engager la responsabilité criminelle. Comme l’a souligné la Cour d’appel de l’Ontario dans R. c. F. W. Woolworth Co. (1974), 3 O.R. (2d) 629, [traduction] « une personne ne se rend pas coupable en louant ou en prêtant une voiture pour des activités commerciales ou récréatives légitimes simplement parce que la personne à qui elle a prêté ou loué la voiture décide au cours de l’utilisation de transporter des articles volés, ou en louant une maison à des fins résidentielles à un locataire qui l’utilise à son insu pour entreposer des drogues » (p. 640). La personne qui aide ou qui encourage doit aussi avoir l’état d’esprit requis ou la mens rea requise. Plus précisément, aux termes de l’al. 21(1)b), la personne doit avoir prêté assistance en vue d’aider l’auteur principal à commettre le crime.
[16] L’exigence de la mens rea qui ressort de l’expression « en vue de » à l’al. 21(1)b) comporte deux éléments : l’intention et la connaissance. En ce qui concerne l’élément d’intention, il a été établi dans R. c. Hibbert, 1995 CanLII 110 (CSC), [1995] 2 R.C.S. 973, que l’expression « en vue de » de l’al. 21(1)b) devrait être considérée comme étant essentiellement synonyme d’« intention ». Le ministère public doit établir que l’accusé avait l’intention d’aider l’auteur principal à commettre l’infraction. La Cour a insisté sur le fait que les mots « en vue de » ne devraient pas être interprétés comme incorporant la notion de « désir » dans l’exigence de faute pour que la responsabilité du participant soit engagée. Il n’est donc pas nécessaire que l’accusé désire que l’infraction soit perpétrée avec succès (Hibbert, par. 35). La Cour a conclu, au par. 32, que les conséquences malencontreuses qui découleraient d’une interprétation de l’al. 21(1)b) voulant que l’expression « en vue de » s’entende d’un « désir » étaient clairement illustrées par la situation hypothétique suivante décrite par Mewett et Manning :
[traduction] Un homme se fait dire par un ami qu’il va dévaliser une banque, qu’il aimerait utiliser sa voiture pour s’enfuir et qu’il lui versera 100 $ en échange de ce service. Lorsqu’il est [. . .] accusé, en vertu de l’art. 21, d’avoir accompli quelque chose en vue d’aider son ami à commettre l’infraction, cet homme peut‑il dire « Mon but était non pas d’aider à commettre le vol, mais de gagner 100 $ »? Il soutiendrait que, même s’il savait qu’il aidait à commettre le vol, son désir était d’obtenir les 100 $ et il lui était parfaitement égal que le vol réussisse ou non.
(A. W. Mewett et M. Manning, Criminal Law (2e éd. 1985), p. 112)
Ce raisonnement s’applique sans égard à l’infraction principale en cause. Même à l’égard du meurtre, il n’y a aucune « [autre exigence voulant] que celui qui aide ou encourage à commettre une infraction approuve ou désire subjectivement la mort de la victime » (Hibbert, par. 37 (soulignement omis)).
[17] En ce qui concerne l’élément de connaissance, l’intention d’aider à commettre une infraction suppose que la personne doit savoir que l’auteur a l’intention de commettre le crime, bien qu’elle n’ait pas à savoir précisément la façon dont il sera commis. Il relève tout simplement du bon sens qu’il faut avoir une connaissance suffisante pour avoir l’intention requise. Dans R. c. Maciel, 2007 ONCA 196 (CanLII), 2007 ONCA 196, 219 C.C.C. (3d) 516, le juge Doherty donne cette explication fort utile de l’exigence de connaissance, laquelle est tout à fait pertinente en l’espèce (par. 88‑89) :
[traduction] . . . il faut établir que la personne accusée d’avoir aidé à commettre un meurtre savait que l’auteur du crime avait l’intention requise pour commettre un meurtre tel qu’il est décrit à l’al. 229a) : R. c. Kirkness 1990 CanLII 57 (SCC), (1990), 60 C.C.C. (3d) 97 (C.S.C.) p. 127.
Cette analyse s’applique lorsqu’il est allégué que l’accusé a aidé l’auteur dans la perpétration d’un meurtre au premier degré qui était prémédité et de propos délibéré. L’accusé n’est coupable d’avoir fourni une aide que s’il a fait quelque chose qui a pour effet d’aider l’auteur à commettre le meurtre prémédité et s’il l’a fait en vue d’aider l’auteur dans la perpétration d’un tel meurtre. Avant que l’on puisse conclure que le complice avait l’intention requise, le ministère public doit prouver qu’il savait que le meurtre était prémédité et de propos délibéré. La question de savoir si cette personne a acquis cette connaissance en participant à la préméditation, ou autrement, n’est pas pertinente pour juger de sa culpabilité en application du par. 21(1).
[18] Il est important de souligner que le juge Doherty, en faisant référence à l’arrêt R. c. Kirkness, 1990 CanLII 57 (CSC), [1990] 3 R.C.S. 74, de la Cour, a raison de dire que la personne qui a aidé à commettre le meurtre devait « sav[oir] que l’auteur du crime avait l’intention requise pour commettre un meurtre ». Bien que certains passages de l’arrêt Kirkness puissent être interprétés comme exigeant que le complice partage l’intention du meurtrier de tuer la victime, l’arrêt doit maintenant être interprété à la lumière de l’analyse susmentionnée tirée de l’arrêt Hibbert. La personne qui aide ou qui encourage doit connaître l’intention de l’auteur de tuer la victime, sans toutefois nécessairement la partager. Il ne faut pas interpréter de l’arrêt Kirkness qu’il existe une exigence que celui ou celle qui aide ou qui encourage l’auteur principal d’un meurtre ait la même mens rea que le véritable tueur. Il suffit que, connaissant l’intention de l’auteur de commettre le crime, cette personne agisse avec l’intention d’aider l’auteur à le commettre. Ce n’est qu’en ce sens qu’il est possible de dire que celui ou celle qui aide ou qui encourage doit avoir l’intention que l’infraction principale soit commis
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mercredi 29 mai 2013
Exposé de la Cour Suprême sur ce que constitue l’ignorance volontaire
R. c. Briscoe, 2010 CSC 13 (CanLII)
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[21] L’ignorance volontaire ne définit pas la mens rea requise d’infractions particulières. Au contraire, elle peut remplacer la connaissance réelle chaque fois que la connaissance est un élément de la mens rea. La doctrine de l’ignorance volontaire impute une connaissance à l’accusé qui a des doutes au point de vouloir se renseigner davantage, mais qui choisit délibérément de ne pas le faire. Voir Sansregret c. La Reine, 1985 CanLII 79 (CSC), [1985] 1 R.C.S. 570, et R. c. Jorgensen, 1995 CanLII 85 (CSC), [1995] 4 R.C.S. 55. Comme l’a dit succinctement le juge Sopinka dans Jorgensen (par. 103), « [p]our conclure à l’ignorance volontaire, il faut répondre par l’affirmative à la question suivante : L’accusé a‑t‑il fermé les yeux parce qu’il savait ou soupçonnait fortement que s’il regardait, il saurait? »
[22] Les tribunaux et les auteurs ont, je tiens à le rappeler, toujours insisté sur le fait que l’ignorance volontaire se distingue de l’insouciance. Comme l’a expliqué la Cour dans Sansregret (p. 584) :
. . . alors que l’insouciance comporte la connaissance d’un danger ou d’un risque et la persistance dans une conduite qui engendre le risque que le résultat prohibé se produise, l’ignorance volontaire se produit lorsqu’une personne qui a ressenti le besoin de se renseigner refuse de le faire parce qu’elle ne veut pas connaître la vérité. Elle préfère rester dans l’ignorance. La culpabilité dans le cas d’insouciance se justifie par la prise de conscience du risque et par le fait d’agir malgré celui‑ci, alors que dans le cas de l’ignorance volontaire elle se justifie par la faute que commet l’accusé en omettant délibérément de se renseigner lorsqu’il sait qu’il y a des motifs de le faire. [Je souligne.]
[23] Il est important de distinguer les concepts d’insouciance et d’ignorance volontaire. Glanville Williams explique comme suit la principale restriction à la doctrine :
[traduction] La règle selon laquelle l’ignorance volontaire équivaut à la connaissance est essentielle et se rencontre partout dans le droit criminel. En même temps, c’est une règle instable parce que les juges sont susceptibles d’en oublier la portée très limitée. Une cour peut valablement conclure à l’ignorance volontaire seulement lorsqu’on peut presque dire que le défendeur connaissait réellement le fait. Il le soupçonnait; il se rendait compte de sa probabilité; mais il s’est abstenu d’en obtenir confirmation définitive parce qu’il voulait, le cas échéant, être capable de nier qu’il savait. Cela, et cela seulement, constitue de l’ignorance volontaire. Il faut en effet qu’il y ait conclusion que le défendeur a voulu tromper l’administration de la justice. Toute définition plus générale aurait pour effet d’empêcher la distinction entre la doctrine de l’ignorance volontaire et la doctrine civile de la négligence de se renseigner. [Je souligne.]
(Criminal Law : The General Part (2e éd. 1961), p. 159 (cité dans Sansregret, p. 586).)
[24] Le professeur Don Stuart fait utilement remarquer que l’expression [traduction] « ignorance délibérée » semble plus descriptive que l’expression « aveuglement volontaire », étant donné qu’elle suggère l’idée d’[traduction] « un processus réel de suppression des soupçons ». Considéré, comme il se doit, dans cette optique, [traduction] « le concept d’ignorance volontaire a une portée restreinte et ne s’écarte pas de l’analyse subjective du fonctionnement de l’esprit de l’accusé » (Canadian Criminal Law : A Treatise (5e éd. 2007), p. 241). Si le défaut de se renseigner peut être une preuve d’insouciance ou de négligence criminelle, par exemple lorsque le défaut de se renseigner constitue un écart marqué par rapport à la conduite d’une personne raisonnable, l’ignorance volontaire n’est pas un simple défaut de se renseigner, mais, pour reprendre les termes du professeur Stuart, une « ignorance délibérée ».
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[21] L’ignorance volontaire ne définit pas la mens rea requise d’infractions particulières. Au contraire, elle peut remplacer la connaissance réelle chaque fois que la connaissance est un élément de la mens rea. La doctrine de l’ignorance volontaire impute une connaissance à l’accusé qui a des doutes au point de vouloir se renseigner davantage, mais qui choisit délibérément de ne pas le faire. Voir Sansregret c. La Reine, 1985 CanLII 79 (CSC), [1985] 1 R.C.S. 570, et R. c. Jorgensen, 1995 CanLII 85 (CSC), [1995] 4 R.C.S. 55. Comme l’a dit succinctement le juge Sopinka dans Jorgensen (par. 103), « [p]our conclure à l’ignorance volontaire, il faut répondre par l’affirmative à la question suivante : L’accusé a‑t‑il fermé les yeux parce qu’il savait ou soupçonnait fortement que s’il regardait, il saurait? »
[22] Les tribunaux et les auteurs ont, je tiens à le rappeler, toujours insisté sur le fait que l’ignorance volontaire se distingue de l’insouciance. Comme l’a expliqué la Cour dans Sansregret (p. 584) :
. . . alors que l’insouciance comporte la connaissance d’un danger ou d’un risque et la persistance dans une conduite qui engendre le risque que le résultat prohibé se produise, l’ignorance volontaire se produit lorsqu’une personne qui a ressenti le besoin de se renseigner refuse de le faire parce qu’elle ne veut pas connaître la vérité. Elle préfère rester dans l’ignorance. La culpabilité dans le cas d’insouciance se justifie par la prise de conscience du risque et par le fait d’agir malgré celui‑ci, alors que dans le cas de l’ignorance volontaire elle se justifie par la faute que commet l’accusé en omettant délibérément de se renseigner lorsqu’il sait qu’il y a des motifs de le faire. [Je souligne.]
[23] Il est important de distinguer les concepts d’insouciance et d’ignorance volontaire. Glanville Williams explique comme suit la principale restriction à la doctrine :
[traduction] La règle selon laquelle l’ignorance volontaire équivaut à la connaissance est essentielle et se rencontre partout dans le droit criminel. En même temps, c’est une règle instable parce que les juges sont susceptibles d’en oublier la portée très limitée. Une cour peut valablement conclure à l’ignorance volontaire seulement lorsqu’on peut presque dire que le défendeur connaissait réellement le fait. Il le soupçonnait; il se rendait compte de sa probabilité; mais il s’est abstenu d’en obtenir confirmation définitive parce qu’il voulait, le cas échéant, être capable de nier qu’il savait. Cela, et cela seulement, constitue de l’ignorance volontaire. Il faut en effet qu’il y ait conclusion que le défendeur a voulu tromper l’administration de la justice. Toute définition plus générale aurait pour effet d’empêcher la distinction entre la doctrine de l’ignorance volontaire et la doctrine civile de la négligence de se renseigner. [Je souligne.]
(Criminal Law : The General Part (2e éd. 1961), p. 159 (cité dans Sansregret, p. 586).)
[24] Le professeur Don Stuart fait utilement remarquer que l’expression [traduction] « ignorance délibérée » semble plus descriptive que l’expression « aveuglement volontaire », étant donné qu’elle suggère l’idée d’[traduction] « un processus réel de suppression des soupçons ». Considéré, comme il se doit, dans cette optique, [traduction] « le concept d’ignorance volontaire a une portée restreinte et ne s’écarte pas de l’analyse subjective du fonctionnement de l’esprit de l’accusé » (Canadian Criminal Law : A Treatise (5e éd. 2007), p. 241). Si le défaut de se renseigner peut être une preuve d’insouciance ou de négligence criminelle, par exemple lorsque le défaut de se renseigner constitue un écart marqué par rapport à la conduite d’une personne raisonnable, l’ignorance volontaire n’est pas un simple défaut de se renseigner, mais, pour reprendre les termes du professeur Stuart, une « ignorance délibérée ».
mardi 28 mai 2013
Les droits du tiers à la restitution de tout ou partie du bien en vertu de l'article 462.41 (3)
R. c. Kelly, 2013 QCCA 558 (CanLII)
[32] Pour avoir droit à la restitution de tout ou partie du bien en vertu de l'article 462.41 (3) C.cr., le tiers doit donc démontrer qu'il ne tient pas le droit dont il se réclame d'une personne qui a été déclarée coupable ou est accusée de l'infraction désignée et convaincre qu'il est innocent de toute collusion ou complicité à l'égard de l'infraction.
[33] En l'espèce, l'intimée, prête-nom, n'a pas de droit, mais un titre qui n'est qu'apparent en raison de sa collusion avec l'accusé. De plus, sa collusion est établie.
[34] En l'instance, l'intimée ne pouvait prétendre à une relation innocente avec l'accusé alors qu'il est reconnu qu'elle savait que l'argent ne pouvait provenir que des produits de la criminalité et qu'elle agissait à titre de prête-nom en toute connaissance de cause.
[35] Comme elle ne peut réclamer un titre de propriété ou droit réel dans la propriété, sa réclamation n'est qu'une créance personnelle contre son frère.
[36] Il est établi que l'intimée a, dès avril 2007 et jusqu'à la date du procès en décembre 2010, prétendu sous serment et continué à prétendre qu'elle était la véritable propriétaire de l'immeuble. Ce faisant, elle continuait la manœuvre frauduleuse qui avait pour but de soustraire un produit de la criminalité à la confiscation.
[37] L'intimée s'est opposée au blocage et à la confiscation pendant près de quatre ans. Voilà la cause véritable de son appauvrissement. Sans ses démarches frivoles, la confiscation et la prise en charge des dépenses par l'appelante auraient pu se faire bien avant.
[38] Je rappelle que le jugement reconnaît sa collusion avec l'accusé, les procédures qu'elle a entreprises ne sont que la conséquence logique et la continuation de cette manœuvre frauduleuse. Lorsque l'intimée s'acquitte de diverses dépenses rattachées à l'immeuble, elle ne fait que payer les dettes personnelles qu'elle a contractées vis-à-vis de tiers, c'est-à-dire le créancier hypothécaire, le syndicat des copropriétaires et les autorités municipales et scolaires.
[39] Mais il y a plus. Non seulement l'intimée ne se qualifie pas au sens de l'article 462.41 C.cr. en raison de sa participation à la manœuvre de son frère, mais le type de droit qu'elle réclame ne se qualifie pas non plus alors que l'article 462.41 C.cr. autorise le juge à ordonner la restitution totale ou partielle du bien qui serait autrement confisqué. La réclamation de l'intimée ne porte pas sur tout ou partie du bien, mais relève d'une créance accrue à l'égard de ce bien et qui ne confère aucun droit réel dans le bien.
[40] Cette différence permet de distinguer les faits de la présente affaire de ceux à l'origine du jugement de la Cour supérieure de l'Ontario dans 1431633 Ontario Inc. c. Her Majesty The Queen, où le juge Molloy, nonobstant le fait que certaines conditions essentielles à la constitution de l'équivalent en Ontario d'une hypothèque légale de la construction n'étaient pas remplies, avait conclu que l'incorporation de matériaux au bien confisqué avait accru la valeur de ce bien. Le juge de première instance s'appuie sur les paragraphes 48 et 49 de ce jugement pour faire un rapprochement entre les faits de la présente affaire et ceux auxquels la Cour supérieure de l'Ontario était confrontée. Voici donc le passage sur lequel s'appuie le juge de première instance :
[48] […] it seems clear that Rona has suffered a deprivation. It supplied goods for which it was entitled to receive payment, those goods were used in the construction to enhance the value of the property, and it has not been paid.
[49] There is also a clear corresponding enrichment. The value of the property has been directly enhanced as a result of the incorporation of the Rona products into the construction of the home. Thus, any recovery by the Crown pursuant to the Forfeiture Order has been increased as a result of the enhancement, for which Rona has not been paid.
[41] Avec respect, je considère que c'est à tort que le juge de première instance trouve appui dans ce jugement.
[42] Le droit réclamé dans l'affaire 1431633 Ontario inc. par un réclamant de bonne foi porte sur des biens incorporés à l'immeuble, il s'agit bien d'un droit réel, alors que dans la présente affaire, il ne s'agit que d'un droit personnel. Il est acquis que l'intimée ne détient aucun droit réel alors que le jugement rendu dans le dossier où l'intimée était partie à titre d'intervenante a établi que l'accusé était le véritable propriétaire du bien confisqué.
[43] Si l'intimée a un recours, c'est contre son frère pour lequel elle a accepté de servir de prête-nom. Les sommes qu'elle a payées servaient en définitive à rembourser ses dettes ou celles de son frère, l'accusé, dans l'accomplissement de la manœuvre destinée à éviter la confiscation du bien.
[44] En tout temps, qu'il ait servi ou non à l'intimée, l'immeuble est resté, sauf en apparence, dans le patrimoine de l'accusé qui, bien qu'il ait perdu le droit à l'abusus, a continué de jouir des autres attributs du droit de propriété pendant environ quatre ans, alors que les procédures de l'intimée, sa complice de l'infraction, continuait d'être en possession de produits de la criminalité au sens de l'article 462.41 C.cr.
[45] Je rappelle que la possession d'un bien, produit de la criminalité, est en soi une infraction dont Gilbert Kelly a été accusé le 8 mai 2008 en vertu des articles 354(1) a) et 355 a) C.cr. et pour que l'intimée ait un recours, il devait sembler au juge qu'elle était innocente de toute collusion ou complicité à l'égard de l'infraction. Or, le juge de première instance a reconnu la collusion et a ordonné la confiscation du bien par l'appelante.
[46] L'intimée s'est appauvrie en raison de sa collusion à une fraude à la loi. Elle n'a pas droit à la restitution des sommes qu'elle a dû débourser à cause de sa participation à une telle fraude, d'autant plus que le recours ne trouve aucune assise aux articles 462.41(1) et462.38(2) du Code criminel.
La confiscation peut se limiter à la partie du bien obtenu des fruits de la criminalité
R. c. Kelly, 2013 QCCA 558 (CanLII)
[25] Dans R. c. Marriott, la Cour d'appel de la Nouvelle-Écosse a considéré que l'objet de la confiscation pouvait se limiter à la partie du bien obtenu des fruits de la criminalité et qu'en conséquence, si une partie du bien avait été acquise à même des fonds légitimes, la Couronne n'avait pas droit à la confiscation de tout le bien.
[26] Dans cette affaire, les accusés, des conjoints de fait, avaient utilisé des sommes provenant d'une indemnité d'assurance et de régimes de retraite pour acheter une maison qui avait aussi été hypothéquée. Peu de temps après le dépôt des accusations et de la demande de confiscation, les accusés sont tués par balle et l'assurance paie le solde de l'hypothèque.
[27] Le juge de première instance a accueilli la demande de confiscation, mais en partie seulement, en distinguant l'intérêt acquis légitimement, soit la mise de fonds et l'indemnité d'assurance de la partie acquise à même des paiements faits avec les produits de la criminalité.
[28] Le juge de première instance s'inspire de ce jugement pour justifier la divisibilité du bien confisqué.
[29] Avec respect, je suis d'avis que la solution à laquelle la Cour en arrive dans Marriott n'est d'aucun secours pour la résolution de la présente affaire.
[30] Dans Marriott, la Cour d'appel de la Nouvelle-Écosse se prononçait sur la demande de confiscation de la Couronne et limitait l'ordonnance à la partie du bien obtenu des fruits de la criminalité.
La raison d'être d'une suggestion commune émanant des parties
R. v. DeSousa, 2012 ONCA 254 (CanLII)
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[15] Resolution discussions between informed and competent counsel and guilty pleas based on joint submissions as to the disposition are a “proper and necessary part of the administration of criminal justice in Ontario”: The Honourable G. Arthur Martin, O.C., O. Ont., Q.C., LL.D., Chair, Report of the Attorney General’s Advisory Committee on Charge Screening, Disclosure and Resolution Discussions (Martin Report) (Toronto: Ontario Ministry of the Attorney General, Queen’s Printer for Ontario, 1993), at p. 290; see further pp. 281-290. A joint submission should provide the trial judge not only with the proposed sentence, but with a full description of the facts relevant to the offender and the offence. Advanced in this way, the joint submission gives the trial judge a proper basis upon which to determine whether it should be accepted.
[16] A trial judge is not bound by a joint submission. The imposition of a fit sentence is ultimately the trial judge’s responsibility: see R. v. Cerasuolo 2001 CanLII 24172 (ON CA), (2001), 151 C.C.C. (3d) 445, at para. 7 (Ont. C.A.). Trial judges must, however, give considerable weight to joint submissions. A trial judge should depart from a sentence proposed in a joint submission only in limited circumstances. Finlayson J.A. put it this way in Cerasuolo, at para. 8:
This court has repeatedly held that trial judges should not reject joint submissions unless the joint submission is contrary to the public interest and the sentence would bring the administration of justice into disrepute... This is a high threshold and is intended to foster confidence in an accused, who has given up his right to a trial, that the joint submission he obtained in return for a plea of guilty will be respected by the sentencing judge.
[17] The trial judge referred to Cerasuolo. He viewed it as applicable only where a trial judge proposed to “jump” a joint submission.
[18] Cerasuolo was a case in which a trial judge imposed a three-year sentence in the face of a joint submission for one year. Unsurprisingly, Finlayson J.A. emphasized the negative impact on the accused’s legitimate interests flowing from the trial judge’s rejection of the joint submission. Cerasuolo did not, however, indicate that a trial judge should not be guided by the same principles before deciding to depart from a joint submission by imposing a more lenient sentence than that proposed. That question was not before the court in Cerasuolo.
[19] The Martin Report, the most important examination of the criminal process in Ontario in the last 40 years, made several recommendations relating to plea discussions and joint submissions. Following established authority and using language that would appear later in Cerasuolo, the Martin Report recommended that a sentencing judge should not depart from a joint submission unless the proposed sentence would bring the administration of justice into disrepute, or was otherwise not in the public interest: see p. 327, Recommendation 58. The Martin Report did not distinguish between “jumping” and “undercutting” a joint submission.
[20] It is helpful to quote at some length the explanation offered in the Martin Report, at pp. 328-30, for this particular recommendation:
The Committee recognizes that an important, sometimes the most important, factor in counsel’s ability to conclude a resolution agreement, thereby deriving the benefits that such agreements bring, is that of certainty. Accused persons are, in the Committee’s experience, prepared to waive their right to a trial far more readily if the outcome of such a waiver is certain, than they are for the purely speculative possibility that the outcome will bear some resemblance to what counsel has agreed to. And likewise, from the perspective of Crown counsel, agreed upon resolutions that have a stronger, rather than weaker sense of certainty to them, are more desirable because there is less risk that what Crown counsel concludes is an appropriate resolution of the case in the public interest will be undercut.
…
While the presiding judge cannot have his or her sentencing discretion removed by the fact of there being a joint submission, it is nonetheless appropriate, in the Committee’s view, for the sentencing judge to have regard to the interest of certainty in resolution discussions when faced with a joint submission. Accordingly, where there is no reason in the public interest or in the need to preserve the repute of the administration of justice to depart from a joint submission, a sentencing judge should, in the Committee’s opinion, give effect to the need for certainty in agreed upon resolutions by accepting the joint submission of counsel.
...
...proceeding in this manner also continues to ensure that the sentencing judge remains the ultimate arbiter of the propriety of the sentence, and that the sentence is demonstrated to be fit in the circumstances. The sentencing judge will not, in the Committee’s view, have committed any error in principle in accepting a joint submission, as recommended above, provided he or she arrives at the independent conclusion, based upon an adequate record, that the sentence proposed does not bring the administration of justice into disrepute and is otherwise not contrary to the public interest. [Emphasis added.]
[21] The Martin Report recognizes that certainty of result plays a valuable role in the criminal justice system. The report also recognizes that certainty serves not only the interests of the accused, but those of the Crown as representative of the public interest. To the extent that judges reject joint submissions, certainty suffers. This is true whether the judge “jumps” or “undercuts” the joint submission.
[22] Certainty of result is, of course, not the ultimate goal of the sentencing process. Certainty must yield where the harm caused by accepting the joint submission is beyond the value gained by promoting certainty of result. The standard described in both Cerasuolo and the Martin Report – that is, whether the proposed sentence would bring the administration of justice into disrepute or would otherwise not be in the public interest – draws the line where certainty of result must give way to other criminal justice interests. I think the standard is applicable regardless of whether a trial judge is inclined to go above or below the sentence proposed in the joint submission.
[23] In holding that a trial judge should apply the same test when deciding whether to depart from a joint submission, upward or downward, I do not suggest that the factors relevant to the application of that standard will be identical in both situations. If a trial judge is considering imposing a higher sentence than the sentence agreed upon, concerns about the fairness to an accused who has given up a right to a trial in anticipation of a certain sentence will figure largely in the trial judge’s determination of whether the agreed upon sentence in the joint submission is so low as to bring the administration of justice into disrepute or is otherwise not in the public interest. Obviously, concerns about the accused’s fair trial rights are not in play if the trial judge is considering imposing a sentence that is lower than the agreed upon sentence.
[24] As alluded to in the extract from the Martin Report set out above, where a judge is considering “undercutting” a joint submission, he or she must have regard to the community’s reasonable expectations that the court will impose a sentence in accordance with that agreed upon in the joint submission. Confidence in the operation of the justice system may suffer where an accused enjoys the benefits of a plea bargain, perhaps for example escaping prosecution on other more serious charges, but is not required to serve the sentence agreed upon as part of that bargain. In deciding whether to reject the joint submission, trial judges must be alive to that potential negative impact on the administration of justice. The consideration of that potential impact finds expression in the standard articulated in Cerasuolo and the Martin Report.
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[15] Resolution discussions between informed and competent counsel and guilty pleas based on joint submissions as to the disposition are a “proper and necessary part of the administration of criminal justice in Ontario”: The Honourable G. Arthur Martin, O.C., O. Ont., Q.C., LL.D., Chair, Report of the Attorney General’s Advisory Committee on Charge Screening, Disclosure and Resolution Discussions (Martin Report) (Toronto: Ontario Ministry of the Attorney General, Queen’s Printer for Ontario, 1993), at p. 290; see further pp. 281-290. A joint submission should provide the trial judge not only with the proposed sentence, but with a full description of the facts relevant to the offender and the offence. Advanced in this way, the joint submission gives the trial judge a proper basis upon which to determine whether it should be accepted.
[16] A trial judge is not bound by a joint submission. The imposition of a fit sentence is ultimately the trial judge’s responsibility: see R. v. Cerasuolo 2001 CanLII 24172 (ON CA), (2001), 151 C.C.C. (3d) 445, at para. 7 (Ont. C.A.). Trial judges must, however, give considerable weight to joint submissions. A trial judge should depart from a sentence proposed in a joint submission only in limited circumstances. Finlayson J.A. put it this way in Cerasuolo, at para. 8:
This court has repeatedly held that trial judges should not reject joint submissions unless the joint submission is contrary to the public interest and the sentence would bring the administration of justice into disrepute... This is a high threshold and is intended to foster confidence in an accused, who has given up his right to a trial, that the joint submission he obtained in return for a plea of guilty will be respected by the sentencing judge.
[17] The trial judge referred to Cerasuolo. He viewed it as applicable only where a trial judge proposed to “jump” a joint submission.
[18] Cerasuolo was a case in which a trial judge imposed a three-year sentence in the face of a joint submission for one year. Unsurprisingly, Finlayson J.A. emphasized the negative impact on the accused’s legitimate interests flowing from the trial judge’s rejection of the joint submission. Cerasuolo did not, however, indicate that a trial judge should not be guided by the same principles before deciding to depart from a joint submission by imposing a more lenient sentence than that proposed. That question was not before the court in Cerasuolo.
[19] The Martin Report, the most important examination of the criminal process in Ontario in the last 40 years, made several recommendations relating to plea discussions and joint submissions. Following established authority and using language that would appear later in Cerasuolo, the Martin Report recommended that a sentencing judge should not depart from a joint submission unless the proposed sentence would bring the administration of justice into disrepute, or was otherwise not in the public interest: see p. 327, Recommendation 58. The Martin Report did not distinguish between “jumping” and “undercutting” a joint submission.
[20] It is helpful to quote at some length the explanation offered in the Martin Report, at pp. 328-30, for this particular recommendation:
The Committee recognizes that an important, sometimes the most important, factor in counsel’s ability to conclude a resolution agreement, thereby deriving the benefits that such agreements bring, is that of certainty. Accused persons are, in the Committee’s experience, prepared to waive their right to a trial far more readily if the outcome of such a waiver is certain, than they are for the purely speculative possibility that the outcome will bear some resemblance to what counsel has agreed to. And likewise, from the perspective of Crown counsel, agreed upon resolutions that have a stronger, rather than weaker sense of certainty to them, are more desirable because there is less risk that what Crown counsel concludes is an appropriate resolution of the case in the public interest will be undercut.
…
While the presiding judge cannot have his or her sentencing discretion removed by the fact of there being a joint submission, it is nonetheless appropriate, in the Committee’s view, for the sentencing judge to have regard to the interest of certainty in resolution discussions when faced with a joint submission. Accordingly, where there is no reason in the public interest or in the need to preserve the repute of the administration of justice to depart from a joint submission, a sentencing judge should, in the Committee’s opinion, give effect to the need for certainty in agreed upon resolutions by accepting the joint submission of counsel.
...
...proceeding in this manner also continues to ensure that the sentencing judge remains the ultimate arbiter of the propriety of the sentence, and that the sentence is demonstrated to be fit in the circumstances. The sentencing judge will not, in the Committee’s view, have committed any error in principle in accepting a joint submission, as recommended above, provided he or she arrives at the independent conclusion, based upon an adequate record, that the sentence proposed does not bring the administration of justice into disrepute and is otherwise not contrary to the public interest. [Emphasis added.]
[21] The Martin Report recognizes that certainty of result plays a valuable role in the criminal justice system. The report also recognizes that certainty serves not only the interests of the accused, but those of the Crown as representative of the public interest. To the extent that judges reject joint submissions, certainty suffers. This is true whether the judge “jumps” or “undercuts” the joint submission.
[22] Certainty of result is, of course, not the ultimate goal of the sentencing process. Certainty must yield where the harm caused by accepting the joint submission is beyond the value gained by promoting certainty of result. The standard described in both Cerasuolo and the Martin Report – that is, whether the proposed sentence would bring the administration of justice into disrepute or would otherwise not be in the public interest – draws the line where certainty of result must give way to other criminal justice interests. I think the standard is applicable regardless of whether a trial judge is inclined to go above or below the sentence proposed in the joint submission.
[23] In holding that a trial judge should apply the same test when deciding whether to depart from a joint submission, upward or downward, I do not suggest that the factors relevant to the application of that standard will be identical in both situations. If a trial judge is considering imposing a higher sentence than the sentence agreed upon, concerns about the fairness to an accused who has given up a right to a trial in anticipation of a certain sentence will figure largely in the trial judge’s determination of whether the agreed upon sentence in the joint submission is so low as to bring the administration of justice into disrepute or is otherwise not in the public interest. Obviously, concerns about the accused’s fair trial rights are not in play if the trial judge is considering imposing a sentence that is lower than the agreed upon sentence.
[24] As alluded to in the extract from the Martin Report set out above, where a judge is considering “undercutting” a joint submission, he or she must have regard to the community’s reasonable expectations that the court will impose a sentence in accordance with that agreed upon in the joint submission. Confidence in the operation of the justice system may suffer where an accused enjoys the benefits of a plea bargain, perhaps for example escaping prosecution on other more serious charges, but is not required to serve the sentence agreed upon as part of that bargain. In deciding whether to reject the joint submission, trial judges must be alive to that potential negative impact on the administration of justice. The consideration of that potential impact finds expression in the standard articulated in Cerasuolo and the Martin Report.
Quand une demande de certiorari peut être accueillie
R. c. Fortin, 2013 QCCS 1934 (CanLII)
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[23] Il est bien établi qu’une demande de certiorari ne peut être accueillie que si le tribunal d’instance rend une décision erronée sur sa compétence ou commet une erreur de droit manifeste eu égard au dossier :
Une demande de certiorari ne peut être accueillie que lorsque la juridiction inférieure a rendu une décision erronée sur sa compétence ou commis une erreur de droit manifeste eu égard au dossier (G. Létourneau, The Prerogative Writs in Canadian Criminal Law and Procedure (1976), p. 143).
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[23] Il est bien établi qu’une demande de certiorari ne peut être accueillie que si le tribunal d’instance rend une décision erronée sur sa compétence ou commet une erreur de droit manifeste eu égard au dossier :
Une demande de certiorari ne peut être accueillie que lorsque la juridiction inférieure a rendu une décision erronée sur sa compétence ou commis une erreur de droit manifeste eu égard au dossier (G. Létourneau, The Prerogative Writs in Canadian Criminal Law and Procedure (1976), p. 143).
La destruction d'un élément de preuve et l'arrêt des procédures
Lecours c. R., 2013 QCCS 2012 (CanLII)
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[40] L’obligation imposée à la poursuite de divulguer des éléments de preuve pertinents origine de l’arrêt R. c. Stinchcombe et se définit en fonction des principes de justice fondamentale visés à l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés.
[41] Chaque individu a le droit de présenter une défense pleine et entière.
[42] Cette obligation incombe autant aux différents services de police qu’au Ministère public.
[43] Ils doivent donc divulguer tout renseignement qu’ils détiennent, qu’ils soient inculpatoires ou disculpatoires.
[44] Cette règle généralement connaît certaines exceptions énoncées dans R. c. Chaplin.
[45] L’obligation est levée dans les cas où il s’agit d’une preuve qui échappe au contrôle de la poursuite, qui est manifestement sans pertinence, qui fait l’objet d’un privilège et enfin qui est assujettie à un droit à la protection de la vie privée.
[46] Il existe une présomption de pertinence à l’égard des éléments de preuve perdus ou détruits.
[47] L’obligation de divulgation comporte l’obligation de conserver tout élément de preuve pertinent.
[48] L’intimée n’apporte aucune justification valable sur la destruction du véhicule lourd. Il y a eu négligence ou insouciance de la part de l’intimée à veiller à la conservation du véhicule lourd. D’ailleurs, ce que le tribunal retient c’est qu’il n’y a aucune explication sur la libération du véhicule lourd.
[49] La prise par l’État de mesures raisonnables dans les circonstances pour assurer la conservation de la preuve doit être la considération principale de l’analyse.
[50] Comme cet élément de preuve, le véhicule lourd, est la pièce maîtresse, le degré de diligence de l’État dans sa conservation devait être élevé, ce qui de toute évidence n’a pas été.
[51] La perte d’un élément de preuve peut, même si elle ne constitue pas un manquement à l’obligation de divulgation, constituer tout de même une atteinte à une défense pleine et entière et justifier l’octroi d’une réparation si cette perte porte atteinte au droit à un procès équitable.
[52] La nature des accusations implique que la dangerosité de la conduite du requérant est un élément essentiel. L’état mécanique du véhicule lourd au moment de l’accident s’avère donc être d’une très grande importance.
[53] Le véhicule lourd est un élément de preuve essentiel au présent dossier puisque plusieurs faits permettent de démontrer que les freins étaient défectueux et que cette défectuosité ne relevait pas de la connaissance ni des obligations du requérant.
[54] L’examen du véhicule lourd aurait certainement pu fournir des éléments de preuve importants et essentiels à la défense.
[55] La libération du véhicule lourd empêche le requérant d’avoir une défense pleine et entière.
[56] Le véhicule lourd a été détruit avant même que les accusations soient portées contre le requérant.
[57] Après mûre réflexion, le remède approprié est l’arrêt des procédures et non uniquement l’exclusion des expertises et de tous les documents à leur appui provenant de Pierre Fréchette et de Carl Garant.
[58] Pour obtenir réparation en vertu de l’article 24(1) de la Charte, le requérant doit démontrer que le manquement de l’intimée ou la violation de son droit à une défense pleine et entière a causé un préjudice :
1 - à sa capacité de produire une défense pleine et entière;
2 - à l’intégrité du système judiciaire.
[59] Pour justifier l’arrêt des procédures, la gravité de la violation des droits de l’accusé doit être hors de proportion avec " les intérêts communautaires et individuels à la détermination de la culpabilité ou de l’innocence ".
[60] Quant à la preuve d’une atteinte à sa capacité de produire une défense pleine et entière, l’accusé doit simplement prouver qu’il a perdu une possibilité réaliste de recueillir des éléments de preuve ou de prendre une décision relativement à sa défense.
[61] Dans R. c. Carosella, le juge Sopinka reprend avec approbation l’analyse d’un juge de la Cour d’appel d’Alberta quant au type de preuve qui doit être présentée pour établir le préjudice au droit à la défense pleine et entière :
« En toute déférence, un accusé n’a pas à s’acquitter de cet impossible fardeau de prouver l’existence d’un préjudice réel quant à la possibilité de présenter une défense pleine et entière. Ce qu’il doit prouver, selon la prépondérance des probabilités, c’est qu’il a perdu une possibilité réaliste de recueillir des éléments de preuve ou de prendre des décisions au sujet de sa défense. Notre tribunal a jugé, dans l’arrêt R. c. Chaplin, 1993 ABCA 323 (CanLII), (1993) 20 C.R.R. (2d) 152, 55 W.A.C. 153, 14 Alta L.R. (3d) 282, (confirmé par 96 C.C.C. (3d) 225, 27 Alta L.R. (3d) 1, [1994] A.C.S. no. 89), que l’accusé n’a seulement qu’à établir une " possibilité raisonnable d’atteinte à son droit de présenter une défense pleine et entière". Dans les motifs dans lesquels elle confirmait cette conclusion et qui ont été publiés après la présentation des plaidoiries en l’espèce, la Cour suprême a approuvé de nouveau ce critère..»
[62] L’arrêt des procédures est une réparation extrême réservée aux cas les plus manifestes.
[63] L’arrêt des procédures est ordonné si deux conditions sont remplies :
1 - Le préjudice causé par l’abus en question sera révélé, perpétré ou aggravé par le déroulement du procès ou par son issue;
2 - Aucune autre réparation ne peut raisonnablement faire disparaître ce préjudice.
[64] Dans R. c. O’Connor, la juge L’Heureux Dubé s’exprime ainsi :
« Lorsque, dans une procédure judiciaire, la vie, la liberté et la sécurité de la personne sont affectées et qu’il est prouvé, selon la balance des probabilités, que l’omission du ministère public de faire une divulgation suffisante à la défense a empêché l’accusé de présenter une défense pleine et entière, on aura établi une violation de l’article 7. Dans ces circonstances, la cour doit façonner une réparation convenable et juste, conformément au par. 24(1). Bien que, dans le cas d’une telle violation, la réparation soit typiquement une ordonnance de divulgation et un ajournement, il peut y avoir des cas extrêmes où le préjudice causé à la possibilité pour l’accusé de présenter une défense pleine et entière ou à l’intégrité du système judiciaire soit irréparable. Dans ces "cas le plus manifestes", l’arrêt des procédures sera approprié. »
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[40] L’obligation imposée à la poursuite de divulguer des éléments de preuve pertinents origine de l’arrêt R. c. Stinchcombe et se définit en fonction des principes de justice fondamentale visés à l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés.
[41] Chaque individu a le droit de présenter une défense pleine et entière.
[42] Cette obligation incombe autant aux différents services de police qu’au Ministère public.
[43] Ils doivent donc divulguer tout renseignement qu’ils détiennent, qu’ils soient inculpatoires ou disculpatoires.
[44] Cette règle généralement connaît certaines exceptions énoncées dans R. c. Chaplin.
[45] L’obligation est levée dans les cas où il s’agit d’une preuve qui échappe au contrôle de la poursuite, qui est manifestement sans pertinence, qui fait l’objet d’un privilège et enfin qui est assujettie à un droit à la protection de la vie privée.
[46] Il existe une présomption de pertinence à l’égard des éléments de preuve perdus ou détruits.
[47] L’obligation de divulgation comporte l’obligation de conserver tout élément de preuve pertinent.
[48] L’intimée n’apporte aucune justification valable sur la destruction du véhicule lourd. Il y a eu négligence ou insouciance de la part de l’intimée à veiller à la conservation du véhicule lourd. D’ailleurs, ce que le tribunal retient c’est qu’il n’y a aucune explication sur la libération du véhicule lourd.
[49] La prise par l’État de mesures raisonnables dans les circonstances pour assurer la conservation de la preuve doit être la considération principale de l’analyse.
[50] Comme cet élément de preuve, le véhicule lourd, est la pièce maîtresse, le degré de diligence de l’État dans sa conservation devait être élevé, ce qui de toute évidence n’a pas été.
[51] La perte d’un élément de preuve peut, même si elle ne constitue pas un manquement à l’obligation de divulgation, constituer tout de même une atteinte à une défense pleine et entière et justifier l’octroi d’une réparation si cette perte porte atteinte au droit à un procès équitable.
[52] La nature des accusations implique que la dangerosité de la conduite du requérant est un élément essentiel. L’état mécanique du véhicule lourd au moment de l’accident s’avère donc être d’une très grande importance.
[53] Le véhicule lourd est un élément de preuve essentiel au présent dossier puisque plusieurs faits permettent de démontrer que les freins étaient défectueux et que cette défectuosité ne relevait pas de la connaissance ni des obligations du requérant.
[54] L’examen du véhicule lourd aurait certainement pu fournir des éléments de preuve importants et essentiels à la défense.
[55] La libération du véhicule lourd empêche le requérant d’avoir une défense pleine et entière.
[56] Le véhicule lourd a été détruit avant même que les accusations soient portées contre le requérant.
[57] Après mûre réflexion, le remède approprié est l’arrêt des procédures et non uniquement l’exclusion des expertises et de tous les documents à leur appui provenant de Pierre Fréchette et de Carl Garant.
[58] Pour obtenir réparation en vertu de l’article 24(1) de la Charte, le requérant doit démontrer que le manquement de l’intimée ou la violation de son droit à une défense pleine et entière a causé un préjudice :
1 - à sa capacité de produire une défense pleine et entière;
2 - à l’intégrité du système judiciaire.
[59] Pour justifier l’arrêt des procédures, la gravité de la violation des droits de l’accusé doit être hors de proportion avec " les intérêts communautaires et individuels à la détermination de la culpabilité ou de l’innocence ".
[60] Quant à la preuve d’une atteinte à sa capacité de produire une défense pleine et entière, l’accusé doit simplement prouver qu’il a perdu une possibilité réaliste de recueillir des éléments de preuve ou de prendre une décision relativement à sa défense.
[61] Dans R. c. Carosella, le juge Sopinka reprend avec approbation l’analyse d’un juge de la Cour d’appel d’Alberta quant au type de preuve qui doit être présentée pour établir le préjudice au droit à la défense pleine et entière :
« En toute déférence, un accusé n’a pas à s’acquitter de cet impossible fardeau de prouver l’existence d’un préjudice réel quant à la possibilité de présenter une défense pleine et entière. Ce qu’il doit prouver, selon la prépondérance des probabilités, c’est qu’il a perdu une possibilité réaliste de recueillir des éléments de preuve ou de prendre des décisions au sujet de sa défense. Notre tribunal a jugé, dans l’arrêt R. c. Chaplin, 1993 ABCA 323 (CanLII), (1993) 20 C.R.R. (2d) 152, 55 W.A.C. 153, 14 Alta L.R. (3d) 282, (confirmé par 96 C.C.C. (3d) 225, 27 Alta L.R. (3d) 1, [1994] A.C.S. no. 89), que l’accusé n’a seulement qu’à établir une " possibilité raisonnable d’atteinte à son droit de présenter une défense pleine et entière". Dans les motifs dans lesquels elle confirmait cette conclusion et qui ont été publiés après la présentation des plaidoiries en l’espèce, la Cour suprême a approuvé de nouveau ce critère..»
[62] L’arrêt des procédures est une réparation extrême réservée aux cas les plus manifestes.
[63] L’arrêt des procédures est ordonné si deux conditions sont remplies :
1 - Le préjudice causé par l’abus en question sera révélé, perpétré ou aggravé par le déroulement du procès ou par son issue;
2 - Aucune autre réparation ne peut raisonnablement faire disparaître ce préjudice.
[64] Dans R. c. O’Connor, la juge L’Heureux Dubé s’exprime ainsi :
« Lorsque, dans une procédure judiciaire, la vie, la liberté et la sécurité de la personne sont affectées et qu’il est prouvé, selon la balance des probabilités, que l’omission du ministère public de faire une divulgation suffisante à la défense a empêché l’accusé de présenter une défense pleine et entière, on aura établi une violation de l’article 7. Dans ces circonstances, la cour doit façonner une réparation convenable et juste, conformément au par. 24(1). Bien que, dans le cas d’une telle violation, la réparation soit typiquement une ordonnance de divulgation et un ajournement, il peut y avoir des cas extrêmes où le préjudice causé à la possibilité pour l’accusé de présenter une défense pleine et entière ou à l’intégrité du système judiciaire soit irréparable. Dans ces "cas le plus manifestes", l’arrêt des procédures sera approprié. »
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